Le Roman anglais en 1907
Revue des Deux Mondes5e période, tome 42 (p. 425-448).
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LE ROMAN ANGLAIS
EN 1907

I
UN JEUNE ET QUELQUES AÎNÉS


I

Dans sa remarquable étude sur Dickens, dont j’ai rendu compte ici il y a quelques mois[1], M. Gilbert K. Chesterton écrivait : « Malgré l’incertitude fatale de toute prédiction, je n’hésite pas à affirmer que la place de Dickens, dans la littérature anglaise du XIXe siècle, n’apparaîtra pas seulement très haute, mais absolument la plus haute… Dès aujourd’hui, la plupart des lettrés s’accordent à reconnaître que, sur la plateforme où figuraient naguère Dickens, Bulwer Lytton, Thackeray, George Eliot, et Charlotte Brontë, il ne reste plus désormais que Thackeray et Dickens. Je prends sur moi de prédire que, lorsqu’un peu plus d’années auront passé, et que plus de triage aura été effectué, Dickens dominera toute notre littérature du siècle dernier : c’est lui qui restera, seul, sur la plate-forme. » Et peut-être le moment prévu par M. Chesterton n’est-il pas encore arrivé : mais, à coup sûr, c’est Dickens qui a tenu la première place dans l’histoire du roman anglais en 1907. De tous les romans nouveaux dont je vais avoir à parler, pas un ne s’est vendu autant que les siens ; l’année dernière, déjà, une seule des nombreuses maisons qui les publient en a vu partir 400 000 exemplaires. La grande édition « critique » de son œuvre s’est poursuivie, de mois en mois, avec un succès merveilleux[2]. Au Guildhall de Londres, une « Bibliothèque Nationale de Dickens » va être inaugurée, qui sera un précieux musée en même temps qu’une bibliothèque, réunissant tous les portraits du romancier, toutes les illustrations de ses récits, toutes leurs éditions anglaises et étrangères, les principaux livres et articles qui leur ont été consacrés dans les divers pays ; et la curiosité passionnée avec laquelle le public anglais s’intéresse à l’enrichissement de cette « Bibliothèque Nationale » suffirait à prouver combien l’auteur de David Copperfield lui est profondément et intimement cher, non pas à la façon d’un écrivain de génie, mais plutôt d’un ami personnel, d’un compagnon familier toujours actif à divertir et à consoler. L’œuvre de Dickens est restée si vivante, pour ses compatriotes, qu’au besoin elle les dispenserait d’avoir à lire d’autres romanciers ; et l’on comprend sans peine que bon nombre des romanciers d’aujourd’hui s’efforcent, plus ou moins consciemment, à imiter la manière d’un maître dont ils connaissent l’immense pouvoir sur l’âme de leurs lecteurs. A chaque pas, dans la longue promenade que je viens de faire parmi les romans de l’année présente, j’ai rencontré des aventures, des types, des procédés de description ou de plaisanterie, qui, pour avoir subi une transposition souvent fort adroite, n’en avaient pas moins été évidemment empruntés à l’inépuisable répertoire des romans et des contes de Dickens.

Mais ce n’est pas font. A force d’être imprégnés du génie de ce maître, et de vivre dans une atmosphère qui en est de plus en plus imprégnée, les jeunes romanciers anglais commencent, me semble-t-il, à sentir ce qu’il y a eu, dans ce génie, de foncièrement original, et puissant, et beau. Et déjà l’un d’entre eux, pour la première fois depuis trois quarts de siècle, au lieu d’imiter Dickens, vient de nous révéler une âme nu rente de la sienne, une âme où nous retrouvons quelque chose du charme mystérieux et magique qui a valu à l’œuvre de « l’inimitable Boz » son extraordinaire fortune littéraire. Car on a beau dire que l’auteur du Magasin d’antiquités est le plus « anglais » des écrivains de sa race : encore cet exemplaire anglais n’a-t-il eu, jusqu’ici, dans sa patrie, aucun autre écrivain pour lui ressembler. Je pourrais citer plusieurs romanciers qui, de près ou de loin, avec plus ou moins de talent et de renommée, appartiennent à la même famille intellectuelle que Walter Scott, ou que Thackeray, ou que Stevenson ; et je pourrais citer aussi des centaines de romanciers qui ont traité les mêmes sujets que Dickens, et se sont inspirés de lui ou ont expressément tâché à le continuer : mais je n’en vois pas un, jusqu’à ces dernières années, qui se soit rapproché de lui par ce qui constituait proprement son génie, pas un dont on soit fondé à dire qu’il ait appartenu à la même famille que lui, ainsi qu’on aurait le droit de le dire, en une certaine mesure, de l’auteur de Crime et Châtiment et des Frères Karamazof. Et voilà l’heureuse nouvelle que je ne puis m’empêcher d’annoncer tout de suite, au début de ce rapide examen du roman anglais d’aujourd’hui : c’est qu’il me semble qu’un jeune conteur vient de se produire qui, d’instinct, avec un tempérament tout personnel, nous apporte une façon d’observer, de sentir, et de raconter, assez voisine de celle que nous aimons immortellement dans l’œuvre de Dickens. Il s’appelle William de Morgan, et n’a publié encore que deux romans, dont l’un est intitulé : Joseph Vance, autobiographie mal écrite, et l’autre : Alice Tout-Court, dichronisme[3].

Que si j’avais à définir en quoi consiste le caractère particulièrement « dickensien » de ces deux romans de M. de Morgan, je serais tenté de dire que c’est en ce qu’ils sont, comme ceux de Dickens, des romans « chauds, » au contraire de la froideur, plus ou moins voulue, de l’ordinaire des romans anglais. Ce sont des œuvres dont nous devinons que l’auteur a eu le cœur et le cerveau en fièvre, pendant qu’il les créait, et dont la lecture nous cause une sensation indéfinissable de chaleur intime, pareille à celle que nous procure le spectacle de la vie réelle, tandis qu’il est bien rare que nous l’éprouvions en présence même des œuvres d’art les plus parfaites ou les plus émouvantes. Mais une telle définition est forcément trop vague, et ne saurait être comprise qu’après une lecture des romans de M. de Morgan. Pour être plus clair, je dirai donc que le jeune auteur a deux qualités en commun avec son grand devancier : les personnages et les événemens qu’il invente, il les considère naturellement comme réels, comme des hommes et des choses qu’il aurait tout vivans sous les yeux, et non point comme une matière littéraire, dégagée de l’observation de la vie réelle pour être revêtue de beauté artistique ; et puis, en second lieu, il est lui-même passionnément ému au contact de ces hommes et de ces choses qu’il s’imagine être réels, et, par conséquent, il s’en amuse ou s’en afflige non pas suivant ce qu’on pourrait appeler la « catégorie de la littérature, » mais tout à fait comme nous rions ou pleurons de ce qui nous arrive à nous-mêmes, tous les jours, ou de ce qui se passe autour de nous. Ainsi faisait l’auteur de David Copperfield : malgré l’invraisemblance des intrigues qu’il combinait, un irrésistible instinct le contraignait à se figurer qu’il avait vraiment en face de soi toutes les créations de sa fantaisie, si bien que les plaisanteries, notamment, que lui suggéraient les ridicules de ses personnages ne relevaient point de l’ordre littéraire, mais ressemblaient, avec le grossissement du génie, à celles que nous inspirent les travers de nos compagnons les plus habituels ; et, de même, quand il voyait l’honnête Tom Pinch et sa charmante sœur s’affranchir enfin de l’humiliant servage trop longtemps subi, quand il assistait au châtiment de l’ignoble Squeers et de son ignoble famille, quand il entendait tousser le petit Dombey ou la petite Nell agonisante murmurer à son grand-père des paroles d’espoir et de consolation, la joie ou la douleur qu’il en ressentait ne nous touchent aussi vivement que parce que c’étaient des émotions sans aucun rapport avec la littérature, des émotions du genre de celles que nous procurent le bonheur ou les souffrances de nos proches. Et ainsi fait, aujourd’hui, M. de Morgan, sauf d’ailleurs à différer complètement de Dickens et par le choix de ses sujets, et par le tour natif de son esprit, et par tout l’ensemble de ses procédés de composition et de style.

