Les Îles de la Madeleine et les Madelinots/11

Imprimerie Générale de Rimouski (p. 95-107).

LES MISSIONNAIRES

Obédience de Québec jusqu’au 25 octobre 1821,
et de fait jusqu’en 1846

Le diocèse de Québec qui s’étendait jusqu’à Terre-Neuve, il y a un siècle, englobait également les trois provinces maritimes. Et les vénérables évêques-missionnaires entreprenaient de longs et difficiles voyages pour aller visiter les catholiques dispersés dans tout l’est du Canada. Le récit de ces expéditions nous donne de pittoresques et héroïques détails. Les Acadiens devront une éternelle reconnaissance à l’évêque de Québec pour la sollicitude avec laquelle il veilla sur eux et les protégea toujours. Le groupe madelinot en bénéficia plus que tout autre, car longtemps après l’érection du diocèse de Charlottetown dont nos Îles font partie, des prêtres canadiens continuèrent à lui prodiguer les secours de la religion.

Ce fut pour se soustraire à la tempête révolutionnaire que les Acadiens-Miquelonnais, sous la conduite des abbés Allain et Lejamtel, se réfugièrent dans les Îles de la Madeleine et sur les côtes du Cap-Breton. L’abbé Lejamtel se transporta auprès du Révérend Père Jones à Halifax et lui offrit ses services pour les missions des environs. L’abbé Allain se rendit voir l’évêque de Québec. Tous deux furent nommés missionnaires pour Tracadie, Chéticamp, Arichat et les Îles de la Madeleine. Cela permit aux insulaires d’intensifier leur vie chrétienne sous la houlette de leur vieux curé. Soustraits à toute influence délétère du dehors, ils progressaient dans les sentiers de la vertu comme les chrétiens de la primitive Église. Des habitudes réglées, des principes solides se sont ancrés dans leur âme qui s’est toujours conservée simple et foncièrement pieuse.

Le missionnaire vieillissait et ses courses lointaines l’usaient beaucoup. Un jour, il demande à l’évêque de Québec la permission de se retirer à Chéticamp pour avoir plus de repos. En l’automne 1798, il est remplacé par son confrère Lejamtel et va hiverner à Arichat. Il ne reviendra aux Îles qu’en 1808 — en remplacement de l’abbé Gabriel Champion qui y résidait depuis 1801 — pour les quitter définitivement en 1812. Tout me fait croire que durant les vingt ans qui s’écoulèrent de 1792 à 1812, les trois missionnaires français qui, à tour de rôle, desservirent les Îles y passèrent presque tous les hivers. Les habitants disaient plutôt notre curé que notre missionnaire et, pour le forcer à ne point les laisser seuls l’hiver, ils refusèrent quelquefois de lui payer toute la dîme.

Depuis plusieurs années, l’abbé Allain supplie son évêque de le rappeler à Québec à cause de son grand âge, de ses infirmités et de la crainte qu’il a de mourir dans les Îles. C’eût été bien raisonnable que l’évêque l’écoutât, mais comment le remplacer ? Monseigneur Plessis voulut connaître nettement la situation et, dans sa visite pastorale de 1811, il arrêta aux Îles de la Madeleine. Il a laissé des notes précieuses sur l’esprit de cette chrétienté. L’abbé Allain profita de l’aubaine et obtint d’être remplacé l’année suivante.

L’abbé Louis-Antoine Dufrêne, le premier prêtre canadien désigné pour cette mission, partit de Québec à la fin d’octobre 1812. La goélette qui le transportait fut prise par un vent violent, poussée en dehors du Cap-Breton et jetée sur la côte de Halifax, vers la fin de novembre, où elle périt corps et biens, à Maccodom, à l’exception de Jean Turbide, jeune homme des Îles qui se sauva assez miraculeusement.

