Le plymouthisme d’autrefois et le darbysme d’aujourd'hui/Partie 3


LE DARBYSME EN FRANCE JUGÉ PAR L’ÉVIDENCE DES FAITS.

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Une question se présente naturellement à l’esprit à cet endroit de notre sujet : Quand et comment s’est introduit en France le Plymouthisme ou le Darbysme ? car il y a de l’un et de l’autre. Le nom de « frères de Plymouth » ou « Plymouthiens », n’avait point encore trouvé place dans aucune fraction du protestantisme français qu’il existait déjà dans quelques localiés du midi de la France des réunions semblables à celles de Plymouth. En 1835, et même avant cette époque, vous eussiez assisté à des scènes bien intéressantes, et ceux qui ont été témoins du réveil religieux qui s’opérait alors, doivent se rappeler comment le Seigneur retirait de dessous les broussailles d’un formalisme stérile tout ce qui avạit un principe de vie. Ces petites églises, formées généralement par le concours des circonstances, et fortifiées par la persécution que leur suscitaient souvent des magistrats superstitieux, étaient en voie de prospérité. Tandis que les chaires protestantes étaient occupée en grande partie par des pasteurs rationnalistes ou indifférents, les chrétiens cherchaient à s’édifier entr’eux, s’encourageaient mutuellement, et se retrempaient sans cesse dans le feu de leur premier amour. Possédant peu de lumières, ils étaient cependant heureux et fidèles dans ce qu’ils connaissaient. Ils parlaient moins du St. Esprit, mais ils en sentaient d’avantage la douce influence ; ils raisonnaient moins sur la chair, mais ils la crucifiaient et se défiaient d’avantage d’eux mêmes ; ils s’occupaient moins de faire de la théorie sur l’influence de Satan que de se mettre en garde contre ses machinations. S’ils n’avaient pas beaucoup de dons, au moins avaient-ils celui de l’amour qui est le plus précieux, recevant avec une joie indiscible les disciples qui venaient les visiter au nom du Seigneur.

On vit paraître successivement dans l’Ardèche, la Haute-Loire, le Gard et quelques autres départements plusieurs ouvriers intéressants qui occupèrent différents postes, si ce n’est d’une manière permanente, du moins pour un temps. Ils trouvèrent quelques portes ouvertes à l’Évangile, et Dieu ne tarda pas d’en ouvrir de nouvelles dans les endroits même les plus ténébreux. D’autres Évangélistes d’origine Suisse, entrèrent bientôt dans la voie qui leur avait été frayée par leurs devanciers. Ceux-là connaissaient M. Darby, et un séjour auprès de lui, dont nous ne connaissons pas la durée, avait servi à les familiariser passablement avec l’Écriture. Si nous ne nous trompons, c’est vers la même époque que M. Darby vint lui même en France, et donna une nouvelle impulsion à l’œuvre. Il avait à sa disposition le matériel et le spirituel. Il n’apporta pas la vie dans les troupeaux, car, grâce à Dieu, elle existait déjà, et c’est parce qu’elle existait qu’il trouva moyen de développer ces idées qui étaient en germe dans les esprits. Plusieurs chrétiens de notre connaissance avaient compris les vérités touchant ce qu’on appelle la « ruine de l’église, » le retour du Seigneur, les secours ou les opérations du St. Esprit. M. Bost a dit dans ses « Mémoires », et nous le répétons après lui, que ce qui pouvait paraître nouveau pour quelques uns, touchant les enseignements de M. Darby, ne l’était pas pour d’autres. Du reste, pendant bien des années son action ne s’y est exercée qu’indirectement ou passagèrement, attendu que ses travaux et son temps se partageaient entre la Suisse et l’Angleterre. Nous ne connaissons des sentiments qui l’animaient alors ou de ses principes ecclésiastiques que ce que ses écrits nous en révélent. Pour mieux les apprécier nous rapporterons quelques uns de ces passages où il s’exprime avec le plus de clarté et de précision. Dans sa « Correspondance avec M. Kelly » nous lisons page 62 : « Notre principe, Monsieur, est celui-ci : C’est la grande vérité de la rédemption qui nous sert de base, en d’autres termes, nous voulons recevoir tous ceux qui ont trouvé le repos en Celui qui est le refuge du pécheur. Il se pourrait que de faux frères trouvassent moyen de s’introduire au milieu de nous. Si l’église est spirituelle, ils seront bientôt discernés ; mais il s’agit ici de la table du Seigneur et non de la nôtre, et nous y recevons tous ceux que le Seigneur a reçus, tous ceux qui s’appuient, non sur leurs mérites, mais sur Christ. Nous ne posons pas de restrictions, mais c’est Christ qui est le fondement et le terme de notre union. Je le répète donc, nous recevons tous ceux qui sont établis sur le fondement, et nous repoussons l’erreur par la Parole de Dieu et avec le secours de son St. Esprit. » En répondant à une objection de M. Kelly il dit encore à la page 52 : « Les églises de l’Apocalypse (les sept églises d’Asie) étaient les églises de Dieu et des assemblées locales et les chrétiens n’avaient pas le droit de s’en séparer. La corruption n’est pas une raison pour abandonner l’Église de Dieu. Ces églises d’Éphèse, de Tyatire, de Laodicée etc. étaient reconnues de Dieu ; c’étaient des réunions de saints quoique par négligence elles eussent laissé la corruption s’introduire au milieu d’elles. Le cas est tout différent pour l’église nationale […] il n’y a aucun ordre pour abandonner ces églises (dont nous avons parlé) parce que c’étaient des églises véritables. Je croirais commettre un grand péché que de me séparer de l’église de Dieu à cause de la corruption qui s’y trouve, (la fausse doctrine de Jésabel, par exemple) mais l’église établie est un grand système national et nullement l’église de Dieu. »

Page 54. « Quant à la condition de l’église anglicane, elle est sans remède. Je ne puis dépenser mes forces pour corriger ce qui est mauvais dans son principe. Ce serait peine inutile. En ce qui touche Israël, le peuple de Dieu, c’est tout autre chose. Le principe et le système étaient ceux de Dieu ; de sorte que cette dégénération était une raison pour se dévouer au service du peuple, et non pour s’en séparer. »

Page 82. « Je ne puis dire comment l’église de Tyatire a pu aller si loin dans le mal. Cette assemblée de Dieu était grandement coupable en refusant d’exercer la discipline, lorsque des doctrines perverses étaient enseignées par celle qui se disait Prophétesse et qui avait pris une telle position. L’église de Tyatire était criminelle, mais c’était une église, tandis que l’église nationale est tout le monde. »

Dans son traité sur « la discipline » M. Darby s’exprime encore de la manière suivante : « Ce n’est pas pour moi une question de savoir si je puis m’asseoir à côté de celui-ci ou de celui-là (en parlant du culte.) C’est une chose extraordinaire qu’une personne se tienne éloignée de la communion à cause, d’une autre personne dont elle a à se plaindre ; c’est s’excommunier soi-même pour un autre […] C’est une chose terrible que d’entendre des pécheurs parler contre un autre pécheur pour le juger ; mais c’est une chose bénie que de les voir travaillés dans leur conscience au sujet du péché dont ils ont eux-mêmes à s’accuser. Il faut que la grâce s’exerce ; je désire agir en grâce comme je ne voudrais pas qu’on agît autrement envers moi. « Ne jugez point afin que vous ne soyez point jugés, car de telle mesure que vous mesurerez on vous mesurera réciproquement. » Si vous allez jeter la pierre contre les autres, vous serez vous-mêmes battus. »

Nous pourrions, au besoin, en référer à d’autres écrits du même auteur, pour montrer quelles étaient les idées professées par M. Darby avant les divisions. Or, nous avons déjà vu et nous verrons encore que tels n’ont pas toujours été ses sentiments, et au lieu du langage édifiant exprimé dans le dernier paragraphe, nous entendrons bientôt une voix intempestive crier : « à la renverse, à la renverse, à la renverse. »

