Les 120 journées de Sodome/10

Numérisation : Jean Franval (p. 100-107).

(X)

Sixième journée

C’était le tour de monseigneur d’aller se présenter aux masturbations ; il y fut. Si les disciples de la Duclos eussent été des hommes, vraisemblablement monseigneur n’eût pas résisté. Mais une petite fente au bas du ventre était un furieux tort à ses yeux, et les Grâces mêmes l’eussent-elles entouré, dès que cette maudite fente s’offrait, c’en était assez pour le calmer. Il résista donc en héros ; je crois même qu’il ne banda point, et les opérations se continuèrent. Il était aisé de voir qu’on avait la plus grande envie de trouver les huit jeunes filles en faute, afin de se procurer, le lendemain, qui était le funeste samedi de correction, afin de se procurer, dis-je, à cette époque, le plaisir de les châtier toutes les nuits. Il y en avait déjà six ; la douce et belle Zelmire vint faire la septième, et, de bonne foi, l’avait-elle bien mérité ? ou le plaisir de la correction qu’on se proposait avec elle ne l’emportait-il pas sur la véritable équité ? Nous laissons le cas sur la conscience du sage Durcet et nous nous contentons de narrer. Une très belle dame vint aussi grossir la liste des délinquants : c’était la tendre Adélaïde. Durcet, son époux, voulait, disait-il, donner l’exemple en lui pardonnant moins qu’à une autre, et c’était à lui-même qu’elle venait de manquer. Il l’avait menée en un certain endroit, où les services qu’elle devait lui rendre après de certaines fonctions n’étaient pas absolument bien propres. Tout le monde n’est pas dépravé comme Curval, et, quoiqu’elle fût sa fille, elle n’en avait nullement les goûts. Ou elle résista, ou elle se conduisit mal, ou peut-être n’y eut-il que de la taquinerie de la part de Durcet : toujours est-il qu’elle fut inscrite sur le livre des pénitences, au grand contentement de l’assemblée. La visite faite chez les garçons n’ayant rien produit, on passa aux plaisirs secrets de la chapelle, plaisirs d’autant plus piquants et d’autant plus singuliers qu’on refusait même à ceux qui demandaient d’y être admis la permission de venir les procurer. On n’y vit ce matin-là que Constance, deux des fouteurs subalternes, et Michette. Au dîner, Zéphire, dont on devenait tous les jours plus contents et par les charmes qui semblaient l’embellir chaque jour davantage, et par le libertinage notoire dont il devenait, Zéphire, dis-je, insulta Constance qui, quoiqu’elle ne servît plus, paraissait néanmoins toujours au dîner. Il l’appela faiseuse d’enfants et lui donna quelques claques sur le ventre pour lui apprendre, disait-il, à pondre avec son amant, puis il baisa le duc, le caressa, lui branla un moment le vit, et sut si bien lui échauffer le crâne que Blangis jura que l’après-midi ne se passerait pas sans qu’il ne le mouillât de foutre. Et le petit bonhomme l’agaçait, lui dit qu’il l’en défiait. Comme il était de service au café, il sortit au dessert et parut nu, pour le servir, au duc. À l’instant où il quitta la table, celui-ci, très animé, débuta par quelques polissonneries ; il lui suça la bouche et le vit, le plaça sur une chaise devant lui, le derrière à la hauteur de sa bouche, et le gamahucha un quart d’heure de cette manière. À la fin son vit se mutina, il dressa sa tête altière, et le duc vit bien que l’hommage exigeait enfin de l’encens. Cependant tout était interdit, excepté ce qu’on avait fait la veille. Le duc se résolut donc d’imiter ses confrères. Il courbe Zéphire sur un canapé, lui braque son engin dans les cuisses, mais il arriva ce qui était arrivé à Curval : l’engin dépassa de six pouces. « Fais comme j’ai fait, lui disait Curval, branle l’enfant sur ton vit, arrose ton gland de son foutre. » Mais le duc trouva plus plaisant d’en enfiler deux à la fois. Il prie son frère de lui ajuster là Augustine ; on la colle, les fesses contre les cuisses de Zéphire, et le duc, foutant pour ainsi dire à la fois une fille et un garçon, pour y mettre encore plus de lubricité, branle le vit de Zéphire sur les jolies fesses rondes et blanches d’Augustine et les inonde de ce petit foutre enfantin qui, comme on l’imagine bien, excité pour une si jolie chose, ne tarde pas à couler abondamment. Curval, qui trouva le cas plaisant et qui voyait le cul du duc entrouvert et bâillant pour un vit comme sont tous les culs de bougres dans les instants où leur vit bande, vint lui rendre ce qu’il en avait reçu l’avant-veille, et le cher duc n’eut pas plutôt ressenti les voluptueuses secousses de cette intromission, que son foutre, partant presque en même temps que celui de Zéphire, fut inonder à revers les bords du temple dont Zéphire arrosait les colonnes.

