Revue L’Oiseau bleu (5p. 63-81).

V. — DES PROMESSES SONT RAPPELÉES…


Les soins du médecin eurent en effet raison de tout danger comme de toute complication. Bientôt, Charlot fut déclaré en voie de guérison. On le veillait cependant. Son état de faiblesse et de dépression augmentait durant la nuit. Son sommeil était traversé de cauchemars… Il revoyait Lise. Elle l’appelait : « Sans Charlot, sans son mari bien-aimé, son repos n’était plus parfait… Il devait coûte que coûte descendre dans le tombeau près d’elle »… Et le jeune mari consentait, le déclarait avec des mots de tendresse. Parfois, il suppliait Lise d’être moins pressée de l’amener près de lui, car… il l’en assurait, il n’avait pas encore rempli le vœu de son cœur… Perrine n’était pas mariée… André de Senancourt se dérobait toujours. Feignait-il donc d’avoir de l’affection pour sa sœur ?…

Et le malade se levait sur son séant, le front baigné de sueurs. Il appelait André, la voix remplie de reproches. Celui-ci s’approchait, prenait entre ses mains celles du malade, le calmait, lui répétait combien il estimait et appréciait sa sœur. D’ailleurs, des promesses solennelles avaient été échangées… elles seraient tenues dès que Charlot serait guéri.

— Tu me dis la vérité, André ? reprenait chaque fois la voix languissante du malade.

— Oui, et c’est mal de douter de moi.

— Pardon, André, mais je vous aime tant tous les deux… Crois-tu également que Perrine…

— Je t’en prie, mon ami, interrompait alors André, ne me fais pas répondre pour ta sœur. Que sais-je de son cœur ? Il se ferma… pour moi seul, peut-être.

— Tu ne sais pas manœuvrer.

— Comme tu as raison !

— C’est une conquête à faire. Il faut enlever la place.

— Je suis si maladroit.

— Toi, André ! Avec ton intelligence, allons donc !

— Mon pauvre ami, dans les choses du cœur, il y a d’autres ressources qui assurent la victoire. Elles me manquent.

— Je ne le comprends pas… Je suis fatigué, vois-tu.

— Il ne faut plus parler et te rendormir.

— Lise reviendra alors, avec sa figure toute triste… sa voix qui pleure… ses bras qui veulent m’enlacer… Oh ! que la nuit est longue… que les visions en sont torturantes… André, ta sœur a souffert par moi… Pauvre petite, elle m’aimait plus que je ne le méritais…

— Je vais me fâcher, Charlot, toutes ces confidences te fatiguent… Laisse-moi te dire ceci : Lise a eu parfois du chagrin à cause de toi, mais au fond de son cœur, il y avait tant d’amour pour son mari et ses enfants qu’elle gardait un regard radieux, même sous le voile des larmes… Tu le sais, d’ailleurs.

— Merci, André. Tu es bon !… N’est-ce pas l’heure de la potion ? Je dormirais… Mais ne me quitte pas, ou envoie Perrine.

— Je ne te quitterai durant la nuit que lorsque tu seras guéri… et ta sœur ne viendra que durant le jour. Il faut qu’elle garde ses forces pour tes petits qui s’accrochent à elle avec quelle turbulente tendresse.

— Chère Perrine !


Vers neuf heures, Perrine entrait…

Et Charlot retrouvait le sommeil vers l’aube. Sa mince figure, son front énergique prenaient des tons de cire. Il s’immobilisait pour de longues heures.

Vers neuf heures, Perrine entrait. Elle échangeait un regard reconnaissant avec André de Senancourt, puis écoutait, les yeux baissés, les nouvelles que lui rapportait le jeune homme. Elle ne pouvait voir l’expression à la fois mélancolique et désespérée avec laquelle celui-ci la contemplait. Il y avait un appel vers son cœur, qui demeurait chaque fois sans réponse. « Quelle étrange jeune fille », se disait André de Senancourt. « Si proche et si lointaine ! la fois glacée et brûlante ! Comment réveiller ce cœur, qui s’ignore sans doute ? Oh ! que n’ai-je l’audace, la grâce irrésistible de son frère Charlot auprès des femmes qui l’entourent. Il est celui qu’on aime… infailliblement !… et moi celui qui aime sans être, hélas ! payé de retour. En sera-t-il ainsi jusqu’à la fin ? Quelle misère ! Quel jeu torturant !… Mon métier de soldat m’apporte du moins l’espoir de voir ma stupide existence se terminer un jour ou l’autre… Je ne laisserai pas de regrets… »

