Éditions Tallandier (p. 60-71).

III

les épouvantes de pulchérie


Les trois femmes restaient seules, sans défense, livrées à elles-mêmes. Dans ces trois femmes, une malade dont l’intelligence n’était pas encore complète et dont il fallait prendre soin comme d’un tout petit enfant ; une autre, que l’épouvante annihilait et qui, secouée des soubresauts d’une atroce peur, ne comprenait rien, n’entendait et ne voyait rien… et sur laquelle il ne fallait pas compter…

Restait Rose-Lys…

Qu’allait-elle devenir dans une telle catastrophe ? Elle resta longtemps debout, en s’appuyant contre le mur et en essayant de rappeler ses idées et d’échapper à la folie… Autour d’elles, dans cette partie du faubourg qui précédait la campagne, c’était encore le silence, maintenant que les assassins étaient partis après avoir accompli leur besogne. Pour quelques minutes, rapides sans doute, un peu de calme, un peu de répit.

Comme elle voyait les grands yeux de Rolande fixés sur elle et qui avaient l’air de l’interroger, elle s’approcha du lit :

— Me reconnaissez-vous, mademoiselle ?

Rolande eut un vague sourire et murmura :

— Rose-Lys…

Et son nom ainsi prononcé détendit les nerfs de Rose-Lys, qui éclata en sanglots. Les mains de Rolande se promenèrent sur ces yeux qui pleuraient, caressèrent le visage qui se convulsait.

Enfin, elle était vivante…

Mais l’effort, sans doute, avait été trop violent et avait épuisé tout ce qu’il y avait d’énergie dans la malade, car ses traits se fatiguèrent dans une contraction de souffrance ; elle ferma les paupières et parut s’endormir…

— Pulchérie, dit Rose-Lys, nous avons un devoir à remplir…

Alors, dans le jardin, elles creusèrent deux fosses, l’une pour Jean-Louis, l’autre pour le fermier Barbarat… et péniblement elles y glissèrent les corps… Elles plantèrent une croix de bois sur chaque tombe… et longtemps, abîmée dans sa douleur, la jeune fille pria, mains jointes, et parla tout bas à son père…

À cet instant commença un autre martyre…

Des soldats, des ordonnances et des officiers envahissaient la maison… En quelques minutes tout fut mis à sac… les caves vidées… des tables dressées… Un major fit venir Pulchérie et Rose-Lys et les interrogea brutalement…

— Quelles sont ces tombes ?

— Celle de mon père… celle d’un de ses amis…

— Pourquoi les a-t-on fusillés ?

— Je ne sais pas. Nous arrivons des Ardennes, fuyant vos armées. Nous avions trouvé refuge ici. Des hommes sont venus… et la mort les a suivis…

— Ils avaient tiré sur nos soldats.

— Non… nous n’avons pas d’armes.

— Et cette femme qui est dans son lit ?

— Très malade, en danger, et depuis plus d’un mois sans connaissance…

— Où alliez-vous ?

— Nous ne savions pas… on fuyait… pour ne pas tomber entre vos mains.

Le major eut un gros rire qui fit sauter son ventre.

— Nous ne sommes pas des barbares… et la preuve, c’est que vous allez reprendre le chemin de votre village… Désormais, vous n’êtes plus Françaises, vous êtes Allemandes… Je vais vous signer un sauf-conduit… Vous partirez au plus tard demain à la première heure… De quel pays êtes-vous ?

— De Clairefontaine, près de Rethel…

— Nous y sommes passés avant-hier… Rethel n’existe plus…

Pulchérie et Rose-Lys s’enfermèrent dans la chambre de Rolande, qui fut laissée à leur disposition. Une demi-heure après on frappa à coups de pied. Un sous-officier entra. Il était ivre. Il tendit à Rose-Lys un papier où il y avait deux cachets et des signatures. C’était le sauf-conduit annoncé… Et Pulchérie, tremblante, demanda :

— Pourquoi ne partirions-nous pas tout de suite ?

— C’est impossible ! fit Rose-Lys nerveuse.

