Le dernier des Trencavels, Tome 3/Livre vingt-unième

Traduction par Henri Reboul.
Tenon (Tome 3p. 72-91).


LIVRE VINGT-UNIÈME.

La vallée de l’Hérault.


Le lendemain, la petite armée de Béziers se mit en route en suivant la voie romaine ; arrivée à Clairac au passage du Libron, elle rencontra l’abbé Bénigne, qui venait au-devant des vainqueurs de Toulouse. Ce prélat s’était fait remarquer par sa modération entre tous ceux de l’Occitanie ; il avait plaidé au concile de Latran la cause du comte de Toulouse, et préservé plusieurs domaines du comte de Foix de la rapacité de Montfort.

Il annonça à Trencavel que les troupes qui s’étaient enfermées dans le château de St.-Tibéri, l’avaient évacué en apprenant la fuite de l’évêque d’Agde, et qu’elles s’étaient retirées pendant la nuit, en se dirigeant vers Montpellier.

L’abbé plaida de son mieux auprès du vicomte la cause des habitans et des moines ses commensaux. Il le supplia d’épargner les rigueurs d’une occupation militaire à des hommes qui, ayant été contraints de céder à la force, n’avaient jamais cessé d’être attachés intérieurement à leurs anciens maîtres.

Raimbaud rendit hommage à la sincérité et aux bons procédés du prélat Bénigne, et s’empressa de le rassurer, sachant combien il était doux à Trencavel d’oublier le mal et de le pardonner ; mais il crut devoir proposer au vicomte de démolir le château qui, ne pouvant guère servir à la défense du pays, était propre seulement, à favoriser les tyrannies locales et le brigandage.

L’abbé fut loin de désapprouver ce projet, se rappelant que le monastère avait été plus souvent pressuré que protégé par les maîtres habituels ou accidentels de cette bicoque, fortifiée.

À notre arrivée à St.-Tibéri, elle s’offrit d’abord à nos regards assise sur un rocher aussi dur et aussi noir que le fer(1), qui du côté de la ville et de la rivière est taillé, à pic. La forme de cet escarpement, est celle d’une haute muraille composée de colonnes prismatiques, accolées ensemble et superposées les unes aux autres en plusieurs étages.


La surprise du jeune vicomte était extrême, car il n’avait rien vu de semblable dans ses courses à travers les Pyrénées.

« J’ai lu, » lui dit l’abbé, « dans un des plus anciens parchemins de notre bibliothèque, que, selon les traditions conservées dans le pays, cette roche noire, dont la forme paraît si étrange, était le produit d’un volcan à-peu-près pareil à ceux qui vomissent encore des laves en Italie et en Sicile. Mais ce qui m’a paru bien plus extraordinaire, c’est de lire dans ce même cahier que dans les temps très-éloignés de nous, où ce volcan était allumé, les eaux de l’Hérault, retenues par une barrière pierreuse, submergeaient toute la vallée supérieure jusqu’au-dessus de Pézènes. Une grande convulsion terrestre étant survenue, la barrière avait été emportée, en laissant à découvert le flanc escarpé du rocher qui supporte le château(2). Le cours de l’Hérault n’étant plus interrompu, le fleuve s’était divisé en deux branches et avait formé sur l’emplacement des roches déblayées une île spacieuse. Cette île a été ensuite donnée aux enfans de St.-Benoît, lorsque, sous le règne de Charlemagne, le saint abbé Atilion releva les murs de notre monastère(3) qu’avaient ruiné les Sarrasins.

L’abbé nous invita à monter sur la terrasse du château abandonné, pour y jouir de la vue du pays : là nos regards ne pouvaient se lasser de la richesse de ce spectacle.

