Les 120 journées de Sodome/09

Numérisation : Jean Franval (p. 93-99).

(IX)

Cinquième journée

Ce fut Curval qui, ce matin-là, fut se prêter aux masturbations de l’école, et comme les jeunes filles commençaient à faire des progrès, il eut beaucoup de peine à résister aux secousses multipliées, aux postures lubriques et variées de ces huit charmantes petites filles. Mais comme il voulait se réserver, il quitta le poste, on déjeuna, et l’on statua ce matin-là que les quatre jeunes amants de messieurs, savoir : Zéphire, favori du duc, Adonis, aimé de Curval, Hyacinthe, ami de Durcet, et Céladon, de l’évêque, seraient dorénavant admis à tous les repas à côté de leurs amants, dans la chambre desquels ils coucheraient régulièrement toutes les nuits, faveur qu’ils partageraient avec les épouses et les fouteurs ; ce qui dispensa d’une cérémonie qu’on avait coutume de faire, comme on sait, le matin, qui consistait en ce que les quatre fouteurs qui n’avaient point couché amenassent quatre garçons. Ils vinrent seuls, et quand messieurs passaient dans l’appartement des jeunes garçons, ils n’y étaient reçus avec les cérémonies prescrites que par les quatre qui restaient. Le duc qui, depuis deux ou trois jours, s’amourachait de la Duclos, dont il trouvait le cul superbe et le propos plaisant, exigea qu’elle couchât aussi dans sa chambre, et, cet exemple ayant réussi, Curval admit de même dans la sienne la vieille Fanchon dont il raffolait. Les deux autres attendirent encore quelque temps pour remplir cette quatrième place de faveur dans leurs appartements, la nuit. On régla dans la même matinée que les quatre jeunes amants que l’on venait de choisir auraient pour vêtements ordinaires, toutes les fois qu’ils ne seraient pas obligés à leur costume de caractère comme dans les quadrilles, auraient, dis-je, l’habit et l’ajustement que je vais décrire. C’était une espèce de petit surtout étroit, leste, dégagé comme un uniforme prussien, mais infiniment plus court et n’allant guère qu’au milieu des cuisses ; ce petit surtout, agrafé à la poitrine et aux basques comme tous les uniformes, devait être de satin rose doublé de taffetas blanc, les revers et les parements étaient de satin blanc et, dessous, était une espèce de veste courte ou gilet, également de satin blanc et la culotte de même ; mais cette culotte était ouverte en cœur par-derrière, depuis la ceinture, de façon qu’en passant la main par cette fente on prenait le cul sans la moindre difficulté ; un gros nœud de ruban la refermait seul, et lorsqu’on voulait avoir l’enfant tout à fait nu en cette partie, on ne faisait que lâcher le nœud, lequel était de la couleur choisie par l’ami auquel appartenait le pucelage. Leurs cheveux, négligemment relevés de quelques boucles sur les côtés, étaient absolument libres et flottants par-derrière et simplement noués d’un ruban de la couleur prescrite. Une poudre très parfumée et d’une teinte entre le gris et le rose colorait leur chevelure. Leurs sourcils très soignés et communément peints en noir, joints à une légère teinte de rouge toujours sur leurs joues, achevaient de relever l’éclat de leur beauté ; leur tête était nue ; un bas de soie blanc à coins brodés de rose couvrait leur jambe qu’un soulier gris, attaché d’un gros nœud rose, chaussait agréablement. Une cravate de gaze à la crème voluptueusement nouée se mariait à un petit jabot de dentelle, et, en les examinant ainsi tous les quatre, on pouvait assurer qu’il ne pouvait, sans doute, rien se voir de plus charmant au monde. Dès l’instant qu’ils furent ainsi adoptés, toutes permissions du genre de celles qui s’accordaient quelquefois le matin leur furent absolument refusées, et l’on leur accorda d’ailleurs autant de droits sur les épouses qu’en avaient les fouteurs : ils purent les maltraiter à leur gré, non seulement aux repas, mais même dans tous les autres instants de la journée, sûrs que jamais on ne leur donnerait le tort. Ces occupations remplies, on procéda aux visites ordinaires. La belle Fanny, à laquelle Curval avait fait dire de se trouver en un certain état, se trouva dans l’état contraire (la suite nous expliquera tout ceci) ; elle fut mise sur le cahier des corrections. Chez les jeunes gens, Giton avait fait ce qu’il était défendu de faire ; on le marqua de même. Et après les fonctions de la chapelle remplies, qui fournirent très peu de sujets, on se mit à table. Ce fut le premier repas servi où les quatre amants furent admis. Ils prirent place chacun à côté de celui qui l’aimait, lequel l’avait à sa droite et son fouteur favori à gauche. Ces charmants petits convives de plus égayèrent le repas ; tous quatre étaient très gentils, d’une grande douceur et commençant à se prêter au mieux au ton de la maison. L’évêque, très en train ce jour-là, ne cessa de baiser Céladon presque tout le temps du repas, et comme cet enfant devait être du quadrille servant le café, il sortit un peu avant le dessert. Quand monseigneur, qui venait de s’en échauffer la tête, le revit tout nu dans le salon d’à côté, il n’y tint plus. « Sacredieu ! dit-il tout en feu, puisque je ne peux pas l’enculer, au moins lui ferai-je ce que Curval a fait hier à son bardache. » Et saisissant le petit bonhomme, il le coucha sur le ventre en disant cela, lui glissa son vit dans les cuisses. Le libertin était aux nues, le poil de son vit frottait le trou mignon qu’il aurait bien voulu perforer ; une de ses mains maniait les fesses du délicieux petit Amour, l’autre lui branlait le vit. Il collait sa bouche sur celle de ce bel enfant, il pompait l’air de sa poitrine, il en avalait la salive. Le duc, pour l’exciter du spectacle de son libertinage, se plaça devant lui en gamahuchant le trou du cul de Cupidon, le second des garçons qui servaient le café ce jour-là. Curval vint sous ses yeux se faire branler par Michette, et Durcet lui offrit les fesses écartées de Rosette. Tout travaillait à lui procurer l’extase où l’on voyait qu’il aspirait ; elle eut lieu, ses nerfs tressaillirent, ses yeux s’allumèrent ; il eût été effrayant pour tout autre que pour ceux qui connaissaient quels étaient sur lui les effets terribles de la volupté. Enfin le foutre échappa et coula sur les fesses de Cupidon, qu’à ce dernier moment on eut soin de placer au-dessous de son petit camarade, pour recevoir des preuves de virilité qui ne lui étaient pourtant point dues. L’heure des narrations vint, on s’arrangea. Par une assez singulière disposition prise, tous les pères avaient ce jour-là leur fille sur leurs canapés ; on ne s’en effraya point, et Duclos reprit en ces termes :