Les divisions qui se sont opérées en France, surtout dans quelques localités du midi, ne proviennent pas toutes des mêmes causes, mais le même esprit a présidé dans les unes comme dans les autres. Dans le Gard et le Lot-et-Garonne, ce sera un Pédobaptiste qui, sous prétexte de désavouer formellement la secte des Baptistes, et pour faire prévaloir l’idée favorite de M. Darby (le baptême des enfans) créera des inimitiés et s’opposera opiniâtrement aux frères qui veulent admettre et pratiquer le baptême chrétien. À Lyon, ce sera un jeune homme qui se donnera pour mission de régler les affaires d’autrui et parlera d’un ton impérieux, si ce n’est même avec colère, à un autre chrétien dont l’âge et la piété commandent le respect. Il compliquera ainsi les difficultés déjà existantes dans la famille de Dieu. À Paris c’est encore un ami de M. Darby qui, parcourant une distance de 150 lieues, viendra semer le trouble dans une assemblée où il s’introduit lui-même pour la première fois, et qui, pour montrer son dévouement à la cause de M. Darby, mettra tout en pièces, sans respecter les cheveux qui ont blanchi dans le service du Seigneur. Partout où les agents de M. Darby ont suivi un système d’oppression, il y a eu, sinon une rupture, au moins des froissements pénibles, des agitations, des perplexités, et un grand dommage fait aux âmes. Il est à craindre qu’il n’arrive souvent, comme cela s’est vu, que plusieurs donnent les conseils de leur propre sagesse pour les directions du St. Esprit, et que les décisions arbitraires qu’ils substituent aux règles de la Parole, n’amènent des résultats fâcheux. Pierre se plaindra amèrement de son frère Jacques, parce que celui-ci a un caractère trop indépendant, des vues un peu contraires aux siennes. On s’abstiendra pourtant de lui faire aucun reproche à lui-même, pourvu que dans l’ombre on puisse faire courir le bruit qu’il ne marche pas bien. Un frère se trouvant par circonstance autant que par principe dans une petite église dite Darbyste, ne respirait pas cet esprit de liberté qu’il avait espéré y trouver quand il fut appelé à y travailler à l’œuvre. Il n’acceptait du Darbysme que ce qui lui paraissait conforme à la Parole de Dieu. Ce frère a eu lieu de s’affliger comme nous, de l’esprit de parti manifesté par quelques uns. Il ne se trompait pas quand il croyait voir s’organiser silencieusement un nouveau clergé sous le patronage de M. Darby. « Une parole peu gardée de M. Darby m’a découvert tous leurs projets, » écrivait-il à l’un de ses amis sous la date du 8 juillet 1853. Cette parole viendra en son lieu. — Il continue ainsi : « J’ai le cœur serré en voyant l’état dans lequel l’assemblée se trouve ici, et tout cela en conséquence d’une mauvaise éducation religieuse trop conforme, hélas ! à l’esprit de M. Darby. Ce sont des consciences qui se sont cas des plus petites choses, et qui ne savent rien interprêter en bien, rien supporter, rien souffrir chez les autres. Une idée s’empare-t-elle de quelque esprit, il faut que tout plie devant lui ; de là, des contestations, des pensées amères, des soupçons, manque d’harmonie, schisme moral. En y regardant de près, il me semble que la liberté que nous avons en J.C. est beaucoup plus gênée chez les frères dits Darbystes que chez aucune autre dénomination de chrétiens que je connaisse. Si j’avais un choix à faire, je préfèrerais toujours un esclavage dont les bornes sont connues par un règlement,[1] à celui qui dépend de la volonté de certains individus. Et voilà ce qui arrive très souvent pour les soi disant « Brethren » (frères). Il n’y a pas de règlements couchés sur le papier avec de l’encre, ce dont quelques uns se glorifient auprès de ceux qui en ont, étant remplacés, dit-on, par le St. Esprit, tandis que, dans une foule de circonstances souvent très importantes, c’est un système inédit qui dirige, lequel est d’autant plus dangereux qu’il en impose aux simples parce qu’on lui donne le St. Esprit pour livrée. Le résultat en est que la présence du S. Esprit se trouve ainsi liée avec les caprices de l’imagination du cœur de l’homme, ce qui devient une occasion de faire mal parler de la vérité. Hélas ! pauvres et misérables que nous sommes, nous avons besoin que le Seigneur nous garde dans le sentiment de notre néant, car il nous est facile, dès le moment que nous avons été bénis du Seigneur, de nous élever ensuite, et de faire passer pour de précieuses vérités ce qui n’est, après tout, que le résultat de notre propre orgueil. »

Ce « schisme moral » dont se plaignait notre frère, est déjà un désordre dont le St. Esprit ne saurait s’accommoder, et chacun devrait, en commençant par s’humilier, se demander s’il ne s’est pas, en quelque façon, rendu coupable de complicité. Une erreur, un préjugé, si peu invétéré qu’il soit dans le cœur humain, est capable de le produire. Vous allez voir comment des hommes du caractère que l’on a signalé plus haut, se choquent et se scandalisent d’une « opinion » ou d’une vérité qui nuit à leur propre cause, au point qu’ils formeront un parti pour ne pas dire une cabale contre celui qui la professe. Déjà en 1846 un pédobaptiste sincère, travaillant à l’œuvre, nous écrivait à l’occasion de quelques chrétiens qui s’occupaient alors de la question du baptême : « Si c’est un sujet de trouble au milieu de nos frères avec lesquels, d’ailleurs, tu es en communion de principes et désires l’être, sans doute, encore, ne peux-tu pas sacrifier ton opinion personnelle qui, après tout ne sert à rien à l’affermissement et à l’avancement des âmes déjà sauvées. Je suis peiné qu’à cause de cela on redoute partout dans le midi ta présence. Cependant combien est précieuse la visite d’un frère bien-aimé comme tu l’es de tous et de moi en particulier qui désire etc. » Il aurait donc fallu sacrifier ce qui est, selon eux, « une opinion personnelle », et selon nous une ferme conviction fondée sur les nombreux témoignages de l’Écriture touchant le baptême des croyants. Pouvons-nous, avons-nous le droit de sacrifier une vérité que nous voyons clairement enseignée dans l’Écriture ? Il eut été inutile de demander à cet ami quels étaient ces chrétiens qui redoutaient la présence d’un frère au milieu d’eux, car nous savions bien l’un et l’autre que ce n’étaient point les trois ou quatre Évangélistes qui, cette année là, reçurent le baptême par immersion, ni les assemblées qui, pour la plupart, ignoraient jusqu’à l’existence de l’homme en question, mais seulement quelques frères influents qui ne voulaient voir qu’avec les yeux de M. Darby. Mais passons à des faits plus positifs et de date plus récente.