Elle pensait aux graves paroles de Jean-Louis… et à ce mystérieux dépôt qu’elle savait caché là-bas, dans un petit salon, cachette précaire, derrière un tableau.

Pendant toute la journée, elles entendirent des cris, des chansons et des rires, et des verres étaient brisés, et le champagne sautait avec ses détonations de fête… Puis, les officiers renversèrent les tables. Ils dansèrent. Il n’y avait pas de verrou à la porte de la chambre des pauvres filles et non plus de clef à la serrure. Les ivrognes pouvaient entrer là comme ils voulaient. D’abord elles furent laissées tranquilles, puis, sous tous les prétextes on ouvrait, on refermait, on rouvrait… Des grossièretés partaient à leur adresse… des gestes ignobles souvent les accompagnaient… Comme il faisait très chaud ils s’étaient dévêtus pour danser.

Deux étaient complètement nus. Le major sautait et roulait en chemise, et en bottes, sanglé par son ceinturon et casque en tête. Après quoi, ce fut un autre divertissement, une fusillade. Ils déchargeaient leurs revolvers sur les meubles, sur tout ce qu’ils pouvaient viser… Ils cassèrent les glaces, trouèrent les photographies dans leurs cadres sur la cheminée du salon. Ensuite, ce fut le tour des petits tableaux… contre le mur… La porte s’ouvrit… Rose-Lys, éperdue, vit un jeune officier qui visait le chasseur au marias… La balle troua le chasseur en faisant sauter la glace… li tira de nouveau et creva un canard… Il tira encore, et encore, et creva l’autre canard et le chien… La porte se referma et Rose-Lys ne vit plus rien.

Qu’était devenue la pochette de cuir pour laquelle deux hommes étaient morts ?

— Hoch ! Hoch !

Et des verres se brisèrent et ce furent des hurlements de bêtes où ils essayaient d’imiter les cris de tous les animaux… un vacarme de brutes déchaînées. Tout se tut… sans transition… Ce fut un silence complet, absolu, sans une parole, sans même un murmure de voix… Seulement on distinguait des allées et venues, des pas pressés, des cliquetis de sabres… Devant la porte de la rue, des chevaux piaffaient.

Un ordre de départ… Cinq minutes après, la cauchemar finit, la maison était vide…

Rose-Lys se pencha à la fenêtre. Le major lui cria :

— Demain à Rethel… Sinon l’on vous expédiera toutes les trois en Allemagne !

Elle pénétra dans le salon saccagé, sentant le vin et le tabac, aux meubles éventrés, et dont la carpelle était salie de toutes les souillures et de toutes les immondices.

Le tableau troué, vitres en éclats, pendait toujours à sa place.

Elle monta sur une chaise pour y atteindre… glissa la main contre le mur.

Pulchérie, sans comprendre ces allures, regardait faire.

À ce moment, comme si elle avait été frappée par une commotion électrique, Rose-Lys se retourna brusquement…

Derrière elle, sur la rue, la fenêtre était grande ouverte…

En face, de l’autre côté de la chaussée, une maison bourgeoise offrait au soleil ses volets verts, les pampres de sa vigne grimpante et des glycines défleuries. La maison avait été occupée, elle aussi, par les Boches, et elle avait subi le même sort que celle de Cyrille Leduc…

Or, de l’une des fenêtres, à l’instant précis où Rose-Lys se retournait, une tête disparut surprise à l’improviste…

Les yeux encore brouillée de larmes, la jeune fille crut avoir mal vu…

Sa main toucha la pochette de cuir…

Elle eut un frémissement de joie…

Mais pour la seconde fois, invinciblement attirée, elle se retourna vivement.

Et, pour la seconde fois, la tête disparut.

Cette fois, elle était bien sûre de ne s’être pas trompée :

Elle avait vu…

Quelqu’un la guettait… et même, si rapide qu’eût été cette vision, elle eut l’intuition que l’espion devait être un des bandits qui avaient ordonné le meurtre de son père et celui de Jean-Louis…

Et elle resta ainsi, tournée vers la fenêtre inondée de soleil, n’osant plus bouger et retirer la pochette, comme si sa main avait été prise au piège entre le mur et le tableau du chasseur au marais…

Derrière sa douceur, l’enfant cachait une énergie virile.