Nous avions comme sous nos pieds l’ancienne ville de Cessero, dont les maisons basses et humbles étaient groupées autour de l’immense et majestueux édifice habité par les moines ; puis se prolongeait au loin cette île délicieuse, couverte de pâturages et de riches moissons, entourée d’arbres séculaires, parsemée de bosquets dont les ombrages semblaient plus favorables aux méditations voluptueuses qu’à celles de la pénitence. Au-delà de cette île, nos yeux suivaient en le remontant le canal du fleuve à travers la plaine, et voyaient ses eaux bleuâtres se perdre et renaître au sein des arbres et des arbrisseaux qui bordaient ses rivages. Des collines inégalement étagées et ombragées par le figuier et l’olivier encadraient ce tableau.

Raimbaud fit remarquer au vicomte, à travers le voile d’une atmosphère vaporeuse, un amas de maisons que surmontait un clocher auprès d’une butte peu élevée et couronnée de tours.

Un battement de cœur fit pressentir à Trencavel que ce lieu était la demeure de sa mère. Aussitôt qu’il en eut acquis la certitude, il cessa de voir et d’entendre ; et, sans prendre congé de l’abbé Bénigne, laissant à mon père le soin de pourvoir à toutes choses, il m’appela à lui et me choisit seul pour l’accompagner. Nous remontâmes à cheval et arrivâmes à Pézènes avec la rapidité de l’éclair.

Un chemin bordé d’ormeaux nous conduisit au haut d’une colline couronnée par un vaste édifice, et séparée par un vallon peu spacieux de la butte fortifiée que nous avions aperçue de loin. Ce vallon était occupé par les maisons construites sur les deux rives d’un grand ruisseau qui descend des montagnes voisines.

Autour de l’édifice qu’habitait la dame de Pézènes sur la colline de la rive droite, s’étendait un vaste enclos distribué en jardins et en vergers. Au-devant était un portique soutenu par des piliers d’une pierre noirâtre et tachetée que des ceps de vigne entouraient de leurs replis et ombrageaient de leurs guirlandes verdoyantes(4).

Trencavel ne pouvait se contenir. Descendu de cheval, il demandait sa mère aux hommes, aux arbres, à tout ce qu’il rencontrait.

Aussitôt qu’elle lui apparut, il se jette à son cou, tombe à ses genoux, lui baise les mains, le visage, les plis de ses vêtemens. Agnès est émue ; de douces larmes mouillent ses yeux. Elle se complaît dans les transports que sa présence inspire à un fils qui lui était presque inconnu ; elle jouit de la beauté de ses traits, de la noblesse et de la candeur empreintes sur sa physionomie. La veuve de Trencavel retrouve l’image de son époux et tous les souvenirs d’une jeunesse agitée, dont elle essayait depuis quinze ans d’adoucir les regrets.

Agnès reconnut Raimbaud et apprit avec attendrissement que son fils avait eu pour seconde mère la douce Aliénor. Elle avait vu souvent, dans le temps de son enfance, Aliénor et Béatrix à la cour de son père, et se rappelait encore les chants que le mari de Béatrix, Foulques, le chantre des amours, avait composé pour célébrer les jeux de son enfance.

Agnès présenta à son fils les compagnons de sa retraite, ceux qui lui tenaient lieu de cour. C’étaient le chapelain Fulcran de Cabrières, et deux trouveurs, Arnaud de Marveil et Isarn de Rocosels. Celui-ci, d’un maintien grave, pensif et mélancolique, quoique dans la force de l’âge ; l’autre au front chauve, aux cheveux gris, achevant son douzième lustre, mais portant sur ses traits les indices d’une âme sereine, joviale et voluptueuse.

Marveil avait été dans ses belles années l’amant d’Adélaïde, vicomtesse de Béziers et belle-mère d’Agnès. Adélaïde avait agréé l’hommage d’un simple favori des muses : plus tard le poète eut un roi pour rival. Le plébéien fut aimé et exilé, mais il ne cessa pas de se croire plus heureux que son vainqueur(4).

