Le cow-boy renégat/08
CHAPITRE VIII
TANCRÈDE POMERLEAU
Il était 8 heures du soir.
Le soleil venait de se coucher à l’horizon.
C’était le crépuscule.
Ou la brunante, comme on dit au pays de Québec.
Ou encore, comme on disait autrefois chez les cowboys canadiens-français, l’heure entre poivre et sel…
Baptiste Verchères était à écrire à son pupitre.
Il se frotta les yeux.
Et marmonna :
— On n’y voit plus goutte…
Alors il se leva et alluma les 2 lampes à l’huile de charbon.
Comme il se rasseyait, Baptiste vit Arthur, du poney-express, entrer avec un inconnu.
Il dit, railleur :
— Tu as mal aux doigts, Arthur ?
— Mais non.
Alors pourquoi ne t’en sers-tu pas ?
— Mais…
— Mais…
— Oui, pourquoi ne t’en sers-tu pas pour frapper aux portes avant d’entrer ?
— Ah, c’est ça… ?
— Oui.
L’inconnu parla pour la première fois.
Il dit :
— Trêve de plaisanteries…
J. B. sortit une vieille et grosse farce barbue :
— Je n’ai pas le déshonneur de vous connaître.
Arthur présenta :
— Pomerleau, Tancrède Pomerleau…
Délibérément insultant, J. B. fit rêveur :
— Drôle de nom, POM-GORLOT… Et monsieur pomme alias gorlot, que faites-vous avant d’aller téter les pissenlits par la racine ?
Arthur dit :
— M. Pomerleau est détective.
Le détective ajouta :
— Privé.
— Pauvre homme, il est privé, il a faim. Arthur, va donc lui chercher un verre d’eau et une galette de sarrazin…
Le flic s’impatienta.
Il exprima son mécontentement :
— Je représente les intérêts de l’organisation des poneys-express, dit-il, et dans l’affaire du vol des soixante et quinze mille dollars, je ne vous cache que je trouve votre conduite louche, chef.
— Mais comment donc ?
— D’abord Lortie s’est promené librement dans la bourgade. Vous ne vous êtes même point donné la peine de l’arrêter…
— C’est tout ?
— Oh non.
— Envoyez à votre force…
— À 2 ou 3 reprises, vous avez laissé Lortie s’échapper…
— Autre chose ?
— Oui.
— Quoi ?
— Vous avez tué Roderskine et une autre fois laissé filer votre protégé Lortie…
J. B. demanda, finaud :
— Vous me blâmez d’avoir abattu Roderskine qui était le complice de l’incendiaire assassin ?
— Oui.
Arthur dit :
— Nous savons pourquoi vous avez tué ce gas.
— Tiens, tiens…
— Oui, Rabinovitch nous a dit que Roderskine était sur le point de trahir Lortie et que c’est pour cette raison que vous l’avez assassiné.
Pomerleau accusa directement :
— Verchères, vous êtes le complice de Lortie.
Baptiste regarda ses deux interlocuteurs à tour de rôle.
Et dit :
— POM-GORLOT, tu es un idiot.
Il ajouta :
— Et toi, Arthur, je te couronne roi de l’imbécilité perpétuelle.
À ce moment un petit hennissement court se fit entendre du dehors.
Suivi d’un second moins court.
Et d’un 3e plus long.
— Excusez-moi, mes amis soupçonneux, dit Baptiste, sarcastique, mais croyez-le ou non, je m’en vais interviouver un cheval.
— Non, dit Arthur.
— Non, répéta Pomerleau.
J. B. demanda :
— Non quoi ?
— Vous ne sortirez pas seul.
Déjà J. B. avait ses colts aux mains :
— Au nom de la loi, dit-il, je vous arrête, pour menaces et entraves contre un agent de la paix. Laissez tomber vos armes sur le plancher.
Elles tombèrent.
Le chef lança des menottes à Pomerleau
— Emmenottez-vous tous deux.
Quand ce fut fait Verchères les conduisit en cellule.
Referma la porte.
Et les embarra.
Pomerleau cracha :
— Ça ne finira pas là. Je suis un dick…
— Privé, oui, je sais, privé de toute autorité officielle.
J. B. sortit du poste de police…