Le Pirate (Montémont)/Chapitre V

Traduction par Albert Montémont.
Ménard (Œuvres de Walter Scott, volume 16p. 52-66).

CHAPITRE V.

l’hôte écossais.


Le vent souffle fort du nord et de l’est : il souffle dans la chambre. Notre bonhomme dit à notre bonne femme : « Descends et va fermer la porte.
— J’ai bien autre chose à faire, bonhomme, ainsi que vous pouvez voir ; s’il n’y a que moi pour la fermer, elle pourra bien rester cent ans ouverte. »
Vieille chanson.


Nous osons à peine espérer que le bénévole lecteur n’aura point trouvé la seconde partie du dernier chapitre extrêmement ennuyeuse ; mais en tous cas, il serait difficile que son impatience égalât celle du jeune Mordaunt Mertoun. Celui-ci, pendant que les éclairs se succédaient les uns aux autres, pendant que le vent, soufflant et grondant dans toutes les directions, se déchaînait avec toute la fureur d’un ouragan, et tandis que la pluie tombait par torrents sur son dos, continuait de frapper, de crier, de rugir devant la porte de la vieille maison d’Harfra. Il se torturait l’esprit à imaginer un prétexte qui pût autoriser le refus d’un abri à un voyageur par un temps si horrible. Enfin, voyant que son vacarme et ses vociférations n’aboutissaient à rien, il s’éloigna de l’édifice, assez pour apercevoir les cheminées, et au milieu de la tourmente et de l’orage, il s’assura, à son grand déplaisir, qu’aucune fumée ne sortait des tuyaux, quoiqu’il fût à peu près midi, heure ordinaire du dîner aux Shetland.

L’impatience colérique de Mordaunt se changea aussitôt en sympathie et en frayeur. Habitué depuis si long-temps à l’hospitalité libérale des îles Shetland, il fut naturellement conduit à supposer que quelque terrible désastre était arrivé à cette famille ; il se mit, en conséquence, à chercher un endroit par où il pourrait entrer de force, et s’assurer ainsi de la position où se trouvaient les habitants, aussi bien que se garantir de la tempête toujours croissante. Son inquiétude était pourtant aussi peu fondée que ses derniers cris à la porte avaient été vains. Triptolème et sa sœur avaient entendu tout le tapage du dehors, et avaient déjà entamé une vive dispute sur la nécessité d’ouvrir.

Miss Baby, telle que nous l’avons décrite, ne se conformait pas très volontiers aux lois de l’hospitalité. Dans leur ferme de Cauldacres, dans les Mearns, elle avait été la terreur et l’effroi de tout vagabond, colporteur, et égyptien, de tout mendiant de profession, et gens de pareille espèce ; et pas un d’entre eux n’avait été assez fin, comme elle s’en vantait, pour avoir droit de dire qu’il eût jamais entendu le bruit de son loquet. Les nouveaux débarqués ne connaissaient point encore l’honnêteté excessive et l’extrême simplicité des insulaires de toutes les classes ; la méfiance et la crainte se joignaient à l’avarice naturelle de Baby pour lui faire désirer qu’on exclût toujours les voyageurs inconnus. Le second de ces motifs agissait aussi sur Triptolème qui, sans être peureux ni avare, savait que les bonnes gens étaient rares, les bons fermiers plus rares encore, et il avait une part raisonnable de cette sagesse qui fait considérer le soin de sa propre conservation comme la première loi de la nature. Ce préambule peut servir d’explication au dialogue suivant qui eut lieu entre le frère et la sœur :

« Maintenant nous n’avons plus à nous plaindre, » dit Triptolème qui s’amusait à feuilleter le vieux Virgile qu’il avait rapporté de l’école ; « voici un beau temps pour nos épis à longue barbe !… le sage poète de Mantoue a raison…

Ventis surgentibus, et puis les mugissements des montagnes et le retentissement prolongé

sur les côtes… Mais où sont les bois, Baby ? dis-moi où nous trouverons le nemorum murmur, sœur Baby, dans notre nouvelle patrie ! — D’où vous vient cette folle idée ? » répliqua Baby en avançant tout-à-coup sa tête hors d’un recoin sombre de la cuisine, où elle était occupée de ces soins du ménage qui n’ont point de nom.

