Le Poulailler/Chapitre33

Librairie agricole de la Maison rustique (p. 302-305).

CHAPITRE II

Cuisson des volailles.


Quoique, je ne veuille pas faire concurrence au Cuisinier royal, je dois dire un mot des différentes manières de préparer les volailles pour la table. On trouve dans tous les livres de cuisine des recettes nombreuses et variées pour accommoder la volaille, mais on parle peu ou point de la façon de les faire rôtir.

Les combustibles à employer de préférence sont : le charbon de bois, sans fumerons, pour la coquille ; et pour la cheminée, le bois bien sec, fendu assez menu, et produisant un feu clair et ardent.

Quand ces combustibles sont habilement employés, il n’y a pas, quoi qu’en disent de vieux et difficiles gourmets qui prêtèrent le bois, la moindre différence appréciable dans le goût de la pièce rôtie.

Un poulet doit être mis à la broche après avoir été scrupuleusement nettoyé à l’intérieur comme à l’extérieur, et flambé convenablement avec du papier blanc, et non du papier gris, du papier gras ou du papier sale.

Un poulet jeune et de petite taille doit être cuit rapidement et être saisi par un feu clair et vif.

Un poulet moyen, gras, ainsi qu’une poularde de petite taille, doivent être mis à un feu vif, mais modéré, et rester jusqu’à ce qu’un œil exercé reconnaisse le point convenable de la cuisson, soit par la simple vue, soit par des ponctions habiles faites à l’aide d’un couteau pointu ou d’une fourchette, pour examiner la couleur du jus.

Un très-gros et très-gras poulet doit être présenté à un feu bon, mais modéré, et rester longtemps, afin que la chaleur pénètre assez avant et assez longtemps pour que les cuisses soient cuites intérieurement.

On doit, au reste, présenter de préférence, et plus longtemps que les autres, ces parties du côté du feu, en ayant soin de les incliner du côté opposé aux filets (pectoraux), afin que ces délicieuses parties ne se dessèchent pas. Du reste, l’intelligence de la personne chargée de cette mission vraiment importante peut faire d’une même volaille un manger détestable ou un mets délicieux[1].

Le poulet, en général, mais surtout le poulet très-gras, est de beaucoup préférable lorsqu’on le mange froid, et je ne me départirais jamais de cette règle, si j’étais gourmand, de mettre vingt-quatre à quarante-huit heures de distance, suivant la saison, entre la mort et la cuisson d’une volaille rôtie, et six heures au moins entre la cuisson et le moment de la servir.

Un beau poulet gras de Houdan, de Crèvecœur, de la Flèche, ou un énorme métis engraissé, cuit à point, bien refroidi, accompagné d’excellent vin blanc, de bon fromage et de café savoureux, servi à des chasseurs rassemblés sous une tonnelle, au retour d’une joyeuse ouverture de chasse, est un déjeuner aussi simple qu’appétissant.

Les poules ou coqs de deux et trois ans, engraissés naturellement et soumis à un séquestre de huit jours, dans des endroits très-propres, ainsi que de gros poulets brahmas ou cochinchines adultes, bien en chair, peuvent devenir un plat excellent, préparés de la manière suivante :

La volaille, bien nettoyée et bien flambée, doit être dépecée par morceaux moyens. La jambe en trois parties (fémur, tibia et pattes) ; l’aile en deux ; le cou en trois ou quatre ; le corps, séparé en long par moitié, est ensuite coupé par morceaux convenables, sans détacher la chair des os.

On fait revenir légèrement le tout dans le beurre ; il faut que les morceaux soient à peine jaunis, après quoi on ajoute de l'eau de façon que la fricassée baigne plus ou moins, suivant la fermeté supposée du sujet ; car une volaille dure doit nécessairement rester plus longtemps, et il faut prendre ses mesures de façon qu’il ne soit jamais besoin de remettre d’eau pendant la cuisson, et que cependant le plat soit largement pourvu de sauce. Il faut faire cuire à très-petit feu, sans interruption, et bien couvrir, afin d’éviter l’évaporation.

Lorsque le ragoût, bien épicé, est près d’être cuit, ce qui a lieu en une heure ou deux, suivant l’âge et la nature du sujet, on met d’excellentes pommes de terre jaunes coupées en deux, et on ajoute quelques oignons pour ceux qui les aiment.

Les pommes de terre doivent être mises par-dessus et cuire sans que rien soit dérangé, afin d’éviter un mélange et un délayement désagréables ; au bout d’un quart d’heure, tout doit être cuit. Les légumes et la viande sont servis en même temps, mais à part, afin de retrouver plus facilement les morceaux de choix.

Un autre ragoût, que je n’aperçois dans aucun dictionnaire de cuisine, mais que j’ai toujours vu trouver excellent, consiste à préparer un poulet jeune, d’une taille quelconque, de la façon décrite ci-dessous :

Le poulet, coupé par morceaux et revenu, bien doré, sans être roussi, est retiré de la casserole ; on fait un roux un peu allongé, en employant de farine ce qui est nécessaire pour la dimension de la pièce, ayant soin de ne pas laisser brûler, ce qui donnerait un goût d’amertume insupportable. Les morceaux sont alors remis dans la casserole, et on ajoute des petits morceaux de lard salé de très-bon goût, non revenus et demi-gras, des échalotes hachées menu, du sel, beaucoup de bon poivre, un petit bouquet composé de persil, thym et un peu de laurier. On laisse cuire une demi-heure, à petit feu et bien couvert, après quoi on ajoute de nouveau, et toujours suivant le volume du sujet, deux maniveaux de champignons et de petits oignons tendres.

Lorsque le tout est cuit, on dresse sur un plat ; on pose autour, de façon que cela ait bonne mine, des cornichons coupés fin et accompagnés de ces nombreux fruits et légumes marinés, comme petits pois, petits haricots verts et en grains, petites fèves, petites carottes, petits radis, petits melons, groseilles, grains de maïs, etc., etc., etc., et l’on sert chaud.



  1. Je n’admets pas le tournebroche, ce cuisinier inintelligent.