Les 120 journées de Sodome/11

Numérisation : Jean Franval (p. 108-113).

(XI)

Septième journée

Les amis ne se soucièrent plus d’aller se prêter chaque matin une heure aux leçons de la Duclos. Fatigués des plaisirs de la nuit, craignant d’ailleurs que cette opération ne leur fît perdre leur foutre de trop bon matin, et jugeant de plus que cette cérémonie les blasait trop tôt sur des voluptés et sur des objets qu’ils avaient intérêt de se ménager, ils convinrent qu’on substituerait chaque matin un des fouteurs alternativement au lieu d’eux. Les visites se firent. Il ne manquait plus qu’une des jeunes filles pour que toutes les huit dussent passer à la correction : c’était la belle et intéressante Sophie, accoutumée à respecter tous ses devoirs. Quelques ridicules que pussent lui paraître ceux-là elle les respectait néanmoins, mais Durcet qui avait prévenu Louison, sa gardienne, sut si bien la faire tomber dans le panneau qu’elle fut déclarée fautive et inscrite en conséquence sur le livre fatal. La douce Aline, également examinée de bien près, fut également jugée coupable, et la liste du soir, au moyen de cela, fut donc composée des huit jeunes filles, de deux épouses et de quatre jeunes garçons. Ces soins remplis, on ne songea plus qu’à s’occuper du mariage qui devait célébrer la fête projetée de la fin de la première semaine. On n’accorda aucune permission de besoins publics à la chapelle ce jour-là, monseigneur se revêtit pontificalement, et on se rendit à l’autel. Le duc, qui représentait le père de la fille, et Curval, qui représentait celui du jeune garçon, amenèrent l’un Michette et l’autre Giton. Tous deux étaient extraordinairement parés en habit de ville, mais en sens contraire, c’est-à-dire que le petit garçon était en fille et la fille en garçon. Nous sommes malheureusement obligés, par l’ordre que nous nous sommes prescrit pour les matières, de retarder encore quelque temps le plaisir qu’aurait sans doute le lecteur à apprendre les détails de cette cérémonie religieuse ; mais un moment viendra sans doute où nous pourrons les lui dévoiler. On passa au salon, et ce fut en attendant l’heure du dîner que nos quatre libertins, enfermés seuls avec ce charmant petit couple, les firent mettre nus et les obligèrent à commettre ensemble tout ce que leur âge leur permit des cérémonies matrimoniales, à l’exception cependant de l’introduction du membre viril dans le vagin de la petite fille, laquelle aurait pu se faire puisque le jeune garçon bandait fort bien, et qu’on ne permit pas, afin que rien n’entamât une fleur destinée à d’autres usages. Mais, du reste, on les laissa se toucher, se caresser : la jeune Michette pollua son petit mari, et Giton, à l’aide de ses maîtres, branla fort bien sa petite femme. Tous deux pourtant commençaient à sentir trop bien l’esclavage dans lequel ils étaient pour que la volupté, même celle que leur âge leur permettait de sentir, pût naître dans leur petit cœur. On dîna ; les deux époux furent du festin, mais, au café, les têtes s’étant échauffées sur eux, ils furent mis tout nus, comme étaient Zélamir, Cupidon, Rosette et Colombe qui servaient le café ce jour-là. Et la fouterie en cuisses étant devenue à la mode à cette époque de la journée, Curval s’empara du mari, le duc de la femme, et ils les encuissèrent tous deux. L’évêque qui, depuis que le café était pris, s’acharnait au cul charmant de Zélamir, qu’il suçait et faisait péter, l’enfila bientôt dans le même genre, pendant que Durcet faisait ses petites vilenies de choix au cul charmant de Cupidon. Nos deux principaux athlètes ne déchargèrent point et, s’emparant bientôt, l’un de Rosette et l’autre de Colombe, ils les enfilèrent en levrette et entre les cuisses de la même manière qu’ils venaient d’agir avec Michette et Giton, en ordonnant à ces charmants enfants de branler avec leurs jolies petites mains, et d’après les instructions reçues, ces monstrueux bouts de vits qui dépassaient au-delà de leur ventre ; et pendant ce temps-là, les libertins maniaient à l’aise les trous de culs frais et délicieux de leurs petites jouissances. On ne répandit cependant point de foutre ; on savait qu’il y avait de la besogne délicieuse pour le soir et on se ménagea. De ce moment, les droits des jeunes époux s’évanouirent, et leur mariage, quoique fait dans toutes les formes, ne devint plus qu’un jeu. Ils rentrèrent chacun dans les quadrilles qui leur étaient destinés, et l’on fut écouter la Duclos qui reprit ainsi son histoire :