Son frère, qui lui avait adressé la parole plutôt par habitude que par intention, ne vit pas plutôt ce nez rouge et effilé, ces yeux gris et vifs, et les autres traits analogues de son visage, ombragés par les mèches de sa coiffure antique qui pendillaient des deux côtés de sa figure irritée, qu’il fut aisé de comprendre que la question ne plaisait pas à sa sœur ; il essuya même un nouvel orage avant de pouvoir reprendre ce sujet.

« Je vous demande, monsieur Yellowley, « dit la sœur Baby en s’avançant au milieu de la chambre, « pourquoi vous criez ainsi après moi, et quand je suis à faire mon ménage ? — Ma foi, pour rien du tout, Baby, répliqua Triplolème, sinon que je me disais à moi-même que nous avions ici la mer, le vent et la pluie ; mais où sont les bois ? où sont les bois ? Baby, répondez-moi à cela. — Les bois ! s’écria Baby… Si je ne faisais pas attention au bois plus que vous, frère, il n’y aurait bientôt pas dans la maison plus de bois qu’il n’y en a sur la perruque qui vous charge les épaules, Triptolème. Si vous voulez parler du bois du vaisseau échoué que les garçons ont apporté hier, il m’en a fallu six onces pour cuire votre parritch[1] ce matin, quoiqu’il me semble qu’un homme rangé aurait dû prendre du drammock[2], s’il avait envie de déjeuner, plutôt que gaspiller du bois et de la nourriture dans une même matinée. — C’est-à-dire, Baby, » répliqua Triptolème qui était assez plaisant à sa manière, « que quand nous avons du feu, nous ne devons pas avoir à manger, et que quand nous avons à manger, il ne faut point faire de feu, ces dons du ciel étant trop précieux pour en jouir le même jour. Il est heureux que vous n’ayez pas envie de nous faire crever de faim et mourir de froid, unico contextu. Mais pour dire la vérité, je ne me contenterai jamais de gruau délayé dans de l’eau froide. Appelez le drammock ou crowdy[3] ou comme il vous plaira, il faut que mes vivres passent par l’eau et le feu. — Nouvelle sottise ! dit Baby. Ne pouvez-vous pas faire cuire votre gruau le dimanche et le manger froid le lundi à souper, puisque vous êtes si difficile ? Il y a des gens qui vous valent bien, qui se lèchent les lèvres après un tel repas ! — Merci de moi, cœur ! en ce cas c’est une affaire finie… il faut que je dételle la charrue et me couche pour attendre l’heure de la mort. Il y a dans cette maison des provisions à nourrir tout le Shetland pendant douze mois, et vous m’en voulez pour une platée de parritch chaud que je me suis permise, moi qui travaille si rude ! — Chut… finissez votre sot caquetage, » dit Baby regardant autour d’elle avec frayeur… « Vous êtes bien avisé de dire tout haut ce qu’il y a dans la maison, et bien sage pour en avoir la garde… Mais écoutez, aussi vrai que je vis de pain, j’entends frapper à la porte. — Allez donc l’ouvrir, Baby, » repartit le frère charmé de l’incident qui promettait que la dispute en resterait là.

« Que j’aille ouvrir, dit-il ! » répéta Baby à moitié en colère, à moitié tremblante, à moitié triomphante de la supériorité de son intelligence suc celle de son frère. « Que j’aille ouvrir, dites-vous, vraiment ou !… pour donner aux voleurs l’occasion de prendre tout ce qui est dans la maison, n’est-ce pas ? — Aux voleurs ! » répéta Triptolème à son tour ; « il n’y a pas plus de voleurs dans ce pays que d’agneaux à Noël. Je vous dis, comme je vous l’ai dit cent fois, qu’il n’y a pas ici de montagnards pour nous piller. C’est une terre de repos et d’honnêteté. O fortunati nimium ! — Et quel bien peut vous faire saint Rinian, Tolème ? » demanda la sœur, prenant la citation latine pour une invocation catholique. « D’ailleurs, s’il n’y a point de montagnards, il peut y avoir aussi mal. J’ai vu passer hier par ici six ou sept jeunes drôles qui avaient tout aussi mauvaise mine que les bandits d’au delà Clochnaben. Ils portaient tous de ces hideux outils, qu’ils appellent des couteaux à écorcher les baleines ; mais ils ressemblaient plutôt à des vagabonds, autant que chose peut ressembler à une autre. D’honnêtes gens ne portent pas sur eux ces vilains outils-là. »

