Traduction par Albert Montémont.
Ménard (Œuvres de Walter Scott, volume 22p. 274-282).


CHAPITRE XXV.

LA TENTATION.


Mais cette inconstance est telle que tu l’approuveras toi-même ; car je ne pourrais t’aimer autant, mon amour, si je n’aimais l’honneur encore plus que toi.
Vers de Montrose.


Quand le roi Richard retourna dans sa tente, il ordonna que le Nubien lui fût amené. Celui-ci entra avec le respect et les cérémonies ordinaires, et s’étant prosterné, resta devant le roi dans l’attitude d’un esclave attendant des ordres. Il fut peut-être heureux pour lui que, pour continuer son rôle, il fût obligé de tenir ses yeux fixés sur la terre, car il aurait eu probablement de la peine à supporter les regards perçants que lui lançait de temps à autre Richard.

« Tu t’entends à la chasse, » dit le roi après un moment de pause, « et tu as levé le gibier et l’as mis aux abois aussi habilement que si Tristan lui-même eût été ton maître. Mais ce n’est pas tout : il faut le forcer aussi. Moi-même j’aurais aimé à diriger mon épieu. Mais il y a des considérations qui m’en empêchent. Tu vas retourner dans le camp de Saladin avec une lettre, sollicitant de sa courtoisie qu’il désigne un terrain neutre pour ce fait de chevalerie, et demandant s’il lui est agréable de se joindre à nous pour y assister. Or, parlant par conjecture, nous supposons que tu pourras bien trouver dans le camp quelque cavalier qui, pour l’amour de la vérité et l’accroissement de son honneur, consent à combattre ce traître Montferrat ? »

Le Nubien leva les yeux, et les fixa sur le roi avec une expression de zèle et d’ardeur, puis il les porta vers le ciel avec un sentiment si profond de reconnaissance, qu’on y vit briller des larmes. Il inclina ensuite la tête en signe affirmatif, et reprit de nouveau sa posture soumise et attentive.

« C’est bien, dit le roi, et je vois que ton désir est de m’obliger dans cette affaire. Et c’est en cela, je dois le dire, que gît l’excellence d’un serviteur tel que toi, qui n’as pas la faculté de la parole pour discuter nos projets, ou pour demander l’explication de ce que nous avons résolu. Un de mes seigneurs anglais, à ta place, m’eût brutalement conseillé de confier ce combat à quelque bonne lame choisie parmi les gens de ma maison, qui, à commencer par mon frère, brûlent tous de se battre pour ma cause ; un Français babillard eût fait mille efforts pour découvrir pourquoi je choisissais un champion dans le camp des infidèles : mais toi, mon silencieux agent, tu remplis mon message sans me questionner et sans avoir besoin de me comprendre. Pour toi, entendre c’est obéir[1]. »

Une inclinaison du corps et une génuflexion furent la réponse que l’Éthiopien crut convenable de faire à ces observations.

« Et maintenant passons à un autre point, » dit le roi en parlant brusquement et rapidement : « avez-vous déjà vu Édith Plantagenet ? »

Le muet leva les yeux comme s’il allait parler ; ses lèvres mêmes avaient commencé à proférer un nom assez distinct ; mais cet effort avorté se perdit dans des murmures imparfaits.

« Voyez donc ! s’écria le roi, le nom seul d’une fille royale, d’une beauté accomplie, telle que notre charmante cousine, semble avoir presque le pouvoir de faire parler un muet. Tu verras cette perle de notre cour, et tu t’acquitteras du message du royal Saladin. »

Le muet leva de nouveau des yeux brillants de joie, et de nouveau il s’inclina ; mais lorsqu’il se releva, le roi, lui appuyant fortement la main sur l’épaule, continua avec une sévère gravité : « Laisse-moi te donner un avis, mon noir messager. Si tu sentais que l’influence bénigne de celle que tu vas bientôt voir a l’effet de délier les nœuds qui retiennent ta langue captive dans les murs d’ivoire de ton palais, comme s’exprime le bon sultan, prends garde de renoncer à ton état de taciturnité, et de proférer un seul mot en sa présence ; car, sois sûr que je saurais te faire arracher la langue jusqu’à la racine ; et quant à son palais d’ivoire, ce qui signifie probablement ta double rangée de dents, sache que je te les ferais tirer lune après l’autre : ainsi sois prudent et toujours silencieux. »

Le Nubien, dès que le roi lui eut ôté sa main de fer de dessus l’épaule, baissa la tête, et posa une main sur ses lèvres en signe d’obéissance.

