Le Tableau des ambitieux de la cour


Le Tableau des ambitieux de la Cour, nouvellement tracé du pinceau de la Verité, par maistre Guillaume, à son retour de l’autre monde.
contrefaçon d’une pièce de Claude d’Esternod

1622
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Le Tableau des ambitieux de la Cour, nouvellement tracé du pinceau de la Verité, par maistre Guillaume, à son retour de l’autre monde1.
M.DC.XXII.

Les plus sots sont ceux-là qui se ventent sans cesse
De leurs extractions, sans argent ny noblesse ;
Qui presument, boufis de magnanimité,
Faire jambes de bois à la necessité.
Pauvres et glorieux veulent pousser fortune
À contre-fil du ciel, qui leur porte rancune,
Font la morgue au destin, et, chetifs obstinez,
Fourrent jusqu’au retraict leurs satyriques nez.
Ils font les Rodomonts, les Rogers, les Bravaches,
Ils arboriseront2 quatre ou cinq cens pennaches
Au feste sourcilleux d’un chapeau de cocu,
Et n’ont pas dans la poche un demy quart d’escu.
Monsieur, vous plairoit-il me payer ? Il replique :
Je n’ay point de monnoye, au courtaud de boutique ;
Puis, pompeux, se braguant3 avecques majesté,
Dira à son valet : Suis-je pas bien botté ?
Fraizé comme Medor, n’ay-je pas bonne grâce ?
C’est mon4, dict le laquay, mais garde la besace,
De gripper la fortune assez vous essayez ;
Mais tandis les marchands veulent estre payez,
Et n’y a dans Paris tel courtaud de boutique5
Qui, vous voyant passer, ne vous face la nique,
Et ne desire bien que tous les courtisans
Fussent aussi taillez comme les paysans,
Qui, taillables des grands, n’ont point d’autres querelles
Que tailles et qu’impôts, que guets et que gabelles.
L’on ne fait rien pour rien, et pour l’odeur du gain
Le manœuvre subtil prend l’outil en la main.
Mais vous, guespes de cour, gloutonnes sans pareilles,
Vous mangez le travail et le miel des abeilles,
Et ne ruchez jamais, ny d’esté ny d’hyver.
Quand ils sont attachez à leurs pièces de fer,
Et qu’ils ont au costé (comme un pedant sa verge)
Joyeuse, Durandal, Hauteclaire et Flamberge6,
Ils presument qu’ils sont tombez de paradis,
Ils pissent les ducats pour les maravedis ;
Les simulacres vains des faux dieux de la Chine
Ne s’oseroient frotter contre leur etamine,
Et Maugis, le sorcier, prince des Sarrazins,
Ni le fameux Nembroth, n’est pas de leurs cousins.
Bragardans en courtaut de cinq cens richetales7,
Gringottans leur satin comme ânes leurs cimbales8,
Piolez, riolez, fraisez, satinisez,
Veloutez, damassez et armoirinisez9,
Relevant la moustache à coup de mousquetade,
Vont menaçant le ciel d’une prompte escalade,
Et de bouleverser, cracque ! dans un moment
Arctos, et Antarctos, et tout le firmament.

La maison de Cécrops, d’Attée, de Tantale,
Champignons d’une nuict, leur noblesse n’egale ;
Ils sont, en ligne oblique, issus de l’arc-en-ciel,
Leur bouche est l’alambic par où coule le miel ;
Leurs discours nectarez sont sacro-saincts oracles,
Et, demy-dieux çà bas, ne font que des miracles.
Mais un lion plus tost me sortiroit du cu
Que de leur vaine bourse un miserable escu ;
Ils blasphèment plus gros dans une hostellerie
Que le tonnerre affreux de quelque artillerie :
Chardious ! morbious ! de po cab-de-bious10 !
Est-ce là appresté honnestement pour nous ?
Torchez ceste vaisselle, estez ce sale linge,
Il ne vaut seulement pour attifer un singe.
Fi ce pain de Gonès ! apportez du mollet11,
Grillez cet haut costé. Sus, à boire ! valet ;
Donne moy ce chapon au valet de l’estable,
Car c’est un Durandal, il est plus dur qu’un diable,
C’est quelque crocodil ! tau, tau ! pille, levrier ;
Que ce coc d’inde est flac ! va dire au cuisinier
S’il se dupe de nous, s’il sçait point qui nous sommes,
Et luy dis si l’on traitte ainsi les gentils hommes.
L’hoste, qui ne cognoit qu’enigme au tafetas :
« Gentil homme ! Monsieur ! je ne le sçavois pas.
Et, quand vous seriez tel, c’est assez bonne chère,
Monsieur. Que Dieu pardoin à feu vostre grand-père,
Il estoit bon marchand ; j’achetay du tabit
Du pauvre sire Jean pour me faire un habit.
Il m’invita chez luy à curer la machoire ;
Mais là le cuisinier n’empeschoit sa lardoire,
N’ayant albotté12 que trois pieds de moutons,
Et falloit au sortir payer demy teston.
L’on n’y regarde plus, soit sot ou gentil homme,
Massette de Regnier, on prend garde à la somme :
Car, selon que l’on frippe on paye le gibier,
Le noble tout autant que le plus roturier.
Quand c’est semblable laine, autant vert comme jaune.
Ainsi bien manioit vostre grand-père l’aune. »