Cependant les coups et les cris de Mordaunt se faisaient fort bien entendre entre chacune des bouffées de l’horrible vent qui tempêtait en dehors. Le frère et la sœur se regardaient l’un l’autre avec un embarras et une peur véritable. « S’ils ont entendu le mot d’argent, » dit Baby, son nez même devenant par frayeur bleu de rouge qu’il était, « nous sommes des gens perdus. — Qui parle maintenant quand il faudrait se taire ? reprit Triptolème. Allez tout de suite à la meurtrière et voyez combien ils sont, pendant que je vais charger la vieille canardière espagnole à rainures… Allez-y aussi doucement que si vous marchiez sur des œufs frais pondus. »

Baby grimpa jusqu’au trou et revint dire qu’elle avait seulement vu un jeune vaurien frappant et hurlant comme s’il était sourd. Quant au nombre de ceux qui ne se montraient pas, elle ne pouvait le dire.

« Qui ne se montrent pas !… » répéta Triptolème en déposant d’une main tremblante la baguette avec laquelle il chargeait son fusil. « Je parierais qu’on ne peut ni les voir ni les entendre… C’est quelque pauvre diable surpris par l’orage qui demande un abri sous notre toit et quelque nourriture. Ouvre la porte, Baby ; ce sera une action chrétienne. — Mais est-ce une action chrétienne à lui que d’entrer par la fenêtre ? » s’écria Baby en poussant un cri lamentable au moment où Mordaunt Mertoun, qui était parvenu à forcer une des croisées, s’élançait dans l’appartement tout dégouttant d’eau comme le dieu d’un fleuve. Triptolème, en proie au trouble le plus violent, lui présenta l’arme qu’il n’avait pas encore chargée, tandis que l’intrus s’écriait : « Arrêtez, arrêtez… Pourquoi diable tenez-vous votre porte verrouillée par un temps comme celui-ci, et dirigez-vous le canon de votre fusil sur la tête des gens comme sur un requin ?— Et qui êtes-vous, l’ami, et que demandez-vous ? » dit Triptolème appuyant la crosse de son fusil sur le plancher, et recouvrant ainsi l’usage de ses bras.

« Ce que je demande ! s’écria Mordaunt ; je demande tout… je demande à manger, à boire, du feu et un lit pour la nuit ; et demain matin un bidet pour me reconduire à Jarlshof. — Et vous disiez qu’il n’y avait ici ni brigands ni bandits ! » cria Baby à l’agriculteur, d’un ton de reproche. « Avez-vous jamais entendu un vaurien en guenilles de Lochaber vous dicter sa loi et ses volontés aussi impudemment ?… Allons, allons, l’ami, ajouta-t-elle en s’adressant à Mordaunt, pliez bagage et passez votre chemin ; c’est ici la maison de l’intendant de Sa Seigneurie, et non une place de refuge pour des coquins et des malfaisants. »

Mordaunt lui éclata de rire au nez à cette naïve requête. « Sortir d’une maison en pierre, dit-il, et par une tempête comme celle-ci ! Pour qui me prenez-vous ?… Me prenez-vous pour une mouette ou un canard qu’en battant des mains et en criant vous allez faire partir de son asile pour s’exposer encore à l’orage ? — Vous avez donc l’intention, jeune homme, » demanda gravement Triptolème, « de rester dans ma maison volens nolens, c’est-à-dire de force ou de bonne volonté ? — Volonté ! répéta Mordaunt ; quel droit avez-vous en pareil cas ? N’entendez-vous pas le tonnerre ? n’entendez-vous pas la pluie ? ne voyez-vous pas les éclairs ? et ne savez-vous pas que c’est ici la seule maison qu’on rencontre dans je ne sais combien de milles ? Allons, mon bon monsieur et ma bonne dame, ce peut être une plaisanterie écossaise, mais elle sonne étrangement aux oreilles d’un Shetlandais. Vous avez laissé éteindre le feu ; le froid fait danser une gigue à mes mâchoires ; mais je vais mettre ordre à tout cela. »

Il saisit les pincettes, rassembla les charbons épars dans le foyer, ranima les mottes de tourbe qui, selon le calcul de l’hôtesse, devaient entretenir le feu pendant plusieurs heures sans se brûler entièrement ; puis promenant ses yeux autour de lui, il aperçut dans un coin le panier au bois que miss Baby n’employait que par onces, et en jeta deux ou trois brassées dans la cheminée. Le foyer, peu accoutumé à une telle fête, se mit à flamber joyeusement, en chassant au dehors plus de fumée qu’il n’en était sorti de la maison d’Harfra depuis bien du temps.