Les Madelinots durent donc passer l’hiver sans prêtre. Ils en souffrirent, car dès le mois de juin 1813, ils supplient l’évêque de Québec de ne pas les laisser plus longtemps dans cet état : ils lui promettent de
L’Étang-du-Nord
bâtir une église. Cependant l’évêque n’avait pas de prêtres disponibles cette année-là pour remplacer l’abbé Dufrêne. L’abbé Beaubien d’Arichat va les secourir durant la belle saison, mais cela ne les contente point. Ils réitèrent leurs instances, supplient l’évêque, insistent auprès des missionnaires et finissent par recourir à des procédés répréhensibles dont se plaignent ces derniers : « Nous avons besoin d’un prêtre à l’année ; nous avons construit une église et un presbytère ; nous sommes prêts à payer toute notre dîme et plus si vous restez avec nous, mais, puisque vous venez quelques mois seulement, nous ne vous en donnerons qu’une partie. » En vérité, c’était bien mal raisonner. Ils ne voyaient que leur malheur et, ne comprenant pas que les besoins des autres chrétientés obligeaient tous et chacun à faire sa part de sacrifices, ils calculaient égoïstement leur plan.

L’abbé R. Gaulin qui remplaça monsieur Beaubien, et à qui il reprocha de lui avoir dit de trop belles choses des insulaires, fut fort scandalisé de cette manière de voir. Il écrit à l’évêque qu’il fut mal reçu par les habitants lorsqu’il leur eut dit qu’il n’était pas venu pour hiverner. « Tout ceci, je crois, vient de ce que monsieur Beaubien leur a trop répété que Votre Grandeur devait leur envoyer assurément cette année un missionnaire résident. Trompés dans leurs espérances, ils se laissent aller à des murmures indécents et disent qu’on les joue. » En même temps que cette lettre, Monseigneur Plessis en recevait une des habitants le suppliant de leur laisser monsieur Gaulin pour l’hiver suivant.

Le saint évêque de Québec eut été heureux de donner un prêtre résident à cette intéressante population, perdue au milieu du Golfe, mais, hélas, pas de prêtres disponibles. Enfin, cet été-là (1819), Monseigneur Panet trouva en l’abbé Madran le prêtre dévoué qui consentait à passer trois ans sur cet archipel si pauvre et si isolé. Une lettre du 5 juin 1821 me fait croire qu’il ne s’occupa que des Îles de la Madeleine : « J’ose espérer qu’après trois ans de misère telle que je l’éprouve ici, votre Grandeur ne trouvera pas mauvais que je laisse les Îles pour monter à Québec… Voilà un an que je n’ai été à confesse et je crains de ne pouvoir y aller cette année, car personne ne vient ici… Bien loin d’avoir des louanges, je n’aurai que des plaintes à vous faire des gens des Îles de la Madeleine. » L’abbé Madran n’est pas le seul à se plaindre de l’isolement déprimant et dangereux dans lequel se trouve le prêtre sur ces lointains rivages. Tant que les missionnaires ont desservi en même temps quelques postes du Cap-Breton, ils ont pu rencontrer des confrères, mais, dès qu’ils devinrent résidents, ce fut la séquestration complète. Ils avaient « bien sujet d’accuser la nature », et leurs plaintes étaient tout à fait légitimes, mais cela justifie, il me semble, les cris désespérés des Madelinots et excuse leurs vivacités inconvenantes. Dans leurs correspondances à l’évêque de Québec, les missionnaires se lamentent beaucoup plus de leur situation personnelle qu’ils ne parlent du moral et des besoins de la population. Quelques-uns vont à confesse à Miquelon, d’autres à Arichat, — ce n’est pas à la porte quoique chez le voisin — et une fois ou deux seulement par an. C’est leur plus grande misère, celle qui les affecte le plus. L’abbé Madran n’est pas le seul non plus à trouver quelques ombres au tableau, mais le seul à n’y rien voir de bien. Il atténue cependant la sévérité de son jugement, en disant que le mal provient des étrangers qui fréquentent ces lieux dans la saison de pêche. De plus, il ne faut pas oublier que ces gens avaient été plusieurs années livrés à eux-mêmes, sans secours religieux, et condamnés à vivre au milieu d’étrangers sans foi ni loi. Quand le missionnaire y allait l’été, ils étaient sur les fonds de pêche, — même les enfants de huit ans — et il ne pouvait les voir que le dimanche, et encore rien qu’une faible portion, à cause de leur dissémination dans l’archipel. En conséquence, ils vivaient dans une profonde ignorance, restaient jusqu’à dix ans sans se confesser, et on en trouvait même de 25 et 30 ans qui n’avaient pas encore fait leur première communion. Comme il n’y avait pas d’écoles à cette époque, que les parents ne savaient pas lire et que le missionnaire ne pouvait les rassembler, cela s’explique…

