Le vol sans battement/De la pénétration

Édition Aérienne (p. 266-279).

DE LA PÉNÉTRATION


La pénétration envisagée dans cette étude est la faculté qu’a un solide de pénétrer l’air ou l’eau, voire même la terre meuble.

Cette propriété repose sur diverses dispositions du corps pénétrant.

Pour les oiseaux qui nous occupent spécialement elle réside dans :

La nature plus ou moins parfaite de sa surface qui lui permet de glisser avec plus ou moins de succès dans le milieu aérien ;

La forme plus ou moins heureuse comme pénétration de l’ensemble du corps ;

Enfin, la disposition particulière de la coupe des ailes.

Avant d’étudier ces diverses dispositions, nous remarquerons que l’importance de la masse est un apport sérieux qui agit d’une manière remarquable par sa seule présence.

La façon particulière dont est organisée la surface d’un solide est un facteur important de sa faculté de pénétration. Ainsi, un clou rouillé ne pénètre pas le bois comme un clou lisse et graissé.

Certaines substances ont une réputation de glissement qui est connue des masses : le savon, le coldcream, le blanc d’œuf, la peau de pêche, etc., etc.

En marine, où cette propriété de la matière devrait être étudiée à fond, on semble, malgré son importance, la négliger beaucoup trop. Cependant les gens de mer ne sont pas sans avoir observé qu’une coque qui sort du bassin de radoub fait à vitesse égale une économie importante de charbon, que le bois de chêne file mieux dans l’eau que le sapin, que le teck et l’acajou leur sont supérieurs, que le cuivre non peint court mieux que le fer. Quelques-uns d’entre eux se sont même aperçu que certaines peintures procurent quelques heures d’avance dans les traversées d’une certaine longueur, toujours à dépense de charbon égale et à temps similaire.

On a cherché à rendre la coque des bateaux glissante ; pour cela, on a essayé le pétrole, l’huile et même l’air, qui, lancé à l’avant par une quantité d’ouvertures, fait que le bâtiment roule sur des globules d’air et doit voir son traînement diminué. Ces divers procédés, faute de résultats bien précis, ont été délaissés.

Toutes ces remarques et tous ces essais nous montrent que nous avons affaire à une question importante. Voyons donc comment s’y prend le grand maître quand il veut économiser la dépense de force et par cela même procurer la célérité.

Chez les animaux qui ont à se mouvoir dans la terre, nous remarquons deux faits qui leur sont particuliers. D’abord une forme spéciale, toujours la même, qu’ils soient d’une échelle ou d’une autre des êtres, et une faculté de glissement excessive.

La forme est le cône à l’avant et le cône à l’arrière : vers de terre, souris, taupe, etc. Chez ce dernier animal, le sens d’effilement, qui ne permet aucune renflure, est tel qu’il lui a atrophié les os du bassin : la taupe ne produit pas ses petits comme le reste des mammifères ; chez elle, l’opération césarienne s’effectue toute seule à chaque portée.

Maintenant, observons la nature de la surface de ces êtres à vie souterraine. Comme glissement, qui n’a amorcé sa ligne sans avoir vu le ver de terre lui glisser des doigts ? Pour la taupe, il n’y a pas de fourrure à lui comparer sous le rapport de cette propriété ; les peaux de phoques et de lions marins sont bien loin de compte : aussi l’emploie-t-on pour garnir l’intérieur des sarbacanes, arme dans laquelle, ne pouvant augmenter la pression, on cherche à éviter, autant que faire se peut, le frottement du projectile. Si nous envisageons les animaux qui se meuvent dans l’eau, nous voyons qu’ils sont entourés d’une huile particulière qui a une propriété de glissement excessive. Témoin l’anguille qu’on ne peut conserver dans les mains malgré les plus grands efforts.

