Le Poulailler/Chapitre10

Librairie agricole de la Maison rustique (p. 96-103).

CHAPITRE X

Alimentation des volailles adultes. — Des graines et de leurs qualités. — Confection des pâtées. — Cuisson des grains. — Soins à donner aux volailles qui viennent d’être transportées.

ALIMENTATION DES VOLAILLES ADULTES.


La nourriture de la volaille peut être d’une assez grande simplicité lorsque celle-ci, une fois adulte, est destinée à parcourir des emplacements tels que des cours de ferme et leurs environs, de grandes cours d’habitation où donnent des écuries, des basses-cours de maisons de campagne, etc., etc., enfin des endroits où l’on met à sa disposition du fumier, de l’herbe, et tous les restes et épluchures provenant des cuisines. C’est alors que les poules peuvent trouver dans leurs continuelles recherches des graines germées ou à demi digérées, des détritus de toutes sortes, d’innombrables insectes que contiennent les fumiers, ainsi que l’herbe qui croît près des murs peu fréquentés, dans les interstices des pierres, au bord des chemins et le long des rues de village.

Alors, disons-nous, la nourriture peut être simple, c’est-à-dire qu’on peut se borner à l’emploi d’une ou deux espèces de graines et de quelques farineux de temps en temps.

Les criblures de granges, l’orge, le petit blé, l’avoine, le sarrasin, le maïs, peuvent, isolément ou réunis, former dans beaucoup de pays la base de la nourriture.

On donne quelques pâtées de pommes de terre de rebut ou de résidus de farines de toutes sortes, tels que remoulage, orge cassée, son à l’eau ou au lait caillé. On ajoute, quand on le peut, de la verdure, des choux, salades, betteraves, navets et autres, nécessaires surtout aux époques du printemps, de la ponte et de la mue. Les herbages et légumes crus ou cuits sont un condiment, un moyen de digestion qui met toujours les volailles en appétit et entretient leur corps en parfait état.

Il faut considérer que la nourriture peut changer selon les productions de chaque pays. On peut la varier plus ou moins que je ne l’indique ; mais qu’on se rappelle bien les principales recommandations, qui sont : la verdure toujours aussi abondante que possible, la nourriture échauffante pendant la ponte, les froids, les temps humides, et l’emploi des graines modifié par quelques pâtées et des herbages cuits ou crus.

On doit rationner les poules, pour les forcer, à certaines époques, à trouver elles-mêmes une partie de leur nourriture ; mais il est indispensable de les gorger pendant les époques de production. L’abondance des pontes compensera amplement la dépense. C’est seulement pendant les temps de repos qu’on peut ménager la nourriture ; toutefois il faut que les poules aient constamment et largement de quoi se suffire, sans quoi les sujets dépériraient et l’espèce s’abâtardirait.

Il est bon de remarquer ici que la variété et le choix de la nourriture ne sont pas seulement utiles à la santé des poules, mais qu’ils entretiennent, dans les contrées où l’on comprend cela, la finesse de la chair, la précocité et la disposition à prendre la graisse.

Tout ce que j’ai dit plus haut pour les poules libres est applicable aux poules parquées, excepté que la variété de la nourriture, au lieu de pouvoir être diminuée doit être augmentée. On conçoit assez que des animaux condamnés à ne jamais sortir d’un espace restreint ne puissent pas trouver longtemps sur leur terrain, bientôt exploité, les différentes substances nécessaires à leur nourriture et à leur hygiène. C’est donc par une grande variété de grains et de pâtées, et par une abondante distribution de verdure et de légumes cuits ou crus, qu’on pourra réussir à remplacer à peu près ce que les poules peuvent trouver en conservant leur liberté. L’oseille, dans les pâtées ou en distribution, renouvelle chez les pondeuses la substance calcaire épuisée par une longue ponte.

Les poules parquées ou non, pour être entretenues en bon état, ne doivent jamais être ni trop grasses ni trop maigres. Un des moyens de donner aux volailles parquées de la verdure sans qu’elles la gâchent est de la suspendre par petites bottes à une hauteur suffisante pour qu’elles puissent l’atteindre. On peut donner aux poules les résidus de betteraves provenant des distilleries, l’orge des brasseries, les marcs de raisins, de pommes ; mais il faut s’abstenir, ainsi que nous l’avons déjà dit, des substances préconisées dans différents livres, comme les hannetons, les vers à soie, les viandes, le sang et autres nourritures, qui communiquent à la chair et aux œufs un goût nauséabond et déterminent chez les races fines et perfectionnées une dégénérescence dans toutes leurs qualités acquises par une nourriture mieux appropriée.