Mais Richard plaça de nouveau sa main sur lui, quoique plus doucement que la première fois, et ajouta : « Nous te donnons cet ordre comme à un esclave. Si tu étais chevalier et gentilhomme, nous te demanderions ton honneur en garantie du silence, qui est la condition expresse de notre confiance.

L’Éthiopien se redressa avec fierté, regarda le roi en face, et mit sa main sur son cœur.

Richard appela alors son chambellan, et lui dit : « Allez, Neville, avec cet esclave à la tente de notre royale épouse, et dites-lui que notre volonté est qu’il ait une audience particulière de notre cousine Édith. Il est chargé d’une commission pour elle. Tu peux l’y conduire aussi, dans le cas où il aurait besoin de ton aide, quoique tu puisses avoir remarqué qu’il est déjà étonnamment familiarisé avec les détours du camp. Et toi, ami Éthiopien, ajouta le roi, sois prompt dans ce que tu as à faire, et reviens ici sous une demi-heure. »

« Je suis découvert, » pensa le prétendu Nubien, pendant que, les bras croisés et les regards baissés, il suivait Neville qui le conduisait d’un pas rapide à la tente de Bérengère. « Il est évident que le roi Richard m’a reconnu et pénétré ; cependant je ne vois pas que son ressentiment soit bien violent contre moi. Si j’ai bien compris ses paroles, et il me semble impossible de s’y tromper, il me donne une chance glorieuse de réhabiliter mon honneur en courbant la tête altière de ce noble marquis. J’ai lu son crime dans ses regards troublés et sur ses lèvres tremblantes, lorsque Richard proféra l’accusation. Roswall, tu as fidèlement servi ton maître, et le traitement que tu as souffert sera chèrement payé. Mais que veut dire la permission que j’obtiens aujourd’hui d’être introduit près de celle que je désespérais de jamais revoir ? Et comment et pourquoi le royal Plantagenet consent-il à ce que je voie sa divine parente, soit comme messager de l’infidèle Saladin, soit comme le coupable exilé qu’il a si récemment chassé de son camp ? Le téméraire aveu de la passion qui fait son orgueil n’est-il pas ce qui augmente le plus son crime ? Que Richard permette qu’elle reçoive une lettre d’un amant païen, et par les mains de celui qui lui est si inférieur par le rang, ces deux choses me paraissent également incroyables, et même incompatibles. Mais Richard, lorsqu’il n’est pas sous l’empire de ses passions fougueuses, est libéral, généreux et vraiment noble : c’est comme tel que j’en agirai avec lui, étant résolu de suivre ses instructions directes ou indirectes, sans chercher à en savoir davantage que ce qui pourra s’en découvrir par degré sans aucun effort de ma part. Je dois obéissance et soumission à celui qui me donne une si belle occasion de laver mon honneur flétri ; et quelque pénible que soit l’acquit de cette dette, elle sera payée. Et cependant, » ici il s’abandonnait à l’impulsion de son orgueil douloureusement blessé, « Cœur-de-Lion, puisqu’on le nomme ainsi, aurait pu juger des sentiments d’un autre par les siens. Moi, j’oserais ouvrir mon cœur à sa parente ! moi qui ne lui adressai pas seulement un mot lorsque je reçus de sa main le prix du tournoi, alors que je n’étais pas regardé comme l’un des derniers parmi les défenseurs de la croix ! Je l’oserais aujourd’hui en l’approchant sous ce vil déguisement, sous cet habit servile, et lorsque, hélas ! ma condition actuelle est celle d’un esclave ; lorsque j’ai une flétrissure sur ce que j’appelais jadis mon écusson, moi j’aurais cette audace ? ah ! combien il me connaît peu ! cependant je le remercie de me donner cette occasion qui peut servir à nous faire tous mieux connaître les uns aux autres. »