C’est à Paris que se sont développés ces principes anti-chrétiens dont on a vu les résultats en Angleterre et ailleurs. Il s’est opéré un schisme dans l’assemblée de la Rue St, Honoré. Mais il ne suffit pas de le constater, il faut connaître les circonstances qui l’ont accompagné. Nous sommes encore obligés de mettre M. Darby en scène parce qu’il y a apporté son contingent d’influence et d’action comme vous allez en juger. Déjà en 1841 il s’éleva une contestation entre deux conducteurs spirituels. Il s’en suivit une division dans le troupeau. Nous n’entrerons pas ici dans les détails de cette querelle qui devait ouvrir dans les cours de larges et profondes blessures, et offrir au monde chrétien un spectacle assez affligeant. En 1843 on se rallie de nouveau autour de la table du Seigneur, grâce à l’esprit conciliant et pacifique de M. Henri Olivier dont les efforts, en cette circonstance furent couronnés d’un plein succès. Les séparés reprirent donc leur place à côté de leurs frères dans la Rue St. Honoré N° 247 où les réunions ont toujours continué. Mais cette réconciliation, au dire de M. Darby, « n’était pas consciencieuse. » Ce sont là ses propres expressions rapportées par l’un de ses adhérents. Il n’était pas sur les lieux, et ne pouvait par conséquent juger de l’esprit et de la manière dont les choses s’étaient passées. N’importe : il critiquera, il blâmera, et à l’occasion il troublera quelques âmes trop crédules, ou trop fascinées pour oser révoquer en doute un pareil jugement. M. Darby se persuade et veut persuader aux autres que « la réconciliation n’était pas consciencieuse. » Et à qui en a-t-il parlé dans ce sens ? Précisément à ceux qui sont de son bord. Aussi, lorsqu’en 1852 les mêmes individus quittèrent de nouveau l’assemblée, l’un d’eux allégua entr’autres raisons, que les autres frères qui étaient impliqués dans la première affaire, ne s’étaient pas assez humiliés. Quand, donc, de nouveaux troubles sont survenus à l’occasion des divisions d’Angleterre, l’un s’est plaint de cette façon publiquement, et un autre a fait de même en particulier. Ici quelqu’un a fait la remarque que ce n’est pas guérir le mal ni en paraître véritablement humilié que de revenir ainsi sur le passé pour ramener les vieilles querelles dont plusieurs sont heureusement ignorants. En supposant les autres coupables comme ils le sont à vos yeux, et si, comme vous le dites, ils n’ont avoué qu’en partie leur tort quand vous avez confessé les vôtres, pourquoi acceptiez-vous les conditions de paix ? Un tel esprit de rancune ne peut que nuire à l’édification. Il y avait évidemment un principe désorganisateur, un levain de méchanceté. Qui peut en douter lorsqu’on sait la manière que déja, avant qu’il fût question de Newton ou de Bethesda, l’un des frères séparatistes avait déclaré en présence de deux autres frères, qu’il quitterait volontiers l’assemblée s’il y en avait seulement deux ou trois qui voulussent suivre son exemple. Cet état de choses ne pouvait pas toujours durer si l’on considère surtout le rôle important que jouait sur l’arrière-scène un certain personnage.

Notre révéré et bien aimé frère Chevallier était devenu depuis quelque temps un objet de suspicion à M. Darby qui même écrivit à son sujet une longue lettre dont plusieurs copies de même que l’original sont restés à Paris. Qu’avait donc fait M. Chevallier pour être ainsi l’objet de ces attaques indirectes ? C’est que, lors de son retour de l’île Maurice, ayant eu occasion de passer à Plymouth en 1847, il eut la douleur de voir l’église toute bouleversée. Or, il désapprouva la conduite de M. Darby en cette affaire, ce qui eut suffit pour l’indisposer contre lui. Cependant, le grief principal énoncé dans la susdite lettre, avait plutôt rapport à une traduction des « Pensées sur l’Apocalypse » dont s’étaient occupées deux sœurs anglaises, et à laquelle M. Chevallier apporta sa part de travail et d’attention bientôt après son retour à Paris. Certes, il était bien permis, même en France, de critiquer les vues prophétiques de M. Newton, mais M. D. n’aurait pas dû jeter des préventions comme il l’a fait, contre un frère aimable et aimé de tous. Au surplus, c’est encore lui ou ses amis qui l’ont signalé dans le midi de la France et en Suisse comme un homme dangereux. D’après ce que nous ont débité plusieurs frères qui nous écrivaient alors, nous aurions pu être également prévenu contre lui ; mais nous savions de quel quartier venaient ces rapports. Au reste, lorsque nous avons vu notre frère à peine sorti de la lutte, et que nous l’avons connu de plus près, nous avions la confiance que s’il était mal jugé et mal apprécié par les Darbystes, il grandissait dans l’estime de tous les chrétiens de Paris qui l’ont connu. « Quand il n’y aura plus de rapporteur les querelles cesseront. » Or, M. Darby ne jouait pas seulement le rôle de rapporteur, mais aussi celui d’accusateur. Après cette lettre, pleine d’insinuations et de mauvais soupçons dont nous avons parlé, il en écrivit une autre à Miss R*** qui avait établi depuis peu sa résidence dans notre capitale. Le but de cette lettre était d’empêcher cette sœur anglaise de fréquenter la réunion dont M. Chevallier était membre, (il n’en existait pas d’autre alors) « parce que », dit-il, en parlant de ce dernier, « il introduit dans l’assemblée d’une manière subreptice (avec ruse et sous main) des zélés partisans de M. Newton. » C’était à M. Darby à le prouver ; mais c’était aussi un devoir pour nos frères qui prirent connaissance de cette lettre, de protester comme ils l’ont fait en pleine assemblée, en déclarant M. Darby coupable de calomnie envers ce frère.

Il a bien écrit d’autres lettres dont l’une nous est également tombé entre les mains. Dans celle-ci, il n’attaquait qu’indirectement la réputation d’un autre frère, car il n’articule aucun fait. On lui représente que son devoir était de s’adresser d’abord au frère même dont il a à se plaindre, mais il fait le sourd. On l’a invité à plusieurs reprises de s’expliquer sur ce qu’il avait voulu dire ou même d’adresser à son correspondant, ses griefs bien formulés. Mais son dédaigneux silence est tout ce qui nous est parvenu. C’est bien ici le cas de dire : « Ne croyez point à votre intime ami, et ne vous confiez point en vos conducteurs. » (Mich. vii, 5.) Quoi qu’il en soit, nous avons peine à concilier la défense faite à Miss R*** avec le fait qu’il est venu lui-même à cette assemblée et y a exercé son ministère. Est-ce que sa présence devait changer la condition de l’assemblée, ou bien prétendait il rendre impossible le contact de M. Chevallier avec ses amis, soit les rapports de ceux-ci avec l’assemblée ? Il ne parait pas, du reste, qu’il ait jamais eu aucune entrevue avec lui. Avant d’apporter son offrande à l’autel il aurait dû se réconcilier avec sa partie adverse, ce qu’il n’a pas fait. Il ne doit pas avoir échappé à M. Darby qu’un dimanche sa présence au culte fut une occasion de trouble au point que M. Chevallier s’abstint de prendre la cène à cause de lui. Dans ce cas n’était-il pas de son devoir d’aller le trouver en particulier, selon cette parole : « S’il te souvient que ton frère a quelque chose contre toi etc. » ( Mat. v, 23.) On sait que M. Darby se tirera toujours d’affaire en donnant une autre interprétation de ce passage, et que d’autres chercheront à le justifier en disant que, étant de passage à Paris, il n’avait pas le temps de faire telles démarches qui étaient jugées nécessaires. Les hommes de son caractère sont toujours très-pressés pour accuser leurs frères, tandis qu’ils ne le sont jamais pour rétablir la confiance qu’ils ont ruinée. Mais voici une circonstance qui devait aggraver la peine qu’on était résolu de faire subir à notre ami. Se trouvant à Londres à l’époque de la grande exposition universelle, M. Chevallier voulut avoir un entretien avec M. Newton pour savoir de sa bouche si les erreurs qu’on lui attribuait étaient bien les siennes. Il n’a assisté à aucune de ses réunions, et n’a point renouvelé sa visite auprès de lui, bien qu’il eut pu le faire en bonne conscience. Mais pour les adversaires, c’était déjà commettre une infidélité énorme que de parler, ne fût-ce que pour un instant, avec M. N. ; aussi n’ont-ils pas manqué de faire de longues histoires là-dessus. La nouvelle s’en est répandue jusque dans les endroits les plus reculés. Vous auriez vu dans le midi de la France des hommes étrangers à M. Chevallier, faire éclater leur indignation contre lui. Pour nous qui avons observé le mouvement des esprits, et entendu les plaintes, nous nous sommes dit plus d’une fois : Si M. Chevallier est aussi noir à Paris qu’on le fait paraître ailleurs, il aura à subir le sort d’un second Bethesda. On lui a fait un grief d’avoir demandé ou accepté une entrevue avec M. Newton, mais lui n’aura pas le droit de se plaindre de ceux qui, venus à Londres pour un but moins louable, se sont montrés d’une partialité plus que suspecte en courant après l’homme.

