XII. — TROIS MOIS PLUS TARD


Le 18 janvier de l’an de grâce 1849, le Parlement s’ouvrit à Montréal. L’agitation régnait partout. Des questions brûlantes devaient être discutées et résolues.

Le projet de loi touchant l’indemnité aux victimes de l’insurrection de 1837-1838 soulevait d’avance les passions populaires. Sir Allan McNab, un ancien président de la Chambre, entouré de quelques ambitieux, se montrait d’un fanatisme sans bornes. Tous ne reculaient pas devant la responsabilité d’ameuter la foule contre La Fontaine et Baldwin, les chefs du gouvernement qu’ils tenaient pour auteurs d’une mesure inique, qui n’était que de simple justice, pourtant. N’avait-on pas déjà indemnisé les victimes de l’insurrection dans le Haut-Canada ; et en acquiesçant d’avance, à cette date, à une pareille mesure, vis-à-vis des Canadiens français du Bas-Canada ? Mais on oubliait étrangement ces résolutions, devant la proposition de La Fontaine qui leur remettait en mémoire les dispositions libérales du cabinet Draper, puis de celui de Daly-Sherwood… Les débats prirent vite une violence extraordinaire. Des paroles regrettables furent prononcées et renvoyées d’un côté à l’autre de la Chambre. Il y avait foule dans les galeries à la plupart des séances. Mais l’attitude ferme de La Fontaine avait presque toujours raison de ces poussées d’intransigeance. Son courage étonna les tories ; et, bientôt, ils virent que leurs procédés d’intimidation et leurs menaces ne pourraient en avoir raison. Ils organisèrent une campagne de presse. Ils se promirent d’agir de telle façon que le gouverneur général, lord Elgin, n’accorderait point son assentiment, quand viendrait l’heure d’apporter la sanction royale au projet de loi. Le 1er  février, lord Elgin donnait cependant, sans qu’il y eut trop de protestations discordantes, l’assentiment royal à la loi de l’amnistie générale aux prisonniers de 1837-1838.

Michel suivait de loin les péripéties de ces événements politiques. Son patron, Amable Berthelot entretenait une correspondance suivie avec lui, avec ce clerc dont il « regrettait chaque jour la compagnie » lui déclarait-il. Il n’envisageait pas d’un bon œil l’indécision de Michel au sujet de son retour au Canada. Il fallait qu’il revînt coûte que coûte, au contraire. Les admirateurs et les amis de Sir Louis-Hippolyte La Fontaine auraient à se grouper en nombre, afin d’être prêts à toutes les éventualités… Qui sait ce qui arriverait ? Michel ne pouvait se désintéresser de la cause que défendait le grand homme d’État canadien.

Et Michel répondait avec empressement à l’excellent Amable Berthelot. Il le tenait au courant de la marche de ses affaires. Selon toute apparence, il réglerait avant le temps fixé les épineuses questions juridiques qu’il avait en mains… Il pourrait réintégrer son bureau de Montréal dès les premiers jours d’avril… Et Michel s’informait de l’atmosphère de la ville, des petits événements quotidiens auxquels était mêlé son patron, et même de sa vie mondaine, avec de petites allusions, parfois à ses affaires de cœur. Ce n’était plus un secret pour personne que la jolie Hélène Bédard accepterait bientôt d’épouser Amable Berthelot. Ils étaient inséparables… En lisant les phrases agréables, un peu moqueuses, parfois de Michel, au sujet de son affection pour la fille du Juge Bédard, Maître Berthelot souriait et in petto se disait : « Mon jeune ami, vous voudriez bien en être au même point que moi, avec… la belle Josephte Précourt… Hé ! je connais votre secret… que vous avez imprudemment confié à l’un de mes livres de loi… Tant pis, si j’ai lu sans le vouloir… mon ami. »

Très gentiment, chaque fois que Michel lui écrivait longuement, il trouvait un prétexte et même donnait une raison de l’autre monde, afin de pénétrer, coûte que coûte, chez les dames Précourt. Mais aussi, il avait vite deviné que le cœur de Josephte n’était pas indifférent au souvenir de Michel. La jeune fille n’avait-elle pas eu un éclair dans les yeux, et sa voix n’avait-elle pas un peu tremblé, lorsque, la rencontrant dans la rue et échangeant quelques mots avec elle, il lui avait appris que Michel était un correspondant aussi charmant qu’intéressant.

