Le Zend-Avesta (trad. Darmesteter)/Volume I/Introduction/Chapitre VIII-5


 
Traduction de James Darmesteter

Édition : Musée Guimet. Publication : Ernest Leroux, Paris, 1892.
Annales du Musée Guimet, Tome 21.


INTRODUCTION
CHAPITRE VIII
LES MATÉRIAUX POUR LA TRADUCTION DU YASNA ET DU VISPÉRED
v.
Indications sur le plan de la traduction et du commentaire.


Il nous reste à donner quelques explications sur l’esprit de la traduction et du commentaire que nous présentons au public.
Dans la traduction, j’ai dû me séparer de mon ami, M. West, qui reproche aux Français, « semblables en cela aux Orientaux, de ne pouvoir tolérer cette stricte exactitude de traduction, qui semble si désirable aux savants de race teutone ». Je ne me suis pas cru astreint à une transcription littérale, qui est impossible en fait, car aucun mot et aucune forme d’une langue européenne moderne ne peut couvrir exactement un mot et une forme d’une langue orientale ancienne, et la lettre tue nécessairement l’esprit. La ligne de conduite que j’ai suivie est celle que le vénérable Édouard Reuss a tracée en tête de sa traduction de la Bible en termes que je demande la permission de reproduire, car je n’aurais rien à y ajouter, « Pour moi, la chose essentielle était de rendre exactement le sens de l’original ; le style ne venait qu’en seconde ligne. La traduction, cela va sans dire, doit être fidèle ; mais la fidélité consistera en ce que l’esprit du lecteur, obligé de s’en tenir à une rédaction de seconde main, en reçoit aujourd’hui la même impression que recevait autrefois le contemporain qui parlait lui-même la langue de l’auteur. Or ce but serait manqué si le traducteur s’attachait trop à la lettre d’un idiome absolument différent du nôtre, de manière à créer de nouvelles difficultés, là où il n’en existait peut-être pas pour le savant, à ceux-là précisément auxquels il voulait faciliter l’intelligence des textes. D’un autre côté, il n’oubliera pas qu’il s’agit ici de documents antiques qui, tout en servant au besoin des générations modernes, appartiennent cependant à l’histoire et commandent, en cette qualité aussi, le respect et la discrétion… La liberté de la traduction a donc ses bornes, et celle-ci doit offrir au lecteur, non pas certes un calque de la syntaxe (zende) qui ne pourrait que le rebuter, mais le reflet de la conception primitive et authentique des anciens auteurs, la reproduction fidèle de leur physionomie littéraire, en un mot l’image de leur style… »
Le commentaire qui accompagne la traduction a pour unique objet d’expliquer le texte et de justifier la traduction. Le lecteur ne doit donc pas s’attendre à trouver dans le commentaire la solution de toutes les questions historiques et philologiques que chaque passage du texte peut soulever. J’ai cherché dans l’histoire les faits qui peuvent illustrer le texte ou le mettre en action : je ne me suis point cru forcé de faire entrer dans le commentaire tout ce que l’histoire nous fournit de documents, plus ou moins précis, sur les religions anciennes de la Perse. D’autre part, j’ai considéré que ma tâche était de trouver le sens du texte et non de faire l’histoire naturelle des mots qui constituent le texte : c’est une tâche qui revient à la grammaire comparée. Par exemple, quand j’ai établi par preuves expérimentales que vîshaptatha désigne la période de la lune décroissante (p. 12, note 34), je considère ma tâche comme achevée et laisse la recherche de l’étymologie à une autre science. Il me suffit de constater que âzhu ne signifie point « le désir », comme l’étymologie l’a laissé croire, mais « hérisson » (p. 347, note 35) ; et si le sens de fait peut se justifier étymologiquement par le rapport du grec ἕχιζ-azhi avec ἑχἴνοζ, c’est une question secondaire que nous pouvons laisser de côté sans compromettre la valeur de notre traduction.
Les divisions du texte sont celles de l’édition de M. Geldner, lesquelles reproduisent celles de M. Westergaard. Mais nous avons ajouté, entre parenthèses, celles de M. Spiegel. Dans le commentaire, nous renvoyons, en général, uniquement à l’édition Geldner : le chiffre romain marque le chapitre (Hâ ou Karda), le chiffre arabe marque le paragraphe ; quand le chiffre romain est suivi de deux chiffres arabes, le premier se rapporte à l’édition Geldner, le second à l’édition Spiegel. Par exemple, Vp. I, 4, 15 signifie : « Vispéred, Karda I, § 4 de Geldner, § 15 de Spiegel. »
Dans le commentaire, les mots imprimés en caractères gras appartiennent à la période ancienne, c’est-à-dire sont zends ou perses ; les mots en italiques appartiennent à la période moyenne ou moderne : mots pehlvis, parsis, persans.
Les citations entre guillemets dans les notes sont des traductions ou des gloses tirées du Commentaire pehlvi.
La transcription adoptée pour les mots zends est celle de Justi, sauf que la sifflante dentale est notée s au lieu de ç ; l’aspirée combinée avec v (le q de Justi) est transcrite hv ; la forme spéciale que prend h devant y n’est point distinguée de celle du h vulgaire, étant purement paléographique ; pour la même raison, on n’a point distingué le s et le sh de Justi, tous deux étant rendus par sh. Néanmoins, dans les transcriptions de textes zends inédits qui finissent le second volume, nous distinguons ces deux caractères, rendant l’un š, l’autre sh, afin de rendre l’aspect de l’original qui dans ce cas a une importance étymologique, sh représentant un ancien groupe consonantique. Je dois demander l’indulgence du lecteur pour une certaine incertitude dans la transcription des noms modernes, principalement dans la notation des voyelles.
Pour que le lecteur n’ait qu’un errata à consulter, nous rejetons à la fin du second volume la liste des corrections et des additions, qui portera sur tout l’ouvrage.