À vray dire, ces fats sont quelquefois issus
D’un esperon, d’un lard, d’un ventre de merlus,
D’un clistère à bouchon, d’un soulier sans semelle,
D’une chausse à trois plis, d’un cheval, d’une selle,
D’un frippier, d’un grateur de papier mal escrit,
D’un moyne defroqué, d’un juif, d’un ante-christ,
D’un procureur crotté, d’un pescheur d’escrevice,
D’un sergent, d’un bourreau, d’un maroufle, d’un suisse,
Et cependant ils font les beaux, les damerets,
Et ne pourroient fournir pour deux harencs sorets.
Mais lisez vos papiers, vos pancartes, vos tittres,
Et vous vous trouverez tous issus de belistres,
Mille fois plus petits encor que des cirons
Et plus nouveaux venus que jeunes potirons ;
Qu’il vous faut humer fraiz comme l’huistre en escaille,
Et que vostre maison n’est pas une anticaille.
Venons sur memento, nous sommes tous cinis,
Mais d’un reverteris gardez d’estre punis.
Qui faict plus qu’il ne peut au monde de despence,
Il a plus qu’il ne veut au monde d’indulgence.
Pour amortir l’orgueil de mille vanitez,
Considerons jadis quels nous avons estez,
Et, faisant à nature une amende honorable,
Dis, superbe : J’estois vilain au prealable
Que d’estre gentilhomme ; et, puisque de vilain,
Je me suis anobly du jour au lendemain,
Du jour au lendemain je peux changer de tittre
Et de petit seigneur devenir grand belistre,
Et en siècle d’airain changer le siècle d’or,
Et devenir soudain de consule rethor.
J’ay veu des pins fort hauts eslever leurs perruques
Par sus le front d’Iris, et tout d’un coup caduques,
Arrangez sur la terre, et ne servir qu’au dueil
D’un cadaver puant pour faire son cercueil ;
J’ay veu de Pharaon les pompeux excrcites,
Et contre Josué les fiers Amalechites
Gripper, triper, friper ; et après un combat
Je passe de rechef, et ecce non erat13.
Sur la flotante mer je voyois un navire
Qui menaçoit la terre et les cieux de son ire ;
Mais, tout soudain rompant le cordage et le mast,
Je cherche mon navire, et ecce non erat.
J’ay veu ce que j’ay veu, une rase campagne
Enceinte devenue ainsi qu’une montaigne,
Qui pour mille geants n’enfanta qu’un seul rat ;
Où est-il ? je regarde, et ecce non erat.
Bref que n’ay-je pas veu, que ne contemplé je ores ?
Et avant que mourir que ne verray-je encores ?
Le monde est un theatre où sont representez
Mille diversitez de foux et d’esventez14.

Ô constante inconstance ! ô legère fortune !
Qui donne à l’un un œuf, et à l’autre une prune ;
Qui fait d’un charpentier un brave mareschal15,
Et qui fait galoper les asnes à cheval ;
Qui fait que les palais deviennent des tavernes,
Qui, sans miracles, fait que vessies sont lanternes ;
Qui fait que d’un vieil gant les dames de Paris
Font des gaudemichés, à faute de maris ;
Que le sceptre d’un roy se fait d’un mercier l’aune,
Que le blanc devient noir et que le noir est jaune ;
Qui change quelquefois les bonnets d’arlequins
Aux couronnes des grands16 et les grands en coquins,
Les marottes en sceptre, en tripes les andouilles,
Les chapperons en houpe, en glaives les quenouilles,
Le rosti en bouilli, une fille en garçon,
Le coutre17 en bon castor et la buse en faucon !