La convalescence s’affirma en son temps. Le jeune homme renaissait, malgré lui, on eût dit. Et c’est à peine s’il laissait à André le temps d’accomplir son devoir d’officier auprès du gouverneur de la Nouvelle-France, car sa présence, sa conversation, quelques parties d’échecs lui étaient indispensables. Elles servaient de stimulant, lui rendaient un peu de vitalité. On ne contrariait pas les goûts exigeants du malade.

La santé de Charlot semblait l’unique chose désirable qui fût au monde.

Ce fut le docteur qui mit fin à cet accaparement. Il déclara un matin que ce n’était plus Charlot qui allait l’inquiéter, mais bien tous ceux qui l’entouraient. Il fallait un peu de gaieté et des sorties en plein air pour Perrine, qui était trop pâle depuis quelque temps ; il fallait une atmosphère de repos absolu pour madame de Repentigny, qui faisait la part trop belle à ses hôtes, quelque charmants qu’ils fussent : il fallait aussi des courses dans les bois, des promenades à cheval, pour le beau capitaine de Senancourt, qui se morfondait dans sa tâche d’infirmier… devenue inutile !

— En sorte que, Docteur, observa Charlot, qui s’amusait des mines consternées de tous en face de la franchise du médecin, vous mettez tous ces crimes de belle affection sur mes frêles épaules ?

— Frêles ! Frêles !… Vous vous voyez mal, mon ami.

— Docteur, vos reproches viennent à leur heure. Il y a quelques jours, je voulais aborder avec vous le sujet de ma santé reconquise. Il me tarde de retourner dans ma maison de Ville-Marie. Nous avons plus qu’abusé de la large hospitalité de madame de Repentigny. N’est-ce pas, Perrine ?

— Oui, mon frère.

— Et toi, André ?

— Je ne te contredirai pas cette fois.

— Mes enfants, que vous me peinez en parlant ainsi. Je suis si heureuse de votre présence. Il me semble que je retrouve ma jeunesse auprès de la vôtre… reprocha madame de Repentigny.

— En tout cas, reprit le docteur, un peu confus d’être pris ainsi au mot, le voyage de Ville-Marie ne vous sera permis, maître Charlot, que dans une quinzaine, D’ici là, tâchez que l’intérêt de tous se porte sur d’autres que sur vous. C’est tout ce que je demande. Car, je vous le répète, vous n’êtes, ni ne serez jamais Samson, mais votre guérison, pour le moment, est une chose aussi sûre que la clarté du soleil, cet après-midi. Je m’en vais, maintenant.

— Si je vous accompagnais, Docteur, avec les petits ? dit Perrine.

— Comment donc ! Venez, venez. Une belle fille, marchant à mes côtés, est une situation qu’on va m’envier.

— J’aurais voulu être de la partie, cher Docteur, déclara André en souriant, mais j’ai un rapport immédiat à terminer pour le gouverneur… Vous m’excuserez ainsi que Perrine.

— Si j’y allais, moi ? fit Charlot.

— Charlot, ne me quittez pas, vous, au moins, se récria madame de Repentigny, qui souriait de l’empressement de tous auprès de Perrine. Et puis, mon jeune ami, continua-t-elle plus sérieusement, j’ai à vous parler. Et tout de suite, Charlot.

— Je suis à vos ordres, chère Madame, déclara avec empressement celui-ci, un peu surpris.

– Perrine, dis à un de nos serviteurs de t’accompagner. Je n’aime pas à te savoir seule pour revenir, dit encore madame de Repentigny.

— Si mon rapport attendait, Madame ? dit André.