Mais que s’est-il passé à Paris pendant son absence ? Nous ne voudrions rien affirmer sur des bruits vagues ou des faits dont l’appréciation n’est pas de notre compétence ; cependant nous en avons assez vu et entendu pour pouvoir dire que M. Darby, en passant à Paris, a donné un bon coup d’épaule, et ceux-là même qui ne l’ont pas vu donner l’ont fort bien ressenti.

Enfin, le moment le plus critique arrive. Un tribunal s’improvise plutôt qu’il ne s’organise, pour juger Chevallier d’abord, puis Bethesda, et, si l’on veut, quiconque osera prendre la défense de l’un ou de l’autre. Personne ne peut lire l’anglais pour savoir ce que renferme tel ou tel traité que l’on dit avoir M. Newton pour auteur, personne n’était capable de définir la doctrine, néanmoins, il faut qu’on se prononce. M. Chevallier que l’on croit le plus capable de la discerner, (connaissant un peu l’anglais) hésite ou déclare qu’il n’y comprend rien. Celà suffit pour qu’on l’accuse de « mauvaise foi, » d’opiniâtreté, etc. On s’engage dans des débats qui ont duré, dit-on, plusieurs semaines, et se sont terminés par une scission. Deux chrétiens de Londres se trouvaient alors à Paris, et bien qu’ils fussent décidément opposés à M. Newton et à sa doctrine, un autre chrétien, également étranger, voulut écrire à M. Darby pour savoir si l’on devait les recevoir ou non, comme aussi pour connaître les objections faites contre Bethesda. La réponse ne se fit pas longtemps attendre. Le résultat fut que tous ceux qui aimaient Jésus devaient le lui témoigner en excommuniant l’assemblée de Bethesda.[2] C’est, en vérité une singulière manière de témoigner son amour pour Christ que de déshonorer, calomnier et torturer ses membres. Ce faux zèle peut remplir le but de M. D. mais il ne servira jamais la cause de l’Évangile, si ce n’est dans ce sens que les chrétiens apprendront par une douloureuse expérience à dépendre de Dieu seul.

Plusieurs semaines s’écoulent et l’on prend la cène en deux endroits. Mais il y avait quelques personnes qui, quoique fort ébranlées dans leurs sentiments, ne se sont décidées que plus tard à rompre avec la rue St. Honoré. Ces amis, dont les fréquents rapports avec M. Darby devaient faire pencher de ce côté de la balance, prétendent avoir usé de beaucoup de ménagement envers M. Chevallier, tandis que d’autres pensent, au contraire, qu’on a usé de ménagement à leur égard. Quoiqu’il en soit, il faut qu’on écrive de nouveau à Londres[3] pour faire venir la lettre dite des Dix afin de l’examiner. On s’adresse pour cela à une sœur du parti de M. Darby (c’est toujours à la même source qu’on va puiser des renseignements) ; mais comme ces renseignements eussent été incomplets, M. Darby voulut bien joindre à la copie de l’original, une autre copie qu’il avait pris la peine de traduire en français. Il ne nous importe pas de savoir si c’est à la demande de ses amis ou si c’est de son propre mouvement qu’il y a donné son temps et ses soins. Quelqu’un a dit qu’il l’a fait par « complaisance » comme il aurait pu penser que c’est par un effet de son extrême sollicitude pour les brebis de Christ. La lettre des Dix fut donc lue et discutée dans une petite réunion du mercredi soir. Celui qui trace ces lignes, ignorant jusque là tout ce qui s’était passé à Paris où des affaires particulières l’appelaient en ce moment, se trouva présent au conventicule. Par le fait que la discussion fut vive et prolongée, et se considérant lui-même comme étranger, il n’avait guère le courage ni le temps de présenter ses propres observations. Il se rappelle cependant avoir fait la remarque suivante : « Quelle que soit la conclusion à laquelle vous arriviez relativement à cette lettre, il reste toujours une question de principe qui est, après tout, le point fondamental. » Cette question fut ainsi posée : « Devons-nous recevoir ou rejeter ceux que Jésus a reçus à la gloire de Dieu » ?

Enfin, ceux qui devaient quitter, quittèrent. Le calme et la confiance se rétablirent bientôt dans cette petite assemblée que tant d’écueils paraissaient devoir faire échouer, et qui pouvait devenir la proie d’un despotisme brutal après avoir été longtemps travaillée par l’esprit de radicalisme. Le fanatisme est une véritable tyrannie là où il exerce quelque empire. Heureux ceux qui en sont délivrés ou garantis. « Là est la liberté où est l’Esprit de Christ ; » c’est de la même source que vient la grâce pour nous garder, nous enraciner dans la vérité et dans la charité. Dépouillons-nous, chers frères, de nous mêmes pour être revêtus de Christ. Bannissons du milieu de nous l’esprit du siècle, l’esprit de secte et tout orgueil pharisaïque. Reconnaissons-le, c’est une grâce que Dieu nous a faite de ne pas accepter cette omnipotence cléricale qui, sous une certaine forme, aurait voulu s’imposer à nos consciences. Nous sommes, avant tout, l’héritage du Seigneur, les brebis de sa pâture, les affranchis de Christ ; et puisque notre désir est de maintenir l’unité de l’Esprit par le lien de la paix, ne nous remettons pas sous le joug de la servitude.

Chacun peut voir maintenant qui a fait la division à Paris, et qui sont les schismatiques. Le bienheureux Chevallier n’est plus de ce monde ; mais au terme de sa carrière il a pu dire dans la joie du triomphe : « J’ai combattu le bon combat, j’ai gardé la foi. » Nous pouvons certifier ici que l’intégrité de sa foi n’a jamais été mise en question par aucun de ceux qui l’ont connu, bien qu’il ait été en butte aux attaques de plusieurs. Dieu avait passé autour de ses reins une ceinture qui le garantissait contre les traits perfides de l’erreur et de la calomnie. Depuis des années il avait cessé ses relations avec M. Newton. Ni lui ni ses amis n’ont jamais pris goût au poison de l’erreur, et, de même qu’ils n’ont pas voulu d’un système qui leur eut fait violer les règles de la charité, de la justice et du bon sens, ils se seraient montrés également fermes pour repousser les fausses doctrines et les faux docteurs. Il y a dans la Parole des règles écrites, simples, mais positives que chacun connaît. « Si quelqu’un vient à vous et qu’il n’apporte point cette doctrine, ne le recevez point dans votre maison, et ne le saluez point. » — « Rejette l’homme hérétique après le premier et le second avertissement. » (ii Jean, 10 ; Tit. iii, 10.) Il ne s’agit plus, ici, d’un mal imaginaire ou d’un fantôme, mais d’un homme hérétique, de quelqu’un qui renverse la foi ; ce pourrait être aussi un homme qui forme une secte, et qui se trouve sous le coup de la discipline. Nous devons prendre garde, en outre, à ceux qui causent des divisions et des scandales contre les enseignements que nous avons reçus du Seigneur. Notre devoir est de nous éloigner d’eux, de peur que nous ne participions au péché d’autrui. (Rom. xvi, 17 ; i Tim. v, 22.) L’Écriture nous fournit toutes les directions nécessaires ; et c’est à nous à témoigner à Dieu notre amour par une obéissance non feinte à sa Parole.

