Le mystère des Mille-Îles/Partie IV, Chapitre 3

Éditions Édouard Garand (p. 42-43).

— III —


Dès que le soleil eût paru, ils se mirent à la recherche du gardien, soupçonnant que cet homme devait être au courant de la visite du yacht, exécutée, évidemment, sous la direction de son fils.

Ils trouvèrent au bonhomme un air drôle.

Renée s’écria en le voyant :

— Avez-vous vu les étranges visiteurs de la nuit dernière ?

L’homme prit un air d’ignorance bien mal jouée pour répliquer :

— Quels visiteurs ? Il ne vient jamais personne ici.

Hughes comprit qu’on lui avait fait la leçon. Aussi, bien décidé à obtenir les renseignements dont il avait besoin, il coupa court aux tergiversations.

— Les simagrées sont parfaitement inutiles, dit-il d’un ton froid. Vous allez me dire, séance tenante, qui était dans le yacht, cette nuit et ce qu’ils venaient faire… Ne faites pas celui qui ne sait rien. La vie de Madame est en danger, sans compter la mienne. Tout me porte à croire que vous êtes un brave homme : vous ne voudrez donc pas tremper dans un crime qui se prépare, à seul fin de plaire à un fils dégénéré, vaurien et criminel. D’ailleurs, vous pensez bien que je ne suis pas de taille à tendre le cou, comme un poulet qu’on égorge. On m’attaque, je vais me défendre et tous les moyens me seront bons. D’autant plus que j’ai une autre vie plus précieuse à préserver. Tenez-le-vous pour dit et parlez, sinon, j’aurai recours aux grands moyens.

Ce petit discours produisit l’effet voulu, car il était débité d’un ton ferme et accompagné d’un regard énergique.

— Ben, j’vas vous dire, répondit le gardien. D’abord, faut pas croire que vot’vie soit en danger. Mon fils n’est pas un mauvais garçon, au fond…

— Je sais à quoi m’en tenir à cet égard, rétorqua Hughes. Donnez-moi les renseignements, tout de suite.

— Ensuite, continua le gnôme, faut vous dire que mon fils est terrorisé par ce Jarvis et puis, il ne connaît pas toutes les combines… Enfin, j’vas vous dire. Le yacht contenait mon fils et deux autres hommes. Ils ne voulaient pas faire de mal…

— Dites tout ce que vous savez. Sinon…

— Ben, v’la. Un des deux hommes parlait d’enlever Mme Renée. Mais il ne l’a pas trouvée dans sa chambre ordinaire et j’lui ai dit que vous étiez avec elle pour la défendre. Ensuite, l’autre voulait briser vot’ aéroplane ; quand il a su qu’il était bien enfermé, il a eu peur de vous éveiller. Puis, ils sont partis.

— Ont-ils dit qu’ils reviendraient ?

— Oui.

— Quand ?

— Ce soir.

— Alors, il n’y a pas de temps à perdre. Vous allez m’aider à terminer les réparations. Il faut que tout soit fini aujourd’hui même.