Le mystère des Mille-Îles/Partie IV, Chapitre 4

Éditions Édouard Garand (p. 43-44).

— IV —


Hughes était persuadé que les ennemis de la jeune femme étaient prêts à tout pour empêcher l’évasion de Renée, qui serait l’écroulement de leur entreprise, le dévoilement de leurs machinations criminelles et, par conséquent la pauvreté et, sans doute, le bagne.

D’un autre côté, ils avaient le plus grand intérêt à supprimer Hughes, car ils devaient bien penser que l’aviateur, au courant de tout et amoureux de Renée, les démasquerait et ferait tout en son pouvoir pour sauver la liberté, la vie et la fortune de leur victime.

Hughes se savait dans le plus grand danger. L’heure des demi-mesures était passée, pour Jarvis et Edward. Non seulement leur richesse mal acquise, mais aussi leur liberté étaient en jeu. Si l’aviateur pouvait laisser l’île, la police serait prévenue et la catastrophe se produirait. Il fallait donc, à tout prix, l’empêcher de s’évader. Le meurtre même ne devait pas les arrêter.

C’est ce que se disait le jeune homme et ce qu’il expliquait à sa compagne.

Celle-ci en éprouva une grande frayeur.

— Je ne veux pas, dit-elle, que vous courriez ces dangers pour moi. Partez tout de suite : mon gardien va vous reconduire sur la terre ferme.

Hughes se mit à rire.

— Pensez-vous, répondit-il, que je pourrais songer un moment à vous laisser entre les mains de ces bandits ? Je partirai d’ici, mais avec toi, mon amour.

Renée n’était pas rassurée.

— Non, dit-elle, ne vous exposez pas. Moi, je n’ai rien à craindre. Vous parti ils me laisseront vivre tranquille ici, comme auparavant.

— Croyez-vous qu’ils accepteraient le risque de se faire jeter en prison par la police qu’ils sauraient bien que j’irais prévenir… De toutes façons, nous sommes ensemble et nous y resterons. Je suis de taille à tenir tête à Jarvis et ses acolytes. Ils ne s’adressent pas à une femme sans défense, cette fois.

Il se mit au travail avec une hâte accrue.

La besogne était délicate, difficile et longue, car il ne fallait négliger aucun détail, sinon le mécanisme compliqué n’aurait pas fonctionné.

Renée elle-même, bien qu’elle n’eût jamais rien fait de ses dix doigts, prêtait son concours à l’œuvre qui l’intéressait si fort.

Elle apportait les outils, taillait la toile, mais, surtout, surveillait les alentours de l’île pour éviter toute surprise.

Non seulement le gnôme, mais aussi sa femme aidaient l’aviateur. Éclairés, par les incidents de la nuit précédente et par les paroles d’Hughes, sur les véritables intentions de Jarvis, ces braves gens avaient résolu de ne plus prêter la main aux louches combinaisons. C’est pourquoi, ils désiraient contribuer de toutes leurs forces à l’évasion du jeune couple. Après, ils s’arrangeraient comme ils le pourraient. Et, en premier lieu, ils entendaient bien dire son fait à leur fils.

— J’suis sûr, disait l’homme, que c’est pas un méchant garçon, malgré tout. Il a été entraîné par les autres. Mais j’vas lui faire passer ça.

La journée s’écoula ainsi, dans une activité fiévreuse.

Le soir venu, les réparations étaient enfin terminées. Mais un dernier examen démontra à l’aviateur que le mécanisme d’envol était faussé.

Comme il était bien tard, il ne fallait pas songer à le réparer avant le lendemain matin. Cela ne devait pas prendre beaucoup de temps et l’on pourrait partir avant vingt-quatre heures. La libération approchait.

— Pourvu qu’il ne survienne rien de fâcheux, auparavant, dit Hughes.