Mais Curval ne déchargea point et, retirant du cul du duc son engin fier et nerveux, il menaça l’évêque, qui se branlait de même entre les cuisses de Giton, de lui faire éprouver le sort qu’il venait de faire subir au duc.

L’évêque le défie, le combat s’engage ; l’évêque est enculé et va délicieusement perdre entre les cuisses du joli enfant qu’il caresse un foutre libertin si voluptueusement provoqué. Cependant Durcet, spectateur bénévole, n’ayant pour lui qu’Hébé et la duègne, quoique presque ivre mort, ne perdait pas son temps et se livrait silencieusement à des infamies que nous sommes encore contraint à tenir sous le voile. Enfin le calme vint, on s’endormit, et six heures venant réveiller nos acteurs, ils se rendirent aux nouveaux plaisirs que leur préparait la Duclos. Ce soir-là, les quadrilles étaient changés d’un sexe à l’autre : toutes les petites filles en matelots et tous les petits garçons en grisettes. Le coup d’œil en fut ravissant ; rien n’échauffe la lubricité comme ce petit troc voluptueux : on aime à trouver dans un petit garçon ce qui le fait ressembler à une petite fille ; et la fille est bien plus intéressante quand elle emprunte, pour plaire, le sexe qu’on voudrait qu’elle eût. Ce jour-là, chacun avait sa femme sur le canapé ; on se loue réciproquement d’un ordre aussi religieux, et tout le monde étant prêt d’entendre, Duclos reprit, comme on va le voir, la suite de ses lubriques histoires.

« Il y avait chez Mme Guérin une fille d’environ trente ans, blonde, un peu replète, mais singulièrement blanche et fraîche. On la nommait Aurore ; elle avait la bouche charmante, les dents belles et la langue voluptueuse, mais qui le croirait, soit défaut d’éducation, soit faiblesse d’estomac, cette bouche adorable avait le défaut de laisser échapper à tout instant une quantité prodigieuse de vents ; et quand elle avait beaucoup mangé surtout, il y en avait quelquefois pour une heure à ne cesser de faire des rots qui eussent fait tourner un moulin. On a raison de le dire, il n’y a pas de défaut qui ne trouve un sectateur, et cette belle fille, en raison même de celui-ci, en avait un des plus ardents. C’était un sage et sérieux docteur de Sorbonne qui, las de prouver en pure perte l’existence de Dieu dans l’école, venait quelquefois se convaincre au bordel de celle de la créature. Il prévenait, et ce jour-là Aurore mangeait comme une crevée. Curieuse de ce dévot tête-à-tête, je vole au trou, et mes amants réunis, après quelques caresses préliminaires, toutes dirigées sur la bouche, je vois notre rhéteur poser délicatement sa chère compagne sur une chaise, s’asseoir vis-à-vis d’elle, et lui remettant ses reliques entre les mains, dans l’état le plus déplorable : “Agissez, lui dit-il, ma belle petite, agissez : vous connaissez les moyens de me sortir de cet état de langueur ; prenez-les vite, je vous conjure, car je me sens pressé de jouir”. Aurore, d’une main, reçoit l’outil mollasse du docteur, de l’autre elle lui saisit la tête, colle sa bouche sur la sienne, et la voilà à lui dégorger dans la mâchoire une soixantaine de rots l’un sur l’autre. Rien ne peut peindre l’extase du serviteur de Dieu. Il était aux nues, il respirait, il avalait tout ce qu’on lui lançait, on eût dit qu’il eût été désolé d’en perdre le plus léger souffle, et, pendant ce temps-là, ses mains s’égaraient sur le sein et sous les cotillons de ma compagne. Mais ces attouchements n’étaient qu’épisodiques ; l’objet unique et capital était cette bouche qui l’accablait de soupirs. Enfin son vit, gonflé par les chatouillements voluptueux que cette cérémonie lui fait éprouver, décharge enfin dans la main de ma compagne, et il se sauve en protestant qu’il n’a jamais eu tant de plaisir.