Mais le jour où un prêtre pourra exercer son ministère quotidien au milieu d’eux, les quelques mauvaises herbes poussées dans le champ en l’absence du maître de la vigne en disparaîtront comme par enchantement.

Obédience de Charlottetown

Le 25 octobre 1821, les Îles de la Madeleine furent confiées, ainsi que les autres parties les plus éloignées du diocèse, non comprises dans le vicariat apostolique de la Nouvelle-Écosse, à un évêque suffragant, auxiliaire de l’archevêque de Québec, qui, le 11 août 1829, devint évêque de Charlottetown. Mais jusqu’en 1846, l’archevêque de Québec y envoya des missionnaires, à cause de l’impossibilité où se trouvait le titulaire d’y pourvoir par lui-même.

L’abbé Pierre Béland, le premier des missionnaires à poste fixe, arriva aux Îles en 1825, quatorze ans après la promesse de l’évêque de Québec. Les insulaires accueillirent cette nouvelle avec des transports de joie enthousiaste, reçurent solennellement le ministre de Jésus-Christ et lui firent des promesses publiques d’obéissance et de soumission. Ce même été, on répare l’église et le presbytère du Havre-Aubert pour la visite de Monseigneur McEachern, premier évêque de Charlottetown, qui confirma 178 enfants et jeunes gens. Les droits se « paient fidèlement » et tous les insulaires « paraissent heureux et fiers de posséder un missionnaire.[1] Mais, ajoute l’abbé Béland, quelques-uns me causent de la peine au sujet de la construction de l’église du Havre-aux-Maisons. Cette mission comprenait alors tous les gens de ladite île, habitée surtout du côté ouest et les gens du Cap-aux-Meules.[2] Elle croissait assez rapidement et occupait presque la moitié du temps du missionnaire. L’abbé Madran avait commencé par y construire un presbytère du côté du Havre-aux-Maisons. Son successeur, l’abbé Blanchet, voulut continuer en bâtissant une chapelle de 50 x 30 pour 70 familles. Comme de raison, elle fut située au milieu de la plus grosse agglomération et à proximité du presbytère. Mais les gens du Cap-aux-Meules ne l’entendirent pas de cette oreille et demandèrent qu’on la plaçât de leur côté. Un chenal coupait le territoire et séparait également les esprits. Ce désaccord ennuya beaucoup l’abbé Béland et retarda de trois ans la construction de la chapelle. Cinq ans après, l’abbé Brunet aura la douce satisfaction de pouvoir écrire à son évêque : « Je n’ai que des nouvelles consolantes à vous donner des fidèles de ces Îles. Ils sont vraiment chrétiens et dignes de la charité bienveillante d’un évêque ; ils savent même apprécier les sacrifices que fait un prêtre du Canada… pour venir travailler à leur salut. »[3] L’année suivante, il répétera : « Je n’ai que de bonnes choses à dire de la piété de mes gens ; » et un an plus tard : « ils se sont montrés empressés, au delà de ce que j’attendais, à entrer dans les confréries dont votre Grandeur a bien voulu accorder l’établissement l’an dernier. Je n’ai que des nouvelles consolantes à vous donner. »

L’abbé Bélanger n’a « qu’à se louer de leur obéissance. » Ils sont très empressés à se confesser, surtout les jeunes. Il y a donc eu beaucoup de progrès : les jeunes gens, si peu dévots par le passé, se font remarquer maintenant pour leur assiduité à fréquenter les sacrements. Quelques abus du rhum, voire même de la danse, furent les plus grands désordres dont certains missionnaires eurent à se plaindre.