Car il est, tout d’abord, un lettré, infiniment plus curieux d’art et de beauté formelle que ne l’était l’ignorant, ou plutôt l’ « autodidacte » Dickens. La langue qu’il écrit n’a point la simplicité, souvent un peu commune, de celle de Dickens : c’est une langue travaillée, ornée, et d’une élégance qui ne va pas sans quelque afféterie. Avec cela, une observation beaucoup plus sensible au dedans des choses qu’à leur apparence extérieure, une observation de psychologue, ou encore de poète et de musicien, et non pas de peintre, comme chez Dickens. Sans compter qu’à cette différence manifeste d’origine, d’éducation, et de tempérament, s’ajoute la différence des époques : car M. de Morgan ne saurait se défendre d’être de son temps, et peut-être les influences de Stevenson, de M Meredith, et de certains de nos conteurs français, ont-elles bien autrement contribué à la formation de son talent que celle de Dickens, malgré son intime parenté naturelle avec ce dernier. Mais cette parenté n’en ressort que plus vivement, sous l’extrême diversité de l’esprit et du langage des deux romanciers ; et il n’y a pas jusqu’à l’inspiration morale qui ne leur soit commune, sous la diversité des doctrines religieuses dont ils sont nourris. Tout de même que Dickens, M. de Morgan, — qu’il le sache ou non, — est profondément, irrésistiblement, un « chrétien ; » et il l’est de la même façon que l’auteur des Contes de Noël, avec le même amour du pauvre, de l’infirme, du faible d’esprit, de l’ « humilié » et de l’« offensé, » avec le même besoin passionné d’exalter les humbles et de rabaisser les puissans, avec la même tendance à concentrer dans le seul amour toute la somme de nos droits et de nos devoirs. . Cette morale, chez Dickens, s’appuyait sur l’Evangile, regardé comme un message exprès de la grâce divine ; chez M. de Morgan, elle ne s’appuie sur aucun texte, et ne se recommande à nous que de sa beauté : mais, dans les deux cas, elle est l’expression d’une âme « naturellement chrétienne, » de telle sorte que, ici encore, sous les traces évidentes des influences philosophiques les plus modernes, depuis celle de Nietzsche jusqu’à celle de la Société des Recherches Psychiques, l’auteur d’Alice Tout-Court nous apparaît l’authentique descendant du plus grand et du plus fameux des romanciers anglais.

J’aimerais à pouvoir ajouter que les deux romans de M. de Morgan, avec ces précieuses qualités littéraires et morales qui les rattachent aux romans de Dickens, se rattachent encore à ceux-ci par leur intérêt romanesque, et par l’excellence de leur mise en œuvre. Hélas ! je dois reconnaître qu’ils en sont bien loin, et que le plaisir qu’on prendra à leur lecture, pour être de même ordre, sera, sans aucun doute, moins copieux, et plus mélangé, et d’un accès plus pénible, que le ravissement qui jaillit des moindres créations du génie de Dickens. Joseph Vance et Alice Tout-Court ne sont pas seulement des romans trop longs, chacun avec ses cinq cents pages en petites lignes tassées : l’importance de leur contenu ne répond pas à ces dimensions, et je crains que leur longueur même ne les fasse toujours paraître un peu vides. Les deux qualités que j’ai dites tout à l’heure, le don de considérer ses fictions comme réelles et celui de s’en émouvoir autant et plus que des choses de la réalité ordinaire, ces deux qualités sont si spontanées et si fortes, chez M. de Morgan, qu’il s’abandonne à elles sans avoir le courage de les contenir : et il va se préoccupant des moindres épisodes de la vie de ses personnages, s’amusant de leurs farces et se désolant de leurs peines, assidu à ne point perdre un seul mot de leurs entretiens ; et le malheur est qu’il nous oublie, à force de s’intéresser à eux, ou bien, peut-être, s’imagine que ces personnages et ces aventures ne peuvent manquer d’avoir pour nous la même valeur et le même attrait que pour lui. Toujours est-il que ses deux romans sont des œuvres d’une imperfection singulière, mal composées, tantôt marchant avec trop de lenteur et tantôt courant trop vite à travers des années ; les intrigues, avec une allure plus « moderne » que celles de Dickens, les dépassent, je crois bien, en invraisemblance ; et parfois même nous avons l’impression que l’auteur, tout à coup, cesse de croire à la réalité de telle ou telle figure qui l’a jusqu’alors fiévreusement ému, et se contente de n’importe quel prétexte pour la congédier. Je sais que, jadis, les Esquisses de Boz n’avaient guère de quoi faire prévoir la parfaite beauté de Martin Chuzzlewit : mais après les Esquisses, sont venus l’Histoire du Club Pickwick et Olivier Twist, tandis que le second livre de M. de Morgan, au lieu de marquer un progrès analogue, nous montre plutôt une aggravation des défauts du premier. C’est proprement comme si le jeune auteur était entré dans les lettres avec la résolution de n’écrire ses romans que pour lui seul, — résolution qui, d’ailleurs, n’est point rare, au début d’une carrière, et qui peut même y porter de bons fruits, moyennant qu’on ne s’attarde pas trop à y persévérer : mais voici déjà que M. de Morgan y persévère durant deux gros livres !