« Un homme plus extraordinaire exigea de moi, quelque temps après, une particularité qui ne mérite pas d’être passée sous silence. La Guérin m’avait fait, ce jour-là, manger presque par force, aussi copieusement que j’avais vu quelques jours auparavant dîner ma compagne. Elle avait eu soin de me faire servir tout ce qu’elle savait que j’aimais le mieux dans le monde, et m’ayant prévenue en sortant de table, de tout ce qu’il y avait à faire avec le vieux libertin avec lequel elle allait m’unir, elle me fit avaler sur-le-champ trois grains d’émétique dans un verre d’eau chaude. Le paillard arrive ; c’était un suppôt de bordel que j’avais déjà vu bien des fois chez nous, sans trop m’occuper de ce qu’il y venait faire. Il m’embrasse, enfonce une langue sale et dégoûtante dans ma bouche, qui achève de déterminer par sa puanteur l’effet du vomitif. Il voit que mon estomac se soulève, il est dans l’extase : “Courage, ma petite, s’écriait-il ; courage ! Je n’en perdrai pas une goutte.” Prévenue de tout ce qu’il y avait à faire, je l’assois sur un canapé, je penche sa tête sur un des bords. Ses cuisses étaient écartées ; je déboutonne sa culotte, j’en saisis un instrument court et mollasse qui ne m’annonce aucune érection, je secoue, il ouvre la bouche. Tout en branlant, tout en recevant les attouchements de ses mains impudiques qui se promènent sur mes fesses, je lui lance à brûle-pourpoint dans la bouche toute la digestion imparfaite d’un dîner que faisait dégorger l’émétique. Notre homme est aux nues, il s’extasie, il avale, il va chercher lui-même sur mes lèvres l’impure éjaculation qui l’enivre, il n’en perd pas une goutte, et lorsqu’il croit que l’opération va cesser, il en provoque le retour par des chatouillements de sa langue ; et son vit, ce vit qu’à peine je touche, tant je suis accablée de ma crise, ce vit qui ne s’échauffe sans doute qu’à de telles infamies, s’enfle, se dresse de lui-même et laisse en pleurant sous mes doigts la preuve non suspecte des impressions que cette saleté lui procure. »

« Ah ! sacredieu, dit Curval, voilà une délicieuse passion, mais on pourrait encore la raffiner. — Et comment ? dit Durcet d’une voix entrecoupée par les soupirs de la lubricité. — Comment, dit Curval, eh ! sacredieu, par le choix de la fille et des mets. — De la fille… Ah ! j’entends, tu voudrais là une Fanchon. — Eh ! sans doute. — Et les mets ? continua Durcet qu’Adélaïde branlait. — Les mets ? reprit le président, eh ! double dieu, en la forçant de me rendre ce que je viendrais de lui communiquer de la même manière. — C’est-à-dire, reprit le financier dont la tête commençait à s’égarer tout à fait, que tu lui dégueulerais dans la bouche, qu’il faudrait qu’elle avalât et qu’elle te le rendît ? — Précisément. » Et tous deux se jetant dans leur cabinet, le président avec Fanchon, Augustine et Zélamir, Durcet avec la Desgranges, Rosette et Bande-au-ciel, on fut obligé d’attendre près d’une demi-heure pour continuer les récits de Duclos. Ils reparurent enfin. « Tu viens de faire des saletés, dit le duc à Curval qui rentra le premier. — Quelques-unes, dit le président, c’est le bonheur de la vie, et, pour moi, je n’estime la volupté qu’en ce qu’elle a de plus sale et de plus dégoûtant. — Mais au moins, y a-t-il eu du foutre de répandu ? — Pas un mot, dit le président, crois-tu donc qu’on te ressemble et qu’on ait comme toi du foutre à perdre à toutes les minutes ? Je laisse ces efforts-là à toi et à des champions vigoureux comme Durcet, continua-t-il en le voyant rentrer, pouvant à peine se soutenir d’épuisement. — C’est vrai, dit le financier, je n’y ai pas tenu. Cette Desgranges est si sale et dans ses propos et dans sa tenue, elle a une facilité si grande à tout ce qu’on veut… — Allons, Duclos, dit le duc, reprenez, car si nous ne lui coupons point la parole, le petit indiscret va nous dire tout ce qu’il a fait, sans réfléchir combien il est affreux de se vanter ainsi des faveurs qu’on reçoit d’une jolie femme. » Et la Duclos, obéissant, reprit ainsi son histoire :

