Le Poulailler/Chapitre15

Librairie agricole de la Maison rustique (p. 136-144).

CHAPITRE V

Race de Crèvecœur.


COQ.
PROPORTIONS ET CARACTÈRES GÉNÉRAUX.

Corps volumineux, carrément établi, cubique, court, large ; bien posé sur des pattes solides ; le dos presque horizontal, très-peu incliné en arrière ; pectoraux, cuisses, jambes et ailes bien développés ; membres courts ; tête très-forte ; huppe ; favoris ; cravate ; crête double en forme de cornes ; barbillons longs et pendants ; oreillons courts et cachés ; quatre doigts à chaque patte ; plumes de l’abdomen longues et bien fournies, grandes plumes des ailes de longueur ordinaire ; faucilles et grandes faucilles très-longues ; plumage tout noir dans les beaux sujets ; noir, jaune et blanchâtre dans les sujets ordinaires (grav. 65).


Grav. 65. — Coq de Crêvecœur.

Allure. — Grave et fière.


POIDS, DIMENSIONS ET CARACTÈRES PARTICULIERS.

Poids. — À l’âge adulte, de 3 kilog. 1/2 à 4 kilogrammes.

Chair. — Très-abondante.

Os. — Très-légers, moins du huitième du poids.

Taille. — De la partie supérieure de la tête sous les pattes, au repos, 0m.45. Dans la position fière, de 0m.50 à 0m.55, suivant qu’il se hausse et qu’il est plus ou moins court du canon de la patte et des jambes. Du dos sous les pattes, 0m.32 à 0m.35.

Corps. — Plus volumineux que celui du houdan ; dos large ; plastron très-ouvert, très-large et droit ; la cuisse et la jambe grosses, courtes et presque cachées dans l’ensemble des plumes, jusqu’à se distinguer à peine du corps quand l’animal est au repos.

Tête. — Longueur, 0m.08.

Huppe. — Très-fournie, très-volumineuse, lourde, à lancettes retombant tout autour de la tête, dans les beaux sujets, plumes du sommet se dirigeant en l’air, et quelques-unes revenant en avant.

Favoris. — Très-épais.

Cravate. — Longue, volumineuse, descendant plus bas que les barbillons.

Crête (grav. 66). — Variable, mais devant toujours former deux cornes, tantôt parallèles, droites, charnues, tantôt réunies à leur base, légèrement accidentées, pointues et s’écartant à leur sommet, tantôt affectant ces dernières dispositions, mais ayant quelques ramifications intérieures, comme les cornes d’un jeune cerf.

Dimensions de la crête. — Variant, pour la longueur, de 0m.05 à 0m.08.

Oreillons. — Blanchâtres, de dimension ordinaire, presque cachés sous les plumes des favoris et de la huppe.

Barbillons. — Pendants, longs et charnus, de 0m.07 à 0m.10.

Narines. — Ouvertes, larges, bossuées et saillantes.

Iris. — Aurore foncé.

Pupille. — Noire.
Grav. 66. — Différentes formes qu’affecte la crête du coq de Crèvecœur.

Physionomie de la tête. — Elle a quelque rapport avec celle du houdan ; les yeux disparaissent presque toujours sous l’ensemble des plumes de la huppe. La crête, en forme de cornes, donne à la figure du crèvecœur l’apparence d’un diable.

Patte. — Canon de la patte, fort, et variant pour la longueur de 0m.07 à 0m.09 ; les doigts, au nombre de quatre, sont plus forts et plus longs que chez le houdan.

Couleur de la patte. — Noir ou bleu ardoisé foncé.

Poids du poulet. — Le crèvecœur est encore plus précoce que le houdan, et sa chair encore plus abondante, de façon qu’au même âge son poids dépasse celui de cette dernière espèce.

DESCRIPTION DU PLUMAGE.

Entièrement noir, lustré de reflets bronzés, bleuâtres et verdâtres à la collerette, aux lancettes du dos, aux ailes, aux plumes de recouvrement de la queue et aux grandes et petites faucilles. Le reste est d’un noir mat, à l’exception des plumes de l’abdomen, qui sont d’un noir brun. La huppe prend ordinairement du blanc aux plumes postérieures, après la deuxième ou troisième mue.

Beaucoup de sujets ont la collerette, les lancettes des reins et les plumes de recouvrement des ailes de couleur paille, ce qui ne les empêche pas d’être purs de sang et de reproduire noir ; mais ils sont moins estimés des amateurs.

Les plumes du camail, de la huppe, des reins, de la queue, sont extrêmement longues et touffues ; elles forment avec celles des autres parties du corps un plumage plus étoffé et plus abondant que dans aucune autre espèce.


POULE.
PROPORTIONS ET CARACTÈRES GÉNÉRAUX.

Corps bien établi, de formes heurtées, ayant des rapports avec celui de la Cochinchine, tant pour le volume que pour l’apparence ; d’une taille considérable, quoique bas sur pattes ; tête forte ; huppe de dimension variable, noire à l’état de poulette, blanche en arrière après la seconde mue ; favoris ; cravate ; oreillons courts et cachés ; crête et barbillons courts, plumes de l’abdomen ou cul d’artichaut, longues et épanouies.

Allure. — Grave et pesante.