Depuis la mort d’Adélaïde, il allait tous les ans dans le monastère de Cassan, où elle était ensevelie, jeter des fleurs sur sa tombe, et composer un cantique nouveau.

Agnès lui avait fait accepter un asile auprès d’elle. Il était le confident de ses pensées. Elle dirigeait ses affaires d’après ses conseils ; elle était même devenue l’objet des dernières chansons de ce nouvel Anacréon, et se livrait au charme d’une intimité qui lui semblait suffisamment protégée contre l’imprudence des passions et les caquets de la médisance.

Le troubadour Isarn consumait ses momens aux chants d’amour, car ses chants n’étaient point ceux du gai savoir. Il ne peignait que les peines d’une espérance éludée et le tourment d’une sympathie déçue. Il cherchait les lieux solitaires et se plaisait surtout à errer dans les bosquets silencieux qui bordent les rives de l’Hérault. Agnès était, sous un nom supposé, l’objet de ses poèmes et de ses soupirs.

Agnès le savait et s’intéressait à lui. Elle était parvenue à le préserver des accès du désespoir, sans le mettre en possession de ce paradis, objet de ses vœux. Il se disait malheureux, et n’eût pas échangé son supplice contre tous les biens de l’univers.

Le chapelain Fulcran avait atteint l’âge où les conseils de l’ambition sont tempérés par l’amour du repos. Plusieurs emplois lui avaient été offerts dans les chapitres d’Agde et de Montpellier ; mais il ne pouvait se résoudre à quitter le service d’Agnès.

Livré au charme qu’elle répandait autour d’elle, il se dépouillait de plus en plus des passions qui tenaient alors agité le clergé de la contrée, et consacrait ses loisirs à écrire l’histoire des seigneurs de Montpellier.

Agnès était l’âme de ses récits ; elle en était aussi le juge, y trouvait sans cesse et y faisait remarquer aux compagnons de sa retraite tous les motifs qui doivent faire préférer les douceurs d’une vie paisible, ignorée des hommes, aux tracasseries des cours et au tumulte des villes.

Les affidés d’Agnès partagèrent la joie maternelle et en firent l’objet de leurs chants ; Raimbaud leur fit connaître les couplets toulousains des confrères du gai savoir, et raconta plusieurs fois avec de nouveaux détails à l’historien Fulcran les derniers évènemens dont il avait été témoin.

Les habitans du bourg voulurent aussi fêter le retour du fils d’Agnès. Préservés des fléaux de la guerre par la prudence d’une femme, comblés de ses bienfaits, ils avaient conservé leur gaîté naturelle et leur penchant vers le plaisir, qu’exaltent les ardeurs du soleil. On vit arriver toute la jeunesse des villages voisins ; les garçons et les filles, parés de fleurs et de rubans, parcouraient les chemins et les avenues au son du flageolet et de la cornemuse, et variaient leurs danses sans les interrompre. Deux bandes de bergers entrèrent par deux points opposés sur la place publique, ayant les épaules couvertes d’une peau de brebis, et armés de bâtons en guise de houlettes. Ils semblèrent d’abord se menacer, s’élancèrent les uns contre les autres, et, faisant mouvoir leurs bâtons qui se heurtaient avec fracas, ils donnaient l’image d’un combat terrible. Mais aucun mal, aucune blessure, n’était la suite de celle joute effrayante. Elle cessa tout d’un coup à l’apparition d’une bergère couronnée de roses, escortée de jeunes-gens, et cheminant sous un dôme mobile de verdure. La bergère agita sa houlette ornée de guirlandes, et, à ce signal, le combat fut converti en une danse joyeuse.

Enfin, on vit paraître un fantôme d’animal d’une taille gigantesque, portant la tête d’un cheval sur un long cou, et marchant couvert d’une étoffe traînante pour dérober la vue des hommes, qui, placés dans son intérieur, en dirigeaient les mouvemens. Un berger couvert de rubans et de clinquant, précédant l’animal, faisait mille gambades. Il agitait dans ses mains et faisait résonner un tambour de basque.