On peut, au reste, s’en rendre compte en faisant l’expérience suivante qui m’a donné des résultats curieux :

Prendre un de ces petits bateaux à vapeur, jouet d’enfant — du moins c’est comme cela que je l’ai expérimenté — à mouvement d’horlogerie actionnant un propulseur quelconque ; lui faire traverser par un temps calme une pièce d’eau : noter le temps employé ; puis, l’essuyer et graisser sa coque avec l’huile qu’on obtient en râclant légèrement les côtés d’un brochet vivant. Si on compare entre elles les deux courses, on trouve une différence que je ne préciserai pas, parce que cette expérience date de loin, mais, qui, de souvenir, est très intéressante.

Donc, avis aux canotiers, de remplacer la graisse dont ils oignent leurs embarcations de course par de l’huile vivante de carpes ou de tanches, poisson qu’on peut se procurer facilement en grande quantité.

L’être aquatique au sein de la masse liquide est exactement dans les mêmes conditions que l’oiseau dans le milieu aérien. Toutes les conditions sont identiques ou parallèles : courant, contre-courant, état statique du fluide, tout est semblable, moins toutefois la densité et l’élasticité. Ces deux corps, l’air et l’eau, ont été considérés par la Nature comme semblables au point de vue de la pénétration. Elle s’est servi des mêmes moyens pour procurer le glissement. C’est l’huile qui a été employée : l’huile des poissons et des cétacés, graisse huileuse des oiseaux, qui dans l’eau les isole, évite le contact, les empêche en un mot de se mouiller. C’est l’enveloppe gazeuse qui nous est indiquée là : c’est un avis à noter.

Sur la forme spéciale adoptée, il y a ressemblance aussi grande que peut le permettre la différence énorme de poids de ces deux milieux. Dans tous deux, la coupe des nageurs rapide est la même : thon, dauphin, grand-manchot et colymbus major ; poisson, mammifère et oiseau ; l’oiseau qui ne vole pas, parce qu’il n’a pas d’ailes et celui qui au vol est le plus rapide de tous. Elle ne s’est pas occupé de la classe des êtres, peu lui importe !

Pour pénétrer l’eau ou l’air avec le summum de rapidité, il faut la disposition suivante : un cône long juxtaposé sur un cône court. Tout a plié devant ce besoin. Le mammifère, le poisson et l’oiseau se sont moulés sur cette forme particulière.

Il est un fait curieux, c’est que les animaux les plus véloces dans l’eau ne sont pas les poissons, mais des mammifères et des oiseaux. Le phoque vit de poissons ; il ne les prend pas par surprise, donc, il nage mieux que la plupart d’entre eux. Etudiez le lion marin (pelagius monachus) dans une eau transparente, et vous serez devant un magnifique spectacle. La rapidité est telle qu’elle vous semblera indispensable ; vous regarderez une seconde fois, pour vous persuader que vous avez bien vu et que cette masse noire qui a passé avec la vitesse de l’éclair est bien le corps du lion marin. L’eau n’a pas frémi, vous avez seulement vu passer une ombre tellement rapide que votre intelligence n’admet pas le fait. Il faut revoir pour croire.

On comprend, en les voyant se mouvoir avec cette vélocité qu’on était bien loin de soupçonner, la possibilité des abordages extraordinaires que produit en se jouant cet amphibie. C’est ce qui explique leur présence sur de véritables perchoirs inabordables par terre, élevés souvent de trois et même quatre mètres. Le lion marin part de l’eau profonde et franchit dans l’air ces quatres mètres de hauteur. Jugez d’après ce tour de force du sort réservé au poisson qu’il poursuit.

Plus un animal est fin nageur, moins il remue l’eau, moins il y a de remous, de force perdue. Etudiez à ce point de vue l’hippopotame, comparez le peu de mouvement qu’il communique à l’eau à la nage d’un chien. Ce dernier fait plus de bruit, d’écume, de bouillonnements, que l’énorme pachyderme. J’ai vu des hippopotames au-dessus d’Assouan, il y a vingt et quelques années ; ce qui les décelait, c’était leurs ronflements et leurs cris épouvantables qu’on entend de plusieurs kilomètres, mais quant au mouvement de l’eau remuée par leur masse, il était nul. Ces monstres nagent aussi silencieusement que le grand-duc vole.

