Le Virgile travesti (éd. 1786)/À Monseigneur le président de Mesme

À MONSEIGNEUR LE PRÉSIDENT DE MESMES,


Monseigneur,


Quand je devrais faire souffrir votre modestie, il faut que je découvre a tout le monde, une action de générosité, que vous aveZ voulu tenir cachée. QUand feu mon père fut obligé de quitter l’exercice de sa charge, vous ajoutâtes aux paroles que la civilité fait dire, des offres bien plus ſolides que des paroles. Il ne put répondre à votre générosité qu’en refusant, sans le regretter, ce que vous lui offriez de même. Depuis sa mort vous nous avez protégés contre l’injustice qui accable le plus souvent les enfans d’un premier lit ; c’est une obligation que nous vous avons en commun mes sœurs et moi. Et vous m’avez obligé depuis en mon particulier, en donnant un peu de ce tems que vous employez si utilement au repos du public, à la lecture de mes ouvrages. Je n’aurois jamais espéré que ce que j’ai fait par divertissement, dût servir à celui d’un des plus considérables chefs de la plus célèbre compagnie de l’Europe, et dont le mérite est sans doute, de quelque façon qu’on le considère, au-dessus de tous les emplois où l’on puisse prétendre. Je ne dirai point ici, MONSEIGNEUR, que la fortune qui fût bien souvent les choses contre sa conscience, et qui ne se gagne pas par la vertu, à toujours été envieuse de la vôtre. Je sai bien que vous n’aimez pas les louanges, quoique vous en méritiez plus que personne au monde ; outre que la plume burlesque ne s’acquitteroit pas assez bien d’un panégyrique. Je vous dédierai seulement mon troisième livre de Virgile. Je vous confesserai que c’est fort mal m’acquitter de tout ce que je vous dois ; et vous supplierai de croire que, si je n’étois pas en l’état où je suis, je n’aurois point de plus forte passion, que de vous témoigner autrement que par des paroles, que je suis de toute mon ame,


MONSEIGNEUR,


Votre très-humble, très-obéissant et très-obligé serviteur,
SCARRON.