Je suis, sans y penser, des stoïques escoles ;
Je croy ce que disoient ces sçavans Picrocoles18,
Qui, sans hypothequer cinq cens pieds de mouton
Où l’on n’en void que quatre, arrestez au fatum,
Disoient de toute chose : Ainsi plaist à Fortune !
Que si quelqu’un gardoit les brebis à la lune19,
Pendillant tout ainsi qu’un bordin vermoulu,
Ils repliquoient : Ainsi Fortune l’a voulu.
Si d’autres ils sentoient de qualité fort basse
Elever jusqu’au ciel leur grand bec de becasse,
Ils disoient, en voyant tout Crœsus dissolu :
Que voulez-vous ? Ainsi Fortune l’a voulu,
Donnant comme elle veut à chacun sa chacune,
Car tel ne cherche rien qui rencontre Fortune,
Et souvent c’est à ceux qui ne la cherchent pas
Qu’elle fait les doux yeux de ses doubles ducats20.

Ha ! que si l’alchimie avoit dans sa cabale
Cette pierre trouvé, qu’on dit philosophale,
Les doctes porteroient jusques au ciel leur nez,
Et chimistes, sans plus, se diroient fortunez ;
De Fortune icy-bas l’on ne parleroit mie,
Ceux là seuls seroient grands qui sçauroient l’alchimie.
Vous ne verriez alors tant de doctes esprits
Bottez jusqu’au genouil des crottes de Paris,
Mal peignez, deschirez, le soulier en pantoufle,
Les mules aux talons, n’ayant rien que le souffle,
Et, le fouet en la main, pauvres predestinez,
Recouvrer au Landy21 deux carts d’escus rognez,
Pour se traitter le corps le long d’une semaine,
Domine, sans conter ny l’huile ny la peine,
Les plumes, le papier, l’ancre de son cornet ;
Un sol pour degresser les cornes du bonnet,
Deux sols au savetier qui son cuir rapetasse
Un double au janiteur22 pour balier la classe,
Sans conter le barbier, qui luy pend au menton
Une barbe de boue, d’Albert23 et de Platon ;
Un pair de rudiments, un bon Jan Despautaire,
Et mille autres fatras qui sont dans l’inventaire
D’un pedant affamé comme un asne baudet,
Plus amplement à vous quæ glosa recludet.