Il en est de même des bateaux ; on peut juger de leurs qualités de marche au peu de mouvement qu’ils impriment à l’onde. Le mauvais marcheur éclabousse l’eau à l’avant et produit à l’arrière de grandes ondes qui le suivent ; le bon marcheur file silencieusement, sans laisser de sillage

Pour l’oiseau qui est notre sujet d’étude, nous ne parlerons pas de celui qui pêche au vol et qui surprend sa proie quand elle approche de la surface, grâce à la rapidité incomparable de sa chute, mais au contraire d’une catégorie qui prend le poisson en le poursuivant en pleine masse liquide, et cela avec succès, puisqu’il en vit. Ces oiseaux ont même cela de particulier qu’ils ont un goût prononcé pour le genre scombéroïdes ; ils n’ont donc pas peur de la difficulté. Ces nageurs extra-rapides ne brillent pas par le vol. Leurs ailes sont des nageoires dont ils ne se servent même pas quand ils courent le poisson ; elles sont alors plaquées contre le corps, afin de ne pas gêner la pénétration ; les pattes et la queue sont les seuls propulseurs qui entrent en mouvement, et cette action est tellement puissante, la coupe de l’être est si perfectionnée, que la bonite, ce roi des rapides, est prise en pleine course, malgré ses bonds prodigieux, hors de l’eau, qui ont souvent plusieurs mètres d’amplitude : le grand manchot bondit comme elle et la capture en pleine action de vitesse.

Cette tribu d’oiseaux, les aptenodytes, ne peut être étudiée en Europe ; ils habitent l’hémisphère Sud. Le côté nord de notre globe a des nageurs, rapides de ce genre qui, malgré qu’ils soient bien moins brillants d’allure, sont cependant encore tout à fait extraordinaires sous ce rapport. Ce sont : les guillemots, macareux, pingouins, imbrins, enfin le cat-marin (colymbus septentrionalis), que j’ai possédé et étudié. Cet oiseau dans un bassin, est étourdissant, il plonge comme un poisson et nage bien mieux que lui.

La ville de Genève s’était offerte, il y a quelques années, des cormorans, qui sont des plongeurs remarquables. Ces oiseaux devenus très familiers pêchaient sous les yeux des spectateurs dans ce cristal bleu qui fait le Rhône. Des ponts et des quais, on pouvait suivre toutes leurs évolutions et assister à leurs pêches ; pas un de, leurs mouvements n’était caché. Cette transparence fut leur perte.

Les Genèvois remarquèrent qu’ils vivaient spécialement de truites ; et ce poisson est sacré à Genève ! Ces brillants pécheurs furent donc proscrits : on s’en débarrassa. Mais comment s’y prenaient-ils pour s’emparer d’une truite en pleine eau ? Quand ce poisson part, il a la rapidité de la foudre : l’œil ne peut le suivre. Il disparaît et ne redevient visible que quand il est immobilisé, alors, c’est le repos tellement absolu qu’il faut la plus grande attention pour ne pas le confondre avec les pierres du fond de la rivière.

On voit donc que la tournure allongée en cigare n’est nullement la forme que procure la célérité ; témoin les serpents, l’anguille, la flèche et tous les poissons longs qui sont de faibles nageurs.

Les chercheurs de coupe de bateaux, flotteurs et sous-marins font fausse route en donnant à leurs œuvres cette disposition en longueur qu’ils croient la meilleure. Ils partent de ce principe qui semble logique à première vue qui est que le poisson nage bien. C’est le pendant de cet aphorisme : l’oiseau vole parfaitement. Ces deux principes sont, moins de rares exceptions, absolument faux !