Elle garda son sang-froid.

Et sans perdre de vue l’autre maison, mais la voix altérée, elle dit :

— Pulchérie, je cours en ce moment un grand danger…

— Mon Dieu ! dit la vieille fille, les mains jointes.

— Veux-tu me sauver ?

— Si je veux !  !

Et les bons yeux de Pulchérie s’emplirent d’un grand et muet reproche.

— Dans la maison d’en face, un misérable me guette, il a intérêt à savoir ce que je fais… il s’en doute… il attend… Il a tué Jean-Louis pour lui voler un document… Ce document, Jean-Louis l’avait caché derrière ce tableau… il y est encore… et Jean-Louis m’avait dit : « Si je meurs, tu garderas ce dépôt au péril de ta vie… » Dans un instant, l’homme sera ici et me fouillera… Et cette fois, il trouvera… Veux-tu m’aider ?

— Oui, fit Pulchérie, dont les dents claquaient.

— Je vais soulever le tableau et la pochette glissera contre le mur… Tu la ramasseras… Tu la cacheras contre ta poitrine, plus tard, dans la doublure de ta jupe… et pendant que je resterai où je suis, dans la même attitude, en retenant l’attention de l’homme, tu descendras au jardin… Quand l’homme rentrera ici, car il va venir, j’en suis sûre, tu ne t’occuperas plus de moi ni de Rolande… Tu nous abandonneras à notre sort… Tu t’en iras de ton côté et tu te sépareras de nous…

— Me séparer de vous !… de vous !… Mais vous n’y pensez pas, mon enfant.

— Il le faut…

— Mon Dieu, mon Dieu, que de malheurs !

Elle roula son chapelet et commença : « Je vous salue, Marie, pleine de grâces… »

— Tu prieras plus tard…

En se retournant, elle vit s’agiter le rideau, dans la maison voisine.

— Il est toujours là…

Elle souleva le tableau.

La pochette glissa, s’échappa, s’abattit sur le plancher. Une balle en avait écorné un coin… C’était tout… Elle était intacte…

Morte de peur, Pulchérie n’osait s’en emparer…

Cela lui paraissait quelque chose d’infiniment redoutable, et l’était en effet, ce mince sachet ensanglanté par trois fois…

— Fais vite, ma bonne, je commence à me fatiguer d’avoir les bras en l’air, et, de l’autre côté de la rue, l’espion n’ose pas quitter son poste…

Pulchérie obéit… Ses mains tremblaient comme des feuilles par un coup de vent…

— Tu trouveras mon sac sur le lit de Rolande… tu prendras l’argent que tu veux… Vite, ma pauvre bonne, vite… Il me semble que, là-bas, l’homme se doute… Vite !  !

Les jambes chancelantes, Pulchérie se retenait au mur…

— Sur ta vie, et si tu crois en Dieu, ne te sépare jamais de ces papiers et n’en parle à personne… Jure, ma bonne, jure, sur la croix de ton chapelet…

— Je jure ! fit la pauvre femme d’une voix éteinte.

— Sur moi, ces papiers seraient perdus… Toi, on ne soupçonnera jamais que tu les emportes !…

— Mais toute seule, sainte Vierge, toute seule, qu’est-ce que je vais devenir ?…

— Tu as des parents à Paris… Je t’en ai entendu parler quelquefois…

— Une sœur, bien pauvre, bien vieille comme moi… Noémie… Mais Paris, c’est loin… et c’est si grand… et c’est si dangereux pour les pauvres femmes isolées… Quel malheur, que tout cela soit arrivé… quel malheur !…

Soudain, prise d’une colère furieuse sous le poids de toutes ces catastrophes :

— Ah ! les cochons ! les cochons !  ! hurla-t-elle, en levant ses deux poings.

Et ainsi soulagée, elle parut plus calme.