« Comme vous n’avez point exigé, messieurs, que je vous rendisse un compte exact de ce qui m’arriva jour par jour chez Mme Guérin, mais simplement des événements un peu singuliers qui ont pu marquer quelques-uns de ces jours, je passerai sous silence plusieurs anecdotes peu intéressantes de mon enfance, qui ne vous offriraient que des répétitions monotones de ce que vous avez déjà entendu, et je vous dirai que je venais d’atteindre ma seizième année, non sans une très grande expérience du métier que j’exerçais, lorsqu’il me tomba en partage un libertin dont la fantaisie journalière mérite d’être rapportée. C’était un grave président, âgé de près de cinquante ans et qui, s’il faut en croire Mme Guérin, qui me dit le connaître depuis bien des années, exerçait régulièrement tous les matins la fantaisie dont je vais vous entretenir. Sa maquerelle ordinaire, venant de se retirer, l’avait recommandé avant aux soins de notre chère mère, et ce fut avec moi qu’il débuta chez elle. Il se plaçait seul au trou dont je vous ai parlé. Dans la chambre qui y répondait se trouvait un crocheteur ou un Savoyard, un homme du peuple enfin, mais propre et sain ; c’était tout ce qu’il désirait : l’âge et la figure n’y faisaient rien. Je fus sous ses yeux, et le plus près du trou possible, branler cet honnête manant, prévenu et qui trouvait fort doux de gagner ainsi de l’argent. Après m’être prêtée sans aucune restriction, à tout ce que le cher homme pouvait désirer de moi, je le fis décharger dans une soucoupe de porcelaine et, le plantant là dès qu’il avait répandu la dernière goutte, je passais précipitamment dans l’autre chambre. Mon homme m’y attend en extase, il se jette sur la soucoupe, avale le foutre tout chaud ; le sien coule ; d’une main j’excite son éjaculation, de l’autre je reçois précieusement ce qui tombe et, à chaque jet, portant ma main fort vite à la bouche du paillard, je lui fais, le plus lestement et le plus adroitement que je peux, avaler son foutre à mesure qu’il le répand. C’était là tout. Il ne me toucha ni ne me baisa, il ne me troussa seulement pas, et, se relevant de son fauteuil avec autant de flegme qu’il venait de montrer de chaleur, il prit sa canne et se retira, en disant que je branlais fort bien et que j’avais fort bien saisi son genre. Le lendemain, on ramena un autre homme, car il fallait l’en changer tous les jours, ainsi que de femme. Ma sœur l’opéra ; il sortit content, pour recommencer le jour d’ensuite ; et, pendant tout le temps que j’ai été chez Mme Guérin, je ne l’ai pas vu une seule fois négliger cette cérémonie à neuf heures précises du matin, sans qu’il ait jamais troussé une seule fille, quoiqu’on lui en ait fait voir de charmantes. »