L’oiseau quelconque vole toujours exactement bien pour pouvoir exécuter les besoins de son alimentation et de sa vie particulière ; il est toujours une merveille sous ce rapport ; mais si on envisage le côté défense, il est bien loin de compte. Ainsi, il est certain que si les gallinacés, les petits oiseaux, en général, étaient des merveilles de construction ils ne serviraient pas d’aliment aux rapaces nobles. Si un étourneau par exemple qui vole du vol moyen des êtres ailés, volait encore mieux, il ne se laisserait pas capturer par le faucon au beau milieu des airs sans essayer de se défendre. Le pèlerin, dans cette chasse, n’a pas plus d’embarras pour le prendre que nous n’en avons pour cueillir une fraise ; il arrive avec sa célérité épouvantable sur le pauvre oiseau isolé, paralysé par la peur et la malheureuse bête n’essaye pas même d’un seul crochet pour éviter la mort.

Donc, les oiseaux en général volent mal : songez à la poule devant l’aigle, à la caille, à l’alouette devant l’émerillon ou l’épervier, etc. ; d’un autre côté voyez la quiétude de l’hirondelle ou du martinet, ou encore mieux, de cette pauvre désarmée du bec et des pattes que nul rapace n’a songé, même en rêve, à capturer : je veux parler de la bécassine, ce projectile qui bondit dans l’espace avec une vélocité stupéfiante.

Chez les poissons, c’est le même cas. Tous nagent dans la perfection pour suffire à l’alimentation, mais pour lutter contre les espèces voraces il est démontré à tous les mangés qu’ils sont des impotents : et les mangés sont la très grosse phalange ; on pourrait dire sans exagération tous moins un.

Mais ce un en lui-même est-il une merveille incomparable comme vitesse, n’a-t-il pas d’ennemi plus rapide encore que lui, n’est-il pas mangé à son tour, et par qui ?

Et cependant, ces derniers mangés, ce sont la traite des lacs, le saumon des fleuves du Nord, pêché à la course malgré ses sauts prodigieux. Ce sont les perches rapides, les brochets féroces, enfin tous ceux qui dévorent les autres. En mer, ce sont les maquereaux, les harengs et cet éclair qui se nomme la bonite (scomber sarda). Le roi des destructeurs de tous ces mangeurs de poissons est le grand manchot. Tous les autres, plongeons, gorfous, sphénisques et pingouins divers s’inclinent devant ce maître véloce.

C’est donc ce nageur extra-rapide qu’il faut prendre comme modèle de célérité.

Il n’y a pas à errer, un simple moulage de l’oiseau sera plus précieux au constructeur de bâtiments que toutes les spéculations qu’on pourra échafauder sur ce sujet.

Toutes ces digressions sont là pour nous amener à la question qui nous intéresse spécialement : la pénétration de l’air.

Ne cherchons rien, n’inventons rien, ne nous creusons pas la tête inutilement ; tout est trouvé, les modèles sont tellement abondants que le seul embarras que nous ayions est celui de bien choisir notre sujet d’étude.

Les petits êtres chez lesquels nous voyons apparaître le pouvoir de voler n’ont presque pas à envisager cette question. La rapidité est peu de chose pour eux. L’aile les élève plutôt qu’elle ne les transporte, témoins les petits coléoptères, les moustiques, etc. Là, point de disposition spéciale pour obtenir la rapidité ; aussi est-elle à peu près nulle.

A mesure que l’être ailé grossit, à mesure cette fonction croît et devient de plus en plus prépondérante ; voyez les mouches, les abeilles, les phalènes, sans parler de ce sous-ordre d’insecte à vol lent, l’immense famille des, papillons.

Si nous abordons la classe des oiseaux, le vol s’allonge avec l’augmentation de la masse, mais nous remarquons aussi que la nature de la surface a aussi une grande importance. L’oiseau va, comme plumage, de la surface pulvérulente à la surface grasse : canaris, gallinacés poudreux, à vols lents, à comparer au martinet presque gluant qui pue l’odeur particulière de sa graisse lubrifiante.

