Le plymouthisme d’autrefois et le darbysme d’aujourd'hui/Préface



PRÉFACE.


Par cela même qu’un homme fait de l’histoire, il n’est point à l’abri de la critique. Chacun peut le comprendre. Celui qui connaît un peu les hommes et les choses, ne peut en parler, si judicieux qu’il soit dans ses appréciations, sans trahir ses propres convictions. Il est historien et juge à la fois. À moins de garder le silence (ce que nous ne pourrions faire en bonne conscience) il n’est guère possible de prendre la défense de la vérité dans aucun cas, sans paraître identifié avec tel parti ou avec tel autre. Mais il est temps de détruire les fausses impressions, d’éclairer et de rassurer les esprits inquiets. Or, il nous restait à choisir entre les reproches de notre conscience et ceux auxquels nous pouvons nous attendre de la part de nos adversaires. Il a fallu pourtant une circonstance pour nous déterminer à faire un exposé des tristes évènements qui se sont accomplis dans une partie de l’Église de Dieu. Cette circonstance la voici : Un jour Mlle J. reçoit d’un frère séparatiste qui la visite, un manuscrit portant la signature de M. Trotter, d’origine anglaise. Ce frère lui donna à lire le document, sans doute, dans le but de la troubler et de la détourner d’une réunion qu’elle continue à fréquenter. De plus, il défendit expressément à notre sœur de remettre à l’un de ses meilleurs amis le susdit document, de peur, sans doute, que nous y opposassions la contre-partie. Une telle manière de procéder, qui accuse le Jésuitisme dans sa forme la plus vulgaire, bien loin de nous prévenir en faveur de son système, ne fait que nous confirmer dans la conviction que cet ami et ceux avec lesquels il marche, sont dans l’erreur. De là, nous avons senti la nécessité de faire un exposé historique que nous présentons sous ce titre : Le Plymouthisme d’autrefois, et le Darbysme d’aujourd’hui. Nous avons écrit ses détails bien à la hâte, et quoique les faits se soient présentés à notre esprit dans leur ordre naturel, nous avons négligé bien des choses, ce qui n’aurait pas eu lieu s’il se fut agi d’un travail prémédité.[1] La matière qu’embrasse notre sujet est assez étendue pour qu’il soit nécessaire de la diviser en trois parties que nous résumons ainsi :

L’Église ou « les Frères de Plymouth » dans leurs plus beaux jours.

Leur déchéance par l’abandon de leur première charité, et les dissensions qui s’en sont suivies.

Le Darbysme en France, jugé par l’évidence des faits.

Ceux qui ont des yeux pour voir et des oreilles pour entendre, ne tarderont pas à reconnaître que l’œuvre, bonne à son origine, a été gâtée par les éléments humains qui s’y sont introduits, et verront pareillement comment le Plymouthisme, en se corrompant, a donné naissance au Darbysme. Les sources auxquelles nous avons puisé tous ces renseignements ne sauraient être suspectes. M. Newton et

  1. Trois systèmes qu’il est désormais impossible de confondre, sont ici mis en présence. On peut les reconnaître sous les noms de Newton, Darby et Bethesda.
(✝). Bethesda est le nom d’une Église, tandis que N. et D. sont deux hommes qui ont joué un rôle important comme on le verra par la suite. son parti peuvent avoir écrit. Nous ne les avons point consultés. Quant à Bethesda, ils n’ont rien oublié pour la défense de leur cause, préférant, sans doute, la laisser entre les mains de Celui qui juge justement. D’où il suit qu’il nous était imposible de former notre opinion d’après la leur. Dans un cas seulement nous nous sommes permis d’invoquer le témoignage de Lord Congleton qui a parlé à leur avantage. C’est donc à notre correspondance particulière et aux écrits de M. Darby lui-même, ou à ceux de ses amis, que nous avons emprunté les détails suivants. La plupart des textes originaux et des copies sont encore entre nos mains. Quant aux témoignages verbaux auxquels nous en avons appelé, nous ne les avons point sollicités, et nous sommes également en mesure d’en démontrer la véracité à toute personne qui désirerait en avoir la justification.

Quelques uns trouveront peut-être que le langage employé dans les pages qui suivent n’est pas en rapport avec la gravité du sujet ; d’autres auront à se plaindre de l’exubérance ou de l’inopportunité des réflexions qui accompagnent ce récit ; il se peut encore que plusieurs soient blessés de la sévérité de la critique qui parait à certains endroits. Qu’on ne pense pas, toutefois, que par nos observations et l’expression franche de notre jugement, nous ayons voulu faire pencher d’un côté de la balance, ou imposer nos convictions à qui que ce soit. La forme de cet écrit ne conviendra pas à tous, nous le savons, mais d’autres prenant les faits tels qu’ils sont, pourront nous savoir gré de cet exposé dont nous garantissons de nouveau l’exactitude.


Paris, le 18 Mai, 1857.
F. ESTÉOULE.