Mais aujourd’huy l’on tient à mepris la science,
Et Fortune ne rit sinon à l’ignorance ;
Un homme bien versé, ce n’est rien qu’un pedan ;
Les asnes vont en housse, et tout est à l’encan.
La vertu sur un pied fait sentinelle à l’erte24 ;
Madame la Faveur tient par tout cour ouverte ;
Et dans les magistrats parents fourrent parents,
Ainsi que l’on entasse en cacque les harens ;
Suyvant comme poussins sous l’aisle de leur mère,
Tout va au grand galop par compère et commère ;
Le vieillard Phocion et le docte Caton
N’y ont pas du credit pour un demy-teston.
Dans ces jeunes conseils la vieillesse ravasse ;
Quelque riche bedon25, fol et jeune couillasse ;
S’il a, sans droit, sans loix, quantité de ducas,
Se fera preposer à dix mille advocats
Qui auront dans l’esprit la science et l’escole
De Jason, de Cujas, de Balde, et de Bartole26 ;
L’univers aujourd’huy est sans foy et sans loy,
La vertu de ce monde est quand l’on a dequoy27 ;
Le sçavoir est un fat, l’argent nous authorise.
L’on ne peint la vertu avec la barbe grise :
Son habit est de femme, et jeune est sa beauté ;
Pourquoy les femmes donc n’ont cette dignité,
Plustost que ces friands, ces obereaux de Beausse28,
Qui de l’homme n’ont rien que le simple haut de chausse ?
Que si cela est vray, pensez-vous, courtisans,
Sans argent ni faveur parvenir de cent ans ?
Pensez-vous, sans argent, noblesse ny doctrine,
Obtenir des estats pour vostre bonne mine ?
Que, pour friser, porter belle barbe au menton,
Un banquier vous voulust prester demy-teston ?
Vous estes de grands sots si de ces ombres vaines
Vous allez repaissant vos travaux et vos peines.
Pour faire rien de rien, il faudroit estre Dieu ;
Mais vous n’avez argent, ny sçavoir, ni bon lieu.
Tu viens accompagné des neuf muses d’Homère,
Mais tu n’apportes rien : rien l’on ne te revère :
Tu n’es qu’un Triboulet, et quand et quand pour lors
Avecques tes neuf sœurs tu sortiras dehors.
Dieu d’amour peut beaucoup, mais monnoye est plus forte ;
L’argent est toujours bon, de quelque lieu qu’il sorte.
N’esperez seulement un estat de sergent,
Si, pour vous faire tel, vous n’avez de l’argent ;
Si quartier chez le roy vostre bon heur recouvre,
Sera au Chastelet plutôt que dans le Louvre ;
Alors vous ne vivrez, n’ayant pas le dequoy
De vous entretenir, sinon du pain du roy :
Là vous n’aurez besoin de chevaux ny de guides,
Exempts de guets, d’imposts, de tailles et subsides.
Tous ces esprits falots, boufis comme balons,
Qui veulent estre grands29 de simples pantalons,
Qui le fient de porc veulent nommer civette,
Et faire un brodequin d’une simple brayette ;
Qui de l’esclat d’un pet veulent peser un cas,
Et d’un maravedis faire mille ducats ;
Tous ces dresseurs d’espoirs, ces foux imaginaires,
Ces courtisans parez comme reliquiaires,
Ces fraisez, ces Medors, ces petits Adonis,
Qui portent les rabats bien froncez, bien unis ;
Ces fils gauderonnez30, d’un patar31 la douzaine,
Voyent presque tousjours leur esperance vaine ;
Que celle qu’enfantant se promet un geant
Ne produira sinon du fumier tout puant,
Lequel, pour tout guerdon, donnera la repue
À quelque nez camard qui jà en eternue.
Avecques leurs espoirs les courtisans sont foux ;
Que bienheureux sont ceux lesquels plantent des choux !
Car ils ont l’un des pieds, dit Rabelays, en terre,
Et l’autre en mesme temps ne s’éloigne de guière ;
Il n’est que le plancher des vaches et des bœufs ;
J’ayme mieux qu’un harenc une douzaine d’œufs,
Et je m’aymerois mieux passer de molue fraische
Que d’hazarder mon corps à pratiquer la pesche.
Ostez-moy cet espoir ; car je n’espère rien
Que d’estre un pauvre Job, sans secours et sans bien ;
Que fortune tousjours, qui de travers m’aguette,
Ne me voudra jamais baiser à la pincette,
Et je mourray plustost sur un fumier mauvais
Que dans quelque cuisine ou dans quelque palais.
Vous diriez que je suis un baudet et un asne
D’attaquer de brocards la secte courtisane,
Veu mesme que je vais, il y a plus d’un an,
Botté, esperonné, ainsi qu’un courtisan ;
Que c’est estre ignorant, avoir l’âme peu caute,
Que reprendre l’autruy et ne voir pas sa faute :
Car de la sapience et le don et l’arrest,
C’est cognoistre son cœur et sçavoir qui l’on est ;
Il faut avant l’autruy soy mesme se cognoistre,
Et, comme Lamia, nous ne devons pas estre32
Des taupes dans chez nous et des linx chez l’autruy33,
De peur qu’au charlatan qui ouvre son estuy
Pour panser l’empesché, et luy-mesme a la perte,
L’on ne dise : Monsieur, vous n’estes qu’une beste ;
Avant que de donner aux autres guerison,
Monsieur le charlatan, medica te ipsum.
Il est vray, par ma foi, j’ai suivy ceste vie,
Mais en après, Messieurs, je n’en ay plus d’envie ;
J’ay franchi ce fossé, et, en sortant du lieu,
Je n’ai pas oublié mesme à leur dire à Dieu.

À Dieu34.