Veut-on savoir les sujets des deux romans ? Joseph Vance est le fils d’un ouvrier de Londres, ivrogne, mais fort intelligent, et que nous voyons tour à tour devenir riche, puis faire banqueroute et mourir ruiné. Le petit Joseph, un jour, a accompagné son père chez le savant et excellent docteur Thorpe, qui a un fils à peu près du même âge, et deux filles, dont l’une, Lossie, plus âgée de sept ou huit ans, se prend bientôt, pour ce gamin des rues, d’une curiosité mêlée de sympathie ; et l’enfant, tout de suite, en récompense, se met à l’aimer, d’un humble et ardent amour qui désormais ne s’éteindra plus, au profond de son âme. C’est pour plaire à Lossie qu’il consent à s’instruire, et que, peu à peu, il se développe et s’élève, jusqu’au jour où, à Oxford, il apprend le prochain mariage de sa bien-aimée : sur quoi il renonce à tous ses beaux projets, et revient travailler auprès de son père. Puis les années passent, Lossie continue à demeurer aux Indes avec son mari, et Joseph Vance se marie, à son tour, avec une fragile et exquise créature qui n’ignore point qu’elle ne pourra posséder qu’une partie de son cœur. Et Joseph a la douleur de perdre sa femme, et c’est pour essayer de se distraire que, presque au lendemain de son deuil, il conduit en Italie le jeune frère de Lossie, devenu maintenant un poète, et un très beau garçon, mais égoïste, lâche, et parfaitement dépourvu de tous scrupules moraux. L’année suivante, ce jeune homme meurt ; et Joseph, vers le même temps, découvre que le misérable a séduit une jeune fille de Fiesole, et a eu d’elle un fils, et qu’il lui a emprunté son nom, pour éviter les mauvaises suites de cette aventure, de telle sorte que l’Italienne délaissée et ses parens croient avoir eu affaire au signor Joseph Vance. Alors Joseph, n’ayant plus d’autre intérêt au monde que son vieil amour, et voulant épargner à Lossie le chagrin de connaître l’infamie de son frère, adopte l’enfant, et l’emmène avec lui dans l’Amérique du Sud, où on lui a proposé un emploi d’ingénieur. Mais voici qu’une nouvelle et terrible épreuve lui est infligée : Lossie, revenue en Europe après la mort de son mari, se figure que c’est lui, Joseph, qui a séduit la jeune Italienne, pendant qu’il affectait d’être tout au désespoir de son récent veuvage. Indignée d’un tel manque de cœur, elle cesse aussitôt toute correspondance avec lui ; et lui, héroïquement, accepte de se taire, sachant le culte qu’elle a voué au souvenir du poète défunt. Là s’arrête, proprement, son « autobiographie ; » mais une note de l’éditeur, en manière d’épilogue, nous informe que Lossie a enfin reconnu son erreur, qu’elle est accourue auprès de Joseph pour le supplier de lui pardonner, et que ces deux cœurs, créés l’un pour l’autre, pourront du moins vieillir et mourir ensemble.

L’intrigue principale d’Alice Tout-Court va être plus facile à résumer. Un jeune peintre sans talent, Charles Heath, amène à ses parens une petite fille qu’il a ramassée dans la rue et qui, lui ayant dit qu’elle s’appelait « Alice Tout-Court, » gardera ce surnom jusqu’au bout du livre. Les parens de la petite fille sont morts tragiquement : le père s’est tué, la mère, après des années d’atroce ivrognerie, a terminé sa vie dans un hôpital ; mais leur enfant est un être délicieux, sage et bon, n’ayant hérité d’eux qu’une extrême sensibilité nerveuse qui va jusqu’au don de seconde vue. Recueillie chez les parens du peintre, riches et honnêtes bourgeois, elle ne tarde pas à se gagner tous les cœurs, et devient, en quelque sorte, le génie protecteur de cette famille. Dès le premier jour, elle adore secrètement le jeune peintre : mais elle ne peut pas l’empêcher d’épouser une cantatrice française, qui le trompe, le torture de toute façon, et finit par s’enfuir avec un amant ; et ce n’est qu’après la mort de cette femme, et après de longues années encore de passion silencieuse et d’obscur dévouement, qu’Alice se marie avec l’homme qu’elle aime. Mais autour de cette intrigue, relativement simple, l’auteur en a entremêlé plusieurs autres beaucoup plus compliquées. L’une d’elles, notamment, relève du spiritisme, avec maison hantée, fantômes de dames galantes du XVIIIe siècle, squelette découvert dans une cave, et reconstitution d’un crime ayant eu lieu, dans ladite maison, vers 1700 ; et nous assistons aussi, chemin faisant, à l’étrange aventure de la résurrection chirurgicale d’une vieille femme presque centenaire, qui, depuis trois quarts de siècle, repose, inconsciente, dans un lit d’hôpital, jusqu’au jour où on la rappelle à la vie en extrayant de son cerveau une pointe de fer, entrée là jadis accidentellement.


Comme on peut le voir par ces analyses sommaires, M. de Morgan, dans le choix de ses sujets, ne se soucie point de profondeur intellectuelle : ses récits n’ont rien de symbolique, et vainement on y chercherait l’ombre d’une « thèse, » ou même d’une signification un peu générale. Ce sont simplement des histoires, des suites d’aventures inventées pour le divertissement de l’auteur et le nôtre. Il n’y a pas jusqu’à la nouveauté qui, le plus souvent, ne leur fasse défaut. Comment, par exemple, ne pas songer aux deux mariages de David Copperfield, devant les deux mariages de Joseph Vance ? et au dévouement timide et passionné de la petite Dorrit devant le muet amour d’Alice pour le peintre qui l’a recueillie ? Comment ne pas voir transparaître, sous la figure du jeune Joseph, celle du jeune Pip, telle que nous l’ont révélée les Grandes Espérances ? Et j’ai dit déjà que Dickens était loin d’avoir exercé l’influence la plus forte sur la formation littéraire de M. de Morgan.

La vérité est que les romans de celui-ci ne rachètent leurs nombreux défauts de composition et d’exécution ni par l’originalité des aventures qu’ils nous racontent, ni par leur portée psychologique ou morale, ni, tout compte fait, par aucun mérite qu’il me soit possible de définir bien précisément. Et cependant, avec tout cela, je défie qu’on les lise sans éprouver une impression de tendre douceur, de grâce vivante, et de jeune gaîté. Un charme s’en dégage que nous nous reprochons presque d’avoir à subir, mais qui nous saisit le cœur invinciblement, tout à fait comme celui qui ressort, dans les romans de Dickens, des combinaisons parfois les plus invraisemblables ou les plus banales ; et certes je n’ai rien rencontré, parmi la foule des romans anglais que je viens de lire, qui m’ait procuré autant de bien-être, ou qui m’ait paru d’une qualité littéraire à la fois aussi précieuse et aussi personnelle, que ces deux romans mal composés, interminables, remplis d’aventures extravagantes, semés d’à peu près et de calembours.

C’est que M. de Morgan, sous la grande abondance de ses défauts naturels ou acquis, possède l’art mystérieux de prêter la vie à ses inventions. Ses personnages ont beau nous être connus d’avance, et les situations où il nous les montre ; c’est assez qu’il s’empare de ces personnages et de ces situations pour les évoquer à nos yeux avec une réalité si directe et si proche, avec une telle chaleur de réalité, que force nous est aussitôt de les tenir pour vrais, ainsi que nous sentons qu’il les tient lui-même, et de partager le plaisir ou la tristesse qu’ils engendrent en lui. Peut-être, toutefois, le second de ses romans est-il d’une réalisation trop imparfaite, surtout dans sa dernière partie, pour que nous puissions en goûter librement la saveur poétique ; mais le premier, Joseph Vance, nous est une source à peu près continue d’illusion et de ravissement romanesques : toutes les figures, jusqu’aux plus passagères, y ont un naturel, un relief, et la plupart une simple et charmante beauté intérieure, qui non seulement suffisent pour nous convaincre de leur existence, mais qui encore nous attachent à elles d’un lien profond de respect, de pitié, ou d’affection familière, tout comme nous restons attachés pour toujours à certains premiers rôles et à tous les comparses de l’éternelle « comédie humaine » de Dickens. Les jeunes femmes, en particulier, je ne saurais dire combien elles sont aimables, dans les deux romans de M. de Morgan, et combien différentes de l’héroïne habituelle des autres romanciers de sa race. Nul vestige, chez elles, d’indépendance morale, ni d’aspirations combatives, ni de cette déplaisante raideur que les confrères de M. de Morgan s’accordent à prendre pour du « caractère ; » mais, en échange, quelle inépuisable richesse de cœur, chez ces belles jeunes femmes qui ne savent qu’aimer, et quelle lumière bienfaisante dans le sourire de leurs grands yeux bleus !