Pour se bien persuader de l’action de la nature des surfaces sur les oiseaux on n’a qu’à prendre deux oiseaux morts, autant que possible de vol rapide, semblables d’espèce et de volume ; soit deux pigeons du même poids. Lier l’un avec des fils dissimulés sous les plumes ; mettre l’autre dans la même position, mais enveloppé de mousseline. Les laisser tomber à terre d’une certaine hauteur et voir de combien le premier arrive à terre avant le second.

Pour les aéroplanes, cette question, quoique ne primant pas, aura cependant besoin d’être étudiée ; elle permettra la pénétration, et par cela même la sustentation. Le bénéfice de vitesse équivaut à un bénéfice de sustentation, à une facilité de se faire porter, par conséquent à une diminution de surface possible ; fait qui est d’une importance capitale puisqu’il amoindrit l’écueil de l’aviation qui est l’envergure.

Envisageons maintenant l’action de la forme des corps.

Toutes les formes ne doivent pas avoir les mêmes facultés de perforation de l’élément aérien. Chez les oiseaux comme chez les poissons, elle varie de la forme générale plate verticale à la tournure plate horizontale en passant par la boule. Exemple : la marouette à grand axe vertical absolument prépondérant : vol à peu près nul. Perdrix, boule allongée, qui stationne bien plus facilement sur terre que dans l’air. Aigles et grands vautours, ayant la poitrine plate, un dos immense, possédant tout à fait la tournure des lutteurs : vol remarquable surtout au point de la station facile dans l’air, du planement lent plutôt que de la vitesse. Enfin, comme type de célérité, une forme particulière parallèle dans deux oiseaux, l’un qui ne vole jamais et l’autre qui ne vole que rarement, mais qui atteignent chacun la plus grande somme de vitesse, l’un dans l’eau et l’autre dans l’air. Ces deux modèles, le grand manchot et l’imbrim sont ainsi établis : deux cônes juxtaposés par leurs bases. Le premier cône, celui formant l’avant de l’être, ayant le double de longueur au moins de celui qui fait l’arrière du corps. A cela joindre un aplatissement de ces deux cônes qui fait que le diamètre qui passe par les deux épaules est le double de celui qui passe par la colonne vertébrale et le sternum.

Telle est la forme qui dans les êtres permet la plus grande célérité dans l’eau et dans l’air. La nature n’a pas trouvé mieux !

C’est cette observation qui, reproduite d’une manière incomplète, a amené l’essai infructueux du bateau plat de Genève. Idée à reprendre, car, là, doit être la clef des gabaris capables de donner des vitesses excessives.

Les constructeurs de bateaux arrivent lentement par tâtonnements successifs à cette disposition, et il n’y avait qu’à regarder autour de soi pour trouver des modèles tout faits. Effectivement sans aller au pôle sud chercher l’apténodyte introuvable, qui, à part le moment où il niche, n’est visible que quand il saute hors de l’eau, dans nos mers, en hiver, sur nos lacs même (Voir la collection des oiseaux du lac au musée de Genève), on trouve une série d’oiseaux qui démontre le bien observé de cette coupe.

Chez les animaux suivants les grands diamètres sont d’autant plus prépondérants sur les petits que la rapidité de vol ou de nage est plus grande :

Oie, qui pivote sur elle-même en nageant, ne bouge pas de place ; c’est tout à fait un type d’immobilité ;

Cygne, flotteur gracieux mais nullement rapide ;

Canards et sarcelles, bien autrement véloces que les deux précédents, et plongeant surtout infiniment mieux ;

Puis viennent les grèbes, les petits plongeurs divers, le cat-marin, et enfin le rapide imbrin, qu’on ne pouvait tuer avec le fusil à pierre, tant sa plongée est rapide.