Tandis que le voyageur prenait ainsi ses aises sans invitation, Baby ne cessait de pousser et de presser l’intendant afin qu’il chassât l’intrus ; mais pour cette entreprise, Triptolème Yellowley ne se sentait ni courage ni envie, et les probabilités ne semblaient nullement promettre une issue favorable à la querelle qu’il eût pu entamer avec le jeune étranger. Les membres nerveux et les formes gracieuses de Mordaunt Mertoun se dessinaient avec avantage dans un simple habillement de marin ; et avec son œil noir et brillant, sa tête bien faite, ses noirs cheveux bouclés, ses regards fiers et hardis, l’étranger formait un contraste complet avec l’hôte chez lequel il s’était introduit par force. Triptolème était un homme de petite taille, au maintien gauche, aux jambes de canard ; et son gros nez retroussé par le bout et couperosé trahissait plus d’une libation faite à Bacchus. Il semblait donc que la lutte ne pouvait être égale entre deux combattants de formes et de forces si différentes, et l’âge n’ajoutait rien en faveur de Triptolème ; d’ailleurs, l’intendant était un honnête et digne homme ; il comprit bientôt que son hôte n’avait point d’autre intention que celle de s’abriter contre la tempête ; il aurait été le dernier, malgré les réprimandes de sa sœur, à refuser un secours raisonnable et nécessaire à un jeune homme dont l’extérieur était si prévenant. Il s’épuisait donc à chercher comment il pourrait se glisser gracieusement dans le rôle d’un maître de maison hospitalier, et quitter celui d’un défenseur enragé de ses foyers domestiques, lorsque Baby, qui était restée stupéfaite de l’aisance extrême des discours et des manières de l’étranger, se mit à parler pour son compte. « En vérité, jeune homme, dit-elle à Mordaunt, vous n’êtes pas gêné : faire un pareil feu, et du meilleur encore… Ce n’est point de méchante tourbe, mais de l’excellent chêne ; ce n’est rien moins que du chêne qu’il vous faut. — Il ne vous coûte pas cher, madame, répondit Mordaunt d’un ton indifférent ; et vous ne me reprocherez pas un feu que la mer se charge d’entretenir pour rien. Ces bonnes solives de chêne ont fini leur service sur la terre et sur l’Océan, quand elles ne peuvent plus supporter les braves cœurs qui montaient la barque. — Il est vrai, « ajouta la vieille femme en s’adoucissant, « qu’il ne doit pas faire bon sur mer ; asseyez-vous donc et chauffez-vous, puisque aussi bien le bois flambe. — Oui, oui, dit Triptolème ; c’est plaisir que de voir une si bonne flambée. Je n’ai pas vu la pareille depuis que j’ai quitté Cauldacres. — Et vous ne la reverrez pas de sitôt, reprit Baby, à moins que la maison ne prenne feu, ou qu’on ne déterre quelque mine à charbon. — Et pourquoi ne déterrerait-on pas une mine à charbon ? » dit l’intendant avec un air de triomphe… « pourquoi, je le demande, ne se trouverait-il pas une mine à charbon dans les îles Shetland aussi bien que dans le comté de Fife, à présent que le chambellan a un homme prévoyant et discret sur les lieux pour faire les recherches nécessaires ? les deux côtes sent également favorables à la pêche, j’imagine. — Je vous dis ce qu’il en est, Tolème Yellowley, » répliqua la sœur, qui avait ses motifs pour craindre que son frère ne commençât des fouilles sur une mauvaise voie. « Si vous flattez milord de tous ces magnifiques projets, à peine aurons-nous établi notre domicile ici qu’il en faudra déguerpir au plus vite. Si on venait vous parler d’une mine d’or, je sais bien qui se promettrait d’avoir des pièces de Portugal bien sonnantes dans son gousset avant la fin de l’année. — Et pourquoi pas ? dit Triptolème… Peut-être ignorez-vous qu’il se trouve dans les Orcades une région appelée Ophir, ou d’un nom comme cela ; et pourquoi ne serait-ce pas là que Salomon, ce sage roi des Juifs, envoya chercher quatre cent cinquante talents par ses vaisseaux et ses serviteurs ? J’espère qu’il savait bien où il fallait aller ou envoyer, et je me flatte que vous croyez à la Bible, Baby ? »