DES GRAINES ET DE LEURS QUALITÉS.

Le riz, le blé, l’avoine, le maïs, l’orge, le sarrasin ou blé noir, le millet, le chènevis, les farines, les pommes de terre, le son, etc., peuvent être employés, quoique de qualité inférieure ; mais ces denrées sont toujours préférables quand elles sont de qualité supérieure. Il faut s’habituer à les connaître, ce qui est assez facile, car leur poids décide presque toujours de leur valeur. Le grain doit être plein, et plus il est nouveau, plus il est sain ; plus sa maturité est complète, plus il doit être recherché.

Ainsi l’avoine d’une excellente qualité pèse jusqu’à 150 kilogrammes les 300 litres, et l’on ne doit pas s’arrêter beaucoup à la forme et à la couleur du grain, pourvu que le poids y soit.

Le chènevis doit être gros, d’un beau gris, complètement purgé de grains verts ou blanchâtres, grains récoltés sans être mûrs. Cette nourriture, fort échauffante, peut être donnée aux couveuses qui manquent de chaleur, aux poules qu’on veut forcer à couver, à celles qui sont trop relâchées et à toutes les volailles pendant les temps de pluie prolongée et pendant les grands froids. Il faut en user avec discernement et modération.

Le millet doit être gros, lourd et d’un beau jaune-paille clair. C’est une graine excellente et rafraîchissante qu’on peut donner aux poules précieuses qui ont besoin de se refaire.

Les farines, les remoulages, le son, etc., sont d’autant meilleurs qu’ils pèsent davantage, et que, par conséquent, ils sont plus riches en substances nutritives.

On doit prendre garde aux denrées avariées, moisies, échauffées, et rien ne doit être acheté qu’avec une connaissance parfaite de la qualité et du cours.

Le blé n’est presque jamais donné aux volailles qu’à l’état de petit blé ou criblures de greniers ou de moulins. On doit savoir que ce petit blé n’est presque composé que de grains dits échaudés et non arrivés à maturité. Outre que ces grains sont presque vides et n’ont, en quelque sorte, que la peau, un grand tiers du mesurage est, la plupart du temps, composé d’autres graines provenant du vannage, et que les poules ne mangent pas. C’est pourquoi, lorsque le vrai blé n’est pas cher, et à moins qu’on ne trouve du petit blé d’un très-beau choix et à très-bon marché, ce qui est rare, on achète tout simplement du bon et vrai blé. Je suis sûr qu’il y a bénéfice très-sensible quand on sait l’acheter et qu’on connaît les cours, à moins qu’on ait soi-même des criblures à faire consommer. Le blé étant une des principales bases de la nourriture, il est donc important que, pour les poulets surtout, il soit très-nourrissant et ne charge pas l’estomac de trop de parties indigestes.

Les farines d’orge, le remoulage, le son, les pommes de terre, etc., employés en pâtée, soit mêlés, soit seuls, soit avec des herbages crus ou cuits, soit préparés à l’eau ou au petit lait ou au lait caillé, sont des nourritures délicieuses. Non-seulement elles sont recherchées des volailles, mais elles ont une influence énorme sur leur santé, sur la finesse des tissus et sur l’aptitude à l’engraissement.

Le riz, qui est une des meilleures et des plus saines nourritures, est aussi une des moins coûteuses, quand on l’achète par balles, surtout dans les temps où les autres nourritures sont chères. Il n’est pas nécessaire, que le riz soit d’un grand choix, pourvu que la qualité en soit bonne et qu’il cuise très-facilement. On prend, au contraire, pour cet usage les sortes de riz les moins recherchées.


CONFECTION DES PÂTÉES.
Pâtée de pommes de terre, de son et de remoulage.

Les pommes de terre doivent être bien cuites, bien écrasées et mélangées, de façon à être raffermies, avec une certaine quantité de remoulage, de farine d’orge ou de son, ou avec toutes ces substances réunies, et former une pâtée très-ferme distribuée dans des auges. On peut y ajouter toutes sortes d’herbes ou de légumes à demi cuits, ce qui est d’un excellent effet.


Pâtée d’orge concassée, ou farine d’orge.