J’ai dit dans un autre chapitre tout le mal que les Français révolutionnaires et les Américains indépendants firent aux Madelinots pour les éloigner de la direction de leurs prêtres et les faire désobéir à la loi. Par ailleurs, après le départ de l’abbé Allain qui avait été leur père, leur ami et leur consolateur dans tous les mauvais jours qui, se succédant l’un à l’autre, formaient la trame douloureuse de leur vie, ils s’étaient sentis abandonnés. L’abbé Allain était un des leurs : il les avait vus naître et grandir ; il les avait mariés, guidés, conseillés ; il avait entrepris avec eux une nouvelle migration pour échapper au démon de la Révolution et sauver leur foi. Car, c’était ce seul motif, leur foi, qui avait réglé leur conduite depuis le départ de l’Acadie. Sa bonté paternelle se les avait attachés comme des fils. Il les comprenait ; il avait souffert avec eux ; il connaissait comme eux les horreurs de la proscription, et c’est de plein gré, c’est par amour pour eux qu’il avait voulu partager leurs douleurs, en les accompagnant dans un nouvel exil. Leur histoire lamentable, il la connaissait, pour la leur avoir fait conter maintes fois ; et c’est au récit de toutes leurs misères qu’il avait senti monter en lui la flamme d’un grand amour pour ces déshérités. Il avait voulu leur donner le reste de sa vie. Déjà il tirait sur l’âge ; ses cheveux blanchissaient en même temps que les rhumatismes l’accablaient. Tout de même, il continuait sa mission auprès de ces pauvres gens. Et malgré son vieil âge — il avait plus de 70 ans — il faisait encore des courses aux missions de la Nouvelle-Écosse. En 1809, il se dit vieux, infirme : l’esprit s’en va, il craint de mourir seul, il demande un remplaçant, mais le bon Dieu veut qu’il passe les dernières années de sa vie avec ses chers Madelinots. Il les laisse en 1812 pour aller mourir à Québec à l’âge de 77 ans. Que leur reprocha-t-il ? Une fois seulement, dans un post-scriptum, il dit à l’évêque que l’esprit de l’habitant est insubordonné : chacun voulant être son maître. C’est la seule plainte qu’il ait formulée à l’endroit des insulaires.

Quelle différence avec les lamentations des prêtres qui lui ont succédé !

En 1839, l’abbé Alexis-Alphonse Bélanger vient prendre la direction de la mission. C’est le premier qui montre de l’enthousiasme à labourer ce champ embrumé, qui donne des statistiques précises et décrit la situation. Il s’oublie, se fait insulaire et Acadien, et conquiert tout de suite la confiance entière de ses ouailles. Peu de temps après son arrivée, il se loue de leur obéissance. Il fera d’eux ce qu’il voudra : leur cœur s’est ouvert à sa sollicitude et leur bonne volonté lui est acquise. Dès ce premier été, il fait bâtir une maison d’école et tirer du bois pour en faire deux autres. Bravo ! voilà de la bonne besogne, voilà un commencement d’organisation ! Il semble qu’avant lui on n’ait pas soupçonné que ces Acadiens, au nombre de 1380, étaient susceptibles d’instruction et d’éducation.