— Mais pourquoi, me dites-vous cela, en me regardant aussi intensément, M. Berthelot ? lui avait demandé la jeune fille, en rougissant un peu.

— Je croyais que vous vous intéressiez aux faits et gestes de ce protégé de votre frère ?

— Vous n’avez pas tort. Mais… « ce protégé de mon frère » comme vous dites, a bien protégé, à son tour, je vous avoue, la petite sœur du patriote, au lendemain de ces affreux jours de Saint-Denis et de Saint-Charles.

— Cette gratitude envers mon clerc vous honore, Mademoiselle.

— Oui, c’est de la gratitude bien méritée, que j’éprouve, reprit vivement la jeune fille, que l’air un peu railleur d’Amable Berthelot avertissait de surveiller ses paroles.

— Mademoiselle, vous plairait-il de lire une des lettres intéressantes de Michel Des Rivières-Authier ?

— Certainement, répondit la jeune fille, les yeux bas et en jouant avec son manchon, afin de cacher la grande joie qu’elle ressentait à cette proposition inattendue.

Et c’est ainsi que Michel et Josephte purent entendre parler l’un de l’autre, et constater, l’un et l’autre, l’intérêt et le plaisir qu’ils avaient de renouer ainsi d’indirectes relations. Il y eut de mauvaises heures, à passer, cependant pour Michel lorsque M. Berthelot lui apprit que Jules Paulet se préparait à faire la grande demande à Josephte à la fin de mars. Car, le jeune homme devenait de plus en plus assidu auprès de la jeune fille… qui ne paraissait pas trop se déplaire, non plus, en sa compagnie. Hélène Paulet criait déjà victoire, tandis que Blanchette, sa sœur, devenait d’une mélancolie presque douloureuse… » Quelle étrange enfant que cette dernière, écrivait Amable Berthelot, à Michel… Ne m’a-t-elle pas parlé de vous, Authier ? Et avec une anxiété réelle, je vous assure. Quand reveniez-vous ? Que faisiez-vous donc de si pressant et de si long, là-bas ? Vous aimerait-elle, cette jeune fille ? Sa voix devenait frémissante parfois… Mais, tenez, je vais être franc. Elle pourrait vous aimer, cette blonde enfant. Son père m’a parlé de vous un jour… Au fait, je crois vous l’avoir dit dans le temps… Ma mémoire me dessert, je crois, mais aussi, quel grand événement se prépare pour moi… Je veux bien vous attendre pour épouser ma délicieuse petite Hélène, mais de grâce, revenez à temps, car passé avril, j’aurai convolé, je vous assure »…

Une invitation de Charles Laberge à Michel le priant de vouloir bien venir adresser la parole à l’Institut canadien, soit sur les institutions américaines, soit sur tout autre sujet touchant les belles libertés du pays démocratique par excellence, les États-Unis, décida le retour du jeune homme vers la fin de mars. Celui-ci ne se souciait que fort peu de se rallier au groupe des jeunes de l’Institut qui comptait maintenant Papineau comme un de ses chefs. Certes, Michel s’inclinait devant le grand homme éloquent qu’Olivier Précourt lui avait appris à admirer, mais il lui préférait de beaucoup, maintenant que son esprit pouvait juger par lui-même, La Fontaine et sa politique ferme, mesurée, patriotique quoique se ralliant à certaines concessions créatrices de paix et de bonne entente.

Un beau matin, Michel reparut donc à Montréal, à la grande joie de Madame Giroux, qui n’avait pu louer sa chambre depuis trois mois, et au plaisir par trop évident aussi de M. Berthelot en le voyant rentrer au bureau quelques jours avant la date fixée par Michel lui-même dans sa dernière lettre.

— Michel !… Mais vous avez avancé l’heure du retour… À la bonne heure ! s’était exclamé Amable Berthelot… Entrez dans mon bureau. Je n’attends personne, ce matin. Causons. Vous avez bonne mine, mon ami. L’air du Vermont vous va comme un gant.