« Un homme, à peu près des mêmes goûts que le financier qui termina mes récits d’hier soir, va, si vous le trouvez bon, messieurs, commencer ceux d’aujourd’hui. C’était un maître des requêtes d’environ soixante ans et qui joignait à la singularité de ses fantaisies celle de ne vouloir que des femmes plus vieilles que lui. La Guérin lui donna une vieille maquerelle de ses amies dont les fesses ridées n’offraient plus que l’image d’un vieux parchemin servant à humecter du tabac. Tel était pourtant l’objet qui devait servir aux hommages de notre libertin. Il s’agenouille devant ce cul décrépit, le baise amoureusement ; on lui pète au nez, il s’extasie, il ouvre la bouche, on en fait autant, sa langue va chercher avec enthousiasme le vent moelleux qu’on lui détache. Cependant il ne peut résister au délire où l’entraîne une telle opération. Il sort de sa culotte un petit membre vieux, pâle et ridé comme la divinité qu’il encense. “Ah ! pète donc, pète donc, ma mie ! s’écrie-t-il en se branlant de toutes ses forces, pète, mon cœur, ce n’est que de tes seuls pets que j’attends le désenchantement de cet outil rouillé”. La maquerelle redouble, et le libertin ivre de volupté perd entre les jambes de sa déesse deux ou trois malheureuses gouttes de sperme auxquelles il devait toute son extase. »

Ô terrible effet de l’exemple ! Qui l’eût dit ? Au même instant, et comme s’ils se fussent donné le mot, nos quatre libertins appellent à eux les duègnes de leurs quadrilles. Ils s’emparent de leurs vieux et vilains culs, sollicitent des pets, en obtiennent, et sont au moment d’être aussi heureux que le maître des requêtes, si le souvenir des plaisirs qui les attendent aux orgies ne les contient pas. Mais ils se les rappellent, s’en tiennent là, congédient leurs Vénus, et Duclos continue :

« J’appuierai peu sur la suivante, messieurs, dit cette aimable fille ; je sais qu’elle a parmi vous peu de sectateurs, mais vous m’avez ordonné de tout dire, j’obéis. Un homme fort jeune et d’une très jolie figure eut la fantaisie de me gamahucher le con avec mes règles. J’étais couchée sur le dos, les cuisses ouvertes ; il était à genoux devant moi et suçait en soulevant mes reins de ses deux mains pour mieux placer le con à sa portée. Il avala et le foutre et le sang, car il s’y prit si adroitement et il était si joli que je déchargeai. Il se branlait, il était au troisième ciel, il paraissait que rien au monde ne pouvait lui faire autant de plaisir et la décharge la plus chaude et la plus ardente, faite en opérant toujours, vint bientôt m’en convaincre. Le lendemain il vit Aurore, peu après ma sœur, et en un mois il nous passa toutes en revue, au bout duquel il en fut faire autant sans doute à tous les autres bordels de Paris. »

« Cette fantaisie-là, vous en conviendrez, messieurs, n’est pourtant pas plus singulière que celle d’un homme, autrefois ami de la Guérin et qu’elle avait fourni longtemps, dont elle nous assura que toute la volupté consistait à manger des faux germes ou des fausses couches. On l’avertissait chaque fois qu’une fille se trouvait dans ce cas-là ; il accourait et avalait l’embryon en se pâmant de volupté. »