Au lieu de pleurer et de geindre sur son sort, de languir en attendant le terme de son supplice, l’abbé Bélanger, envoyé là pour un terme de trois ans, comme ses prédécesseurs, s’empressa d’écrire à son évêque, dès l’ouverture de la navigation, en 1842, pour lui demander un prolongement indéfini de séjour sur ces rivages. « Le temps passe avec une telle rapidité qu’il me semble que je viens d’arriver. Je compte ici des jours assez heureux. Je dois avouer cependant que c’est un peuple fort exigeant ; s’il donne un sou, il voudrait avoir un louis et un peu murmurer. Il faudrait faire suivant ses caprices. Si on renvoie un enfant de la première communion, « c’est comme ça qu’on gagne sa dîme, » dit-il sur la même lettre. En arrivant, il avait constaté que le champ avait besoin d’être travaillé ; il avait sondé toute la profondeur du mal à guérir ; il avait compris la misère et le découragement de ces pêcheurs, s’était attendri au récit de leurs malheurs ; et il avait voulu être leur ami, pour les faire marcher à sa suite, de progrès en progrès, comme le Christ sur les rivages de la Galilée. Il veut continuer la tâche vaillamment entreprise : il restera encore trois ans, encore six ans, et quand il partira ce sera pour accompagner ses fils spirituels sur les côtes de Terre-Neuve et du Labrador où ils iront chercher un refuge à leurs maux nouveaux.

Monseigneur Bernard McDonald, deuxième évêque de Charlottetown, visita les Îles en 1841 ; les habitants lui demandèrent un second missionnaire. Il leur répondit qu’il n’avait pas de prêtres disponibles mais que peut-être l’évêque de Québec pourrait encore lui venir en aide. En 1846, l’abbé Cajetan Miville-Deschênes vint desservir le Havre-aux-Maisons et le Cap-aux-Meules, avec résidence au premier endroit. Ce sont les deux derniers prêtres desservant les Îles, qui ont correspondu fréquemment avec l’archevêque de Québec.

Les quelques Canadiens qui représentaient l’autorité civile aux Îles, jaloux de l’immense influence que Monsieur Bélanger exerçait sur les insulaires, cherchèrent à lui provoquer des ennuis. Ses chantres d’église étaient ces Canadiens turbulents et prétentieux, il voulut s’en débarrasser. Dans l’hiver de 1848, il tint chez lui une école de plein chant, régulièrement deux fois par jour. Sept jeunes Acadiens suivirent ce cours avec entrain et assiduité. (Il en nourrit trois tout l’hiver.) À la fin, il avait la satisfaction de remplacer « les mauvais chantres canadiens » par un jeune chœur acadien dont le maître-chantre n’avait que 14 ans et le plus âgé 17. « Il y a maintenant de la graine de chant au milieu de mes pauvres Acadiens », disait-il avec fierté ; ces jeunes « sont meilleurs que les vieux, ils étonnent ; ils feront la classe à d’autres. » Et il ajoute : « Voilà un excellent moyen de passer agréablement et utilement l’hiver. »

En 1849, monsieur Bélanger obtint un remplaçant de Monseigneur McDonald et alla passer une partie de l’hiver à Rustico, sur l’Île-du-Prince-Édouard. Le 17 janvier, il arrivait à Caraquet où il se reposa quelques mois chez son ami, monsieur le grand-vicaire Pâquet. Puis, au printemps suivant, à l’ouverture de la navigation, il se rendit à Paspédiac où, de concert avec monsieur Hilaire Nadeau, il organisa une expédition sur la Côte-Nord et à la Baie Saint-Georges pour visiter les âmes abandonnées de ces parages lointains. En passant, il toucha aux Îles de la Madeleine, pour y faire ses adieux éternels. Il emmena son petit maître-chantre pour chanter des grand’messes. Notre saint apôtre ne devait plus, hélas ! revoir les Îles qu’il avait évangélisées avec un inlassable dévouement. Il mourut à la Baie Saint-Georges, le 7 septembre 1868 et fut inhumé à Saint-Roch-des-Aulnais, sa paroisse natale. Reconnaissance éternelle à ce vaillant ouvrier qui a consacré aux Madelinots, en des circonstances excessivement difficiles, dix longues années d’une vie débordante de zèle héroïque.[4]

L’abbé Charles-Nazaire Boudreault, enfant des Îles, vint prendre les rênes du gouvernement spirituel du Havre-Aubert en 1849. C’est le premier prêtre originaire des Îles, le premier Acadien chargé de les desservir, et aussi le premier prêtre du diocèse de Charlottetown envoyé chez les Madelinots.