Il faut bien le dire : lorsque la séparation s’est faite, ni M. Newton, ni aucun de ses amis n’était à Paris. Quant à Bethesda, il ne s’est jamais présenté à la cène un seul membre de cette assemblée.[4] Fut-il venu un chrétien de Bristol ou de tout autre endroit, avec ou sans recommandation, chacun était libre de lui faire subir un interrogatoire avant de l’admettre à la cène. C’est ce que l’on a fait dans quelques endroits, et c’est ce que l’on a proposé aux adversaires. Mais ils ont senti que de telles mesures ne laisseraient pas que d’être fort difficiles dans leur exécution. Il aurait fallu non seulement un juge d’instruction capable de faire une enquête et peut-être d’un catéchiste, mais, pour parler le langage de M. Darby, « des hommes chargés de faire la police. » L’unité du corps, d’après lui, se trouve dans un petit cercle composé de personnes qui pensent et agissent dans son sens. L’unité du corps, selon nous, est dans l’église universelle. Elle embrasse tous les membres de ce corps et non quelques uns seulement. Le pain que nous rompons n’est-il pas la communion du corps de Christ, et partant le signe de cette unité ? St. Augustin disait en parlant de la cène : « Celui qui reçoit le mystère de l’unité et ne conserve point le lien de la paix, ne reçoit point ce mystère pour lui-même, mais il le reçoit en témoignage contre lui. » Un autre écrivain du XVIme siècle s’exprime ainsi : « Quand nous recevons la Ste communion, nous devons considérer que nous sommes tous incorporés en Christ, membres d’un même corps, membres, dis-je, de Christ ; de telle sorte que nous ne pouvons offenser, calomnier ou mépriser un de nos frères, sans qu’en lui nous offensions, calomniions et méprisions Christ. Nous ne pouvons être en discorde avec nos frères sans l’être pareillement avec Christ ; nous ne pouvons aimer Christ sans l’aimer aussi dans nos frères. »[5]

Il n’est plus possible de se méprendre sur le système que M. Darby et ses adhérents cherchent à faire prévaloir dans les assemblées. À les entendre, et par la manière dont ils agissent, on se rappelle involontairement ce grand homme qui a dit : « La France c’est moi. » Toute discipline appartient exclusivement aux corps cléricaux, et les individus du reste fort peu nombreux dont se composent ces corps, sont les avocats de M. Darby par cela même qu’ils sont les hommes de son choix. Les Irvingiens dont ils prennent le ton et empruntent souvent le langage, ne poussent guère plus loin leurs prétentions. Comme eux ils se donnent pour « les prémices de l’Agneau », ils sont « l’église des derniers temps » ou Éphèse prenant la place de Laodicée, et comme vous avez pu le remarquer dans le rapport de M. Trotter où l’expression revient tant de fois, ce sont « les saints frères », mot qu’il n’emploie jamais pour désigner les chrétiens qui ne partagent pas ses sentiments. Véritablement, le reproche que M. Darby fait aux églises du Canton de Vaud, quoique leur étant parfaitement applicable, retombe sur lui ; c’est qu’en « attachant un tel nom à des corps constitués par les hommes, on fausse et on perd l’idée de l’unité du corps de Christ. — Le joug ecclésiastique, le joug du clergé, est de tous le plus insupportable. C’est le poids du nom de Dieu attaché, et attaché sans frein, à la volonté et à l’iniquité de l’homme, parce que le mal est maître de l’autorité qui aurait dû avoir prise sur la conscience. Le monde en a vu les effets ; » hélas ! oui, et les chrétiens aussi.[6] Nous avons vu et nous verrons encore que cette autorité qui aurait dû avoir prise sur la conscience, s’est aliéné bien des cours parce qu’elle est devenue abusive, c’est à dire qu’elle a outrepassé ses limites et a manqué au plus sacré de tous les devoirs. Bien loin de maîtriser le mal, l’autorité a été maitrisée par lui ; au lieu de surmonter le mal par le bien, elle a cédé à la volonté égoïste de l’homme. Maintenant, nous sommes obligés de juger l’arbre par son fruit, car les faits qui sont le résultat du système, ne sauraient nous tromper. Vous en jugerez.

Les chrétiens qui ne purent ou ne voulurent s’entendre à Paris, devaient se séparer. Ils semblent, du moins, être tombés d’accord sur la nécessité de cette séparation. Triste nécessité que celle-là ! Les deux petites assemblées marchaient et s’édifiaient chacune séparément. Peut-être sentait-on de part et d’autre le besoin de repos, et il est à croire qu’au bout d’un certain temps on eut senti le besoin de se rapprocher les uns des autres. Car, si dans l’histoire de cette église il y a eu des époques de douloureuse mémoire, il s’y rattache cependant des souvenirs agréables. « Nous prenions plaisir à nous communiquer nos secrets ensemble, et nous allions de compagnie en la maison de Dieu. » (Ps. lv, 14.) Mais les émissaires de M. Darby faisaient en ce temps là de fréquentes incursions et ne s’épargnaient aucune peine pour mettre tout en confusion chez nous. Ils pouvaient nous dire qu’ils n’y venaient pas spécialement dans ce but, car l’on sait que plusieurs avaient affaire à Londres auprès de M. Darby. L’un d’eux a, depuis lors, fixé sa résidence à Paris. Il a passablement travaillé pour démolir le petit édifice qui est pourtant resté debout comme une ruine sublime sur son propre terrain. On sait les efforts qu’il a faits pour troubler et capturer les jeunes convertis qui ignoraient l’existence d’une nouvelle réunion. Nous aurions applaudi à son zèle s’il avait eu pour but l’édification des fidèles et la conversion des pécheurs. Mais non, il lui faut d’autres prosélytes. Il courra la mer et le sec pour en faire, en attaquant tout ce qui ne porte pas le cachet de M. Darby. Notre honorable adversaire a eu, au moins, la franchise de nous dire « qu’il prendrait la peine d’écrire partout où il ne pourrait se rendre en personne. » Suivons-le donc au Gros Cailloux où on lui a signalé deux jeunes gens, le frère et la sœur, comme faisant partie de notre assemblée.

Qu’elle réunion fréquentez-vous ? dit-il, en s’adressant à nos amis.

— Nous allons au culte de la rue St. Honoré.

— Quoi ! Je suis étonné que vous alliez là. Ne savez-vous donc pas qu’on y tolère l’erreur etc. L’entretien s’est continué au grand regret de nos amis qui avaient chez eux en ce moment, trois ou quatre étrangers (catholiques romains.) La suite de cet entretien a démontré que de pareilles discussions sont plus propres à démoraliser l’esprit chrétien qu’à l’instruire. Le jeune homme dont la conduite avait été, jusque là, irréprochable, peut bien en avoir pris occasion pour se livrer aux plaisirs du monde comme il en a fait un prétexte pour taquiner sa sœur. Car il s’est trouvé, depuis lors, en état de chûte d’où le Seigneur semble cependant le relever aujourd’hui.