Un peu d’envie perçait sous ses paroles. Que Perrine lui semblait jolie sous sa grande capeline fleurie !… Et le docteur, vraiment, semblait d’une fatuité exaspérante debout auprès de cette grande jeune fille, qui lui souriait gentiment. Un peu de jalousie le pinça au cœur.

Mais madame de Repentigny lui rappela que l’ordonnance du gouverneur viendrait à sept heures chercher ce rapport. Elle ne se sentait pas le courage de répondre que le capitaine de Senancourt avait préféré une promenade à un trop réel devoir.

Tout s’arrangea donc tel que d’abord prévu et, bientôt, Charlot, mystifié, curieux, se rapprochait de madame de Repentigny, une question sur les lèvres. Mais celle-ci le prévint.

— Attendez, Charlot, avant de m’interroger. Il faut que tous deux nous nous installions confortablement. La question est sérieuse et nous demandera un esprit bien alerté, sans ces préoccupations secondaires qui nuisent à la lucidité.

— Bien, Madame, j’approche de vous ce fauteuil, je mets sous vos pieds un tabouret et… je baise votre main, pour vous assurer de mon affection, surtout de mon intention de vous accorder tout ce que vous me demanderez.

— Prenez un fauteuil, mon ami, de votre côté. Approchez-vous du feu… Cette bûche fait du bien au cœur, par son crépitement autant que par sa chaleur. C’est étrange que nous ayons ce temps frais en septembre !

— Étrange, en effet. Mais qu’importe !… Parlez, Madame, je vous écoute avec quelle attention.

— Charlot, vous ne devinez pas, est-ce possible, de quel sujet je veux vous entretenir ?

— Non, Madame.

— Pourtant, votre désir de retourner à Ville-Marie ne vous semble pas… imprudent, dans les conditions où vous vous trouvez ?

— Je suis guéri, bien guéri, dit le docteur.

— Raison de plus pour n’avoir pas auprès de vous autant de… gardes-malades.

— Perrine n’a pas d’autre foyer que le mien.

— Mais le capitaine de Senancourt ?

— André nous suivra, mais logera au Fort, auprès du secrétaire du gouverneur. Ce sont deux bons amis.

— Alors, vous avez tout prévu, Charlot… sauf…

— Sauf, Madame ? Je vous en prie, dites-moi tout ce que ma pauvre cervelle ébranlée par la maladie conçoit mal ou ne conçoit plus du tout.

— Eh bien ! que faites-vous de la réputation de Perrine, placée sans cesse en face d’un capitaine aussi charmant qu’André de Senancourt ?

— Madame de Repentigny, vous êtes une adorable maman, crie Charlot, en se levant et en venant lui baiser la main. Ouf !… De quel poids je me sens soulagé… Est-ce que, vraiment, vous voulez m’aider en cette entreprise difficile… Si vous croyez que je ne soupire pas d’avance de la situation impossible que nous aurons tous bientôt à Ville-Marie. Alors, vous allez venir à mon secours ? Vous serez mon alliée en la réalisation de mon vœu le plus cher : le mariage de ma sœur et d’André.

— Certainement.

— Mais comment nous y prendrons-nous ? Hélas ! Perrine a peu d’expérience des choses du cœur. Elle est belle, mais sa coquetterie est inexistante. Elle va son chemin les yeux fermés sur les sentiments qu’elle peut inspirer, qu’elle inspire…

— Vous m’étonnez, Charlot. Il me semblait que la chose était convenue, décidée. Vous avez disposé de ces cœurs, un jour, avec une intelligence, une énergie qui m’avaient bouleversée de joie. Le mariage d’André avec Perrine, mais c’est une chose résolue.

— J’étais mourant… Je me souviens que, convalescent, j’ai aussi abordé avec André ce sujet brûlant… Mais depuis, je ne me sens pas le courage de reparler de ces projets. L’attitude de ma sœur et de mon beau-frère, lorsqu’ils sont ensemble, me paraît bien mystérieuse. Qu’y a-t-il derrière ces fronts impassibles, ces yeux qui ne se croisent jamais ?

— Il y a un fort sentiment de l’honneur, en tout cas, en ces deux cœurs. Nous allons y faire appel, Charlot. Je parlerai à Perrine. Vous verrez André.