POIDS, DIMENSIONS ET CARACTÈRES PARTICULIERS.

Poids. — Douze poules doivent peser 36 kilogrammes, c’est-à-dire 3 kilogrammes l’une dans l’autre. Les unes pèsent plus, d’autres moins. Certaines, à deux ans, pèsent jusqu’à 4 kilogrammes.

Taille. — De la partie supérieure de la tête sous les pattes 0m.45 ; du dos sous les pattes, 0m.35.

Corps. — Plus gros que celui de la houdan.

Tête. — Forte et parfaitement coiffée.

Huppe. — De dimension très-variable, composée de plumes tantôt assez courtes, retombant peu et laissant les yeux à découvert, tantôt formant une coiffure si abondante que la tête disparaît presque entièrement et que les yeux ne découvrent que ce qui est à terre. La huppe est quelquefois formée de plumes irrégulières et plus ou moins pointues ; quelquefois de plumes longues, régulières, à bouts arrondis, ce qui la rend très-considérable et de forme presque sphérique.

Favoris. — Épais.

Cravate. — Longue, pendante, forte, plus grosse du bas que du haut.

Barbillons. — Très-petits.

Oreillons. — Petits, blanchâtres, cachés sous la huppe et les favoris.

Narines. — Comme chez le coq.

Bec. — Comme chez le coq.

Iris et pupille. — Comme chez le coq.

Patte. — Canon de la patte, court, fort. Couleur, noir et bleu foncé ardoisé.

Ponte. — Assez bonne, très-beaux œufs.

Incubation. — Nulle.


DESCRIPTION DU PLUMAGE.

Entièrement noir, à l’exception de la huppe qui, noire la première année, blanchit un peu après la première mue et de plus en plus dans les mues successives.

Il se trouve de beaux sujets de variété grise, coq et poule ; d’autres de variété blanche. Les gris sont rares et les blancs le sont davantage.


CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR L’ESPÈCE.

Cette admirable race produit certainement les plus excellentes volailles qui paraissent sur les marchés de France. Ses os sont encore plus légers que ceux de la houdan ; sa chair, plus fine, plus courte, plus blanche, prend plus facilement la graisse. Les poulets sont d’une précocité inouïe, puisqu’ils peuvent être mis à l’engraissement dès qu’ils ont atteint deux mois et demi ou trois mois, et être mangés quinze jours après. À cinq mois, une volaille de cette race est presque complète comme taille, poids et qualité. La poularde de cinq à six mois atteint le poids de 3 kilogrammes ; le poulet de six mois engraissé va jusqu’à 3 kilogrammes 1/2 et même 4 kilogrammes 1/2.

C’est la race de Crèvecœur qui donne les poulardes et les poulets fins vendus sur le marché de Paris. Ceux de la race de Houdan, quoique d’une qualité supérieure, ne viennent qu’après. Le crèvecœur est la première race de France pour la délicatesse de la chair, la facilité à engraisser, la précocité, et je crois que c’est aussi la première du monde à ces points de vue. M.  Baker, cependant, avait apporté dernièrement de Londres, pour une vente qu’il a faite à Paris, une douzaine de dorkings tués, troussés, prêts à mettre à la broche, et il faut avouer que leur vue produisit un effet des plus vifs sur l’assemblée des amateurs réunis, dont les yeux attestaient du témoignage intérieur de leur estomac. Mais je ne serai convaincu de l’égalité de ces deux races que lorsqu’un assez long usage du dorking m’aura édifié complètement.

La variété de Merlereaux, presque identique, a peu ou point de cravate et pas de jabot. Cette variété fournit généralement les poulets de proportions inférieures que l’on trouve en abondance sur les marchés de Normandie ; mais elle est, du reste, semblable au crèvecœur et produit d’aussi grosses volailles, quand elle est bien cultivée. L’espèce de Caux ressemble beaucoup à ces dernières, si ce n’est qu’elle est plus élevée et que ses caractères sont beaucoup moins prononcés.

Les espèces de Caumont, de Houdan, de Gournay, et toutes les poules normandes en général, sont de véritables ramifications du crèvecœur.

C’est peut-être la race la mieux éprouvée maintenant pour les croisements ; et toutes les expériences ont amené la certitude que, croisée avec le cochinchine pur ou avec le produit issu du crèvecœur pur et du cochinchine pur, elle donne des sujets rustiques, d’un beau volume et d’un goût très-délicat.

Ces croisements ne doivent pas, bien entendu, être conseillés aux Normands, dont les races n’ont plus grand’chose à gagner ; c’est, comprenons-le bien, pour toutes les localités étrangères qu’ils peuvent devenir précieux. Je pencherai toujours pour le croisement par le coq indigène avec les poules de Cochinchine ou de Brahma, et cela pour les raisons que l’on trouvera développées au chapitre sur les Croisements.

NOURRITURE DE L’ESPÈCE.

Pâtée d’œufs les premiers huit jours.

Jusqu’à deux mois, pâtée de farine d’orge (voyez la formule).

On commence ensuite à donner graduellement de la graine aux animaux destinés à la reproduction ; les autres continuent à recevoir la pâtée jusqu’à l’engraissement. C’est ainsi que cela se pratique en Normandie.