Comme il en arrivait à cette conclusion, ils s’arrêtèrent devant l’entrée du pavillon de la reine. Ils furent naturellement introduits par les gardes ; et Neville, laissant le Nubien dans un petit appartement qui servait d’antichambre et qu’il ne se rappela que trop bien, passa dans ce lieu qui était la salle de réception de la reine. Il communiqua la volonté de son royal maître d’un ton bas et respectueux, bien différent de la brusquerie de Thomas de Vaux ; car, pour ce dernier, Richard était tout, et le reste de la cour, Bérengère elle-même comprise, rien. Un éclat de rire suivit la communication de ce message.

« Et à quoi ressemble l’esclave nubien qui vient en ambassadeur pour le soudan ? C’est un nègre, Neville, n’est-ce pas ? » dit une voix de femme facile à reconnaître pour celle de Bérengère ; « c’est un nègre, n’est-il pas vrai, avec une peau noire, une tête frisée comme celle d’un bélier, un nez aplati et de grosses lèvres ? N’est-ce pas cela, digne sir Henri ?

— Que Votre Grâce, dit une autre voix de femme, n’oublie pas les jambes cagneuses et recourbées comme un cimeterre sarrasin.

— Plutôt comme l’arc de Cupidon, puisqu’il est question de l’envoyé d’un amant, reprit la reine. Bon Neville, tu es toujours prêt à nous faire plaisir, à nous autres pauvres femmes qui en avons si peu dans nos moments de loisir. Il faut que tu nous montres ce messager d’amour. J’ai vu beaucoup de Turcs et de Maures ; mais jamais aucun nègre.

— Je suis fait pour obéir aux ordres de Votre Grâce, dit le chevalier débonnaire, pourvu que vous m’excusiez auprès de mon maître d’en agir ainsi. Cependant permettez-moi d’assurer à Votre Grâce qu’elle va voir un objet bien différent de ce qu’elle imagine.

— Tant mieux ! Comment ? encore plus laid que notre imagination nous le dépeint, et cependant le messager d’amour du brave soudan !

— Gracieuse souveraine, dit lady Caliste, oserai-je vous supplier de vouloir permettre que ce bon chevalier mène tout droit ce messager chez lady Édith pour qu’il lui remette les dépêches qui lui sont adressées ? À peine avons-nous échappé à une inquiétude cruelle pour une fantaisie de ce genre.

— Échappé ! » répéta la reine avec dédain ; « et cependant tu peux avoir raison dans ta prudence, Caliste. Que ce Nubien, comme l’appelle sire Neville, remplisse d’abord son message auprès de notre cousine. D’ailleurs il est muet aussi, n’est-ce pas ?

— Il l’est, ma gracieuse dame, affirma le chevalier.

— Elles peuvent s’amuser royalement, les femmes orientales, dit Bérengère, servies par des gens devant qui elles peuvent tout dire et qui ne peuvent rien répéter, tandis que dans notre camp, comme dit l’évêque de Saint-Jude, un oiseau qui passe dans l’air rapporte ce qui se fait.

— Parce que, dit Neville, Votre Grâce oublie que vous parlez au milieu de murailles de toile.

Cette observation fit baisser la voix ; et, après quelques chuchotements, le chevalier anglais revint près de l’Éthiopien, et lui fit signe de le suivre. Il obéit. Neville le conduisit à un pavillon dressé à une petite distance de celui de la reine, pour loger lady Édith et sa suite. Une de ses esclaves cophtes reçut le message qui lui fut communiqué par sir Henri Neville, et quelques minutes après le Nubien fut introduit en la présence d’Édith ; sir Neville resta en dehors de la tente. L’esclave qui le fit entrer se retira aussitôt à un signe de sa maîtresse, et ce fut avec une profonde humilité, non seulement de posture, mais encore d’âme, que le malheureux chevalier, ainsi déguisé, se précipita un genou en terre, les yeux baissés, et les bras croisés comme un criminel qui attend son arrêt.