— Quelle tâche vous m’imposez, Madame ! s’exclama Charlot en se levant et en marchant avec agitation dans la grande pièce. Un crépuscule hâtif remplissait déjà d’ombre tous les angles.

— Pas du tout, Charlot. Voyons, vous n’avez donc jamais surpris un de ces regards pleins de tendresse douloureuse que pose le capitaine de Senancourt sur votre sœur, lorsqu’il ne se croit pas observé ?

— Mon beau-frère est ridicule. Pourquoi ne force-t-il pas l’entrée de cette âme de jeune fille ? L’audace ne vainc pas toujours, mais plaît beaucoup aux femmes… Oh ! pardon, Madame… Je suis irrespectueux… J’oublie devant qui je parle.

— J’ai été jeune, mon ami. Je ne puis vous donner tout à fait tort. Rassurez-vous donc et parlez en toute liberté. Laissez-moi vous dire, cependant, qu’il y a des exceptions à la règle générale. L’éducation sérieuse qu’a reçue Perrine ne l’a pas préparée aux fougueuses démonstrations des beaux mousquetaires.

— Eh ! je le sais, d’ailleurs, tous deux ont des insuffisances réciproques, reprit Charlot en riant. C’est entendu, Madame, n’est-ce pas ? Je vais parler à André. Oh ! s’il ne cède pas à mes arguments sur l’honneur, nous nous brouillerons.

— De mon côté, je vais tâcher d’impressionner notre sage Perrine… Allons, espérons tous deux.

— Et combien de délai, Votre Majesté, m’accorde-t-elle ? demanda Charlot, tout en remettant une bûche dans la cheminée.

— Aucun. Dès ce soir, ayez une entrevue décisive.

— Bien, Majesté.

Des pas se firent entendre dans la pièce voisine. On frappa à la porte. Le capitaine de Senancourt entra, en disant :

— Madame de Repentigny, mon rapport est terminé. Puis-je vous tenir compagnie ? À moins que je ne dérange l’entretien…

— Vous ne dérangez rien, André, entrez, fit madame de Repentigny, qui adressait en même temps un signe d’intelligence à Charlot.

On causa paisiblement durant quelques instants. Puis, Charlot, entendant la voix de Perrine et celles des enfants se rapprocher du salon, demanda tout à coup à son beau-frère :

— André, comme Perrine et les petits vont entrer ici, veux-tu monter avec moi dans ma chambre. L’abbé Souart m’a écrit longuement à ton sujet. Il se pourrait que nous ayons à nous consulter sur ce qu’il propose… Surtout, si nous retournons bientôt à Ville-Marie.

— Je suis à ta disposition, Charlot. Vous permettez, Madame ?

— Allez, mes amis. Vous avez une demi-heure avant notre repas du soir. Employez-la bien.

Les jeunes gens disparurent, tandis que Perrine entrait, mais sans les enfants, que la Normande venait d’attirer. L’heure du coucher approchait.

— Perrine, fit en riant madame de Repentigny, jamais ta présence n’a été pareillement désirée ni… redoutée.

— Que voulez-vous dire, Madame, par d’aussi mystérieuses paroles ? répliqua Perrine non sans gaieté.

Elle vint s’asseoir aux pieds de Mme de Repentigny, qui posa la main avec affection sur le front de la jeune fille.

— Comme tu es brûlante ! Tu n’es pas souffrante, au moins, mon enfant ?

— Un peu lasse, seulement.

— Alors, j’ai tort de vouloir te parler sérieusement, dès maintenant ?

— Oh ! Madame, tout ce que vous voulez est parfait. À mon égard, vous n’avez que des bontés à proposer.

— Pauvre petite, cette fois, j’ai peur que tu penses autrement.

— Non, Madame, quoi que vous disiez, même des choses pénibles, vous n’aurez en vue que mon bien-être…

— Certes. Et ce soir plus que jamais.

— Ce soir ?

— Oui. Perrine, sais-tu que, tandis que je cause avec toi, Charlot, de son côté, entame un même sujet avec André, là-haut ?

