Le premier livre des Sonnets pour Hélène/L’autre jour que j’estois
IX
L’autre jour que j’estois sur le haut d’un degré,
Passant tu m’advisas, et me tournant la veue,
Tu m’esblouis les yeux, tant j’avois l’ame esmeue
De me voir en sursaut de tes yeux rencontré.
Ton regard dans le cœur, dans le sang m’est entré
Comme un esclat de foudre alors qu’il fend la nue :
J’eus de froid et de chaud la fiévre continue,
D’un si poignant regard mortellement outré.
Lors si ta belle main passant ne m’eust fait signe,
Main blanche, qui se vante estre fille d’un Cygne,
Je fusse mort, Helene, aux rayons de tes yeux :
Mais ton signe retint l’ame presque ravie,
Ton œil se contenta d’estre victorieux,
Ta main se resjouyt de me donner la vie.