Transportons-nous maintenant auprès de ce malade qui nous fait appeler à son lit de mort pour recevoir la consolation et la bénédiction de ses frères de la rue St. Honoré[7]. Nous ne reprocherons pas à M. B. de s’être dévoué pour notre malade ; mais nous regrettons qu’il n’ait pas su respecter les convenances. Était-il convenable, en effet, d’entamer une discussion en présence de notre ami souffrant, en supposant même qu’il y eut été provoqué ? C’est qu’il voulait encore se donner le plaisir de condamner en leur absence des frères que ni lui, ni d’autres n’ont jamais osé attaquer en face. Nous avons appris cette circonstance de la bouche même du malade, et par la sœur qui était venu passer la nuit auprès de lui. Si notre souvenir ne nous trompe, c’est à cette occasion que M. B. aurait dit que l’on ne doit pas prier pour les hérétiques, et cela au mépris de 1 Tim. i, 1. Nous pensons que noire sœur a eu tort de répondre quand il a commencé de lui dire « qu’elle ne mangeait pas Christ tout entier. »

Partout où on voulait l’écouter, M. B. cherchait à faire prévaloir ses idées. Porteur d’un document dont une copie est maintenant entre nos mains,[8] il va jusque dans l’église nationale chercher des adhérents. Mais ce document que quelqu’un a appelé la nouvelle Bible, à cause de l’importance qu’ils y attachent, ce document que l’un d’entre eux a livré

aux flammes après avoir pris la peine de le copier, déclarant qu’il n’y comprenait rien, avait besoin d’un interprète. M. B. prendra donc la peine d’en faire lui-même la lecture en s’arrêtant à chaque paragraphe pour en donner l’explication. La jeune sœur qui est mise en demeure de répondre à chacune de ses questions par un oui ou un non, finit par se troubler et par lui promettre d’assister une fois à ses réunions. Dieu n’a pas permis qu’elle fit ce premier pas dans la voie du schisme. La veille du jour où elle devait s’y rendre, on lui présenta une autre version ou, si l’on veut, une autre explication de la de nouvelle bible, et depuis ce moment là elle s’est rassurée.

Un autre darbyste, venu de la Suisse, plus Jésuite que ses confrères, essaya un jour de séduire une autre jeune sœur par une fausse représentation. Cette amie qui ignorait les divisions anglaises et françaises, fut naturellement troublée, bien que les visites de son compatriote lui parussent un peu suspectes, (elles se répétaient jusqu’à deux ou trois fois dans une semaine). Le dimanche suivant notre sœur, à la réunion, s’abstint de prendre la cène. Ses amis s’en étant apercus lui en demandèrent la raison.

— Ah ! si vous saviez, dit-elle, comme j’ai été troublée cette semaine. M. J. m’a dit que vous recevez à la cène des hérétiques, et entr’autres un monsieur Bristol, » — Pour la tirer d’embarras, il nous suffit de lui dire que Bristol est une ville d’Angleterre ou se trouvent des chrétiens, et nous lui expliquâmes comment nous agirions envers ces chrétiens s’ils se présentaient à notre assemblée.

Ces MM. ont réussi, il est vrai, à détourner une ou deux personnes de la réunion. Mais à l’égard du frère que M. B. se flattait d’avoir gagné à sa cause, (car il en a fait grand bruit), ils ne se sont pas inquiétés de voir dans quelles circonstances il se trouvait lors de sa séparation. Nous n’en dirons rien (ii Sam. i, 20.) Nous remarquerons seulement que peu de temps après, le même homme, trop justement accusé d’inconduite, fut retranché de la cène par ceux-là même qui l’avaient endoctriné.

On peut toujours espérer que les hommes de bonne foi, les hommes (il y en a encore beaucoup quoi qu’on en dise) qui ont la simplicité de ne pas vouloir « condamner sur un ouï dire », s’enquerront de la vérité, et pour cela ils s’adresseront aux sources directes et certaines. Pour être au clair sur toutes ces questions, ils ne s’en tiendront pas seulement aux discours de Delta ou de Zéno, il ne leur suffira pas d’entendre déclamer contre l’erreur. Ce que l’on dit par un proverbe est véritable : « Qui n’entend qu’une cloche n’entend qu’un son ». Ils voudront donc consulter les frères de l’un et de l’autre bord pour recevoir d’eux toutes les informations d’après lesquelles ils puissent former leur jugement. Ainsi, un frère estimable et estimé de tous, ignorait qu’il existât une réunion dans la rue St. Honoré N°247, lorsqu’il se trouva fortuitement en rapport avec nos opposants. Ceux-ci ayant tenu en sa présence des propos de nature à éveiller en lui des soupçons, notre ami voulut connaître les personnes que l’on déchirait si impitoyablement. S’étant mis en relation avec elles, il fut à même de voir leur foi, leurs principes et leurs vues. Ses yeux furent ouverts. Il quitta donc les délateurs pour se joindre à ses nouveaux amis. Plus tard, sa femme également fatiguée de cet esprit de dénigrement, vint aussi prendre place à côté de son mari avec lequel on avait cherché à la mettre en division.

Il est nécessaire de distinguer entre les schismatiques coupables, « ceux qui causent des divisions, » et les personnes qui suivent l’homme par caprice et comme suite d’une imagination qui s’exalte ou se trouble. Il en est plusieurs, ici à Paris, qui appartiennent à cette dernière classe et que nous excuserions plus volontiers parce qu’elles ont agi par entraînement comme des brebis que l’on a effarouchées et égarées. Du reste, elles ont avoué en plusieurs occasions, qu’ils n’avaient pas de motifs réels pour se séparer de l’assemblée. Nous n’avons pas songé à nous prévaloir de ces aveux ; cependant, qu’il nous soit permis de citer ici les lignes suivantes que l’un d’eux écrivait dernièrement au chef du parti.

« Je suis toujours plus convaincu que cette source intarissable de difficultés, qui est survenue depuis plusieurs années avec les frères anglais, vient uniquement de ce que, dans la question pratique du rassemblement des saints, vous vous placez sur le sable mouvant de la propre justice pharisaïque qui est aussi le péché de Babylone, au lieu de vous tenir fermes sur le rocher de la grâce. Et je ne doute pas que si vous cherchez sérieusement à ouvrir les yeux sur cette plaie saignante, vous ne tarderez pas de voir cette montagne de difficultés renversée au fond de la mer. Et alors, nous dépenserons notre temps comme il le faut dans l’exercice de la louange et pour l’édification commune, au lieu de le dissiper dans d’arides discussions qui ne font que dessécher, disloquer et diviser de plus en plus le pauvre corps de l’Église, accroître et développer sa misère, au lieu de la guérir comme je pense que c’est le bon plaisir de son Sauveur de le faire. »

On pouvait espérer qu’avec de tels sentiments ce frère ne tarderait pas à rentrer dans la voie primitive des frères, ce qu’il a fait aussi ; mais il n’en continue pas moins à faire appel à la conscience de ses amis.

« J’espère », dit-il, « que vous ne serez pas longtemps à vous accommoder aux vues du Seigneur qui veut que tous ses bien-aimés soient réunis en un seul cœur et une seule âme. Vous pouvez être parfaitement tranquilles à notre sujet malgré toutes nos divergences, nous nous appliquerons avant tout à maintenir l’unité de l’Esprit par le lien de la paix ; nous abandonnerons toute prééminence dans la direction de l’assemblée à ceux qui ont accoutumé de l’avoir, et nous nous efforcerons de considérer la plus basse place comme celle qui nous est le plus convenable.

Ne croyez pas que nous voulions tolérer ou pactiser en aucune manière avec l’hérésie ou avec les hérétiques, mais nous croyons que cette œuvre d’excommunication envers un grand nombre qui, faute de discernement, se trouvent plus ou moins en rapport (il faut le supposer) avec ceux qui répandent des doctrines dangereuses, est sans exemple dans la conduite des Apôtres. Ils savent qu’il est en quelque sorte inhérent à l’état de petit enfant, de se laisser emporter à tous vents de doctrine par la tromperie des hommes et par leur ruse à séduire artificieusement, mais bien loin de les repousser ou de les anathématiser pour cela, au contraire, ils redoublent envers eux de soins et de sollicitude pour les instruire, les reprendre, les fortifier et chercher par tous les moyens à les amener à l’état d’homme parfait dans la foi, afin qu’ils soient inébranlables et en de hors de tout danger.