— Je ne m’y suis pas livré à l’oisiveté, pourtant.

— Je vous crois. Vos lettres gardaient un ton d’homme occupé à remuer tout un pays, ma foi… Prenez votre pipe, Michel… Les confidences s’échangeront plus clairement avec ce divin nectar…

— Votre humeur est rayonnante, cher maître.

— Un monsieur qui va épouser dans quinze jours, la plus jolie, la plus spirituelle, la plus fraîche jeune fille de la ville ne saurait être lugubre.

— Hélène Bédard n’a pas mauvais goût, non plus. Et puis, son calcul est bon. Avec votre talent…

— Tut, tut, Michel, n’injuriez pas mon Hélène en l’accusant d’avoir fait un calcul en m’épousant…

— Mais chez une femme, la question du mariage ne se pose pas de même façon que pour nous. C’est une carrière que le mariage pour une jeune fille… Alors, elle a raison d’y regarder d’un peu près.

— C’est égal. Je veux croire que mes beaux yeux seuls l’ont fait consentir, reprit en riant, Amable Berthelot.

— Ah ! mais je ne doute pas qu’elle vous adore même, allez, repartit, en riant aussi, le jeune homme. Je l’ai vu, un soir, vous suivre des yeux, alors que vous dansiez avec une autre jolie fille… Elle semblait furieuse de vous voir lui sourire.

— La jalousie me plaît quand elle n’est pas exagérée. Où trouver une meilleure preuve d’amour, n’est-ce pas ? Ainsi, vous aviez observé cela, Michel. Tiens, tiens, tiens. Je vous croyais absorbé ailleurs…

— Vous voyiez mal, voilà tout.

— Non, Michel, soyez franc. Josephte Précourt est loin de vous être indifférente.

— Et puis, après ? Une riche héritière n’est certes pas mon fait.

— Même si l’héritière montrait une préférence marquée pour vous ?

— Je ne sache pas que Josephte Précourt ait agi ainsi à mon égard… Mais, si vous vouliez, nous parlerions d’autre chose.

— Bien, pour le moment. Mais je tiens à revenir sur le sujet. J’ai des choses intéressantes à vous apprendre. Vous arrivez à temps, ma parole. Mais abordons la question de votre conférence. Ainsi Charles Laberge, le con-ci-li-a-teur veut vous attirer à l’Institut canadien ?

— Oui. Qu’en pensez-vous ?

— Pourquoi pas ? Vous n’y ferez pas long feu, vous connaissant comme je vous connais. Votre admiration et votre affection pour La Fontaine ne s’y sentiront pas à l’aise.

— On le combat ?

— Sa politique, oui. Et l’on accueille avec enthousiasme, au contraire, son adversaire, Joseph Papineau. Le gouvernement d’Union est rejeté par eux tous.

— Et puis encore ?

— Voyons, Michel, vous connaissez comme moi Éric Dorion et ses idées radicales… Et il n’est pas seul à montrer des tendances peu cléricales. Tout de même, c’est un milieu intéressant, il y a de bien belles intelligences parmi eux. S’ils voulaient se montrer moins violents d’expressions, moins entiers. Si l’on ne parlait pas tant d’annexion aux États-Unis, ou d’autres rêves démocratiques, qui seuls pourraient ramener le bonheur parmi nous…

— Bien, j’accepterai de parler à l’Institut, mais garderai la prudence du serpent et… toute mon admiration pour La Fontaine.

— Très bien, Michel. Plus que jamais, il faut être fidèle. Je redoute les réactions de nos charmants tories au jour de la sanction du projet de loi d’indemnité.

— Ce jour approche ?

— Oui. Lord Elgin, en reconnaît le principe de justice, mais déclare cependant, le moment inopportun vu l’état de nos finances. Mais quand La Fontaine et Baldwin ont décidé quelque chose, vous savez, et puis nous ne sommes plus au temps de Colborne…

— Non, lord Elgin est parfait envers nous.