1. Cette pièce n’est autre chose que la satire 1re de l’Espadon satirique, par le sieur d’Esternod (Cologne, 1680, in-12, p. 4 et suiv.) C’est une contrefaçon flagrante qui donne pleine raison à ce passage des Caquets de l’accouchée (voyez notre édition, p. 115) : « J’ay veu, dit la femme du conseiller, un Discours du Courtisan à la mode, imprimé il n’y a pas longtemps, lequel n’estoit autre chose qu’un extraict ou transcrit de l’Espadon satirique mot pour mot, ce qui ne se devroit tolerer. » Je croirois volontiers que ce Discours du Courtisan à la mode, dont il nous a été impossible de découvrir un exemplaire, reproduit aussi la satire 1re, qui se trouveroit avoir eu ainsi deux contrefaçons pour une. Je ne vois, du moins, aucune autre pièce parmi celles de l’Espadon qui pût s’accommoder aussi bien du titre inventé par le contrefacteur. Le Tableau des ambitieux, donné ici, est mis sur le compte de maistre Guillaume, le fou de cour (V. Caquets de l’accouchée, p. 263, note) ; c’étoit assez l’usage quand on ne vouloit pas endosser un mauvais écrit ou, comme ici, une mauvaise action. Tout l’office du bouffon étoit de vendre sur le Pont-Neuf la pièce dont on le faisoit responsable (V. Journal de l’Estoille, édit. du Panth. litt., t. 2, p. 405). Quelquefois on mit sous son nom des choses excellentes. La XIVe satire de Regnier, par exemple, parut d’abord avec ce titre : Satire de maître Guillaume contre ceux qui déclamoient contre le gouvernement. (Recueil A–Z, Q, 207.) Je ne sais si dans ce cas il y eut fraude, mais ici elle est évidente, par le soin même qu’on a pris pour la cacher. Afin de donner à la pièce l’apparence d’une chose nouvelle et tromper au moins le premier coup-d’œil du lecteur, on l’a tronquée au commencement et à la fin. Les quatre premiers vers et les quatre derniers de la satire de d’Esternod ont été enlevés. Voici les premiers :

De tant de cavaliers qui vont avec des bottes
À faute de soliers, et non faute de crottes ;
De tant qui vont de pied à faute de chevaux,
Cavaliers, postillons, non faute d’animaux.

2. Arborer.

3. Faisant le braguard, le beau, le pimpant.

4. Ou ça mon, sorte d’interjection familière très employée chez les gens du commun au XVIe et surtout au XVIIe siècle. V. Montaigne, liv. 2, chap. 27 ; Molière, le Bourgeois gentilhomme, act. 3, sc. 3 ; et Francion, 1663, in-12, p. 55.

5. C’est une expression qui commençoit à avoir cours, mais à laquelle on donnoit toujours un sens méprisant. Regnier l’emploie ainsi au vers 237 de la satire V.

6. Joyeuse étoit l’épée de Charlemagne, d’après les romans de chevalerie ; Durandal, celle de Roland ; Haute-Claire, celle d’Olivier ; Flamberge, celle de Renaud de Montauban.

7. Pour risdale, monnaie d’argent allemande.

8. C’est-à-dire leurs sonnettes, tintinnabula, comme l’âne de la fable de Phèdre.

9. Armoriés.

10. Jurons gascons dans le genre de ceux qu’on rencontre souvent chez Regnier. C’étoient les imprécations à la mode.

11. Le pain mollet, vendu chez les boulangers de luxe ou de petit pain, étoit alors le seul qui fût recherché des gourmets, au grand dommage des boulangers de Gonesse, qui ne faisoient que le pain de ménage. Ils prétendirent donc que la pâte en étoit malsaine à cause de la levure qu’on y employoit. Il en résulta, en 1668, un procès dont j’ai fait l’histoire sous ce titre : Molière et le procès du pain mollet. (Revue française, juillet 1855.)

12. C’est-à-dire grapillé. Au chapitre V de la Prognostication pantagrueline, albotteur est pris dans ce sens : « Les alleboteurs, dit Le Duchat, sont de pauvres gens qui tracassent les vignes vendangées pour y grapiller. »

13. C’est le passage des psaumes si magnifiquement paraphrasé par Racine dans le chœur du 3e acte d’Esther :

Je nJ’ai vu l’impie adoré sur la terre
Je n.  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .
Je n’ai fait que passer, il n’étoit déjà plus.