L’animal suivait en se mouvant pesamment, alongeant sa tête, et la renfonçant dans ses épaules informes ; et tournant brusquement sur lui-même, il écartait la foule et effrayait les enfans dont il était entouré(6). À l’approche de ce monstre, la joie publique redoubla ; les rangs des danseurs furent confondus. Chevaliers, bourgeois et villageois, tous se mêlèrent, et la danse devint générale. La nuit survint sans mettre un terme à cette bruyante alégresse, et l’orgie se prolongea pendant plusieurs heures à la lueur d’un millier de flambeaux résineux.

Trencavel ne tarda pas à faire à sa mère l’aveu de son amour et de l’union qu’il avait contractée.

Dans sa nouvelle demeure, les délices du climat, le charme du paysage, le caractère et les goûts des compagnons d’Agnès, tout exaltait en lui les souvenirs toujours présens à sa pensée.

Il soupirait après le moment de réunir son amante à sa mère ; le charme des idées attachées à cette réunion avait suspendu les élans de l’instinct belliqueux, qui le tenait agité depuis quelques semaines.

Le genre de vie adopté par Agnès, et partagé avec Cécile, lui semblait bien préférable à toutes les jouissances du pouvoir et même de la gloire.

Agnès était touchée de la tendresse de son fils ; les idées ambitieuses n’avaient jamais eu accès dans son esprit. Instruite par le malheur, elle avait jugé la vie. Elle ne se sentit point blessée de l’union de son fils avec une femme d’un ordre inférieur. « Celle-là sera ma fille, » dit-elle à Trencavel, « qui fera le bonheur de mon fils, et sera un autre lui-même. Les grands titres, les grands domaines, ne compensent point le bienfait de l’amour dans le mariage, le plus grand qu’il nous soit permis de recevoir en ce monde(7). »

Trencavel cherchait à obtenir de sa mère qu’elle vînt habiter le palais de Carcassonne, pour y vivre entourée des honneurs dûs à son rang. Agnès éludait ses instances et ne pouvait se résoudre à quitter sa retraite.

« Notre vie, » disait-elle à son confident Marveil, « est un pèlerinage plus ou moins long, où l’on n’est pas toujours libre de choisir son chemin.

« Mais quand il nous est permis de faire ce choix, n’y aurait-il pas de la folie à préférer des sentiers scabreux et bordés de précipices, à une route facile, tracée à travers les bocages et les prairies ?

« Malheur à qui ne sait pas vivre de lui-même, et de cet autre moi qui naît de l’amitié. Celui-là voyage sans but et demeure à la merci des vents ; sa vie est un long labeur. Il meurt sans avoir vécu.

« J’ai connu le charme de ces momens consacrés aux douces méditations, et à l’échange des pensées réglé par la sympathie. Tout autre passe-temps ne serait pour moi qu’un rêve laborieux et douloureux.

« Que ferais-je dans une cour, moi qui ne veux ni tromper ni être trompée ? Ne serait-il pas étrange que mes jeunes années eussent été celles de la sagesse, et que mon âge mûr fût livré au trouble et à l’imprudence ? Au temps où nous sommes il n’y a d’avenir que pour ceux qui vivent ignorés, ne faisant envie à personne, et demeurant en bonne intelligence avec les chapelains. Ici, nous n’avons à redouter ni la rencontre des légats romains, ni celle de ces rois outrecuidans, qui se font un amusement de supplanter les trouveurs. »

Agnès, en prononçant ces derniers mots, tendait sa belle main à son Anacréon, qui la couvrit de larmes et de baisers. Agnès n’avait point éprouvé les ivresses de l’amour. Son âme douce et calme s’était livrée à tous les charmes de l’amitié. Elle se complaisait dans son indépendance, mais n’avait pu se résoudre à vivre seule.