« Voulait-il voir le cul du portefaix ? dit Curval. — Oui, monseigneur, répondit Duclos, il fallait avoir soin, quand on amusait l’homme dont il mangeait le foutre, de le tourner et retourner, et il fallait aussi que le manant tournât et retournât la fille dans tous les sens. — Ah ! comme cela je le conçois, dit Curval, mais je ne l’entendais guère autrement. »

« Peu après, continua Duclos, nous vîmes arriver au sérail une fille d’environ trente ans, assez jolie, mais rousse comme Judas. Nous crûmes d’abord que c’était une nouvelle compagne, mais elle nous désabusa bientôt en nous disant qu’elle ne venait que pour une partie. L’homme à qui l’on destinait cette nouvelle héroïne arriva bientôt de son côté. C’était un gros financier d’assez bonne mine, et la singularité de son goût, puisque c’était à lui que l’on destinait une fille dont nul autre n’aurait sans doute voulu, cette singularité, dis-je, me donna la plus grande envie d’aller les observer. À peine furent-ils dans la même chambre que la fille se mit toute nue et nous montra un corps fort blanc et très potelé. “Allons, saute, saute ! lui dit le financier, échauffe-toi, tu sais très bien que je veux qu’on sue.” Et voilà la rousse à cabrioler, à courir par la chambre, à sauter comme une jeune chèvre, et notre homme à l’examiner en se branlant, et tout cela sans que je puisse deviner encore le but de l’aventure. Quand la créature fut en nage, elle s’approcha du libertin, leva un bras et lui fit sentir son aisselle dont la sueur dégouttait de tous les poils. “Ah ! c’est cela, c’est cela ! dit notre homme en fixant avec ardeur ce bras tout gluant sous son nez, quelle odeur, comme elle me ravit !” Puis s’agenouillant devant elle, il la sentit et la respira de même dans l’intérieur du vagin et au trou du cul ; mais il revenait toujours aux aisselles, soit que cette partie le flattât davantage, soit qu’il y trouvât plus de fumet ; c’était toujours là que sa bouche et son nez se reportaient avec le plus d’empressement. Enfin un vit assez long, quoique peu gros, vit qu’il secouait vigoureusement depuis plus d’une heure sans aucun succès, s’avise de lever le nez. La fille se place, le financier vient par-derrière lui nicher son anchois sous l’aisselle, elle serre le bras, forme, à ce qu’il me paraît, un endroit très rétréci de ce local. Pendant ce temps-là, par l’attitude, il jouissait de la vue et de l’odeur de l’autre aisselle ; il s’en empare, y fourre son grouin tout entier et décharge en léchant, dévorant cette partie qui lui donne autant de plaisir. »

« Et il fallait, dit l’évêque, que cette créature fût absolument rousse ? — Absolument, dit Duclos. Ces femmes-là, vous ne l’ignorez point, monseigneur, ont dans cette partie un fumet infiniment plus violent, et le sens de l’odorat était sans doute celui qui, une fois picoté par des choses fortes, réveillait le mieux dans lui les organes du plaisir. — Soit, reprit l’évêque, mais il me semble, parbleu, que j’aurais mieux aimé sentir cette femme-là au cul que de la flairer sous les bras. — Ah, ah ! dit Curval, l’un et l’autre a bien des attraits, et je vous assure que si vous en aviez tâté vous verriez que c’est très délicieux. — C’est-à-dire, monsieur le Président, dit l’évêque, que ce ragoût-là vous amuse aussi ? — Mais j’en ai tâté, dit Curval, et à quelques épisodes près que j’y mêlais de plus, je vous proteste que je ne l’ai jamais fait sans qu’il m’en coûtât du foutre. — Eh bien ! ces épisodes, je les devine. N’est-ce pas, reprit l’évêque, vous sentiez le cul… — Eh ! bon, bon, interrompit le duc. Ne lui faites pas faire sa confession, monseigneur ; il nous dirait des choses que nous ne devons pas encore entendre. Continuez, Duclos, et ne laissez pas ces causeurs-là aller ainsi sur vos brisées. »

