Le Roman d’un enfant/56
LVI
Deux jours par semaine, pendant les classes d’histoire, j’étais mêlé aux élèves des cours de marine, qui portaient des ceintures rouges pour se donner des airs de matelots et qui dessinaient sur leurs cahiers des ancres ou des navires.
Je ne songeais point à cette carrière-là pour moi-même ; à peine deux ou trois fois y avais-je arrêté mon esprit, mais plutôt avec inquiétude : c’était la seule cependant qui pût m’attirer par tout son côté de voyages et d’aventures ; mais elle m’effrayait aussi plus qu’aucun autre, à cause de ses longs exils que la foi ne m’aiderait plus à supporter comme au temps de ma vocation de missionnaire.
S’en aller comme mon frère ; quitter pour des années ma mère et tous ceux que j’aimais ; pendant des années, ne pas voir ma chère petite cour reverdir au printemps, ni les roses fleurir sur nos vieux murs, non, je ne me sentais pas ce courage.
Surtout, il me semblait établi a priori, à cause sans doute de mon genre d’éducation, qu’un tel métier, si rude, ne pouvait être pour moi. Et je savais très bien d’ailleurs, par quelques mots prononcés en ma présence, que si l’idée folie m’en venait jamais, mes parents repousseraient cela bien loin, n’y consentiraient à aucun prix.