E. Dentu (p. -5).



À MA MEILLEURE AMIE

À MES SŒURS CHÉRIES


INTRODUCTION


Qu’on nous permette d’abord d’expliquer la prétention de notre titre. Nous tâcherons ensuite de la justifier.

Une femme d’esprit qui a écrit beaucoup de charmants romans, madame la comtesse Dash, a tout récemment publié un volume sous ce titre : le Livre des Femmes. À notre avis, le gracieux écrivain a fait fausse route, ou plutôt, n’a voulu s’adresser qu’à une classe de lectrices offrant quelque variété dans ses subdivisions de genre.

Nous sommes de ce siècle avide d’innovations, qui veut plus transformer que détruire ; plus améliorer que bouleverser.

Nous n’avons jamais eu la ridicule fantaisie de prétendre corriger l’œuvre sublime de Dieu en dénaturant le caractère de la femme. La souhaiter l’égale de l’homme, c’est obéir aux lois de l’éternelle justice et non intervertir celles de la nature qui en procèdent. On a pu nous prêter bien des travers lorsque, dans un élan de généreux enthousiasme, nous avons pris l’initiative d’une cause tellement lourde qu’elle a trahi nos forces, sinon éteint notre foi. Quiconque aspire à la propagation d’une idée nouvelle, est en lutte avec la routine, d’une part, avec l’exagération, de l’autre. Il ne saurait nous convenir de renier notre passé, nous l’acceptons tout entier non tel qu’on a voulu nous le faire, avec la responsabilité d’un trop mobile entourage, mais tel qu’il a été dans notre pensée, c’est-à-dire plein de bonnes intentions.

Nous poussons jusqu’au scrupule le respect des opinions appuyées sur de sincères convictions ; nous avons donc laissé nos antagonistes cuirassés de leurs idées, sachant trop que de la discussion naît souvent la dispute et rarement la lumière. Faisons d’ailleurs, tout de suite, notre déclaration de principes. Nous ne croyons pas la femme, même la femme de lettres, faite pour la lutte. La mission que Dieu a départie à notre sexe est toute de paix et de conciliation. C’est donc malgré nous, qu’au nom d’un comité qui nous en imposait la douloureuse obligation, nous avons, un moment, pris la parole pour soutenir en public une cause qui fut et restera sacrée devant les justes.

Aujourd’hui encore, il nous en coûte pour rentrer dans la lice ; mais un livre a paru qui a piqué au vif notre conscience, livre dont le titre est un trompe-l’œil.

Madame Dash prétend que notre siècle, qui veut tout innover, tout détruire, dans ses jours de folie et d’erreur, a imaginé de changer la condition des femmes ; de leur inspirer des idées d’indépendance, d’insurrection, etc., etc. ; est-il donc à sa connaissance qu’aucune femme. — les cantinières exceptées, — ait sollicité un enrôlement militaire dans ce qu’elle appelle les jours de folie et d’erreur ?

Et si quelques cerveaux malades ont voulu, selon l’expression de l’auteur du Livre des Femmes, « faire de nous des guerrières, des politiques, des lutteuses, il eût fallu recommander aux médecins le traitement rationnel de ces aliénées de bon sens.

Nous ne pensons pas que les femmes aient des mains débiles et qu’elles ne puissent, si le monde est mal construit, le soutenir. Nous croyons, au contraire, qu’en toutes occasions où la morale est en jeu, l’intervention de la femme ne peut être que très-salutaire. Vous vous plaignez, comtesse Dash, de ce siècle pour lequel, — dites-vous, rien n’est sacré ? Mais s’il n’est pas à votre gré, le tort en est-il aux femmes, qui ne se mêlent de rien, ou aux hommes, qui se mêlent de tout ?

Vous avancez que que le Tout-Puissant a créé, dans la même pensée, les femmes, les fleurs, les oiseaux.

Un livre qui fait autorité, la Bible, nous apprend que Dieu dit : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul, je lui ferai une aide semblable à lui (Genèse, Chap. ii, verset 18.)

Vous tenez à ce que nous n’oubliions pas que nous sommes les filles d’Ève ? et vous ajoutez : Nous avons amené le péché sur la terre.

C’est remonter bien haut ; mais, en acceptant la moitié de la peine, ne trouvez-vous pas que nous ayons droit à la moitié du profit ? L’enfantement avec douleur est imposé à Ève. Adam, de son côté, doit travailler à la sueur de son front ; or Dieu, qui a tout créé pour eux, les fait à leur tour, créateurs. À la femme, conservatrice du type humain, appartient la reproduction ; à l’homme, les enfantements du génie. Et quelle plus grande justification de sa divine origine le couple peut-il donner, que de glorifier un labeur où se reflète l’âme immortelle de l’ordonnateur suprême ?

Ne rêvons pas d’intervertir les sexes ; laissons à chacun sa nature propre ; mais souhaitons que de deux moitiés égales, quoique dissemblables, se compose l’unité du couple, réalisant l’harmonie dans la famille et dans l’humanité.

Il nous est suffisamment démontré qu’aux époques de foi, la femme a compté autant que l’homme dans la société. Partout où il fallut aimer, se dévouer, elle a été grande et sublime. Jésus, mourant sur la croix, trouve à ses pieds sa divine mère et Madeleine, l’héroïque repentante !

Les Chrétiens mis à mort, comptaient, parmi eux, plus de femmes que d’hommes.

Dans la tourmente politique, lorsque la hache du bourreau atteignait aux rangs les plus élevés de la société, les femmes se sont-elles montrées plus faibles ou plus lâches que les hommes ? Marie-Antoinette n’a-t-elle pas été reine jusque sur l’échafaud ? Madame Roland n’est-elle pas héroïquement morte pour un principe ?

Nous ne voudrions pas réfuter madame Dash, parce que nous la savons de bonne foi dans ses erreurs.

Les défauts de la femme lui apparaissent du gros bout de la lunette, ses qualités lui sont imperceptibles de l’autre.

Elle s’est plu à tracer quelques tristes croquis d’un monde trop réaliste, laissons-lui la responsabilité de son œuvre et demandons aux faits de nous fournir la matière d’un Vrai Livre des Femmes