Incontestablement, l’homme qui a imaginé ces figures, Lossie Thorpe, et Janey Vance, et Alice Tout-Court et Marguerite Heath, l’homme qui a su créer des êtres de chair et de sang comme le père de Joseph Vance, le vieux docteur Thorpe, le peintre « raté » Charles Heath et son ami M. Jeff, un tel homme apporte au roman anglais un magnifique trésor de promesses et d’espoirs. La suite de son œuvre répondra-t-elle à ce commencement, et M. de Morgan aura-t-il la bonne chance de rendre à sa patrie un nouveau Dickens ? C’est ce qu’il est, naturellement, impossible de prévoir. Mais j’ai la certitude que son avenir littéraire dépendra au moins autant de lui-même que du hasard des circonstances. Il dépendra du plus ou moins d’empressement que mettra le jeune écrivain à se rendre compte de la diversité qui existe, fatalement, entre son imagination, sa curiosité propres, et celles du public. Lorsque Dickens, autrefois, s’est aperçu que les lecteurs anglais avaient perdu le goût du vieux roman picaresque, tel qu’il l’avait lui-même glorieusement pratiqué, après l’avoir appris de ses maîtres Fielding et Smollett, bravement il a résolu de pratiquer le genre nouveau du roman d’intrigue ; et la complication de l’intrigue dans l’Ami Commun et dans Edwin Drood ne l’a pas empêché de rester le puissant créateur de vie qu’il était. Puisse, pareillement, M. de Morgan consentir à se préoccuper des exigences du goût moderne, en fait de roman, et sacrifier à ce goût l’exubérance, jusqu’ici indomptée, de sa fantaisie ! C’est à ce prix seulement que son remarquable et délicat talent pourra porter ses fruits.


II

Lorsque, il y a quatre ou cinq mois, l’idée m’est venue d’étudier la situation présente du roman en Europe, j’ai écrit aux divers éditeurs anglais pour les prier de vouloir bien m’envoyer ceux de leurs romans nouveaux qui, à leur sentiment, possédaient une véritable valeur littéraire. Avec une obligeance dont il faut, d’abord, que je les remercie, ces messieurs ont encore dépassé mon désir : au lieu de choisir pour moi les meilleurs, parmi leurs romans de l’année, ils me les ont envoyés tous, me donnant ainsi à entendre que, pour leur cœur paternel, chacun de ces enfans était digne de ses frères. Si bien que je me suis vu en présence de plus de cent cinquante volumes, et dont les deux tiers, — je dois l’avouer, — étaient l’œuvre d’écrivains que je n’avais jamais eu l’occasion de lire jusqu’alors. Impossible de deviner la valeur de ces volumes d’après leur aspect extérieur : presque tous, au point de vue de la typographie, du papier, de la reliure, m’attiraient également par un mélange parfait d’élégance et de commodité. Impossible de deviner leur valeur d’après les opinions exprimées sur eux dans la presse, encore que beaucoup d’entre eux, dans des pages supplémentaires ou des feuilles encartées, reproduisissent quelques lignes de ces opinions : car celles-ci étaient invariablement des éloges, et presque toujours d’un enthousiasme trop vague pour avoir de quoi me renseigner sur le mérite particulier d’œuvres dont elles se bornaient à me garantir l’excellence. Il m’a donc fallu m’informer par moi-même de ce mérite, et, ne pouvant faire un choix, explorer tour à tour les cent cinquante romans. L’exploration a été longue : mais elle s’est trouvée, au total, infiniment plus facile que je ne l’aurais cru, et m’a laissé une impression d’ensemble tout à fait agréable.


D’une façon générale, le romancier anglais d’aujourd’hui connaît mieux son métier, et surtout l’aime mieux, que la moyenne de ses confrères dans les autres pays. C’est là une preuve frappante de la force et de l’heureux effet des traditions pieusement gardées. Depuis un siècle, et jusqu’à une date toute proche de nous, le roman anglais s’est astreint à certaines limites esthétiques, et toujours a continué de traiter certains sujets, comme aussi d’employer à leur traitement certaines règles à peu près immuables. Il y a eu, ainsi, le roman d’aventures maritimes et coloniales, le roman campagnard, le roman « sportif, » le roman mondain et plus ou moins satirique, le roman religieux du type « anti-papiste, » et ce roman « excentrique, » ou plutôt extravagant, qui, comme j’ai eu plusieurs fois déjà l’occasion de le noter ici, tire son intérêt de l’excès même de son invraisemblance. Chacun de ces genres s’est maintenu presque intact, quant au fond, sous les changemens des modes et du goût, au point que, par exemple, tel roman de la vie en mer, que je viens de lire la semaine passée, ne diffère que très peu d’un roman du capitaine Marryat qui a ravi et passionné la jeunesse de nos grands parens ; et j’en pourrais dire tout autant des nouveaux romans campagnards, de ces idylles du Dorsetshire ou du Westmoreland qui, à la diversité près des costumes et des moyens de locomotion que l’on y voit décrits, rappellent de bien près l’œuvre des contemporains de Charlotte Brontë et de Mme Gaskell. Non pas que, au courant du siècle, tous les genres du roman aient eu cette fixité, ni que quelques-uns des vieux genres ne soient morts, et que quelques autres n’aient surgi à leur place. Mais, à côté de ces genres qui « évoluaient, » la plupart sont demeurés immobiles ; d’où il résulte qu’un jeune auteur, de nos jours, lorsqu’il entreprend d’écrire une œuvre romanesque, peut tranquillement se conformer à un programme qui lui est familier, et avec l’espoir de trouver aussitôt, pour le lire, un groupe nombreux de personnes ne lui demandant que de suivre ce programme, qui leur est également familier et cher. Il peut écrire un roman campagnard, ou maritime, ou même mondain, sans avoir à imiter tel ou tel de ses prédécesseurs en particulier, et sans avoir cependant à se mettre en frais d’originalité. Les traditions du genre le soutiennent, dirigent et règlent son effort, lui permettent de développer à son aise le germe de talent dont il se sent pourvu. En un mot, c’est à ces précieuses traditions qu’il doit, — du moins je le suppose, — de débuter dans le roman avec plus d’assurance, à la fois, et déjà d’expérience que son jeune confrère français ou italien. Et le fait est que, parmi les nombreux romans que j’ai lus, il m’a bien semblé que les médiocres étaient d’une médiocrité relativement plus « distinguée » que l’ordinaire des romans de chez nous. Je n’en ai trouvé aucun qui ne se laissât lire, et qui même n’offrît un mérite réel, soit pour l’invention de l’intrigue ou, plus souvent encore, pour l’observation des sites ou des mœurs. Après cela, peut-être les éditeurs ne m’ont-ils pas envoyé absolument tous leurs livres, et, faute de pouvoir appuyer leur choix sur d’autres critères, peut-être ont-ils voulu ne me donner à lire que ceux de leurs romans qu’ils savaient « lisibles ? »

