Le naufrage de l’Annie Jane/Appendice/7

Le fidèle messager (p. 97-102).



FRED. L. VAN BUREN.

1824-1888.

Né en Hollande, d’une famille distinguée, monsieur van Buren vint au Canada avec la ferme résolution de consacrer son temps et sa vie au service de son Sauveur. Nous pouvons dire qu’il s’est efforcé de remplir ce programme jusqu’au bout. Il entra en 1854 au service de la Société franco-canadienne et ne la quitta qu’en 1878. Son champ d’activité fut Montréal et ses environs. On l’appela pendant longtemps et avec raison, le Missionnaire de la cité. Travailleur assidu et fortement trempé pour la lutte, il se dépensa sans ménagement, au triomphe de la vérité et au soulagement des souffrances humaines. Nous le voyons, année après année, parcourir les rues de la ville, visiter la place du marché, distribuant l’Évangile, répondant aux attaques des fanatiques, luttant contre le courant envahisseur de l’ignorance et des préjugés, et faisant bonne contenance partout où son devoir l’appelait. Peu de missionnaires, au Canada, eurent à subir autant d’outrages que van Buren. Il fut battu dans les rues, arrêté par la police sous prétexte qu’il vendait des livres immoraux, dénoncé du haut des chaires catholiques comme un être dangereux, poursuivi de gamins qui lui lançaient des pierres et, au milieu des railleries et du rire persécuteur, gardant toujours son sang-froid et sa dignité. Un jour il revint au logis tout sanglant, son chapeau, ses habits, ses bottes tout était teint. Cependant le zélé missionnaire paraissait joyeux ; il se portait bien. Ce sang n’était autre que du sang de bœuf. Voici ce qui était arrivé. En passant près du marché Bon-secours, van Buren avait distribué quelques traités. Les bouchers, cette race impitoyable, s’en étaient aperçus, et comme les pierres manquaient sur leurs établis, ils lancèrent des morceaux de bœuf au vilain suisse, quitte avec cela de ramasser leur marchandise pour l’offrir aux pratiques. Cet acte de fanatisme est singulièrement burlesque.

Pendant plusieurs années, et jusqu’à la dissolution de la Société franco-canadienne, van Buren eut charge de la Librairie évangélique, 413 rue Craig. C’est pendant qu’il remplissait les humbles fonctions de libraire et quelques semaines avant son voyage d’Europe, qu’il fut consacré au saint ministère par le synode des Églises Évangéliques, le 30 avril 1876. La cérémonie se fit dans l’église de la rue Craig, sous la présidence de monsieur le pasteur R. V. Duclos.

Van Buren avait une connaissance très étendue de la science médicale et, sans être docteur, il a rendu de grands services à beaucoup de familles pauvres. Je l’ai vu à l’œuvre visitant les malades, leur donnant d’excellents conseils, leur administrant des remèdes qu’il préparait lui-même. Quand il avait soigné le corps, jeté un rayon d’espérance dans ces existences brisées et souffrantes, il parlait du remède divin, du sang de l’Agneau qui ôte le péché du monde.

Dans une excellente notice nécrologique, monsieur le pasteur R. P. Duclos écrit : « Il n’est peut-être pas un seul protestant qui, de 1853 à 1885, n’ait connu monsieur van Buren et entendu dans l’épreuve, ses exhortations toujours pleines de foi. Des centaines de catholiques se souviennent de ses visites et n’oublieront jamais les vérités chrétiennes qu’il leur a communiquées. Le pauvre, l’affligé et l’étranger sur nos rives ont toujours trouvé en lui un aide, un soutien et un fidèle conseiller. Son intégrité parfaite lui avait acquis la confiance de bien des personnes. » (Aurore du 17 mai 1888 ).

Outre son travail parmi les Canadiens français, van Buren visitait les familles allemandes et s’efforçait de réveiller en elles la foi et la vie chrétienne. Ce fut lui qui groupa ces familles et qui fut le promoteur de la formation de l’église allemande de Montréal.

Van Buren avait ses manières à lui, un caractère fortement prononcé et une individualité qui ne s’effaçait jamais. Il parlait l’allemand, le hollandais, le français, l’anglais et l’italien et possédait une grande expérience de la vie. Il agissait sans prétention, d’une manière un peu brusque mais avec une entière franchise. Il y avait chez lui de l’enthousiasme, de l’aplomb et une chaleur d’âme qui vous gagnait. Bâti pour la lutte, pour ce travail hardi et difficile de l’évangélisation des villes, il a fait sa marque dans notre histoire. Tous ceux qui l’ont connu se rappelleront longtemps sa cordiale et affectueuse poignée de main. On sentait, à son contact, qu’il y avait sous cette poitrine osseuse, un noble cœur, ami de l’humanité et loyalement consacré au service du Seigneur.

Il est mort subitement le 7 mai 1888, âgé de 64 ans.