À l’automne de 1846, pour faciliter aux gens l’accomplissement de leurs devoirs religieux, les Îles furent partagées en deux sections, sans être érigées en paroisses canoniques proprement dites ; aujourd’hui même elles ne le sont pas encore ; ce sont des missions ou quasi-paroisses, tout en ayant cependant une circonscription séparée, distincte et bien précise.

Trente ans après, toute l’île de l’Étang-du-Nord fut confiée à un missionnaire, ce qui faisait trois prêtres sur les Îles.[5]

Celui du Havre-aux-Maisons s’occupa de la Grande-Entrée et y construisit une église en 1887 (Meunier) ; celui du Havre-Aubert desservait le Bassin. Il en fut ainsi jusqu’en 1916, où un jeune Acadien, l’abbé Gallant, vicaire à l’Étang-du-Nord depuis deux ans, fut nommé à la cure du Havre-Aubert, Monsieur l’abbé Thériault gardant le Bassin.

C’est seulement vers 1850 que les Îles ont été entièrement administrées par l’évêque de Charlottetown. Il y a aujourd’hui cinq églises catholiques, une église et trois chapelles protestantes. Elles sont toutes de bois. L’église catholique de l’Étang-du-Nord peut rivaliser avec les plus belles églises des vieilles paroisses canadiennes, par sa masse imposante, son style pur gothique, sa nef élancée, son site exceptionnellement grandiose. Elle fut définitivement restaurée et agrandie en 1914.


PRÊTRES DESSERVANT LES ÎLES DE LA MADELEINE DEPUIS 1774.
Une seule mission — toutes les Îles. (72 ans)
L’abbé Leroux
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1774-1784
L’abbé» William Phelan
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1784-1792
L’abbé» J.-B. Allain
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1808-1812
L’abbé» Gabriel Champion et
L’abbé» Frs Lejamtel de
la Blanterie
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1798-1808
L’abbé» J.-B. Allain
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1792-1798
L’abbé» Ls-Jean Beaubien
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1813-1817
L’abbé» René Gaulin
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1817-1819
L’abbé Madran
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1819-1822
L’abbé» Magl. Blanchet
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1822-1824
L’abbé» Pierre Béland
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1825-1827
L’abbé» Pierre Bédard
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1827-1830
L’abbé» P.-H. Brunet
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1830-1833
L’abbé» Ths.-L. Brassard
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1833-1837
L’abbé» L. Noël
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1837-1839
L’abbé» A.-Alex Bélanger
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1839-1846
Deux Missions (30 ans)
Havre-Aubert
(L’île du Hâvre, d’Entrée, la Côte de l’Étang-du-Nord)
l’abbé A-Alex Bélanger
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1846-1849
l’abbé C. N. Boudreault
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1849-1876
 
 
 
Havre-aux-Maisons
(L’île du H. M., le Cap-aux-Meules et les Barachois)
Cajetan Miville
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1846-1868
Azade-J. Trudel
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1868-1871
Geo. A. Belcourt
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1871-1874
Chs. N. Boudreault[6]
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1874-1875
J. C. Onésime Hébert
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1875-1876
Trois Missions (depuis 1876)
N.-D.-de-la-Visitation-du-Havre-Aubert
(L’île entière)
Chs.-N. Boudreault
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1876-1887
S.-Frs-Xavier-du-Bassin[7]
(toute l’île avec mission au Havre)
L’abbé Pélissan
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1879-82
L’abbé» Picotte
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1882-84
L’abbé» Henri Thériault[8]
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1884-87
L’abbé» S. Boudreault[9]
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1887-89
L’abbé» Pouliot
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1889-96
Isaac Thériault[10]
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1896-89
St-Pierre-de-l’Étang-du-Nord
(toute l’île)
L’abbé»L’abbé O. Hébert[11]
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1876-81
L’abbé» Allard
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1881-86
 