Ayant trouvé dans son mari, non un amant, mais un maître, elle avait soupçonné que ce serait se donner un maître que de prendre un amant.

Elle craignait et prenait en pitié cette passion fougueuse qui maîtrise l’âme et la fait esclave des sens. La vie d’amour lui semblait un songe laborieux suivi d’un réveil pénible. Elle trouvait dans l’amitié un refuge contre les orages du cœur et un remède aux amertumes de la solitude. La volupté se mêlait à ses entretiens, non comme une condition impérieuse et tyrannique, mais comme l’effet d’un penchant naturel et d’un attrait qui exclut toute idée de privation entre deux êtres qui ont mis en commun leurs pensées, leurs plaisirs et leurs peines.

« La volupté, » disait-elle, « est la plus brillante des fleurs qui décorent le jardin de la vie ; mais ce n’est pas la plus belle, et elle dure peu. »

L’Anacréon Marveil, qui s’était voué à la culture de toutes ces fleurs, savourait leur miel sans s’en enivrer. Il faisait revivre le passé dans ce qu’il pouvait obtenir du présent, et retrouvait sa jeunesse en prenant sa lyre.

Je vais transcrire ici l’un de ses derniers chants :

« Dieu dit : J’ai donné la pensée à l’homme, il faut lui donner la volupté.

« Et que la volupté de l’homme soit autant au-dessus de celle des animaux, que ma pensée est au-dessus de leur pensée.

« Et les anges créateurs ou faiseurs se mirent à l’ouvrage.

« Et de même que les anges de la pensée avaient mélangé très inégalement la matière et l’esprit d’intelligence, ceux de la volupté firent les mélanges non moins inégaux de matière et d’esprit d’amour.

« Or, les êtres humains ainsi formés eurent chacun leur ange, et ils appelèrent cet ange Vénus.

« Et l’homme vulgaire, presque voisin de la brute, donnait le nom de Vénus à cet appétit grossier qui mettait ses sens en émoi, sans tenir aucun compte de l’esprit.

« Cette Vénus vulgaire ou terrestre eut beaucoup d’autels ; ce que voyant, l’homme qui vivait de l’esprit d’amour supplia sa Vénus céleste de le délivrer des liens de la matière.

« Tu délires, lui dit Vénus Uranie, sache être homme, puisque tu es né homme. Ce qu’est capable de sentir et de faire un esprit pur, tu ne peux le comprendre. Tâche de te trouver bien dans ta sphère.

« La volupté n’est point dans les sens elle est dans l’esprit d’amour dont ces sens sont les organes.

« Apprends donc à vivre d’amour selon tes moyens : il ne t’est point accordé d’aimer autrement. N’imite point Ixion qui croyant tenir dans ses bras une déesse n’embrassa qu’un nuage.

« Celui qui veut se faire ange n’aime plus que lui, c’est-à-dire rien. On n’aime point si on n’est deux. Telle est la condition humaine.

« Celui qui n’a point aimé n’a point connu la volupté ; en rapportant tout à lui, il vécu comme les tyrans de la terre, possédant toutes choses et ne jouissant d’aucune.

« Sa jeunesse a été turbulente ; son âge mûr, vide et incertain, sa vieillesse inquiète et soucieuse.

« L’amour charme tous les âges de la vie, et console de toutes les peines qui ne viennent pas de lui.

« L’amour ne vieillit point ; la volupté d’un vieillard qui aime et qui est aimé vaut celle de la jeunesse.

« Heureux celui qui peut s’élever au séjour des anges sur les ailes de l’amour ou de l’amitié voluptueuse !

« La volupté grossière et l’indifférence n’ont point d’ailes. Le chemin du ciel leur est fermé. »


NOTES
DU LIVRE VINGT-UNIÈME.
Séparateur


(1) Basaltes ferri coloris at duritiei. C’est ainsi que Pline caractérise le Basalte.