Chez ces oiseaux, le corps tend à la tournure indiquée plus haut, et y arrive dans toute sa pureté chez ces deux sommets de la famille des Alcadées : les pingouins dans le Nord et les apténodytes dans le Sud.

La forme du corps de l’être est beaucoup, mais n’est pas le seul facteur à envisager ; il reste encore à étudier la disposition de l’aile.

L’aile, dans l’oiseau, a une forme d’autant plus parfaite que la rapidité doit être plus grande.

Quelle est la forme la plus perfectionnée à ce point de vue ?

La réponse n’est pas facile à donner. Il y a plusieurs types prépondérants très différents les uns des autres : l’aile qui accepte le vent le plus minime, grand vautour ; celle qui a pour mission de pousser rapidement l’oiseau dans un vent moyen, hirondelle ; celle qui a à pénétrer les courants actifs, ailes étroites et longues, oiseaux de mer.

Mais à ces types particuliers de fonctions différentes viennent se greffer des formes étranges, s’écartant des tournures usuelles et qui donnent cependant des résultats bien dignes d’être notés, témoin le martinet, le colymbus et les hiboux.

Chez le martinet, l’aile longue et étroite n’a plus le même effet que celle de l’oiseau de mer. Elle propulse, mais pousse mal ; c’est bien loin de l’hirondelle et du pigeon. Au reste, cette forme est unique. C’est l’aile toute en rémiges, le bras et l’avant-bras en moignons sont des espèces de charnières qui lient au corps huit plumes à chaque aile, longues et robustes, qui font tout l’ouvrage.

Chez les colymbus divers, c’est différent ; l’aile est encore étroite, mais elle est excessivement petite. C’est cette petitesse comparative à la masse qui procure à ces oiseaux cette rapidité étonnante. C’est l’exagération du vol des canards et des sarcelles. Quand cette petitesse atteint la limite de l’utilité, elle éteint le vol toutes les fois que le courant d’air n’est pas excessivement actif, témoin tous les alcadées qui ne peuvent pas voler tous les jours ; mais par une rude bise, une fois bien lancés, ils atteignent des vitesses qu’eux seuls, parmi les êtres de notre globe, peuvent se procurer.

Nous avons vu que l’aile faite pour pénétrer les grands courants d’air est toujours étroite. Nous ajouterons à cette disposition cette remarque qu’elle n’est creuse que de la quantité nécessaire pour pouvoir arriver, sous l’action du poids qu’elle à porter, à la forme presque plate.

Une aile très creuse est faite pour d’autres exercices, plus violents : ascensions verticales ; type, la poule qui monte presque perpendiculairement à son perchoir.

L’aile creuse est faite pour pomper, l’aile plate pour glisser.

Quant aux ailes des hiboux, là encore se montre une disposition tout à fait curieuse. Le grand-duc présente l’exagération de cette coupe particulière. Chez ces nocturnes, le creux de l’aile semble être en dessus, au moins dans la partie des rémiges. Au repos la main est plate, en action de vol le creux est en haut.

La faculté de glissement dans ce cas est au reste au moins égale à la forme contraire, c’est-à-dire le creux portant sur l’air. Nous en avons pour preuve les aéroplanes mal équilibrés, qui renversés, marchant sur le dos, vont à la perfection. Cela m’est arrivé bien des fois. C’est un cas très intéressant à étudier.

Comme on le voit, l’aile est difficile à analyser au point de vue de la pénétration en général.

Pour répondre avec justesse à cette question, il faut la décomposer et y joindre une autre demande qui est celle de la vitesse du courant dans lequel l’être aura à se mouvoir, témoin les petites ailes du vol rapide qui sont impropres au vol par le calme et qui, par un courant violant, font merveilleusement leur ouvrage.

Cependant, on peut dire avec justesse que deux dispositions tendent à procurer la célérité ; le peu de largeur de l’aile, et sa petitesse ; à quoi il faut toujours joindre une masse importante, sans cela l’air ne se laisse pas pénétrer.