L’abbé G. de Finance
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1886-89
L’abbé» Jean Chiasson
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1889-91
L’abbé» G. de Finance
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1891-99
L’abbé» J. Aug. Blaquière
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1899-89
L’abbé» Gallant, vic
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1914-16
Ste-Madeleine-du-Havre-aux-Maisons :
(toute l’île avec Grande-Entrée
et Pointe-au-Loups.)
J. C. O. Hébert
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1876-86
J. B. J. Ed. Meunier
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1886-89
Jean Chiasson[12]
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1889-91
G. de Finance
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1891-92
J. Aug. Blaquière.
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1892-99
J.-Sam. Turbide[10]
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1899-89
l’abbé Desroches, remplaçant M. Turbide en Europe, un hiver.
  1. L’abbé Béland à l’évêque de Québec, 2 sept. 1825. Archives de l’Archevêché.
  2. Il en fut ainsi jusqu’en 1876 où l’église de l’Étang-du-Nord fut construite sur son magnifique site actuel, au centre de l’île. C’est pour cela que l’église du Havre-aux-Maisons est à l’extrémité ouest de l’île, au bord des flots de la Baie de Plaisance, embellie d’un cachet tout à fait poétique introuvable ailleurs.
  3. L’abbé Brunet à l’év. de Q. 20 oct. 1830. Archives de l’archevêché.

    Il avait laissé sa tendre mère veuve sans soutien.

  4. Dans son testament du 27 septembre 1861, M. Bélanger donne cinq louis à chacune des missions des Îles de la Madeleine et recommande de faire instruire dix jeunes Acadiens de ces missions avec le reste de sa fortune (?) qu’il donne à un collège du bas de Québec…
  5. Auparavant l’église de l’Étang-du-Nord avait été construite sur son site actuel par les soins de M. l’abbé Belcourt qui construisit aussi le presbytère du Havre-aux-Maisons. L’église de ce dernier endroit avait été reconstruite sous M. Miville — avec la cargaison de l’Aberdeen, naufragé sur la Barre-de-l’Église, — et bénite le 25 octobre 1857.
  6. M. Belcourt eut l’autorisation en 1872 de construire une église pour la nouvelle paroisse de l’Étang-du-Nord. Il acheta des billots d’un navire naufragé ; les habitants pendant l’hiver les scièrent à la grand’scie par corvées. Il résidait au Havre-aux-Maisons. À la fin de nov. 1874, un matin, on le trouva à demi-mort dans sa chambre ; il avait plus de 70 ans. Quand il fut un peu mieux, des pêcheurs le traversèrent dans une petite goélette sur l’Île du Prince-Édouard. C’est pour cela que M. Boudreault desservit le H. M., étant seul sur les Isles, cet hiver-là.
  7. Vers 1872, l’évêque de Charlottetown a changé le siège de l’église paroissiale du Havre-Aubert et l’a transporté au Bassin, avec mission au premier endroit. Des difficultés, étant survenues, ont retardé de 6 ou 7 ans la construction de la nouvelle église. Entre temps, M. l’abbé Boudreault, étant vieux, obtint de l’évêque le privilège de rester au Havre qu’il desservirait tout en se reposant, ce qu’il fit jusqu’à sa mort.
  8. Enfant des Îles, mort en 1887.
  9. Natif des Îles, neveu de M. l’abbé Chs. Nazaire Boudreault.
  10. a et b Enfant des Îles.
  11. M. Hébert continua les travaux à l’église de l’É-du-N., lesquels n’avançaient pas très rapidement, puisque le dehors ne fut fini que pour l’arrivée de M. Allard. Il desservait les deux paroisses. M. Allard était zouave pontifical.
  12. M. Chiasson était curé du H. M. et desservit l’É-du-N. pendant l’absence de M. de Finance. Celui-ci, curé de l’É.-du-N. fit la même chose pour le H-aux-M. en attendant M. Blaquière.

    Je ne suis pas très sûr des dates pour les curés du Bassin, les ayant eues d’un vieillard bienveillant, faute de la possibilité d’obtenir quoi que ce soit des archives de l’évêché de Charlottetown.