Baby fut réduite au silence par ce singulier appel aux saintes Écritures, et répondit seulement par un « Bah ! » d’incrédulité et de mépris mal articulé, tandis que son frère continuait en s’adressant à Mordaunt : « Oui, vous verrez tous quels changements les métaux monnayés introduiront dans un pays aussi peu favorisé que le vôtre. Vous n’avez pas entendu parler de cuivre ni de fer dans ces îles, je pense ? » Mordaunt répliqua qu’il avait ouï dire qu’on trouvait du cuivre près des rocs de Konigsburg. « Oui, et l’on trouve aussi un pareil minerai vers le lac de Swana ; mais vous autres, jeunes gens, vous pensez pouvoir me tenir tête. »

Baby, qui durant tout ce temps s’était minutieusement occupée à examiner le jeune étranger, intervint d’une manière tout-à-fait inattendue pour son frère : « Vous feriez mieux, monsieur Yellowley, de donner à ce jeune homme des vêtements secs, et de voir à lui trouver quelque chose à manger, que de rester là assis à nous conter vos histoires, comme si le vent ne faisait point assez de vacarme, sans y ajouter le vôtre ; et peut-être monsieur boirait-il un peu de bland[4], ou quelque autre chose, si vous aviez la politesse de lui en proposer. »

Tandis que Triptolème demeurait ébahi de la libéralité de sa sœur, Mordaunt répondit : « Je changerai volontiers de vêtements ; mais je vous prie de m’excuser, je ne boirai rien avant que d’avoir mangé quelque chose. »

Triptolème, en conséquence, le conduisit dans une autre pièce, où, après lui avoir donné un habillement complet, il le laissa s’en revêtir, et revint à la cuisine, de plus en plus étonné de l’accès d’hospitalité de sa sœur. « Il faut qu’elle soit fey[5], se disait-il, et en ce cas elle n’a point long-temps à vivre ; mais quoique je me trouve son héritier, j’en suis fâché ; car elle a toujours bien dirigé le ménage… elle serre la sangle peut-être un peu trop, mais la selle n’en est que plus ferme. »