« Il y avait, reprit notre narratrice, plus de six semaines que la Guérin défendait absolument à ma sœur de se laver et qu’elle exigeait d’elle, au contraire, de se tenir dans l’état le plus sale et le plus impur qu’il pût lui être possible, sans que nous devinassions ses motifs, lorsqu’il arriva enfin un vieux paillard bourgeonné qui, d’un air à moitié ivre, demanda grossièrement à madame si la putain était bien sale. “Oh ! je vous en réponds,” dit la Guérin. On les assemble, on les enferme, je vole au trou ; à peine y suis-je que je vois ma sœur à cheval, nue, sur un grand bidet rempli de vin de champagne, et là, notre homme, armé d’une grosse éponge, la nettoyait, l’inondait, en recueillant avec soin jusqu’aux moindres gouttes qui coulaient de son corps ou de son éponge. Il y avait si longtemps que ma sœur ne s’était nettoyée en aucune partie d’elle-même, car on s’était même fortement opposé à ce qu’elle se torchât le derrière, que le vin acquit aussitôt une couleur brune et sale et vraisemblablement une odeur qui ne devait pas être très agréable. Mais plus cette liqueur se corrompait par les saletés dont elle se chargeait, plus elle plaisait à notre libertin. Il la goûte, il la trouve délicieuse ; il s’arme d’un verre et, en une demi-douzaine de rasades, il avale le vin dégoûtant et putréfié dans lequel il vient de laver un corps chargé depuis si longtemps de souillures. Quand il a bu, il saisit ma sœur, la couche à plat ventre sur le lit et lui dégorge sur les fesses et sur le trou bien entrouvert les flots de l’impudique semence que faisaient bouillonner les impurs détails de sa dégoûtante manie. Mais une autre, bien plus sale encore, devait incessamment s’offrir à mes regards. Nous avions dans la maison une de ces femmes que l’on appelle des marcheuses, en terme de bordel, et dont le métier est de courir nuit et jour pour aller déterrer du nouveau gibier. Cette créature, âgée de plus de quarante ans, joignait à des appas très flétris et qui n’avaient jamais été bien séduisants, l’affreux défaut de puer des pieds. Tel était positivement le sujet qui convenait au marquis de … Il arrive, on lui présente dame Louise (c’était le nom de l’héroïne), il la trouve délicieuse, et sitôt qu’il la tient au sanctuaire des plaisirs, il la fait déchausser. Louise, à qui l’on avait bien recommandé de ne pas changer de bas ni de souliers pendant plus d’un mois, offre au marquis un pied infect qui eût fait dégobiller tout autre : mais c’était précisément par ce que ce pied avait de plus sale et de plus dégoûtant qu’il enflammait le mieux notre homme. Il le saisit, le baise avec ardeur, sa bouche écarte tour à tour chaque doigt et sa langue va recueillir avec le plus vif enthousiasme dans chaque intervalle cette crasse noirâtre et puante que la nature y dépose et que le peu de soin de soi-même y multiplie. Non seulement il l’attire dans sa bouche, mais il l’avale, il la savoure, et le foutre qu’il perd en se branlant à cette expédition devient la preuve non équivoque de l’excessif plaisir qu’elle lui donne. »

« Oh ! pour celle-là, je ne l’entends pas, dit l’évêque. — Il faudra donc que je travaille à vous la faire comprendre, dit Curval. — Quoi ! vous auriez un goût ?… dit l’évêque. — Regardez-moi, dit On se lève, on l’entoure, et l’on voit cet incroyable libertin, qui réunissait tous les goûts de la plus crapuleuse luxure, tenant embrassé le pied dégoûtant de Fanchon, de cette sale et vieille servante qu’on a dépeinte plus haut, et se pâmant de luxure en la suçant. « Moi, je comprends tout cela, dit Durcet. Il ne faut qu’être blasé pour entendre toutes ces infamies-là ; la satiété les inspire au libertinage, qui les fait exécuter sur-le-champ. On est las de la chose simple, l’imagination se dépite, et la petitesse de nos moyens, la faiblesse de nos facultés, la corruption de notre esprit, nous ramènent à des abominations. »