« J’ai connu cet homme-là, dit Curval, son existence et ses goûts sont la chose du monde la plus sûre. — Soit, dit l’évêque, mais ce que je connais d’aussi certain que votre homme, c’est que je ne l’imiterai pas. — Et d’où vient ? dit Curval. Je suis persuadé que ça peut produire une décharge, et si Constance veut me laisser faire, puisqu’on dit que la voilà grosse, je lui promets de faire arriver monsieur son fils avant le terme et de le croquer comme une sardine. — Oh ! l’on connaît bien votre horreur pour les femmes grosses, répondit Constance, on sait bien que vous ne vous êtes défait de la mère d’Adélaïde que parce qu’elle devint grosse une seconde fois, et si Julie m’en croit, elle prendra garde à elle. — Il est bien certain, dit le président, que je n’aime pas la progéniture, et que quand la bête est pleine, elle m’inspire un furieux dégoût, mais d’imaginer que j’ai tué ma femme pour cela c’est ce qui pourrait vous tromper. Apprenez, garce que vous êtes, que je n’ai pas besoin de motif pour tuer une femme, et surtout une vache comme vous que j’empêcherais bien de faire son veau si elle m’appartenait. » Constance et Adélaïde se mirent à pleurer, et cette circonstance commença à dévoiler la haine secrète que le président portait à cette charmante épouse du duc, qui, bien loin de la soutenir dans cette discussion, répondit à Curval qu’il devait bien savoir qu’il n’aimait pas plus la progéniture que lui et que si Constance était grosse elle n’était pas encore accouchée. Ici les larmes de Constance redoublèrent ; elle était sur le canapé de Durcet, son père, qui, pour toute consolation, lui dit que si elle ne se taisait pas sur-le-champ, malgré son état il allait la mettre à la porte à coups de pied au cul. La pauvre infortunée fit retomber sur son cœur navré les larmes qu’on lui reprochait et se contenta de dire : « Hélas, grand Dieu ! je suis bien malheureuse, mais c’est mon sort, il faut le remplir. » Adélaïde, qui fondait en larmes et que le duc, sur le canapé duquel elle était, lutinait de toutes ses forces pour la faire encore mieux pleurer, parvint à sécher également ses pleurs, et cette scène un peu tragique, quoique très réjouissante pour l’âme scélérate de nos libertins étant terminée, Duclos reprit en ces termes :

« Il y avait chez la Guérin une chambre assez plaisamment construite et qui ne servait jamais qu’à un seul homme. Elle avait un plafond double, et cette espèce d’entresol fort bas et dans lequel on ne pouvait être que couché, servait à placer le libertin d’espèce singulière dont je servis la passion. Il s’enfermait avec une fille dans cette manière de trappe, et sa tête était postée de manière qu’elle répondait à un trou qu’on ouvrait dans la chambre supérieure. La fille, enfermée avec l’homme en question, n’avait d’autre emploi que de le branler, et moi, placée au-dessus, je devais en faire autant à un autre homme. Le trou, très obscurément placé, se trouvait ouvert comme par négligence, et moi, comme par propreté et pour ne point gâter le parquet, je devais, en manualisant mon homme, faire tomber le foutre dans le trou et, par conséquent, sur le visage de l’autre qui répondait exactement à cette ouverture. Tout était construit avec tant d’art que rien ne paraissait, et l’opération réussissait au mieux : au moment où le patient recevait sur son nez le foutre de celui qu’on branlait au-dessus, il y joignait le sien, et tout était dit.