L’escarpement basaltique de St.-Tibéri est le seul qui se fasse remarquer dans le bassin de l’Hérault, où on peut compter plus de vingt volcans éteints.

Celui de St.-Tibéri est aussi l’un de ceux dont les éruptions se rapprochent le plus des temps historiques. Mais la coulée basaltique appartient à la période tertiaire, et se trouve ainsi antérieure à la présence de l’homme sur la terre.

(2) Un déchirement du sol a été nécessaire pour mettre à découvert la structure basaltique de la coulée de lave, qui s’étend de St.-Tibéri à Bessan, Avant cette rupture, les eaux de l’Hérault formaient un lac de la plaine de Pézenas, et deux autres lacs précédaient celui-là jusqu’à la gorge où l’Hérault sort des montagnes au-dessous de St.-Guillem.

La plupart des vallées ne sont comme celle de l’Hérault qu’une série de bassins, où les eaux ont été long-temps retenues par des digues ou chaussées, dont on voit encore les restes sur les deux rives du courant.

Cette excursion géologique, dans la bouche d’un troubadour, paraîtra sans doute un peu précoce ; mais il est des rapports sous lesquels la géologie est de tous les temps, et n’exige de la part des observateurs qu’un coup d’œil juste et ce qu’on a coutume d’appeler le bon sens. C’est ainsi qu’Hérodote parmi les anciens, et parmi les modernes Bernard de Palissy et Stenon, ont précédé tous les géologues.

(3) Attilion était contemporain de St.-Benoit d’Aniane, et abbé de St.-Tibéri, lieu déjà célèbre par le martyre et les tombeaux des saints Tibère Modeste et Florent ; le nom du premier de ces saints était déjà substitué à celui de l’ancienne Cessero.

Hist. de Langued., t. 1, p. 434.

(4) Cette pierre dont on fait des piliers, des auges, des conduites d’eau, et qui est surtout propre à la construction des fourneaux, est une brèche volcanique qu’on extrait aux environs de la Bégude, sur la rive droite du torrent de Tongue. Le volcan éteint de Valros est sur la rive gauche.

(5) Arnaud de Marveil ou Marviell était né de basse extraction en Périgord ; il fut l’amant d’Adélaïde, fille du comte de Toulouse et femme du vicomte de Béziers.

Alphonse, roi d’Aragon, autre amant d’Adélaïde, exigea que le troubadour fût congédié. Suivant Nostradamus, Arnaud mourut en 1220. Adélaïde était morte vingt ans auparavant et fut enterrée à Cassan auprès de son mari.

Hist. de Langued., t. 3, p. 92.

(6) On voit encore, dans plusieurs villes et villages de Languedoc, le peuple joindre à ses danses en plein air l’apparition d’un simulacre d’animal. À Béziers c’est un chameau, à Montpellier un petit cheval, à Pézenas un poulain monstrueux. Cette pratique est fort ancienne et remonte probablement à l’époque de l’affranchissement des serfs et de l’établissement des communes. Des instrumens de joie n’ont pu naître qu’au sein de la liberté. On débite beaucoup de fables qui donneraient une origine isolée à chacune de ces inventions : Moréri a pris soin de consigner dans son dictionnaire ce qu’on a imaginé sur l’origine du chevalet de Montpellier, Le conte est assez gai et digue de figurer avec ceux de Bocace. Notre troubadour l’a choisi pour servir de dénouement à son recueil d’historiettes vraies ou vraisemblables du treizième siècle, voyez le livre XXIX.

(7) Ce passage peut paraître bien philosophique pour le treizième siècle ; mais il ne faut pas oublier qu’Agnès était fille d’un second mariage de Guillaume de Montpellier, contracté du vivant de sa première femme, et que le pape ne consentit jamais à ratifier. Cette circonstance a pu contribuer à rendre Agnès moins exigeante.


Séparateur