Oh ! combien n’est il pas urgent que nous nous purgions de ce faux zèle pharisaïque si opposé à cet amour, et qui par des raisonnements compliqués, et n’ayant que l’apparence de la sagesse, détournent les précieuses âmes de la simplicité qui est en Christ, et de son joug doux et léger, pour poser sur elles le joug de fer des prétentions de la chair à vouloir s’élever sur le troupeau au lieu d’en être simplement le modèle. »

Dans une autre lettre qu’il écrivait à l’un d’entre nous sous la date du 11 avril, notre frère s’exprime ainsi : « Pour tout ce que j’ai pu blesser et peiner les membres qui sont avec vous dans ma participation à cette œuvre de division, je vous prie de leur réitérer que je ne demande rien de mieux que de leur donner toute satisfaction en réprouvant de la manière la plus complète la conduite que j’ai tenue. Comme je vous l’ai dit de bouche, j’étais dans les ténèbres sur toutes ces questions d’église, et manquant de la lumière de la parfaite charité qui peut seule nous donner la délicatesse de sentimens indispensable pour discerner justement le bien d’avec le mal ; je me suis abandonné à l’égoïsme de la chair en cherchant seulement mon intérêt particulier, et c’est ainsi que j’ai cru devoir suivre le parti des frères desquels j’avais reçu le plus d’édification, présumant qu’ils avaient le meilleur discernement spirituel pour bien juger des choses, et que c’était d’eux que je pouvais espérer le plus d’édification aussi pour l’avenir. »

Reportons-nous au temps où se formèrent les premiers rassemblements de chrétiens pour publier la grâce de l’Évangile (aujourd’hui nous publions notre honte), et demandons-nous ce qu’aurait dit M. Darby lui-même de toutes ces affaires ? Nous avons rappelé quelques unes de ses paroles comme nous pourrions en citer bien d’autres qui montrent quels étaient alors ses sentiments. Mais aujourd’hui que le nom de M. Darby s’est popularisé, les choses ont bien changé. Ce qui, pour lui, eut été jadis un opprobre, il peut bien le considérer à présent comme un hommage rendu à son caractère ; et ceux qui répudiaient autrefois le nom de « Darbyste », s’en couvriront aujourd’hui comme d’un bouclier de défense. Un nom de secte doit avoir quelque charme pour le sectateur lui-même, autrement pourquoi s’en servirait-il ? — « Nous autres, Darbystes, nous croyons etc. » C’est en ces termes que M. Darby parlait il y a quelque temps devant plusieurs personnes à Lausane. Mais ceci n’est qu’une remarque incidentelle entre beaucoup d’autres que nous pourrions faire. Il ne peut pas toujours se contenir, il laisse souvent échapper des expressions qui font voir qu’il ne peut pas souffrir que le nom de son adversaire figure à côté du sien, surtout si cet adversaire est un homme remarquable par sa piété, sa foi et ses connaissances. Voici, par exemple, ce qu’il déclara de George Müller : « M. Müller voudrait bien avoir quelque chose (une œuvre) en France, mais nous veillerons à ce qu’il n’en soit pas ainsi. » Ce frère devant lequel ces paroles furent prononcées, connaissait peu M. Darby, et bien moins M. Müller qu’il na jamais vu. Mais dans sa simplicité il répondit à M. Darby que « si le frère Müller travaillait pour lui il serait trompé, mais que tout ce que le Seigneur avait fait par son moyen jusqu’à maintenant, ne paraissait pas être l’ouvrage de M. Müller, mais bien celui du Seigneur. »

M. Darby continue ses rapports de médisance bien qu’il nous ait dit depuis longtemps qu’il ne voulait plus s’occuper de ces affaires. Comptant sur l’appui que lui prêtent ses amis en France et en Suisse, il ne laissera pas que d’entretenir le feu de la discorde ; car « il veillera », ce qui veut dire qu’il agira pour lui-même. Ainsi, il y a quelques semaines, une lettre écrite par lui fut lue publiquement. Dans cette lettre il exprime trois griefs : 1° La réunion d’Orchard street (Londres) reçoit une personne qui va entendre assez habituellement un prédicateur hétérodoxe, c’est-à-dire, un homme qui nie les peines éternelles. 2° La réunion de Bath a reçu une dame Newtonienne qui a même déclaré qu’elle ne se ferait pas scrupule de prendre la cène avec quelqu’un qui nierait la résurrection. 3° Il y a dans l’assemblée de Bethesda (Bristol) un homme qui était autrefois très pieux, et qui est actuellement très mondain.[9]

Bien que cette lettre fût pour nous sans importance, attendu que nous sommes en France et qu’il s’agit avant tout d’une question de principes, nous avons cependant jugé nécessaire de nous assurer si les choses étaient exactes. À cet effet, nous avons écrit à un ami de Bath que nous connaissons tous comme un chrétien digne de toute notre confiance. Voici sa réponse :

Bath, le 28 Mars 1857.

Mon cher frère, — J’ai reçu hier votre lettre, et après en avoir donné connaissance à notre frère Methuen, je prends la plume pour y répondre. Je crois pouvoir expliquer l’affaire dont vous voulez parler. Le premier cas touchant la dame que l’on dit être tombée dans les erreurs Newtoniennes, ne se trouvait pas à « Prince’s street », mais à « Argyle street » ou se réunit le parti de M. Darby. Après avoir été reçue par les autres, lui, M. Darby, objecta et exigea qu’elle fut retranchée. Le résultat de cette affaire est que leur assemblée s’est divisée. La personne en question, Miss Dickson, était une chrétienne bien connue et parfaitement exempte des erreurs de M. Newton, bien qu’elle eut eu autrefois des rapports avec lui. Sur cela M. Gillet et plusieurs autres quittèrent « Argyle street ». Quelques uns sont revenus à « 

Prince’s street » (assemblée en rapport avec […] Le colonel, Mme Robertson et Mlle Fitegerald […] sortis avec M. Gillet, rompent le pain ensemble […] une maison particulière pour le moment. […] salle pour la lecture de la Bible et la prédication de l’Évangile.

Je n’ai jamais entendu dire qu’aucun […] ait dit qu’il pouvait rompre le pain avec […] qui nierait la résurrection. Quant à Orch […] je crois que l’accusation est également fausse […] qui touche le reniement des peines éternelles […] trouverez peut-être bien des chrétiens […] devant la pensée des souffrances éternelles […] parents inconvertis, et cela, parmi ceux […] appelle « les Frères » aussi bien qu’ailleurs, […] souffrirait pas que quelqu’un enseigne […] doctrine. Il faut se rappeler que ce n’était […] de vue qui nous rassemblait au […] ce n’est pas non plus ce qui nous lie […] notre foi commune dans le précieux […]

Quant à Bethesda, j’ai ouï dire par un […] lien qu’étant un jour interrogé par ses […] ceux ci lui demandèrent : « Qu’est ce que […] un animal ou un monstre ? » Pour moi […] pas vrai de dire que Bethesda se […] toutes les grandes assemblées, il y en a […] quelques uns qui ont, plus que d’autres, les […] du monde. Il faut s’y attendre ; mais ce tant pas sanctionné ni encouragé. Un cas de discipline vient d’avoir lieu à Bethesda à l’égard d’un chrétien qui a été plusieurs fois entendre prêcher un homme qui nie les peines éternelles.