Quoi qu’il en soit, je n’ai pas le souvenir de m’être ennuyé un instant, à la lecture de ces nombreux volumes ; et l’aimable impression que j’en ai remportée tient certainement, en partie, aux qualités propres des jeunes romanciers anglais : mais sans doute elle tient aussi, pour beaucoup, à la diversité des sujets traités. Car on n’a pas assez dit quelle action bienfaisante a exercée, sur le développement du roman anglais, ce règne séculaire des « convenances » qui, naguère encore, scandalisait les « délicats » aux quatre coins du monde. En interdisant aux romanciers d’insister jamais sur l’élément « sensuel » de l’amour, ces « convenances » les forçaient à chercher ailleurs des sources d’intérêt romanesque, et à les chercher en dehors de la peinture même de l’amour le plus idéal : celle-ci exigeant un art trop habile et trop raffiné pour pouvoir être continuée, durant tout un roman, sans courir le risque de lasser l’auteur et son lecteur. Aussi la peinture de l’amour n’a-t-elle tenu qu’une place très restreinte dans le roman anglais du XIXe siècle ; et c’est parce qu’ils ne pouvaient pas assigner à l’amour le premier rôle, dans leurs récits, que les romanciers ont pris l’habitude d’y admettre tout le reste des choses, chacun y introduisant les sujets qu’il avait le mieux observés, ou qui répondaient le mieux à sa curiosité personnelle. Il y a même eu des écoles de romanciers, et parmi les plus hardies et les plus « littéraires, » qui ont tout à fait exclu l’amour de leurs romans, sauf à le remplacer, — comme j’aurai bientôt à le noter plus en détail, — par des peintures ou des analyses autrement scabreuses que celles que leur défendait la « pruderie » de leur race. Mais dans tous les cas, avec ou sans une intrigue amoureuse, le roman anglais dispose aujourd’hui, grâce à la longue contrainte qu’il a eu à subir, d’un domaine infiniment vaste, et divers, et fécond. Il n’a point la liberté d’allures du vieux roman allemand, dont je parlais l’autre jour, et sa forme extérieure, le cadre où il est tenu de se renfermer, ressemble au moule ordinaire de notre roman français ; mais au lieu de n’y trouver que des histoires de fiançailles ou de concubinage, d’adultère ou de divorce, on y trouve autant et peut-être plus de manifestations de la réalité et du rêve que dans le roman d’outre-Rhin, politique et philosophie, ethnographie et visions mystiques, archéologie et prophétie, description minutieuse de la vie quotidienne et folle extravagance. Si j’avais à classer, suivant l’ordre des genres, les cent cinquante romans qui ont défilé devant moi, je suis effrayé du nombre des catégories qu’il me faudrait établir : mais on devine combien une telle diversité, dans la mesure même où elle rend difficile la tâche du critique, facilite et rend agréable celle du lecteur.

Ajouterai-je maintenant que le style, dans ces nouveaux romans anglais, m’a semblé très au-dessous de celui des romans d’autrefois ? Pendant tout le cours du siècle passé, les Anglais, par un privilège merveilleux, qui était peut-être encore un effet de leur attachement aux traditions nationales, ont conservé une langue littéraire, à l’écart et au-dessus du jargon de la conversation et du bas journalisme. Les plus médiocres romans des contemporains de Dickens, sans prétendre aucunement à l’élégance du style, étaient écrits avec un souci instinctif de la justesse des mots et de la correction grammaticale. Aujourd’hui, c’est comme si les jeunes auteurs s’efforçaient, d’une part, à « relever » leur style en y multipliant les tournures et les expressions les plus affectées, et, d’autre part, apportaient à leur métier une singulière ignorance du génie et des coutumes de la langue anglaise classique : ce qui produit, sur un lecteur étranger, une sensation bizarre et assez déplaisante, bien éloignée de la sensation d’honnête et sûre clarté que lui donnaient les romans anglais des générations précédentes. Pareille aventure est arrivée naguère chez nous, où nous avons vu le langage courant des romanciers, sous la double influence du journal et des maîtres de « l’art pour l’art, » devenir, tout ensemble, infiniment plus incorrect qu’auparavant et plus prétentieux ; mais l’Angleterre, jusqu’à nos jours, avait heureusement échappé à celle contagion.


Aujourd’hui même, d’ailleurs, quelques-uns de ses jeunes écrivains tâchent de leur mieux à y échapper. J’en ai rencontré plusieurs qui, ayant reçu sans doute une excellente éducation littéraire, ont réussi à se pourvoir d’un style personnel, et fort bien adapté à leur tour d’esprit. Et si aucun autre, certes, de ces nouveaux venus ne m’a paru offrir d’aussi belles promesses que M. de Morgan, il y en a plus d’une vingtaine dont le tempérament est assez original, ou le talent assez remarquable, pour mériter d’être mis en lumière. Mais avant d’aborder l’œuvre de ces débutans, il faut d’abord que je signale brièvement les derniers ouvrages de certains de leurs aînés, dont le nom est, dès maintenant, familier au lecteur français.


III

Les deux burgraves du roman anglais, M. Georges Meredith et M. ‘Thomas Hardy, se sont depuis longtemps retirés du combat. Le bruit même qui retentissait, naguère encore, autour de leurs noms, semble s’être apaisé[4], et j’imagine que chaque année voit décroître le nombre de leurs lecteurs, qui, du reste, n’a jamais été bien grand, en comparaison de leur renommée. Et pourtant, — chose curieuse, mais nullement exceptionnelle, ni inexplicable, — leur influence littéraire devient de plus en plus forte, au lieu de s’affaiblir avec le déclin de leur popularité. Le public ne les lit plus, ni peut-être les jeunes écrivains : mais ceux-ci subissent leur action indirectement, par l’intermédiaire d’autres hommes qui l’ont subie avant eux. Ils croient s’inspirer de tel ou tel de leurs aînés immédiats, ou de leurs contemporains, tandis qu’en réalité leurs véritables inspirateurs se trouvent être l’auteur de Jude l’Obscur ou celui des Aventures de Harry Richmond. Ainsi, souvent, il suffit à un maître de former un seul élève pour donner ensuite naissance à toute une école. De M. Hardy, les romanciers apprennent, surtout, à « corser » et à « étoffer » l’intrigue de leurs romans provinciaux. Dans ces villages écossais ou gallois où leurs prédécesseurs plaçaient de naïves idylles, ils placenta présent des drames, avec des types d’humanité vigoureux et volontiers un peu inquiétans, ou bien ils entremêlent l’étude d’un « cas de conscience » à la peinture des mœurs commerciales d’une petite ville. Et quant à M. Meredith, je ne serais pas surpris que, sans Je vouloir, il eût beaucoup contribué à cette perturbation du langage littéraire que je déplorais tout à l’heure, en accoutumant les jeunes gens à tenir la subtilité pour une condition essentielle de toute profondeur et de toute beauté. D’une manière générale, l’un des traits les plus caractéristiques du roman anglais d’aujourd’hui est un certain manque de naturel, une tendance à craindre la simplicité jusque dans les sujets les plus simples : et il n’est pas impossible que la faute en revienne à ce Mallarmé du roman qu’a été, toute sa vie, M. Meredith.