Édith était vêtue de la même manière que le jour où elle avait reçu le roi Richard ; ses longs voiles noirs et transparents flottaient sur elle, comme les nuages d’une nuit d’été étendent leurs ombres et rembrunissent un charmant paysage sans toutefois en cacher les beautés. Elle tenait dans sa main une lampe d’argent alimentée d’huile aromatique qui brillait d’un vif éclat.

Lorsque Édith arriva à la distance d’un pas de l’esclave immobile et agenouillé, elle tourna la lumière vers sa figure comme pour examiner plus attentivement ses traits, puis elle s’éloigna, et plaça sa lampe de façon à jeter l’ombre de son profil sur un rideau qui était à côté. Elle parla enfin d’une voix calme, mais profondément affligée.

« Est-ce vous ? est-ce bien vous, brave chevalier du Léopard ? Vaillant sir Kenneth d’Écosse, est-ce réellement vous, sous ce déguisement servile, environné de mille dangers ? »

En entendant la voix de sa dame qui s’adressait à lui d’une manière inattendue, et d’un ton de compassion qui approchait de la tendresse, les lèvres du chevalier s’ouvrirent pour proférer une réponse passionnée ; et à peine le souvenir des ordres de Richard et du silence auquel il s’était engagé lui-même suffit-il pour l’empêcher de dire que la personne qu’il voyait, les sons qu’il venait d’entendre étaient capables de le dédommager d’une vie d’esclavage et de lui faire oublier les dangers dont cette vie était à chaque instant menacée. Il revint cependant à lui-même, et un soupir profond et passionné fut sa seule réplique à la question de l’illustre Édith,

« Je vois, je comprends que j’ai deviné juste, reprit Édith. Je vous avais remarqué dès le premier moment où vous parûtes près de la plate forme où j’étais avec la reine. J’avais reconnu aussi votre courageux lévrier. Elle serait déloyale et indigne des services d’un chevalier tel que toi, la dame à qui un changement de costume, ou même de couleur, pourrait faire méconnaître un serviteur si fidèle. Parle donc sans crainte à Édith Plantagenet ; elle saura consoler dans l’adversité le bon chevalier qui la servit, l’honora et accomplit en son nom de beaux faits d’armes quand la fortune lui était propice. Est-ce la crainte ou la honte qui te retient ? La crainte ? elle devrait t’être étrangère ; et quant à la honte, qu’elle soit le partage de ceux qui osèrent t’outrager ! »

Le chevalier, au désespoir d’être obligé de jouer le muet dans une entrevue si intéressante, ne put exprimer sa mortification qu’en soupirant profondément, et en posant son doigt sur ses lèvres. Édith se recula avec un peu de mécontentement.

« Quoi ! dit-elle, ai-je devant moi un véritable muet d’Asie ? Je ne m’attendais pas à cela : peut-être me méprises-tu en m’entendant convenir avec franchise que j’avais secrètement remarqué l’hommage que tu me rendais ? Mais que cela ne te fasse pas mal juger Édith : elle connaît les bornes que la réserve et la modestie prescrivent aux filles d’un sang illustre ; et elle sait quand et jusqu’à quel point elles doivent céder à la reconnaissance ; elle ne doit pas rougir d’avouer le désir sincère qu’il fût en son pouvoir de te récompenser de tes services et de réparer le mal qui fut causé par le dévouement qu’un brave chevalier avait pour elle. Pourquoi joindre les mains et les tordre avec cette violence ? Est-ce possible ? » ajouta-t-elle tressaillant à cette idée, « se pourrait-il que leur cruauté t’eût réellement privé de la parole ? tu secoues la tête ? Eh bien, que ce soit un charme ou obstination de ta part, je ne te questionnerai pas davantage, et te laisserai remplir ton message à ta manière : moi aussi, je puis être muette. »

Le chevalier déguisé fit un geste comme pour se plaindre de son sort et conjurer son ressentiment ; et en même temps il lui présenta la lettre du soudan, enveloppée dans un morceau de riche soie recouverte d’un autre de drap d’or. Elle la prit, la regarda avec insouciance ; puis, la mettant de côté et fixant encore une fois ses regards sur le chevalier, elle lui dit à voix basse : « Pas même un mot en accomplissant ton message ? »

Il pressa son front sur ses deux mains comme pour exprimer la peine qu’il éprouvait de ne pouvoir lui obéir ; mais elle se détourna de lui avec colère.