— Michel, mettons les choses au pire. Supposons que notre cher La Fontaine, un jour ou l’autre, ait besoin de nos personnes pour le défendre lui ou les siens, serez-vous des nôtres, c’est-à-dire accourriez-vous avec le Colonel Taché, Coursol, moi-même et quelques autres qui lui sont dévoués corps et âme.

— Vous n’en doutez pas, j’espère.

— Merci. Je me rappellerai de cette réponse sincère.

— Je vous quitte maintenant. Mon bureau…

— Non, Michel, j’ai autre chose à vous dire. Ne vous raidissez pas ainsi… C’est un ami qui vous parle, voyons.

— Alors, qu’y a-t-il ?

— Jules Paulet est venu me voir, avant-hier. Je ne sais ce qui se passe chez les Précourt, mais le vent semble favorable à votre rival…

— Mon rival ! Je vous en prie, Monsieur, protesta Michel. M. Berthelot vit le jeune homme pâlir un peu tout de même.

— Mais, mon ami, qui peut douter du sentiment profond que vous portez à votre compagne d’enfance ?

— Je ne me range pas parmi ses prétendants.

— Si la chance vous servait ?

— C’est peu probable.

— Qui sait ? Je vous donnerai un bon coup d’épaule, en tout cas, si les circonstances le permettent.

— Vous êtes généreux, Monsieur. Merci. Mais… pourquoi ne pas reprendre votre confidence, au sujet de l’amoureux de Josephte ?

— Il a la mine d’un victorieux. Il m’a avoué que Josephte l’accueillait avec beaucoup d’empressement, maintenant. Il a ajouté : « Pour peu que ce parangon, Michel Des Rivières-Authier, prolonge son séjour aux États-Unis, j’appellerai… demain, peut-être, la belle héritière de la rue Notre-Dame, ma fiancée. »

— « La belle héritière » ! murmura Michel avec amertume. Vous le voyez, Monsieur, l’or fait de Josephte une jeune fille inaccessible à tout personnage pauvre, qui possède quelque fierté.

— Mon cher Authier, dit avec douceur Amable Berthelot, une charmante jeune fille comme Josephte Précourt vaut bien le sacrifice d’un peu d’orgueil. Quand vous serez heureux à ses côtés et qu’elle le sera auprès de vous, que peut bien avoir à faire là-dedans la bourse où vous puiserez tous deux ? Qu’elle soit à vous ou à elle, qu’elle se gonfle davantage quand elle y jette sa part, peu importe. L’amour sincère est confiant, humble. Il a besoin d’abolir ou d’oublier les inégalités… Mais ne restez pas ainsi, face à la fenêtre, Michel. Nous ne parlerons plus de ce sujet brûlant… Je m’excuse même de mon indiscrétion.

— Pourtant, Monsieur, répondit Michel, en revenant lentement près du fauteuil de celui-ci, je vous suis reconnaissant de me mettre au courant… Je vais faire l’impossible pour que l’amoureux de Josephte ne me rencontre plus sur son chemin, c’est-à-dire, sur celui de Josephte.

— Montréal est bien petit pour des résolutions de ce genre, reprit M. Berthelot, en souriant. Et puis, les événements contrecarrent qui a l’audace de vouloir disposer de l’avenir… Et c’est bien fait, le plus souvent, conclut en riant le patron de Michel.

— Je quitterai bientôt Montréal, le Canada. Alors…

— Mais non, la gravité de la situation politique vous y retiendra peut-être longtemps encore. Car vous resterez avec nous, n’est-ce pas, vous nous viendrez en aide, le cas échéant ?

— Oui, certes !