Heureusement, l’influence de l’illustre vieillard ne s’est point bornée là, tout au moins sur ceux de ses successeurs qui ont pris la peine de pénétrer dans l’intimité de son œuvre. Ceux-là ont appris de lui à créer des situations et des figures assez complexes pour justifier la subtilité des moyens employés à leur expression. Et il y en a un, M. Maurice Hewlett, qui s’est imprégné si à fond de l’art de M. Meredith qu’il est parvenu, pour ainsi dire, à pratiquer cet art d’une façon plus « meredithienne » que son maître lui-même. Son dernier roman, la Dame qui se baisse, est, à ce point de vue, un vrai tour de force[5]. Tous les procédés du vieux mai Ire s’y retrouvent, mais condensés, « sublimés, » savamment appropriés à leur destination, et puis, en même temps, rajeunis et comme mis à notre portée, au point que la lecture de cette Dame qui se baisse pourrait servir d’initiation à l’étude de la Carrière de Beauchamp et de Sandra Belloni. Avec une habileté merveilleuse, M. Hewlett, tout en s’amusant à composer une variation sur des thèmes de M. Meredith, a extrait du talent confus et désordonné de celui-ci toute sorte d’élémens ingénieux, piquans, et de la singularité la plus amusante. Non pas que les quelques bons romans de M. Meredith ne contiennent, par-delà ce que leur a emprunté M. Hewlett, des qualités « inempruntables » de fantaisie psychologique et de fiévreuse passion cérébrale ; mais, d’autre part, combien nous apparaissent plus accessibles, sous l’adaptation de son jeune élève, l’élégance contournée de son style, le scintillement bariolé de ses images, et cette allure perpétuelle de diseur de concetti qui rattache le vénérable doyen des romanciers anglais à Barbey d’Aurevilly autant et peut-être plus qu’à Stéphane Mallarmé !

Pour accentuer son tour de force, M. Hewlett a donné à ce récit, infiniment raffiné, un sujet simple, banal, et assez répugnant. La petite-fille de l’une des dames les plus fières de l’aristocratie anglaise, — en 1809, sous le règne de George III, — s’éprend d’un jeune garçon boucher, qu’elle a vu assénant un coup de poing, dans la rue, à son oncle, lord Morfa. Ou plutôt ce n’est pas de ce garçon boucher qu’elle s’éprend, — bien qu’elle lui ait trouvé, tout de suite, un air magnifique, mais d’un amant mystérieux qui, chaque matin, durant des mois, lui fait parvenir un bouquet de violettes blanches. Un beau jour, la noble jeune fille s’aperçoit qu’elle aime, irrésistiblement, l’inconnu qui lui envoie ces fleurs : sur quoi David Vernour, le boucher, se fait connaître, et elle se donne à lui corps et âme, et annonce à sa grand’mère qu’elle va l’épouser ; et lorsque le galant et héroïque boucher est expose au pilori, pour avoir pris part à une émeute socialiste, la petite-fille de lady Morfa, courtisée par le prince de Galles, sollicitée en mariage par tous les ducs et marquis des trois royaumes, va s’installer au pied du pilori, afin de partager le déshonneur de son fiancé. Telle est, exactement, toute l’histoire que nous raconte M. Hewlett, avec sa banalité romantique, sa grossièreté, et son invraisemblance : et c’est à cette histoire qu’il a su prêter un charme extraordinaire d’élégance à la fois mondaine et poétique, par l’insinuante souplesse de sa narration, l’éclat chatoyant de ses peintures, et l’agencement délicat, sans cesse nuancé et varié, de sa phrase. Dépouillé de son ornementation extérieure, son roman apparaîtrait d’une pauvreté pitoyable : car les défauts de l’intrigue n’y sont pas même compensés par une analyse vivante des caractères, ni par la reconstitution pittoresque d’une époque ou d’un milieu social ; mais l’autour, avec une maîtrise incroyable de prestidigitation, nous suggère l’illusion de trouver dans son livre tout cela, qui y manque.


IV

Beaucoup plus jeune que M. Meredith et que M. Hardy, M. Rudyard Kipling est cependant, lui aussi, un vétéran du roman anglais, et dont l’œuvre semble bien être désormais accomplie. Après plusieurs années d’une production admirablement abondante et vivace, c’est comme si le ressort de son imagination s’était, brusquement et irrémédiablement, détendu. Déjà le dernier grand roman qu’il a publié, Kim, — peut-être se souvient-on que je l’ai signalé ici[6], il y a quelques années ? — dénotait une certaine fatigue de l’invention créatrice, incomplètement dissimulée sous l’immense effort des peintures exotiques et des artifices du style. Mais celle lassitude s’est révélée bien plus encore dans une façon de recueil de contes pour les enfans, qui est le seul ouvrage un peu considérable produit par M. Kipling depuis l’insuccès relatif de son Kim. Le recueil s’appelle Puck du Mont Pook[7]. D’une montagne ainsi nommée, deux enfans voient sortir un petit gnome qui leur révèle qu’il est le Puck du Songe d’une nuit d’été, et qui, tour à tour, ressuscite devant eux des scènes de la légende ou de l’ancienne histoire nationales, depuis l’aventure célèbre du Forgeron Wieland jusqu’aux démêlés du roi Jean avec les Juifs du royaume. Toutes ces scènes, on l’entend bien, ont pour objet d’éveiller chez les jeunes compagnons de Puck les sentimens « impérialistes » chers à M. Kipling, et notamment de leur inspirer le respect de la force, l’amour du combat, l’orgueil du noble sang qui coule dans leurs veines Et il va sans dire aussi que, à chaque page, l’enseignement moral s’accompagne d’ingénieuses trouvailles de mots ou d’images, nous rappelant ces étonnantes qualités de richesse et d’originalité verbales qui, jadis, ont le plus activement contribué à la gloire soudaine de Fauteur du Livre de la Jungle et des Contes des Montagnes. Hélas ! ni la drôlerie piquante de maints tours de phrase, ni la portée patriotique des évocations de Puck, n’ont suffi, cette fois, à divertir le public anglais ! Les enfans se sont trouvés d’accord avec leurs parens pour bâiller au récit des exploits du fabuleux forgeron ; et il n’y a pas jusqu’aux prouesses des Chevaliers de la Joyeuse Aventure qui n’aient échoué à les dérider. Le fait est qu’un froid glacial se dégage de ce Puck du Mont Pook, et sans que l’on puisse expliquer bien au juste ce qui le produit, tandis que le même ton de narration, et des procédés d’humour tout semblables, avaient ravi les lecteurs des premiers recueils de M. Kipling. Se serait-on trompé sur l’auteur de ces recueils, comme l’affirment couramment, aujourd’hui, les critiques de la génération nouvelle ? ou bien est-ce lui-même qui s’est trompé, en se figurant que la verve de ses formules, unie à l’exaltation effrénée de la vanité et de l’ambition natives de sa race, pourrait indéfiniment lui tenir lieu de cette chaleur de sympathie que tous les grands romanciers ont mise à concevoir les hommes et les choses qu’ils nous présentaient ? Et consentira-t-il enfin à reconnaître, après l’échec trop certain de son dernier livre, que toutes les ressources de l’esprit sont insuffisantes pour rendre durable la vie d’une œuvre d’art, si l’on n’y ajoute pas le libre don, le don gratuit et complet, de son cœur ?


Ce don précieux, jamais M. George Wells ne l’a refusé aux aventures même les plus étranges que nous avons vues jaillir de son fécond et charmant génie. Qu’il nous racontât l’effroyable invasion de l’Angleterre par les habitans de la planète Mars, ou simplement les médiocres amours d’un maître d’études et d’une sténo-dactylographe dans la banlieue de Londres, nous avons toujours senti que les histoires qu’il inventait l’intéressaient, lui-même, profondément : et ainsi il n’y a point d’invraisemblance qu’il n’ait réussi à nous faire admettre. Son œuvre, quand on la jugera d’ensemble, dans quelques années, surprendra par la richesse de vie qu’il y a déposée : sous la singularité plus ou moins « scientifique » des sujets de ses romans, on découvrira un groupe nombreux de figures caractéristiques, chacune ayant sa physionomie propre, chacune observée et reconstituée avec un art excellent de conteur-psychologue. Malheureusement, un accident est arrivé à M. Wells, depuis quelques années, qui risque de nuire à la qualité littéraire de sa production présente et future. Dans son dernier roman, il imagine qu’une comète, en touchant la terre, a transformé celle-ci au point d’en faire un véritable paradis ; et sans cesse le héros du roman, dans les « mémoires » qu’il est censé rédiger à notre intention, divise l’histoire du monde en deux époques : « avant » et « après » la Comète. Or, de la même façon, on serait tenté de diviser en deux époques l’œuvre romanesque de M. Wells : « avant » et « après » la conversion de l’auteur au socialisme.