Lorsque Triptolème rentra dans la cuisine, il trouva ses soupçons confirmés ; sa sœur était en train, action inouïe ! de mettre au pot une oie fumée, qui était restée long-temps suspendue à la large cheminée avec quelques autres, marmottant entre ses dents : « Il faudra qu’elle soit mangée tôt ou tard, et pourquoi ne le serait-elle pas par ce pauvre diable ? — Qu’est-ce là, sœur ? dit Triptolème. Quelle cuisine ! Quel saint fêtez-vous donc aujourd’hui ? — Aujourd’hui est un jour semblable à celui où les Israélites furent tirés de la servitude d’Égypte, mon cher Triptolème ; mais vous ne savez pas qui vous traitez ici en ce jour de bénédiction ! — D’accord, je n’en sais rien, rien absolument, puisque c’est la première fois de ma vie que je le vois. Je prendrais bien ce jeune garçon pour un colporteur, mais il a l’air trop comme il faut, et ne porte point de balle. — C’est que vous ne voyez pas plus clair que vos bœufs borgnes, si vous ne le connaissez pas ; connaissez-vous Tronda Dronsdaughter ? — Tronda Dronsdaughter ? répéta Triptolème… comment ne la connaitrais-je pas, quand je lui paie deux sous d’Écosse par jour, pour travailler ici dans la maison ? Je sais aussi qu’elle travaille comme si la besogne lui brûlait les doigts : j’aimerais mieux donner huit sous anglais à une Écossaise. — Voilà la parole la plus sensée que vous ayez dite en ce jour de miséricorde. Eh bien, Tronda connaît ce jeune homme, et elle m’en a souvent parlé : on appelle son père l’homme silencieux de Sumburgh, et l’on dit qu’il présage malheur. — Allons, allons… sottises, sottises… ils font toujours de pareils contes, dit le frère, quand ils passent une journée sans travailler… Ils ont marché sur de mauvaises herbes, ils ont rencontré un porte-malheur, ils ont tourné la barque contre le soleil, et puis on ne peut rien faire ce jour-là. — Bien, bien, frère ; vous êtes si sage, vous, parce que vous avez appris le latin à Saint-André. Pourriez-vous donc me dire ce qu’il a autour du cou ? — Un mouchoir de Barcelone, aussi trempé qu’une guenille à laver les plats, et je viens de le remplacer par un des miens, répondit Triptolème. — Un mouchoir de Barcelone, » répéta Baby en élevant la voix ; et puis en la baissant soudain, comme de peur d’avoir été entendue, « je vous dis que c’est une chaîne d’or. — Une chaîne d’or ! — C’est la pure vérité. Eh bien, comment trouvez-vous cela ? nos gens disent, comme Tronda me l’a rapporté, que c’est le roi des Drows qui a donné cette chaîne à l’homme silencieux de Sumburgh. — Je voudrais que vous parlassiez sensément, ou que vous fussiez vous-même la femme silencieuse, répondit Triptolème : le résumé de tout cela est donc que ce jeune homme est fils du riche étranger, et que vous lui apprêtez l’oie que vous gardiez pour la Saint-Michel. — Mon frère, il faut faire quelque chose pour l’amour de Dieu, et pour se concilier des amis. D’ailleurs ce jeune homme, » ajouta Baby, car elle n’était pas entièrement au dessus des préjugés de son sexe en faveur des formes extérieures, « ce jeune homme a une très jolie figure. — Vous auriez laissé plus d’une jolie figure passer la nuit devant la porte close, n’eût été la chaîne d’or. — Sans doute, sans doute ; vous ne voudriez pas que je fisse largesse de vos provisions à chaque vaurien ou vagabond que le hasard amènerait par ici un jour de pluie. Mais ce jeune homme jouit dans la contrée d’un bel et honnête renom, et Tronda dit qu’il doit épouser une fille du riche udaller Magnus Troil ; le jour du mariage sera celui où il choisira entre les deux sœurs : ainsi, ce serait outrager notre honneur et exposer notre repos, que de le traiter chichement, quoique nous ne lui ayons pas envoyé d’invitation. — La meilleure raison du monde, dit Triptolème, pour garder un homme dans une maison, c’est de ne pas oser le mettre à la porte. Pourtant, puisque nous avons un hôte de qualité, je lui apprendrai quelle espèce d’homme je suis, moi. » Alors, s’avançant vers la porte, il se mit à crier : « Heus tibi, Dave ! — Adsum, » répondit le jeune homme en entrant dans la chambre.

« Hem ! fit l’érudit Triptolème, il n’est pas sans avoir fait des humanités, à ce que je vois ; je veux l’éprouver mieux… Entendez-vous quelque chose à l’agriculture, mon jeune gentilhomme ? — Ma foi non, monsieur, répondit Mordaunt ; je n’ai appris à labourer que sur la mer, et à moissonner que sur les rocs. — À labourer sur la mer ! s’écria Triptolème ; c’est un champ où la herse n’a point de peine à niveler les sillons. Quant à votre moisson sur les rochers, je suppose que vous voulez parler de ces scowries, peu importe le nom que vous donnez à ces plantes : c’est une espèce de récolte que le Rauzellaer devrait empêcher aux termes de la loi ; rien n’est plus propre à briser les os d’un honnête homme. J’avoue que je ne comprends pas quel plaisir on trouve à gigotter au bout d’une corde entre ciel et terre. Pour moi, j’aimerais autant que l’autre bout de la corde fût attaché au gibet ; je serais sûr de ne pas tomber, du moins. — Bah ! je vous engage à en tâter, répliqua Mordaunt… Croyez-moi, il n’y a guère au monde de plus grandes jouissances que celles qu’on ressent perché au milieu des airs, entre un roc haut et sourcilleux et l’Océan qui rugit ; la corde qui vous soutient semble à peine plus forte qu’un brin de soie, et la pierre contre laquelle vous avez un pied appuyé ne présente pas plus de surface qu’il n’en faut à une mouette pour se jucher… Sentir et comprendre une pareille position, avec l’intime confiance que l’agilité de vos membres et la force de votre tête peuvent pourvoir à votre salut, aussi aisément que si vous aviez les ailes du canard sauvage… c’est être, on peut dire, tout-à-fait indépendant de la terre où vous marchez. »