« Puisque ces messieurs aiment tant ces drôleries-là, dit notre historienne, je suis fâchée qu’ils n’aient pas encore un instant retenu leur enthousiasme, et l’effet en eût été mieux placé, ce me semble, après ce que j’ai encore à vous conter ce soir. Ce que M. le président a prétendu qu’il manquait pour perfectionner la passion que je viens de conter se retrouvait mot à mot dans celle qui suivait. Je suis fâchée qu’il ne m’ait pas donné le temps d’achever. Le vieux président de Saclanges offre mot à mot les singularités que M. de Curval paraissait désirer. On avait choisi, pour lui tenir tête, la doyenne de notre chapitre. C’était une grosse et grande fille d’environ trente-six ans, bourgeonnée, ivrognesse, jureuse et le ton poissard, et harengère, quoique d’ailleurs assez jolie. Le président arrive ; on leur sert à souper ; tous deux se saoulent, tous deux se mettent hors de raison, tous deux vomissent dans la bouche l’un de l’autre, tous deux avalent et se rendent mutuellement ce qu’ils se prêtent. Ils tombent enfin dans les débris du souper, dans les saletés dont ils viennent d’arroser le parquet. Alors on me détache, car ma camarade n’avait plus ni connaissance ni force. C’était pourtant le moment important du libertin. Je le trouve à terre, son vit droit et dur comme une barre de fer ; j’empoigne l’instrument, le président balbutie et jure, il m’attire à lui, il suce ma bouche et décharge comme un taureau en se tournant et se retournant et continuant de se vautrer dans ses ordures.

« Cette même fille nous donna peu après le spectacle d’une fantaisie pour le moins aussi sale. Un gros moine, qui la payait fort bien, vint se placer à cheval sur son ventre ; les cuisses de ma compagne étaient dans le plus grand écartement possible, et fixées à de gros meubles pour qu’elles ne pussent varier. Dans cette attitude, on servit plusieurs mets sur le bas-ventre de la fille, à cru et sans qu’ils fussent dans aucun plat. Le bonhomme saisit des morceaux avec sa main, les enfonce dans le con ouvert de sa dulcinée, les y tourne et retourne et ne les mange qu’après qu’il les a complètement imprégnés des sels que le vagin lui procure. »

« Voilà une manière de dîner tout à fait nouvelle, dit l’évêque. — Et qui ne vous plairait point, n’est-ce pas, monseigneur ? dit Duclos. — Non ! ventredieu, répondit le serviteur de l’église ; je n’aime pas assez le con pour cela. — Eh bien ! reprit notre historienne, écoutez donc celle par où je vais clore mes narrations de cette soirée. Je suis persuadée qu’elle vous amusera davantage.