M. Wells était né pour saisir et nous traduire, par le moyen d’une ironie des plus originales, l’incurable faiblesse de notre raison, l’inanité des soi-disant « conquêtes » de notre science, et ! le fond d’animalité que cache le développement, tout extérieur, de notre civilisation. On n’a pas oublié avec quel admirable mélange d’observation positive et d’invention fantastique son Ile du docteur Moreau, sa Guerre des Mondes, sa Machine à explorer le temps, son Place aux Géans ! en nous montrant la petitesse misérable et la foncière ignominie de notre condition, variaient l’exposition d’une doctrine philosophique qu’on aurait dite sortie tout droit de Montaigne ou des Pensées de Pascal. Et c’était d’une doctrine analogue que s’inspirait encore M. Wells lorsque, dans d’autres romans, il nous décrivait le triomphe de la sottise et de l’injustice dans la société à venir, l’utilisation de la science pour l’écrasement du pauvre par le riche, la substitution imminente, à toute beauté corporelle et morale, d’un « intellectualisme » égoïste et méchant. Jusque dans son roman d’analyse sentimentale, L’Amour et M. Lewisham, il ne pouvait s’empêcher encore d’opposer aux vaines agitations de la pensée la bienfaisante et exquise douceur d’un naïf amour[8]. Comme d’autres sont faits pour exalter leur siècle, M. Wells, par nature, était évidemment fait pour le déprécier ; ou plutôt, il était fait pour déprécier cet orgueil humain que tous les temps ont connu, mais qui jamais ne s’est affirmé aussi bruyamment que sous le règne présent de l’automobile et du phonographe.

C’est contre cet orgueil qu’avait lutté Dickens ; et le fait est que tout semblait promettre à M. Wells, dans la littérature anglaise, un rôle comparable à celui de l’auteur des Contes de Noël : le rôle d’un romancier véritablement « national, » jouissant à la fois de l’estime des lettrés et de la tendre affection du peuple. Mais Dickens, ainsi que je le notais tout à l’heure, s’était s’appuyé sur une croyance religieuse ; et cette bonne fortune manquait à M. Wells, trop nourri des hypothèses des Huxley et des Hæekel pour pouvoir se soumettre à la foi chrétienne, tandis que, d’un autre côté, il avait trop de sens pour suivre ces savans, par delà leurs négations, dans les dogmes de l’idolâtrie « scientifique » qu’ils prétendaient créer. Si bien que, ayant au fond de l’âme le besoin d’un dogme, il fut conduit par les circonstances à le chercher dans les utopies socialistes, qui, du moins, répondaient aux aspirations généreuses de son cœur. Après nous avoir décrit naguère, et à plusieurs reprises, le cauchemar d’une organisation sociale supprimant du monde toute liberté et toute beauté, sous prétexte de nivellement collectiviste, il se mit à rêver lui-même un tel nivellement, et nous exposa d’abord son rêve nouveau dans des ouvrages de pure théorie, tout semés de vues ingénieuses et d’amusans paradoxes. Après quoi, fatalement ressaisi par son génie de conteur, il voulut recommencer la série de ses romans, pour l’employer désormais à la propagation et à la défense de l’idée socialiste ; et alors s’ouvrit, dans son œuvre, une seconde période, de même qu’il nous prédit qu’une deuxième ère naîtra, pour notre globe, de l’heureuse rencontre de celui-ci avec une comète.

Mais je ne crois pas que personne, même parmi ses admirateurs les plus assidus, puisse juger heureuse cette deuxième ère de sa vie de romancier. Car non seulement l’ardeur de ses convictions l’empêche de s’intéresser autant qu’il devrait aux inventions romanesques qui servent de cadre et de supporta sa thèse ; non seulement le sociologue, à présent, reparaît toujours sous le romancier : nous sentons, en outre, que l’idéal socialiste et « moderniste » qu’il nous prêche lui tient beaucoup plus à la tête qu’au cœur, et qu’à chaque instant il est obligé de faire un effort sur soi-même pour se pénétrer du sérieux et de la vérité de ses affirmations. Son dernier roman, en particulier, Aux jours de la comète[9], causera une déception pénible à tous ceux qu’auront enchantés, jadis, sa Guerre des Mondes et son délicieux récit des amours de M. Lewisham.

Ils y trouveront bien une intrigue amoureuse, les aventures d’un jeune commis qui, apprenant la fuite de sa fiancée avec un riche « milord, » se lance à la poursuite du ravisseur, le rejoint, et déjà lève la main pour le tuer, lorsque le choc soudain de la comète, en même temps qu’il transforme la terre en un paradis, le transforme en un parfait communiste, tout prêt à céder sa bien-aimée à son ex-rival, devenu son frère. Et, autour de cette intrigue, M. Wells nous offre encore nombre d’épisodes, destinés à mettre en relief l’énorme différence des mœurs, des sentimens, et de toute la vie humaine, avant et après l’opportune comète : nous faisant assister, par exemple, durant la période « pré-cométale, » à une grève, à une discussion théologique suivie d’un vol, voire au début d’une guerre anglo-allemande, et nous montrant ensuite, durant l’autre période, une extraordinaire réunion des ministres anglais, où ces messieurs, — brusquement convertis au socialisme, grâce à la comète, — profitent de la présence accidentelle du jeune commis pour lui avouer leurs ambitions, leurs crimes, la folie scandaleuse de leur politique. Les faits ne manquent pas, à coup sûr, dans le récit nouveau ; mais l’auteur les raconte si précipitamment, avec un tel air de n’y attacher aucune importance, que nous les apercevons comme dans un brouillard, sans parvenir jamais à en être émus, ni à y prendre plaisir. Jusqu’au moment où se produit l’intervention de la comète, annoncée à tout propos dès le seuil du livre, nous attendons cette intervention et nous impatientons d’être tenus en suspens ; et lorsque enfin elle se produit, nous sommes étonnés de la pauvreté de ceux de ses résultats qui nous sont révélés. Le héros, s’éveillant d’un évanouissement provoqué par le choc, constate que toutes choses, autour de lui, sont maintenant plus belles et semblent plus vivantes ; puis il cause, fraternellement, avec un inconnu qu’il voit couché près de lui, et qui se trouve être le président du Conseil des ministres ; sur quoi viennent la séance ministérielle que j’ai dite, la réconciliation avec le ravisseur, la mort d’une vieille dame, et, pour finir, un tableau sommaire des améliorations introduites dans la vie publique et privée de l’humanité de demain. Et c’est sur ce tableau que se fonde M. Wells pour nous affirmer que, le jour où sera réalisé son idéal socialiste, les hommes ne connaîtront plus nul besoin de religion, nulle curiosité métaphysique, et goûteront une joie proprement céleste ! Sans compter qu’il néglige tout à fait de nous apprendre par quel moyen nous pourrons hâter la rencontre de notre globe avec cette comète, qui, dans son roman, nous apparaît comme l’unique et nécessaire condition de l’avènement parmi nous de son socialisme !