« Telle était sans doute l’histoire, dit Duclos en se reprenant, du vieux commandeur des Carrières, l’une des meilleures pratiques de la Guérin. Il ne lui fallait que des femmes tarées, ou par le libertinage, ou par la nature, ou par la main de la justice. Il ne les recevait, en un mot, que borgnes, aveugles, boiteuses, bossues, cul-de-jatte, manchotes, édentées, mutilées de quelques membres, ou fouettées et marquées, ou clairement flétries par quelque autre acte de justice ; et toujours avec cela de l’âge le plus mûr. On lui avait donné, à la scène que je surpris, une femme de cinquante ans, marquée comme voleuse publique et qui, de plus, était borgne. Cette double dégradation lui parut un trésor. Il s’enferme avec elle, la fait mettre nue, baise avec transport sur ses épaules les signes certains de son avilissement, suce avec ardeur chaque sillon de cette plaie qu’il appelait honorable. Cela fait, toute son ardeur se portait au trou du cul, il entrouvrait les fesses, baisait délicieusement le trou flétri qu’elles renfermaient, le suçait fort longtemps, et, revenant se camper à cheval sur le dos de la fille, il fit frotter son vit aux marques qu’elle portait de la justice, en la louant d’avoir mérité ce triomphe ; et, se penchant sur son derrière, il consomma le sacrifice en rebaisant l’autel où il venait de rendre un aussi long hommage, et versant un foutre abondant sur ces marques flatteuses dont il s’était si bien échauffé la tête. »

« Sacredieu, dit Curval, à qui la lubricité tournait l’esprit ce jour-là, voyez, mes amis, voyez, à ce vit bandant, à quel point m’échauffe le récit de cette passion. Et appelant la Desgranges : « Viens, bougresse impure, lui dit-il, viens toi qui ressembles si bien à celle qu’on vient de peindre, viens me procurer le même plaisir qu’elle donna au commandeur. » La Desgranges approche, Durcet, ami de ces excès, aide au président à la mettre nue. D’abord, elle fait quelques difficultés ; on se doute du fait, on la gronde de cacher une chose qui va la faire chérir davantage de la société. Enfin, son dos flétri paraît et montre, par un V et un M, qu’elle a deux fois subi l’opération déshonorante dont les vestiges allument néanmoins si complètement les impudiques désirs de nos libertins. Le reste de ce corps usé et flétri, ce cul de taffetas chiné, ce trou infect et large qui s’y montre au milieu, cette mutilation d’un téton et de trois doigts, cette jambe courte qui la fait boiter, cette bouche édentée, tout cela échauffe, anime nos deux libertins. Durcet la suce par-devant, Curval par-derrière, et tandis que des objets de la plus grande beauté et de la plus extrême fraîcheur sont là sous leurs yeux, prêts à satisfaire leurs plus légers désirs, c’est avec ce que la nature et le crime ont déshonoré, ont flétri, c’est avec l’objet le plus sale et le plus dégoûtant que nos deux paillards en extase vont goûter les plus délicieux plaisirs… Et qu’on explique l’homme, après cela ! Tous deux semblant se disputer ce cadavre anticipé, tels que deux dogues acharnés sur une charogne, après s’être livrés aux plus sales excès, dégorgent à la fin leur foutre, et malgré l’épuisement où ce plaisir les met, peut-être en eussent-ils à l’instant repris de nouveaux, quoique dans le même genre de crapule et d’infamie, si l’heure du souper ne fût pas les avertir de s’occuper d’autres plaisirs. Le président, désespéré d’avoir perdu son foutre et qui, dans ces cas-là, ne se ranimait jamais que par des excès de mangeaille et de boisson, se gonfla comme un véritable pourceau. Il voulut que le petit Adonis branlât Bande-au-ciel, et lui fit avaler le foutre, et peu content de cette dernière infamie qu’on exécuta sur-le-champ, il se leva, dit que son imagination lui suggérait des choses plus délicieuses que tout cela, et, sans s’expliquer davantage, il entraîna avec lui Fanchon, Adonis et Hercule, fut s’enfermer dans le boudoir du fond et ne reparut qu’aux orgies ; mais dans un état si brillant, qu’il y fut encore en état d’y procéder à mille autres horreurs, toutes plus singulières les unes que les autres, mais que l’ordre essentiel que nous nous sommes proposé ne nous permet pas encore de peindre à nos lecteurs. On fut se coucher, et Curval, l’inconséquent Curval qui, ayant, cette nuit-là, la divine Adélaïde, sa fille, pour partage, pouvait passer avec elle la plus délicieuse des nuits, fut trouvé le lendemain matin vautré sur la dégoûtante Fanchon, avec laquelle il avait fait de nouvelles horreurs toute la nuit, tandis qu’Adonis et Adélaïde, privés de leur couche, étaient l’un dans un petit lit fort éloigné et l’autre à terre sur un matelas.