« Il y avait huit ans que j’étais chez Mme Guérin. Je venais d’y prendre ma dix-septième année, et depuis cet intervalle je n’avais pas été un seul jour sans y voir régulièrement venir tous les matins un certain fermier général pour lequel on avait de grands égards. C’était un homme pour lors d’environ soixante ans, gros, court et ressemblant assez dans tous les points à M. Durcet. Il avait, comme lui, de la fraîcheur et de l’embonpoint. Chaque jour il lui fallait une fille nouvelle, et celles de la maison ne lui servaient jamais qu’en pis-aller ou quand l’étrangère manquait au rendez-vous. M. Dupont, c’était le nom de notre financier, était aussi difficile dans le choix des filles que dans ses goûts. Il ne voulait point absolument que la fille fût une putain, à moins que dans les cas forcés, ainsi que je viens de le dire : il fallait que ce fussent des ouvrières, des filles en boutique, surtout des marchandes de modes. L’âge et la couleur étaient également réglés : il les fallait blondes, depuis quinze ans jusqu’à dix-huit, ni au-dessus ni au-dessous, et par-dessus toutes qualités, il fallait qu’elles eussent le cul moulé et d’une netteté si singulière que le plus léger bouton au trou devenait un motif d’exclusion. Quand elles étaient pucelles, il les payait double. On attendait pour lui, ce jour-là, une jeune ouvrière en dentelle de seize ans, dont le cul passait pour un véritable modèle ; mais il ne savait pas que c’était là le présent que l’on voulait lui faire, et comme la jeune fille fit dire qu’elle ne pouvait se débarrasser ce matin-là de ses parents et qu’on ne l’attendît pas, la Guérin, qui savait que Dupont ne m’avait jamais vue, m’ordonna tout de suite de m’habiller en bourgeoise, d’aller prendre un fiacre au bout de la rue et de débarquer chez elle un quart d’heure après que Dupont serait entré, en jouant bien mon rôle et me faisant passer pour une apprentie en modes. Mais par-dessus tout soin, le plus important à remplir fut de me remplir sur-le-champ l’estomac d’une demi-livre d’anis, par-dessus lesquels j’avalai un grand verre d’une liqueur balsamique qu’elle me donna et dont l’effet devait être celui que vous allez entendre tout à l’heure. Tout s’exécute au mieux ; on avait eu heureusement quelques heures à soi, moyen en quoi rien ne manqua. J’arrive d’un air bien niais. On me présente au financier qui d’abord me lorgne attentivement, mais, comme je m’observais avec la plus scrupuleuse attention, il ne put rien découvrir en moi qui démentît l’histoire qu’on lui fabriquait. “Est-elle pucelle ? dit Dupont. — Non par là, dit Guérin en mettant la main sur mon ventre, mais pour l’autre côté, j’en réponds.” Et elle mentait bien impudemment. N’importe, notre homme s’y trompa, et c’est tout ce qu’il fallait. “Troussez, troussez”, dit Dupont. Et la Guérin leva mes jupes par-derrière, me penchant un peu sur elle, et découvrit par ce moyen au libertin le temple entier de son hommage. Il lorgne, il touche un moment mes fesses, ses deux mains les écartent, et content sans doute de son examen, il dit que le cul est bien et qu’il s’en contentera. Ensuite il me fait quelques questions sur mon âge, sur le métier que je fais, et content de ma prétendue innocence et de l’air d’ingénuité que j’affecte, il me fait monter dans son appartement, car il en avait un à lui chez la Guérin, un où personne n’entrait que lui et qui n’était point sujet à être observé de nulle part. Dès que nous sommes entrés, il ferme avec soin la porte et m’ayant encore considérée un instant, il me demande d’un ton et d’un air assez brutal, caractère qu’il conserva toute la scène, il me demande, dis-je, s’il est bien vrai qu’on ne m’ait jamais foutue en cul. Comme il était de mon rôle d’ignorer une pareille expression, je me la fis répéter, lui protestant que je ne l’entendais pas, et quand, par ses gestes, il m’eut fait comprendre ce qu’il voulait dire d’une manière où il n’y avait plus moyen de ne le pas entendre, je lui répondis avec un air d’effroi et de pudeur que je serais bien fâchée de m’être jamais prêtée à de pareilles infamies. Alors il me dit de quitter seulement mes jupes, et sitôt que j’eus obéi, en laissant ma chemise continuer de cacher le devant, il la releva sur le derrière le plus qu’il put sous mon corset, et comme, en me déshabillant, mon mouchoir de col était tombé et que ma gorge paraissait en entier, il se fâcha. “Que le diable emporte les tétons ! s’écria-t-il. Eh ! qui vous demande des tétons ? Voilà ce qui m’impatiente avec toutes ces créatures-là : c’est toujours cette impudente manie de montrer des tétasses.” Et m’empressant de les couvrir je m’approchai de lui comme pour lui demander excuse, mais voyant que je lui montrais le devant par l’attitude que j’allais prendre, il s’emporta encore une fois : “Eh ! restez donc comme on vous met, sacredieu, dit-il, en saisissant mes hanches et me replaçant de manière à ne lui présenter que le cul, restez comme cela, morbleu ! On ne veut pas plus de votre con que de votre gorge : on n’a besoin ici que de votre cul.” En même temps, il se leva et me conduisit au bord du lit, sur lequel il m’installa à demi couchée sur le ventre, puis s’asseyant sur un siège très bas entre mes jambes, il se trouva par cet arrangement que sa tête était à la juste hauteur de mon cul : il me lorgne encore un instant, puis ne me trouvant pas encore bien comme cela, il se relève pour me placer un carreau sous le ventre, qui faisait porter mon cul encore plus en arrière ; il se rassoit, examine, et tout cela avec le sens froid, avec le flegme du libertinage réfléchi. Au bout d’un moment, il s’empare de mes deux fesses, les écarte, pose sa bouche ouverte au trou, sur lequel il la colle hermétiquement, et tout de suite, suivant l’ordre que j’en ai reçu et l’extrême besoin que j’en avais, je lui lâche au fond du gosier le pet le plus ronflant qu’il eût peut-être reçu de sa vie. Il se retire furieux : “Comment donc, petite insolente, me dit-il, vous avez la hardiesse de me péter dans la bouche ?” Et la reposant aussitôt.