L’ennemi prend occasion de ces circonstances diverses pour attrister et troubler les saints. M. Darby est devenu lui-même l’objet de graves accusations ; mais elles sont de telle nature que je n’y ajoute pas foi. C’est pourquoi je n’en parle pas. Il semble qu’il va tellement loin en accusant les autres que ses coups retombent sur lui-même. La salle des Darbystes à Plymouth est fermée, et quelques uns des leurs se sont joints à ceux qui se réunissent avec M. Snell qui est de notre côté. Rappellez-moi au souvenir de tous ceux que je connais et qui aiment le Seigneur, et croyez-moi votre affectionné H. Becher. »

En présence de ces faits, comment voulez-vous, chers frères, que nous ne soyons pas prévenus contre M. Darby particulièrement ; et comment pourrions-nous garder le silence quand ses amis que nous avons toujours considérés comme les nôtres, viennent nous dire « qu’ils agiront de telle sorte que les portes nous soient fermées partout. » En tous cas il y a une porte qui restera toujours ouverte pour nous et pour d’autres « qui ont part à l’affliction, au règne et à la patience de Jésus Christ. » Il est dit des brebis qui suivent le bon Berger, qu’elles « entreront et sortiront et trouveront de la pâture. [Jean, x.] Il leur suffit de s’en remettre aux soins de Celui qui ouvre quand d’autres ne peuvent fermer, et qui ferme quand ils ne peuvent ouvrir. [Apoc. xxii.] Les œuvres humaines ne sont que pour un temps tandis que celles de Dieu demeurent à toujours. Nous sommes loin cependant de croire qu’ils aient autant de puissance qu’ils s’en attribuent.

Jusqu’ici nous ne nous sommes pas souciés de savoir ce que pensent telles ou telles assemblées qui n’ont jamais été sous le contrôle de M. Darby, et dont l’esprit et la marche évangéliques nous ont souvent édifiés ; mais nous ne pouvons pas supposer qu’elles soient disposées à sacrifier leur liberté chrétienne pour accepter le joug de l’homme. « Ne dites pas confédération quand ce peuple dit confédération, et ne craignez point ce qu’ils craignent, et ne vous en épouvantez point. » (És. viii, 12 ; xxix, 13.) Les assemblées qui, en France ou en Suisse sont passées sous le patronage de M. Darby, ne se sont pas encore prononcées sur la question relative aux divisions qui ont eu lieu en Angleterre. Elles ne peuvent savoir que ce qu’en ont colporté de bouche ou par correspondance M. Darby et ses amis. Il n’y a que celle de Vevey qui s’en soit occupée un peu à l’occasion de notre bienheureux frère Chevallier. Et encore, cette affaire, placée entre les mains de quelques individus, n’a point été portée à la connaissance de tous. C’est au point que plusieurs d’entr’eux auraient voulu que notre frère eût agité la question au sein de l’assemblée ; ils n’ont pas hésité à rompre le pain avec lui dans cette paisible retraite où nous aurions aussi voulu entendre « les adieux d’un mourant ». On ne peut rendre une assemblée responsable d’une faute commise par ses conducteurs, et nous ne nous en séparerions que lorsqu’il serait démontré qu’elle est essentiellement sectaire. Les réunions qui tendent le plus vers l’anarchie, suivent, sans doute, une pente dangereuse, mais ne méritent pas pour cela le reproche qu’on leur fait d’être Darbystes. Un frère habitant une localité passablement remuée par les Darbystes (il faut bien les appeler ainsi puisqu’ils l’aiment tant), a passé comme nous par de douloureuses expériences. Voici ce qu’il dit à cet égard : « Ce qui m’afflige d’une manière particulière, c’est que les Darbystes sont tellement reconnus pour sectaires (et hélas ! les frères ici ne l’ont que trop montré dans beaucoup d’occasions) qu’il est impossible d’avoir accès auprès des âmes, même mondaines, pour l’œuvre de l’évangélisation. Et cependant, chose assez singulière ; M. Darby a peu ou point d’influence au près de la plupart des frères ici. Ayant en horreur l’esprit de domination manifesté par M. Darby et les siens, ils courent à l’autre extrême et tombent plus ou moins dans ce que l’Écriture appelle l’iniquité, (anomia), l’indépendance de tout. Les fruits d’un tel état de choses, vous pouvez les concevoir » Le même dit ailleurs : « Il y règne un esprit tel que l’exhortation, au fond, n’y est pas reçue, parce qu’on n’en sent pas le besoin. La pensée qu’ils sont supérieurs en connaissance aux autres frères qui les entourent, et que leurs principes ne sauraient être comparés aux leurs, a fait naître et maintenant graver en eux un orgueil spirituel, [quoique le langage nie cela,] très pénible à considérer. C’est, plus que je ne l’avais vu nulle part, l’esprit pratique de l’antinomien. Aussi, est-il naturel que tout ce qui attaque cet état de choses ne soit pas reçu avec plaisir. Il n’y a pas de l’amour et de la confiance entre la plupart d’entr’eux, et l’hypocrisie s’est développée à tel point que certaines personnes ne peuvent point croire à l’humiliation d’autres personnes. Un autre mal, c’est qu’ils sont toujours prêts à condamner sévèrement les frères qui ne partagent pas leurs vues, et que ceux qui reprennent un tel vice sont soupçonnés de faire corps avec leurs adversaires. Dans quel misérable état ne sommes-nous pas ! Veuille, le Seigneur, délivrer ses enfans ! faire une œuvre puissante, merveilleuse au milieu d’eux, en leur donnant de faire et de souffrir sa sainte volonté. Il me semble que tout cet état de choses tient à un relâchement général des principes de la piété. Lorsqu’un arbre ne porte plus de fruit, c’est que ses racines sont malades. »

Ce tableau est sombre, mais il n’est point exagéré. Plut à Dieu qu’il le fût ! Nous pourrions étendre le cadre de nos observations, et passer en revue bien d’autres faits qui sont à notre connaissance ; mais nous ne voulons pas abuser de l’attention du lecteur ni affliger d’avantage son cœur par des détails de ce genre. Nous terminerons donc par les lignes suivantes que nous écrivait il y a quelque temps un bien-aimé frère. « Je ne suis pas étonné de la fâcheuse impression produite sur ceux du dehors, lorsqu’ils viennent à voir le mal qui se trouve chez les enfans de Dieu. Car si le St. Esprit ne nous gardait, et si nous n’avions la bonne Parole qui nous ramène toujours à Celui qui ne ment point, hélas ! je serais bien souvent tenté de dire que le péché se développe beaucoup plus chez les enfans de Dieu que chez les mondains. Cependant, nous avons besoin de prendre garde, les principes ne suffisent pas toujours, ce n’est pas en eux que se trouve la force de réaliser le caractère de Dieu. C’est pourquoi, nous avons besoin de nous souvenir que « le juste qui bronche devant le méchant est une fontaine embourbée et une source gâtée, (Prov. xxv, 26,) et qu’il est de la plus haute importance que « nous rejetions les choses honteuses qu’on cache, ne marchant point avec ruse et ne falsifiant point la Parole, mais nous rendant approuvés à toute conscience des hommes, devant Dieu, par la manifestation de la vérité. » ii Cor. iv, 2.

FIN.
  1. Il ne faut pas supposer, cependant, que ceux qui font des règlements les observent toujours consciencieusement.
  2. Voir une lettre écrite par Meylan à cette occasion.
  3. Nous ne connaissons pas la date précise de cette lettre, en sorte que nous ne pouvons dire avec certitude si c’est à cette occasion que la demande a été faite.
  4. Depuis que ces lignes ont été écrites 3 ou 4 ont été reçus.
  5. Voyez « le Bienfait de Jésus-Christ » par Aonio Paleario.
  6. Voyez « Coup-d’œil sur divers principes ecclésiastiques » par M. Darby.
  7. Cet ami, chargé de famille, s’était mis sous la protection d’une église Indépendante depuis ces malheureuses divisions. Néanmoins il s’est toujours considéré comme faisant partie de la réunion de St. Honoré N°247, n’ayant aucune raison de s’en séparer. Il est maintenant auprès du Seigneur.
  8. Le Rapport de M. Trotter, traduit en français.
  9. Nous aurions voulu copier textuellement cette lettre de M. Darby, mais M. B. qui nous l’a lue, refuse de nous la remettre, et même d’en indiquer la date.