14. C’est une imitation de ce passage d’Horace, tota vita fabula est, si bien paraphrasé par J.-B. Rousseau dans son épigramme :

Ce monde-ci n’est qu’une œuvre comique
Où chacun fait des rôles différents...

15. Peut-être y a-t-il là une allusion au maréchal d’Ancre, qui, comme époux d’Éléonore Galigaï, se trouvoit être le gendre d’un menuisier florentin.

16. Var. : Aux couronnes des roys et les rois en coquins.

17. Il faut lire la loutre. On fait encore dans quelques provinces des casquettes avec la peau de cet animal.

18. Pichrocole est un roi visionnaire inventé par Rabelais (liv. I), et qui n’avoit rien de la philosophie à la Pangloss que d’Esternod prête ici aux savants qu’il baptise de son nom. La Fontaine l’a aussi nommé dans sa fable la Laitière et le Pot au lait.

19. C’est-à-dire être pendu.

20. Cela fait penser aux beaux yeux de la cassette d’Harpagon.

21. À l’occasion du Landy, ou foire de l’Indict, à Saint-Denis, qui étoit, comme on sait, un temps de fête pour l’Université, les écoliers faisoient des cadeaux à leurs maîtres. C’étoit d’ordinaire « un beau verre de cristal plein de dragées » et un citron dans l’écorce duquel on avoit fiché quelques écus. V. Francion, édit. de 1663, p. 160–161.

22. Portier. D’Esternod parle ici le langage de l’escolier limosin.

23. Maître Albert-le-Grand.

24. Dans cette orthographe primitive du mot alerte on trouve son étymologie, qui vient de l’italien fare all’ erta, être au guet. Montaigne écrit : « Se tenir à l’airte. » (Liv. 1er, chap. 19.)

25. C’est-à-dire ventru. Bedon étoit synonyme de bedaine.

26. Les lumières du droit. Corneille fait citer Balde et Jason par Dorante, à la scène 6 de l’acte 1er du Menteur.

27. Le dequoy étoit déjà le grand mot, la grande chose. « Les courtisans, dit La Boétie, voyent que rien ne rend les hommes sujets à la cruauté du tyran que les biens ; qu’il n’y a aucun crime envers luy digne de mort que le de quoy. » (De la servitude volontaire.)

28. On ne tarissoit pas autrefois en proverbes et en quolibets à propos des gentillâtres Beaucerons. Dans Rabelais (liv. 1er, chap. 17), dans les Contes d’Eutrapel (fol. 158), dans les Contes et joyeux devis de Desperriers (nouvelle 74), dans les Curiositez françoises d’Oudin (p. 249), partout leur misère est tournée en moquerie. Les proverbes qui couroient le plus contre eux étoient ceux-ci : Gentilhomme de Beauce, il est au lit pendant qu’on raccommode ses chausses.

En gentilhomme de la Beauce
Garder le lit faute de chausse.

Montfleury donna en 1670, sous ce titre : Le Gentilhomme de Beauce, une comédie en cinq actes, en vers, dont on devine le sujet, et qui est d’un assez bas comique.

29. Var. : rois.

30. C’est-à-dire ayant fraise à grands plis, à grands godrons. V. notre t. 1, p. 164, note.

31. Petite monnaie flamande valant un sou.

32. C’est-à-dire qu’il ne faut pas dévorer ses pareils comme la reine de Lybie Lamia, qui, selon Suidas, se nourrissoit de chair humaine.

33. On croirait que La Fontaine se rappeloit ce vers de d’Esternod quand il a écrit ceux-ci de sa fable la Besace :

Notre espèce exc… Mais parmi les plus fous
Notre espèce excella : car tout ce que nous sommes
Lynx envers nos pareils et taupes envers nous,
Nous nous pardonnons tout, et rien aux autres hommes.

34. Cet adieu répété manque dans la satire de d’Esternod. À la place se trouvent ces quatre vers, qui commencent par une allusion à l’Epistre de Marot au roy pour avoir esté desrobé.

Comme fit à Marot le valet de Gascongne.
Mais vous quittez la cour et venez en Bourgogne ;
Sans adieu. Autrement, vos creanciers maris
Pour estre satisfaicts vous rendroyent à sainct Pris.