— Notre cher et grand La Fontaine aura besoin des services de tous ses amis et disciples. Vous ne pouvez savoir, Michel, je le répète, jusqu’à quel point les tories se montent la tête, se fanatisent autour du néfaste McNab. Ils iront jusqu’à s’armer, jusqu’aux sanglantes représailles, j’en jurerais. Ils se croient, se disent sans cesse des sujets pacifiques, auprès des affreux rebelles que nous sommes, mais heureusement, ils sont seuls à le croire. Nous les voyons venir, cette fois. Leur tumulte ne nous effraiera pas le jour où sera signé par lord Elgin, ce noble esprit, le projet de loi indemnisant les victimes françaises de l’insurrection de 1837 et de 1838. Voyez-vous cela, lorsque le cabinet Draper, il y a quelques années fit voter 40 000 £, comme vous savez, pour indemniser les victimes de la Rébellion du Haut-Canada, nos chers tories applaudirent. Ils consentirent même, à un geste réciproque envers les victimes du Bas-Canada… Mais espérait-il donc que cette indemnité ne reviendrait plus à l’ordre du jour ? On le croirait en ce moment, ma parole. Ils ont compté sans notre La Fontaine, ces aimables tories, sans Baldwin aussi, celui que l’on appelle presque partout maintenant honest Robert.

— C’est pour bientôt la signature du projet d’indemnité, Monsieur ? demanda Michel.

— C’est encore un secret ministériel. Mais on peut conjecturer. Je parierais sans crainte pour le 25 avril.

— Je puis tolérer Jules Paulet jusque là, dit avec ironie Michel. Mais comme ses yeux devinrent tristes.

— Pauvre ami ! fit M. Berthelot. En pensant à l’état de vos affaires de cœur, j’ai honte de la prospérité des miennes.

— À quand votre mariage ?

— Au commencement de juin. La crise parlementaire, ou nationale peut-être, que je pressens, vient retarder ce bonheur… Michel ? demanda tout à coup, en hésitant, M. Berthelot.

— Qu’y a-t-il ?

— Voulez-vous un dernier conseil ?

— Du moment que vous ne m’obligerez pas à le suivre, répondit Michel, en souriant.

— J’ai en horreur les promesses inutiles.

— Alors ?

— Méfiez-vous d’Hélène Paulet. Elle a juré à sa meilleure amie, qui est également celle de ma fiancée, que Josephte épouserait son frère, Jules, et que vous, Michel, épouseriez Blanchette, qui vous aime beaucoup. « Elle veut le bonheur de toute sa famille », a-t-elle déclaré, finalement, en riant de tout son cœur.

— Mademoiselle Paulet s’avance beaucoup en ce qui me concerne… Par ailleurs, c’est dommage pour sa sœur qui est vraiment bien…

— Oui, elle ressemble à Josephte. Vous me l’avez dit un jour, interrompit d’un air moqueur Amable Berthelot.

— Jamais, jamais, voyez-vous, Monsieur, reprit Michel au bout de quelques instants, je ne pourrai provoquer, par un geste semblable, car Mlle  Paulet est une héritière, tout comme mon amie d’enfance, jamais je ne provoquerai ainsi la surprise pénible, attristée de Josephte.

— Qui en aurait épousé un autre que vous, tout de même.

— Je plaide pour les circonstances atténuantes. Après tout, une jeune fille comme Josephte, comme toutes les jeunes filles, peuvent céder, consentir à un mariage bien assorti, où l’amour du futur l’emportera de beaucoup sur le leur, toutes garanties de bonheur pour une femme, vous le savez… Mais pour nous, la situation est différente. Nous sommes plus libres d’en faire à notre guise, d’engager toutes les responsabilités… Du moins, je pense ainsi et veux agir en conséquence. Puis… et sur la figure de Michel glissa un reflet de dureté.

— Puis, Michel ?

— Laissez-moi vous avouer que je souffre assez en ce moment pour en venir à souhaiter que quelque chose d’irréparable surgisse entre Josephte et moi. Toute certitude, même malheureuse, vaut mieux que cet état de gêne et d’embarras pour elle, d’angoisses et d’amertume pour moi… Ouf ! je n’en ai jamais tant dit à personne depuis longtemps, fit Michel, en passant avec lassitude la main sur son front.


Je souffre assez en ce moment pour en venir à souhaiter que quelque chose d’irréparable surgisse entre Josephte et moi.

— Vous devinez ma sympathie. Vous êtes assuré de ma discrétion.

— En effet. Je sors prendre un peu d’air… vous m’excuserez, n’est-ce pas ? pria Michel en pressant avec émotion la main tendue d’Amable Berthelot.