J’ai signalé ici, il y a deux ou trois ans, l’incroyable succès d’un roman de Mme Thurston, John Chilcote, membre du Parlement[10], où un député morphinomane se faisait remplacer, non seulement à la Chambre des communes, mais jusque dans sa maison et auprès de sa femme, par un inconnu qui lui ressemblait, littéralement, trait pour trait. Puis l’inconnu, un jour, révélait à la jeune femme qu’il n’était pas son mari. Mme Chilcote s’accommodait à merveille de la substitution, et, à la mort du véritable mari, continuait sa vie conjugale avec le remplaçant, sans que sa conscience ni celle du faux Chilcote éprouvât le moindre scrupule d’un tel procédé. Cette histoire extravagante avait ravi toute l’Angleterre : mais il a suffi à Mme Thurston de vouloir la recommencer pour ouvrir les yeux de ses compatriotes sur l’extrême pauvreté de sa fantaisie, et sur les lacunes de son expérience professionnelle. Son dernier roman, Les Mystiques[11], a passé presque inaperçu, malgré les char-manies images dont il était illustré. Elle y racontait l’aventure d’un jeune homme qui, à Londres, dans un groupe d’illuminés, réussissait à s’imposer comme le Saint-Esprit, l’incarnation vivante du Paraclet attendu jadis par Joachim de Flore. Une riche et belle jeune femme s’éprenait de lui, puis, ayant découvert sa tromperie, et la voyant découverte par la communauté, était trop heureuse de pouvoir lui livrer sa fortune en même temps que son cœur. Tout cela débité avec cet extraordinaire dédain de la vraisemblance qui, naguère, n’avait nullement choqué les lecteurs de John Chilcote ; mais je crains bien que le prochain roman de Mme Thurston n’ait plus l’occasion de choquer aucun lecteur, si l’auteur ne se décide pas à y introduire des figures à la fois plus vraies et moins répugnantes que celles de l’imposteur des Mystiques et de sa maîtresse.

M. Hall Caine, dont l’Enfant prodigue[12]avait rivalisé en popularité avec John Chilcote, n’a fait paraître, depuis lors, qu’un roman anti-alcoolique, qu’il a extrait d’un mélodrame joué précédemment. Mais ni le roman ni le drame ne relèvent, en vérité, de la littérature ; et rien ne subsiste plus, chez M. Hall Caine, du jeune poète formé jadis dans l’intimité des maîtres de l’école préraphaélite. Combien plus intéressant et plus touchant est le cas de M. Conan Doyle ! Cet homme d’une gloire aujourd’hui universelle était, il y a une quinzaine d’années, un savant médecin, doublé d’un lettré, et qui occupait ses loisirs à écrire des romans. Il s’était adonné surtout au genre historique, et ses premiers livres, sans être d’une originalité bien marquée, se distinguaient par un très louable souci de probité, aussi bien au point de vue de la documentation érudite qu’à celui de la composition et du « métier » littéraire. Mais ni ses romans historiques, ni d’autres essais du jeune médecin n’étaient parvenus à le tirer de l’obscurité, lorsque, tout à coup, un médiocre petit roman imité de notre Gaboriau attira sur lui l’attention publique. Le héros du roman était un détective amateur, un Lecoq anglais, du nom de Sherlock Holmes. Aussitôt tous les éditeurs, tous les directeurs de revues, demandèrent à M. Conan Doyle des histoires de criminels devinés et pourchassés par l’ingénieux Sherlock Holmes ; et M. Conan Doyle les satisfit de son mieux, tout en aspirant au jour où il pourrait se remettre à des travaux plus dignes de lui. Une ou deux fois, il alla même jusqu’à tuer son héros, afin de se forcer ainsi à n’en plus parler. Et toujours le public anglais, de son côté, lui signifiait qu’il ne voulait point l’entendre parler d’autre chose : de sorte que M. Doyle se voyait contraint de ressusciter Sherlock Holmes, et d’ajourner encore ses beaux rêves d’artiste. Une dernière fois, l’année passée, il a tenté d’échapper à l’étreinte du terrible policier amateur ; et le grand roman historique qu’il a publié dénotait vraiment un effort littéraire des plus méritoires : mais le roman a ennuyé, l’effort, infiniment respectable, de l’auteur, est resté inutile, et voici M. Conan Doyle condamné, sans doute, à préparer tristement une nouvelle résurrection de son Sherlock Holmes !


J’aurais encore à rappeler bien d’autres noms, depuis celui de la vénérable et infatigable miss Rhoda Broughton jusqu’à celui de Mme Humphry Ward, qui naguère, dans sa Fille de lady Rose, a renouvelé sa manière avec le talent et l’agrément que l’on sait. Mais ni ces deux écrivains, ni aucun des autres aînés du roman anglais n’a rien produit, ces années passées, qui eût de quoi modifier notre opinion sur eux ; et il faut maintenant que j’essaie de définir, à l’aide de quelques exemples précis, les tendances qui sont en train de se manifester dans la pensée, les sentimens, et les procédés littéraires, des mieux doués entre les romanciers de la génération d’aujourd’hui. Ce sera l’objet d’un article prochain.


T. DE WYZEWA.

  1. Voyez la Revue du 15 février 1907.
  2. Parmi les principales nouveautés « dickensiennes » de l’année, je dois signaler encore la réédition, en dix-huit petits volumes populaires, des fameux numéros de Noël des deux revues All the year Round et Household Words. Chaque hiver, Dickens imaginait un roman « à tiroirs » ou un cycle de contes, dont il écrivait lui-même les premiers chapitres, et confiait ensuite l’achèvement à divers collaborateurs. Les chapitres écrits par lui figurent dans toutes les éditions de ses œuvres, et plusieurs d’entre eux sont justement tenus pour des merveilles d’émotion ou de fantaisie : mais les suites de ces Histoires de Noël n’avaient encore jamais été réimprimées. Elles abondent en pages charmantes, écrites notamment, sous l’inspiration directe du maître, par Mme Gaskell, Wilkie Collins, Robert Buchanan, Edmond Yates. etc.
  3. Joseph Vance, an ill-written Autobiography ; Alice-for-short, a Dichronism, deux vol. Londres, librairie Heinemann, 1906 et 1907.
  4. Je viens cependant de recevoir un volume nouveau entièrement consacré à la glorification du génie de M. Meredith. Il est intitulé : George Meredith, novelist, poet, reformer (Methuen, 1907), et a été écrit par Mlle M. Sturge Henderson, avec la collaboration de M. Basile de Selincourt.
  5. The Stooping Lady, par Maurice Hewlett, 1 vol. Londres, Macmillan, 1907.
  6. Voyez la Revue du 15 octobre 1901. »
  7. Puck of Pook’s Hill, par Rudyard Kipling, 1 vol. illustré, Londres, Macmillan, 1906.
  8. Ai-je besoin de rappeler que tous ces romans de M. Wells, excellemment traduits par M. Davray, ont paru à la librairie du Mercure de France ?
  9. At the Days of the Comet, par G. Wells, un vol. Londres, Macmillan, 1907.
  10. Voyez la Revue du 15 novembre 1904.
  11. The Mystics, par Mme K. C. Thurston, un vol. illustré, Londres, Blackwood, 1907.
  12. Voyez la Revue du 15 novembre 1904.