P.-G. Delisle (p. 225-226).


GRAVITATION CÉLESTE




Lorsque dans la nuit claire, au firmament bleuâtre,
Pâle comme une vierge au moment de mourir,
La lune a suspendu son beau globe d’albâtre,
Avez-vous regardé les nuages courir ?

Du fond de l’horizon, lentement ils surgissent ;
Sombres d’abord, ils font l’ascension du ciel,
Mais, en montant toujours, par degrés ils blanchissent,
Et leur aspect devient plus immatériel ;

Et si jusqu’au zénith ils poursuivent leur voie,
Et se rangent en cercle autour de l’astre en feu,
On dirait des rideaux de dentelle et de soie,
Par d’invisibles mains tendus sur le ciel bleu.


Rien ne surpasse alors la blancheur vaporeuse
Des replis festonnés de ce brillant décor.
Mais s’ils poussent plus loin leur course aventureuse,
Et vont sous l’horizon se replonger encor,

Adieu les teintes d’or, d’onix et de topaze ;
Ils perdent tout-à-coup leurs reflets les plus beaux,
Et les plis ondoyants des tentures de gaze
Se changent par dégrés en ténébreux lambeaux.

L’âme subit aussi ces changemens étranges,
Suivant qu’elle s’approche ou s’éloigne des cieux ;
Quand elle monte, et plane au-dessus de nos fanges,
On la voit resplendir d’un éclat radieux.

Mais si, perdant sa voie, errante, elle gravite
Loin de l’astre divin qui sur elle reluit,
L’obscurité bientôt envahit son orbite :
Elle s’éclipse, et va se perdre dans la nuit !



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