Triptolème tressaillit à cette description enthousiaste d’un amusement qui avait si peu de charmes pour lui ; et sa sœur, ébahie devant les yeux brillants et la figure noble du jeune aventurier, s’écria malgré elle : « Certes, mon garçon, vous êtes un brave gaillard ! — Un brave gaillard, répéta Yellowley, dites plutôt un brave canard, pour tournailler et pirouetter au vent, quand il pourrait se tenir in terrâ firmâ… mais voyons, voici une oie qui Vient à propos, si elle est bien cuite. Donnez-nous des assiettes et du sel, Baby… Ma foi, elle est assez salée. C’est un morceau délicieux ; il me semble qu’il n’y a que les Shetlandais au monde pour courir tant de risques à attraper des oies, et pour les faire bouillir quand elles sont attrapées. — Cela est sûr, » répliqua la sœur : c’était le seul point sur lequel ils se fussent trouvés d’accord depuis le matin. « Il serait tout-à-fait inutile de demander à une ménagère de l’Angus ou des Mearns de faire bouillir une oie, tant qu’il y aurait dans le monde ce qu’on appelle des broches… Mais qui vient là maintenant ? » ajouta-t-elle en regardant vers la porte avec la plus chaude indignation. « Sur ma foi, ouvrez votre maison, les chiens entrent… Qui a ouvert à cet homme ? — Moi, en vérité, répondit Mordaunt ; vous ne voudriez pas qu’un pauvre diable restât à battre votre porte par un temps comme celui-ci… Voici justement quelque chose pour alimenter le feu. » En disant ces mots, il saisit la barre de chêne avec laquelle la porte était barricadée, et la jeta sur les charbons, d’où elle fut retirée par dame Baby. La ménagère s’écria d’une voix irritée :

« C’est un cadeau de la mer comme nous n’en avons pas un pareil ici, et il en fait autant de cas que si c’était une allumette !… Et qui êtes-vous, s’il vous plaît, » ajouta-t-elle en se tournant vers le nouvel arrivant… « le plus impudent des porte-guenilles qui passa jamais devant mes deux yeux. — Je suis un colporteur avec votre permission, la mère, » répondit le voyageur, homme vigoureux, d’une figure commune, petit, et qui avait bien l’air humble d’un porte-balle, qu’on appelle jagger dans ces îles… « Je n’ai jamais voyagé par un plus mauvais temps, et jamais je n’ai tant souhaité un abri… Louanges au ciel qui m’amène au coin du feu et dans une chambre ! »

Ainsi parlant, il approcha un siège du foyer, et s’y installa sans plus de cérémonie. Dame Baby avait la mine aussi effarée qu’un canard sauvage, et cherchait un moyen de témoigner son indignation un peu plus efficacement qu’en paroles, et la marmite où l’oie avait cuit semblait devoir servir à l’exécution de ce projet, quand une vieille servante, à moitié morte de faim, qui partageait les soins du ménage avec miss Yellowley, et qui était restée jusque-là dans quelque coin éloigné de la maison, arriva clopin-clopant dans la chambre, et se répandit en exclamations qui annonçaient quelque nouveau motif d’alarme.

« Ô mon maître ! ô ma maîtresse ! » furent les seules paroles qu’elle put d’abord articuler ; mais ensuite elle continua : « Prenez ce qu’il y a de meilleur dans la maison ce qu’il y a de meilleur… Mettez tout sur la table, et ce sera encore trop peu… Voici la vieille Norna de Fitful-Head, la plus terrible femme de toutes les îles. — D’où peut-elle donc venir ? » dit Mordaunt, non sans paraître ressentir un peu la surprise, sinon la frayeur de la vieille domestique ; « mais il n’est pas besoin de le demander… plus le temps est mauvais, plus on est sûr de la trouver en route. — Quelle est cette nouvelle vagabonde ? « demanda Baby, que l’arrivée successive et rapide de ces hôtes avait presque rendue folle de chagrin. « J’arrêterai bientôt son vagabondage, j’en réponds, si mon frère a seulement une âme d’homme en lui, ou s’il y a une paire de menottes à Scalloway. — Le fer qui a été forgé sur une enclume ne pourra jamais la retenir, dit la vieille servante. La voilà… la voilà… Pour l’amour de Dieu, recevez-la bien et poliment, ou elle nous laissera de terribles marques de sa venue. »

