P.-G. Delisle (p. 257-258).


FLEURS ET JEUNES FILLES




Dans le parterre humain il est des fleurs superbes,
Prodiguant au grand jour leurs brillantes couleurs ;
Mais il en est aussi qui cachent sous les herbes
Leurs coroles, luisant comme des yeux en pleurs.

J’ai toujours préféré ces fleurs humbles, modestes,
Qui ne s’étalent pas devant tous les passants ;
Car elles ont souvent de ces reflets célestes,
Qui pour l’âme d’élite ont des attraits puissants.

J’en sais une, vivant au fond d’une retraite,
Et ne se laissant voir qu’à de rares amis.
Ah ! lecteur, tu t’éprends de cette fleur discrète ?
— De la faire connaître il ne m’est pas permis.


Si c’était une fleur qui ne saurait pas lire,
J’en dirais autre chose et j’écrirais son nom ;
Il me plairait louer sa candeur, son sourire…
Mais elle me lirait ? Je ne dirai rien, non.

Laissons l’humilité, cette vertu divine,
Embellir à la fois jeunes filles et fleurs ;
Nommons-les — mais tout bas — violette, ou… devine !
Et taisons leur toujours leur beauté, leurs couleurs.


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