— Oh ! alors… je devine, Madame, ce dont il s’agit, murmura Perrine, en détournant les yeux.

— Regarde-moi, Perrine… Bien. Quels yeux mélancoliques ! Pourquoi ? Mais d’abord, tu es bien convaincue, n’est-ce pas ? que c’est ma grande affection pour toi qui me fais aborder un sujet délicat.

— Oui, Madame. Et c’est avec tout mon cœur affectueux que je vous écoute.

— Perrine, à quoi pensez-vous donc en arriver, André et toi, avec cette attitude étrange que vous prenez vis-à-vis l’un de l’autre ?… Est-ce que des promesses n’ont pas été échangées entre vous, il y a un mois à peine ? Est-ce que votre union n’était pas décidée, en cette heure de détresse où nous avons cru perdre Charlot ?

— Je sais tout cela, Madame, allez, répondit la jeune fille d’une voix basse, triste. Mais il ne m’appartient pas d’en reparler la première.

— Ne pourrais-tu… te montrer… moins lointaine… avec André. Ton bon sourire, je le cherche vainement lorsqu’il est là…

— Pourtant, Madame, je suis toute prête à consentir à vos désirs à tous.

— Ne parle pas ainsi, Perrine. Le dévouement peut avoir un côté agréable, cette fois. Le capitaine de Senancourt est beau, intelligent… Je le crois très bon.

— Je vous en prie, Madame. Ne me dites pas ce que je me répète chaque jour…

— Étrange enfant !

— Est-ce que l’on ne finit pas, un jour ou l’autre, Madame, par aimer un mari qui est beau, intelligent et bon ? Et Perrine eut un sourire d’une ironie douloureuse.

— Quand une femme a un noble cœur, Perrine, cela arrive, en effet.

— Alors, comment voulez-vous que je refuse André de Senancourt, s’il me demande de l’épouser…

— Et il vous le demande, Perrine, dit soudain la voix grave du capitaine. Il entrait avec Charlot. Nous aurons deux témoins, ce soir, pour sceller nos promesses, renouvelées avec bonheur… pour ma part !


Et il vous le demande, Perrine, dit soudain la voix grave du capitaine.

Perrine s’était levée. Tremblante, elle s’appuyait au fauteuil de madame de Repentigny. André de Senancourt se rapprocha, prit sa main, la baisa, puis attirant la jeune fille près de lui, il vint avec elle s’agenouiller devant madame de Repentigny.

— Je suis heureux, Madame, que vous entendiez mon nouvel aveu de tendresse envers Perrine. Je souhaite la rendre heureuse… Je souhaite que chaque jour lui apporte l’assurance qu’elle est tout pour moi… que sans elle, je ne puis vivre désormais.

— Merci, André, balbutia Perrine. Vous êtes bon… Je voudrais… le mériter davantage…

— Soyez heureux l’un par l’autre, prononça madame de Repentigny. Vous êtes faits pour vous entendre, pour vous aimer.

— Amen ! cria la voix joyeuse de Charlot. Ne vous semble-t-il pas, chère Madame de Repentigny, qu’un aussi heureux événement mérite plus de joie, d’animation… Et d’abord… si nous allions tous souper. Le bonheur ne coupe l’appétit de personne. Et puis, André aurait autre chose à dévorer que le joli profil de sa femme… de demain.

— Tu vas vite en besogne, Charlot, murmura Perrine. Demain !

— Nous sommes pressées en ce moment. Dans quinze jours, il faut convoler, mes amis.

— Quinze jours ! Voyons, Charlot, c’est encore trop court, dit Perrine de nouveau.

— Mais non, mais non. Regarde André, il crie par tous les traits de son visage que c’est long, au contraire.

— Tu as raison, Charlot, appuya André en riant. Allons, résignez-vous, Perrine.

— Me résigner, fit Perrine en tressaillant, oh ! le mot pénible !… Non, je ne me résigne à rien. Je consens, voilà tout.

— Vous êtes gentille, Perrine. Mais… acheva-t-il seul et plus bas, peut-être ai-je eu le mot, le vrai mot de la situation. La pauvre enfant joue admirablement son rôle… pour l’amour de son frère !