« Cependant la vieille, dont je viens de vous parler tout à l’heure, reparut, mais elle devait avoir affaire à un autre champion. Celui-ci, homme d’environ quarante ans, la fit mettre nue et la lécha ensuite dans tous les orifices de son vieux cadavre ; cul, con, bouche, narine, aisselle, oreille, rien ne fut oublié, et le vilain à chaque sucée avalait tout ce qu’il recueillait. Il ne s’en tint pas là, il la fit mâcher des tranches de pâtisseries qu’il avala dans sa bouche même sitôt qu’elle les eut broyées ; il la fit garder dans sa bouche longtemps des gorgées de vin dont elle se lava, dont elle se gargarisa, et qu’il avala de même ; et son vit pendant tout ce temps-là était dans une si prodigieuse érection que le foutre paraissait prêt à s’échapper sans qu’il eût besoin de le provoquer. Il le sentit enfin prêt à partir, et se reprécipitant sur sa vieille, il lui enfonça la langue dans le trou du cul au moins d’un pied et déchargea comme un furieux. »

« Eh ! sacredieu, dit Curval, est-il donc besoin d’être jeune et jolie pour faire couler du foutre ? Encore un coup, c’est dans toutes les jouissances la chose sale qui attire le foutre : ainsi plus elle est sale et plus il doit voluptueusement se répandre. — Ce sont des sels, dit Durcet, qui s’exhalant de l’objet qui nous sert en volupté, viennent irriter nos esprits animaux et les mettre en mouvement ; or, qui doute que tout ce qui est vieux, sale ou puant n’ait une plus grande quantité de ces sels et, par conséquent, plus de moyen pour irriter et déterminer notre éjaculation ? » On discuta encore un moment cette thèse de part et d’autre, et comme il y avait beaucoup d’ouvrage à faire après souper, on fit servir d’un peu meilleure heure, et au dessert les jeunes filles, toutes condamnées à des pénitences, repassèrent dans le salon où elles devaient s’exécuter avec les quatre garçons et les deux épouses également condamnées, ce qui formait un total de quatorze victimes, savoir : les huit filles connues, Adélaïde et Aline, et les quatre garçons, Narcisse, Cupidon, Zélamir et Giton. Nos amis, déjà ivres de la volupté si fort de leurs goûts qui les attendait, achevèrent de s’irriter la tête par une prodigieuse quantité de vins et de liqueurs, et sortirent de table pour passer au salon, où les patients les attendaient, dans un tel état d’ivresse, de fureur et de lubricité qu’il n’est assurément personne qui eût voulu être à la place de ces malheureux délinquants. Il ne devait se trouver aux orgies, ce jour-là, que les coupables et les quatre vieilles pour le service. Tout était nu, tout frémissait, tout pleurait, tout attendait son sort, quand le président, s’asseyant sur un fauteuil, demanda à Durcet le nom et la faute de chaque sujet. Durcet, aussi gris que son confrère, prit le cahier et voulut lire, mais les objets lui paraissant troubles, et n’en pouvant venir à bout, l’évêque le remplaça, et quoique aussi ivre que son confrère, mais contenant mieux son vin, il lut à haute voix tour à tour le nom de chaque coupable et sa faute ; et aussitôt le président prononçait une pénitence analogue aux forces et à l’âge du délinquant, et néanmoins toujours fort dure. Cette cérémonie faite, on exécuta. Nous sommes désespéré de ce que l’ordre de notre plan nous empêche de peindre ici ces lubriques corrections, mais que nos lecteurs ne nous en veuillent pas. Ils sentent comme nous l’impossibilité où nous sommes de les satisfaire pour ce moment-ci ; ils peuvent être sûrs qu’ils n’y perdront rien. La cérémonie fut fort longue : il y avait quatorze sujets à punir, et on y mêlait de très plaisants épisodes. Tout fut délicieux sans doute, puisque nos quatre scélérats déchargèrent et qu’ils se retirèrent si fatigués eux-mêmes, si ivres et de vins et de plaisirs que, sans le secours des quatre fouteurs qui vinrent les prendre, ils n’eussent jamais pu gagner leurs appartements où, malgré tout ce qu’ils venaient de faire, de nouvelles lubricités les attendaient encore. Le duc, qui avait cette nuit-là Adélaïde à coucher, n’en voulut pas. Elle avait été du nombre des corrigées, et si bien corrigée par lui, qu’ayant complètement versé du foutre en son honneur, il ne voulut plus d’elle pour ce soir-là, et, la faisant coucher à terre sur un matelas, il donna sa place à Duclos, toujours mieux que jamais dans ses bonnes grâces.