Plon (4p. 10-11).


III


Cependant, tout le monde s’était levé et l’on vit que le siège périlleux portait maintenant le nom de Galaad, lequel vola de bouche en bouche, et tant qu’il parvint aux tables où la reine mangeait avec ses dames. Ah ! quand elle sut comment Lancelot avait juré, ainsi que ses compagnons, de partir en quête de la vérité du Graal, elle eut tant de chagrin qu’elle en pensa pâmer !


— Hélas ! disait-elle en pleurant, c’est grand dommage, car cette quête ne se terminera pas sans que maint prud’homme y trouve sa mort ! Je m’étonne que messire le roi l’ait permise.

Presque toutes les dames s’étaient mises à pleurer avec elle et ce n’était pas merveille, car la plupart étaient les femmes épousées ou les amies de ceux de la Table ronde. Aussi, quand les tables furent ôtées et qu’elles furent assemblées dans la salle avec les chevaliers, chacune dit à celui qu’elle aimait qu’elle voulait aller avec lui à la quête du Graal. Mais aucun ne consentit, car ils sentaient tous qu’une quête si haute et des secrets mêmes de Notre Seigneur ne pouvait être entreprise comme les autres quêtes terriennes qu’ils avaient menées jusqu’à ce jour.

La reine, cependant, était venue s’asseoir auprès de Galaad et elle lui demandait dans quel pays il était né, et de qui. Il lui apprit ce qu’il en savait, mais non qu’il était fils de Lancelot. Pourtant elle le devina à leur ressemblance et pour ce qu’elle avait souvent entendu parler de l’enfant issu de la fille du roi Pellès.

— Ha, sire, lui dit-elle, pourquoi me celez-vous le nom de votre père ? À votre place, je n’aurais pas honte de le nommer, car il est le meilleur et le plus beau chevalier du monde. Et vous lui ressemblez si fort que le plus niais s’en apercevrait.

— Dame, répondit Galaad en rougissant, puisque vous le connaissez si bien, nommez-le.

— En nom Dieu, c’est Lancelot du Lac, le plus gentil et le mieux aimé chevalier qui vive en ce temps.

— Dame, si c’est vrai, on le saura bientôt céans.

Longtemps ils parlèrent ainsi, jusqu’à ce que vînt l’heure du souper. Et, après qu’ils eurent mangé, le roi mena Galaad dans sa propre chambre et le fit coucher, par honneur, dans le lit où il avait coutume de dormir lui-même.