On fait moudre ou plutôt concasser de l’orge, ce qui produit une farine où toutes les parties de la graine sont conservées.

On met dans un seau une certaine quantité d’eau ou de petit-lait, proportionnée à la quantité de pâtée voulue ; l’expérience montre bientôt quelle quantité de liquide il faut employer. Quelques poignées de farine sont jetées dedans et manipulées jusqu’à ce qu’elles soient délayées. Quelques poignées sont jetées de nouveau, et de nouveau manipulées, aucune partie n’étant laissée au fond du seau sans avoir été imbibée. On recommence toujours jusqu’à ce que la pâté s’épaississe, et on la travaille alors du poing en enfonçant la main jusqu’au fond et en ramenant la pâtée du fond à la surface. On continue jusqu’à ce qu’elle soit tout à fait ferme, après quoi on la tasse, on l’aplatit bien, et l’on saupoudre la surface d’un peu de farine d’orge sèche. Au bout d’une heure ou deux, la pâtée est tellement raffermie, qu’elle est cassante ; c’est alors qu’elle peut être ainsi distribuée aux volailles, qui en sont extrêmement friandes. En Normandie, on la fait toujours la veille, pour que le lendemain elle ait pris un petit goût fermenté qui la rend encore plus appétissante.

On fait aussi en Angleterre une pâtée de farine d’orge et de farine d’avoine mêlées. Cette pâtée, très-dure et mise en boulettes grosses comme le poing, se donne de temps à autre aux poulets et aux poules précieuses.


CUISSON DES GRAINS.

Pour faire cuire le maïs, on met trois litres d’eau pour un litre de grain. Quand, placée sur un feu ni trop vif ni trop lent, l’eau est absorbée, le maïs est cuit. Il faut en donner avec modération, surtout aux poules parquées, que cette nourriture engraisserait trop ; mais on peut le donner, ainsi que la pâtée d’orge et le riz, aux poulets de grain dont on veut affiner la chair et aux volailles amaigries et fatiguées qu’on veut rétablir.

L’orge en grain peut être distribuée crue ou cuite ; elle se fait cuire à un feu ordinaire sans être par trop mouillée. Au bout de trois quarts d’heure, le grain doit s’écraser un peu sous le doigt ; c’est alors qu’il est bon à digérer.

Le riz est excellent ; jeunes et adultes le recherchent avec avidité. Pour le faire cuire, on en met dans une chaudière 10 litres contre 20 litres d’eau. On le retourne à froid avec un bâton, assez longtemps pour que tous les grains soient mouillés ; après quoi, mis sur un feu ordinaire, mais assez fort pour ne pas le laisser languir, le riz est bientôt à sec par suite de l’absorption et de l’évaporation. On le laisse encore sur le feu jusqu’à ce que l’eau ait tout à fait disparu de l’intérieur et jusqu’à ce qu’on sente, à un petit goût de roussi, qu’il commence à gratiner. On peut alors le retirer, si l’on est bien sûr que toute l’eau a disparu ; on a soin, quand il est refroidi, de l’étaler sur une planche pour le désagréger. Il est assez cuit pour être d’une digestion facile et se séparer presque comme de la graine sèche, mais pas assez cependant pour se coller de grain à grain, ni empâter le bec des poules.

Pendant la cuisson, il faut se garder de le déranger, de le remuer et de laisser le feu languir.


SOINS À DONNER AUX VOLAILLES TRANSPORTÉES.

Toutes les volailles qui arrivent d’un voyage plus ou moins long doivent être d’abord mises dans un endroit restreint et clos, muni de sable fin, pour qu’elles puissent se reposer, se poudrer avec calme et ne pas être sous le coup des émotions rarement agréables que déterminent leurs nouvelles accointances. On doit, en outre, leur donner peu à boire et très-peu à manger, pour éviter le contraste d’une longue diète avec une déglutition désordonnée, et, par suite, des indigestions souvent mortelles. Pendant deux ou trois jours, on augmente jusqu’à la ration ordinaire la quantité qu’on leur destine ; le boire est donné à discrétion dès le lendemain.

En outre, on tâche, quand on connaît la nourriture habituelle des animaux arrivants, de leur en donner une identique ou analogue jusqu’à ce qu’on les ait habitués par degrés à celle qu’on leur destine. En tout cas, le pain humecté est la nourriture provisoire par excellence et qui supplée à toutes les autres. Les pâtées, les pommes de terre cuites, etc., sont aussi très-bonnes.