“Oui, monsieur, lui dis-je en relâchant un second camouflet, c’est comme cela que je traite ceux qui me baisent le cul. — Eh bien ! pète, pète donc, petite coquine ! puisque tu ne peux te retenir, pète tant que tu voudras et tant que tu pourras.” De ce moment je ne me contiens plus, rien ne peut exprimer le besoin que me donna de lâcher ces vents la drogue que j’avais avalée ; et notre homme en extase, tantôt les reçoit dans sa bouche et tantôt dans ses narines. Au bout d’un quart d’heure de pareil exercice, il se couche enfin sur un canapé, m’attire à lui, toujours mes fesses sur son nez, m’ordonne de le branler dans cette posture en continuant un exercice dont il éprouve de si divins plaisirs. Je pète, je branle, je secoue un vit mollet guère plus long ni plus gros que le doigt ; à force de secousses et de pets, l’instrument roidit à la fin. L’augmentation du plaisir de notre homme, l’instant de sa crise, m’est annoncé par un redoublement d’iniquité de sa part. C’est sa langue même qui maintenant provoque mes pets ; c’est elle qu’il darde au fond de mon anus, comme pour en provoquer les vents, c’est sur elle qu’il veut que je les pousse, il déraisonne, la tête n’y est plus, je m’en aperçois, et le petit vilain engin vient arroser tristement mes doigts de sept ou huit gouttes d’un sperme clair et brunâtre qui le mettent enfin à la raison. Mais comme la brutalité chez lui, et fomentait l’égarement, et le remplaçait bien vite, à peine me donna-t-il le temps de me rajuster. Il grondait, il grumelait, il m’offrait en un mot l’image odieuse du vice quand il a satisfait sa passion et cette inconséquente impolitesse qui, dès que le prestige est tombé, cherche à se venger par des mépris du culte usurpé par les sens. »

« Voilà un homme que j’aime mieux que tous ceux qui précèdent, dit l’évêque… Et savez-vous si le lendemain il eut sa petite novice de seize ans ? — Oui, monseigneur, il l’eut, et le surlendemain une pucelle de quinze ans, encore bien autrement jolie. Comme peu d’hommes payaient autant, peu étaient aussi bien servis. » Cette passion ayant échauffé des têtes si accoutumées aux désordres de cette espèce et leur rappelant un goût qu’ils encensaient si universellement, on ne voulut pas attendre plus longtemps pour la mettre en usage. Chacun recueillit ce qu’il put et prit un peu partout. Le souper vint ; on l’entremêla de presque toutes les infamies qu’on venait d’entendre ; le duc fit griser Thérèse et la fit vomir dans sa bouche ; Durcet fit péter tout le sérail et en reçut plus de soixante dans sa soirée. Pour Curval, à qui toute sorte d’extravagances passait par la tête, il dit qu’il voulait faire ses orgies seul et fut s’enfermer dans le boudoir du fond avec Fanchon, Marie, la Desgranges et trente bouteilles de vin de Champagne. On fut obligé de les emporter tous quatre : on les trouva nageant dans les flots de leurs ordures et le président endormi, la bouche collée sur celle de la Desgranges qui y vomissait encore. Les trois autres, dans des genres ou semblables ou différents, en avaient fait pour le moins autant ; ils avaient également passé leurs orgies à boire, ils avaient fait saouler leurs bardaches, ils les avaient fait vomir, ils avaient fait péter les petites filles, ils avaient fait je ne sais quoi, et sans la Duclos qui avait conservé sa raison, qui mit ordre à tout et qui les fit coucher, il est plus que vraisemblable que l’aurore aux doigts de rose, en entrouvrant les portes du palais d’Apollon, les eût trouvés plongés dans leur ordure, bien plutôt comme des pourceaux que comme des hommes. N’ayant besoin que de repos, chacun coucha seul et fut reprendre dans le sein de Morphée un peu de force pour le lendemain.