Rose-Lys, toujours grimpée sur sa chaise, l’entendit aller et venir… dans la chambre de Rolande. La vieille pleurait. Elle cria, dans un sanglot :

— Au revoir, mon enfant… que le bon Dieu vous protège…

L’escalier gémit sous ses pas… Les pierrettes grincèrent dans le sentier du jardin.

Alors, Rose-Lys abaissa les bras et descendit de la chaise…

— Il va venir ! pensa-t-elle.

Elle attendit quelques seconde et l’homme parut : c’était Nicky Lariss…

Il la saisit par le cou et la jeta sur un fauteuil :

— Les papiers !  ! que tu cherchais là, derrière ce tableau… Ne mens pas…

Rose-Lys parut au comble de la surprise :

— Je ne cherchais rien derrière ce tableau et j’ai bien remarqué votre espionnage…

— Alors, que faisais-tu, grimpée sur cette chaise ?

— Vous ne voyez pas que la glace, sur la cheminée, est toute brisée, et qu’il n’en reste qu’un morceau, là-haut, dans l’angle ?… Je suis montée sur la chaise pour y atteindre… et je me coiffais simplement… Ça n’est pas défendu, je suppose ?

Le bandit comprit qu’il allait être joué.

Il roulait autour de lui des yeux féroces.

Et tout à coup, il cria :

— La vieille ?…

— Que lui voulez-vous ? dit Rose-Lys, paisiblement,

— Où est-elle ? Il me la faut sur-le-champ.

— Elle nous a quittées depuis ce matin, elle avait trop peur…

— Tu mens… Tu sais où elle est ?

— Mais oui…

— Et tu vas me le dire, sinon…

Il appliqua un revolver contre les yeux de la jeune fille.

— Mais oui, je vais vous le dire, je n’ai pas de raison pour vous le cacher…

Montrant le papier signé du major :

— Avec un sauf-conduit pareil à celui-ci, elle est retournée à Clairefontaine… Moi-même je vais en faire autant, avec ma pauvre amie malade, puisque c’est l’ordre… Et si vous avez quelque recommandation à transmettre à Pulchérie, ce sera pour moi un plaisir…

Cette fois, il n’aurait pas le dessus.

Un instant, il resta indécis, se rappelant ses soupçons et ce qu’il croyait avoir vu tout à l’heure, quand Rose-Lys fouillait derrière le tableau. Ni lui, ni Sturberg n’avaient cherché là. C’était là, maintenant il en était sûr, qu’était la cachette… Il arrivait trop tard… Partie remise, car, par la menace ou par la force, il n’obtiendrait rien de cette enfant. Comme une bête furieuse, il parcourut toutes les pièces de la maison, traversa le jardin, mais depuis longtemps Pulchérie n’y était plus. Elle allait, la pauvre femme, au hasard des rues encombrées de soldats, n’écoutant que son horreur et son épouvante, sourde aux clameurs, aveugle à tous les spectacles, refoulée parfois dans une encoignure, parfois se retrouvant libre, au milieu d’une rue pour un instant déserte… Son chapelet roulé dans le creux de sa main et son autre main contre son cœur pour s’assurer que le terrible dépôt dont elle avait la garde était bien là. Mais si peureuse qu’elle fût, c’était une fidèle. Il ne lui vint même pas à la pensée qu’elle pourrait ne pas accomplir le devoir qu’on avait réclamé de sa probité. Qu’était-ce que ce secret qu’elle emportait ainsi ? Elle ne se le demanda point et sa curiosité n’en fut pas éveillée. Un trésor, une fortune, n’importe quoi ? Elle ne s’en soucia pas. Elle erra ainsi jusqu’à la nuit, réussit à acheter du chocolat, ne trouva plus de pain, alla sur le Parvis s’asseoir sur le socle de la statue de Jeanne d’Arc, pour se protéger contre toute violence dans l’ombre des tours de la basilique éclairée par la lune. Elle croisa les bras sur ses genoux après avoir enroulé son chapelet autour de son poignet, posa la tête sur ses bras, et, dans cette posture, à côté de cinq ou six malheureux qui étaient comme elle, Pulchérie finit par s’endormir d’un sommeil de fatigue et de fièvre.

Le lendemain elle essaya de sortir de Reims et de prendre la route de Paris.