« Il suffit, dit-elle ; j’ai assez parlé, trop peut-être, à quelqu’un qui ne daigne pas me répondre un seul mot. Sors, et dis que, si je t’ai fait du mal, je l’ai bien expié ; car si j’ai malheureusement été cause que tu sois dégradé d’un rang honorable, j’ai dans cette entrevue oublié ce que je me devais à moi-même en m’abaissant ainsi à tes yeux et aux miens. »

Elle se couvrit les yeux de sa main, et parut vivement agitée. Sir Kenneth voulut s’approcher, mais elle lui fit signe de s’éloigner.

« Loin d’ici, reprit-elle, toi dont l’âme est devenue aussi basse que son nouvel état. Tout autre moins craintif et moins lâche qu’un esclave muet eût dit un mot de reconnaissance, ne fût-ce que pour me réconcilier avec ma propre dégradation. Pourquoi t’arrêtes-tu ? sors d’ici ! »

Le malheureux Écossais regarda machinalement la lettre comme pour s’excuser de différer son départ. Édith la saisit en disant d’un ton d’ironie et de mépris : « Ah ! je l’avais oubliée. L’esclave soumis attend la réponse à son message. Que veut dire cela de la part du Soudan ? »

Elle en parcourut rapidement le contenu qui était écrit en arabe et en français ; et, lorsqu’elle eut fini, elle rit avec amertume et colère.

« Voilà qui passe l’imagination ! dit-elle ; aucun jongleur ne saurait accomplir une pareille transmutation. Il peut convertir les sequins et les besants en doits et en maravédis[2], mais qui l’a jamais vu métamorphoser un chevalier chrétien qui fut toujours estimé parmi les plus braves de la croisade en un esclave rampant d’un sultan païen, messager de ses insolentes propositions à une fille chrétienne ; en un être avili qui oublie les lois de l’honneur et de la chevalerie comme celles de la religion. Mais à quoi bon parler au vil esclave d’un chien d’infidèle ? Dis à ton maître, lorsque son fouet t’aura fait retrouver ta langue, ce que tu m’as vu faire. » En parlant ainsi, elle jeta à terre la lettre du soudan et la foula aux pieds. « Ajoute qu’Édith Plantagenet méprise l’hommage d’un impie. »

En disant ces mots elle allait s’élancer hors de la présence du chevalier, lorsque celui-ci, à genoux devant elle, dans les plus douloureuses angoisses, osa porter la main sur sa robe et s’opposer à son départ.

« N’as-tu pas entendu mes paroles, vil esclave ? » dit-elle en se retournant brusquement et lui parlant avec hauteur. « Dis à l’infidèle soudan, ton maître, que je méprise ses offres autant que l’humilité d’un indigne parjure à sa religion, à la chevalerie, à son Dieu et à sa dame. »

En parlant ainsi, elle s’arracha de ses mains, lui laissant un morceau de son voile dans l’effort qu’elle fit pour lui échapper, et sortit de la tente.

La voix de Neville en même temps appela du dehors. Épuisé par la douleur qu’il avait éprouvée pendant cette entrevue, et qu’il n’aurait pu éviter qu’en violant l’engagement qu’il avait pris avec le roi Richard, l’infortuné chevalier suivit en chancelant le baron anglais, et ils arrivèrent au pavillon royal devant lequel un détachement de cavaliers venait de descendre. Il y avait de la lumière et du mouvement dans la tente, et quand Neville y entra avec son compagnon, ils trouvèrent le roi entouré de quelques uns de ses barons, et occupé à recevoir ceux qui venaient d’arriver.



  1. Formule employée par les esclaves d’Orient. a. m.
  2. Le sequin d’Italie vaut dix francs ; le besant est une ancienne monnaie turque en or, d’une valeur d’environ six francs ; le doit était une petite pièce d’argent d’environ vingt-cinq centimes ; et le maravédis est une monnaie espagnole en cuivre, d’une valeur même au-dessous d’un centime, c’est une des plus petites monnaies d’Europe. a. m.