Ce fut impossible. Toutes les routes, les rues, jusqu’aux sentiers, étaient gardés sévèrement.

Elle essaya de nouveau, elle essaya tous les jours. Des soldats la repoussèrent à coups de crosse. Alors elle n’osa plus renouveler sa tentative. Une fois, pendant la nuit, elle s’aventura jusqu’aux abords de la maison du chemin de Bétheny, malgré les ordres formels qui défendaient, sous peine de mort, qu’on sortît après sept heures du soir. La maison de Cyrille était vide. Rolande et Rose-Lys étaient parties. Elle s’y attendait, et pourtant elle pleura, de se sentir un peu plus abandonnée. Elle vécut plusieurs jours, sans parler à personne, farouche dans son épouvante. Elle n’apprit rien de ce qui se passait. Elle souffrait comme un pauvre animal qui ne peut pas se plaindre.

Ce fut ainsi que les journées s’écoulèrent.

Et ce fut ainsi, pour elle, que se leva l’aurore du 13 septembre.

Ce jour-là était un samedi.

Il pleuvait.

Les bruits de la bataille se rapprochaient.

Roulements de la canonnade et crépitements de mitrailleuses devenaient plus distincts.

Elle ne s’en inquiéta pas, tournant seulement parfois la tête vers l’ouest et le sud-ouest de la ville, d’où venait la formidable tempête.

Au courant de la journée, des gens qui partageaient sa misère lui dirent :

— Ils s’en vont, ma bonne vieille… Vous ne les voyez donc pas ?

Non, elle ne les voyait pas.

Pourtant, c’était vrai, les Boches évacuaient Reims, en emmenant avec eux une centaine d’otages qu’ils renvoyèrent du reste peu de temps après.

La nuit fut calme.

Toute une troupe de réfugiés, dont Pulchérie faisait partie, avait cherché un abri dans une maison de la rue du Barbâtre.

Aux premières lueurs de l’aube, en sortant, ils entendirent des hommes, éperdus de joie, qui couraient on ne sait où, allaient en avant, revenaient sur leurs pas, et qui criaient en un accès de folie :

— Ils sont partis… Les Français arrivent !

Et c’était vrai.

Par petits groupes, on les vit, sous le soleil levant, qui longeaient les maisons, le fusil à la main, dépoitraillés, pliés sous le sac, en sueur, glorieux et superbes.

En un instant les rues furent envahies.

Des tonneaux de vin s’alignèrent…

Les femmes cueillirent des fleurs…

Elles embrassaient les soldats en pleurant…

Alors, Pulchérie comprit qu’elle devait se rassurer.

À deux heures de l’après-midi, elle se trouva sur le passage du général Franchet d’Esperey, qui faisait son entrée au milieu d’un délire de joie et de larmes heureuses.

Le soir, les obus allemands tombèrent sur la ville, vers le nord.

Le bombardement commençait, qui devait durer, celui-là, trente-quatre jours.

Le 19, la cathédrale brûlait.

Ce fut ce jour-là que Pulchérie réussit à monter dans un train en partance pour Paris.

Elle y arriva le lendemain matin.

Quand elle voulut sortir de la gare de l’Est, elle fut si effarée qu’elle rentra précipitamment dans le hall, où elle trouva une place au coin d’un banc…

Paris, c’était le désert et quelque chose d’effrayant…

Qu’allait-elle devenir, dans cet océan de maisons ?…

Ici, à la gare, elle se sentait un peu moins dépaysée. Il lui semblait que, ne fût-ce que par la longue ligne des rails, elle était encore reliée, malgré tout, à sa lointaine campagne des Ardennes, et que toute communication n’était pas interrompue avec le village qu’elle n’avait de sa vie quitté…

Tandis que si elle avait fait un pas dehors, c’était l’inconnu et c’était la terreur…

Elle passa toute la journée et toute la nuit dans la gare…

Ce fut le lendemain seulement, en serrant bien fort son chapelet roulé dans sa main gauche, qu’elle se hasarda, toute fiévreuse, et les oreilles bourdonnantes.