Tandis qu’elle parlait, une femme d’une si haute taille qu’elle touchait presque le faîte de la porte avec son bonnet, entra dans la chambre en faisant le signe de la croix, et prononçant ces mots d’une voix solennelle : « Les bénédictions de Dieu et de saint Ronald sur la porte ouverte, et leur malédiction et la mienne sur les gens qui ferment la main ! — Et qui êtes-vous pour avoir la hardiesse de bénir et de maudire dans la maison des autres ? Quel pays est-ce que celui où les gens ne peuvent demeurer une heure tranquilles, servir le ciel et travailler à leurs petites affaires, sans que des kyrielles d’hommes et de femmes viennent frapper et mendier chez eux les uns après les autres comme une volée d’oies sauvages ? »

Le lecteur intelligent mettra facilement ce discours dans la bouche de miss Baby ; mais on ne peut se faire une juste idée de l’effet qu’il produisit sur la nouvelle étrangère. La vieille servante et Mordaunt se mirent aussitôt à tâcher de prévenir le ressentiment de celle à qui ces paroles étaient adressées ; la première lui adressa quelques mots norses d’un ton de suppliante, et Mordaunt lui dit en anglais : « Ce sont des étrangers, Norna, qui ne connaissent ni votre nom, ni vos qualités ; ils ignorent aussi les usages du pays ; il faut donc leur pardonner leurs manières peu hospitalières. — Je suis très hospitalier, jeune homme, répliqua Triptolème, miseris succurrere disco… L’oie qui était destinée à roussir dans la cheminée jusqu’à la Saint-Michel a cuit dans la marmite pour vous ; mais si nous avions vingt oies, je vois que nous trouverions sans peine assez de bouches pour les manger jusqu’aux plumes… Nous allons mettre ordre à cela. — Et à quoi vas-tu mettre ordre, esclave sordide ? » dit l’étrangère Norna en se tournant vers lui avec une expression de courroux qui le fit tressaillir d’effroi. « À quoi faut-il mettre ordre ! Amène, si tu veux, tes contres, tes socs, tes herses à la nouvelle mode, change les outils de nos pères depuis la charrue jusqu’à la souricière ; mais sache que tu es dans un pays jadis habité par les Kempions du Nord aux blondes chevelures, et laisse-nous notre hospitalité du moins, pour montrer que nous descendons d’une race autrefois noble et généreuse. Je t’engage à y prendre garde… Tant que Norna, de la pointe de Filful-Head, promènera ses yeux sur l’Océan incommensurable, il restera encore une possibilité de se défendre. Si les hommes de Thulé ne sont plus des champions, et n’apprêtent plus de banquets aux corbeaux, les femmes n’ont pas oublié les arts qui les transformaient jadis en reines et en prophétesses. »

La femme qui prononçait cette singulière tirade avait un extérieur aussi frappant que ses prétentions étaient hautaines et son langage emphatique. Elle aurait représenté dignement par les traits du visage, la voix et le port, la Bonduca ou Boadicée des Bretons, ou la sage Velleda, ou Aurinie, ou quelque autre des fameuses prophétesses qui menèrent jamais au combat une tribu d’anciens Goths. Ses traits étaient nobles et bien dessinés ; ils eussent été beaux sans les ravages du temps et sans les effets qu’avait produits sur eux le rude climat de son pays. L’âge et peut-être le chagrin avaient quelque peu diminué le feu de ses yeux bleus, dont le sombre azur approchait beaucoup du noir ; et les tresses de sa chevelure, qui s’étaient échappées de dessous sa coiffure et que la rigueur de l’orage avait mises en désordre, en avaient reçu çà et là quelques traces de neige. Son manteau, d’où l’eau découlait, était d’une grosse étoffe de couleur brune, appelée wadmaal, généralement portée à cette époque dans les îles Shetland aussi bien que dans l’Islande et la Norwège. Mais en se dépouillant de ce vêtement, elle laissa voir une courte jaquette de velours d’un bleu sombre parsemée de dessins, et un corsage de couleur cramoisie et brodé d’un argent déjà terne. Sa ceinture était garnie d’ornements en argent taillés dans les formes des signes planétaires. Son tablier bleu était brodé de semblables figures, et recouvrait un jupon court d’étoffe cramoisie. Elle portait de forts souliers en peau à demi tannée du pays, attachés sur ses bas écarlates par des courroies semblables à celles des bottines romaines. Elle avait à la ceinture une arme qui n’était pas des plus mignonnes, et qu’on pouvait prendre pour un couteau à sacrifice ou pour un poignard, suivant que l’imagination de l’observateur assignait à cette femme le rôle de prêtresse ou de sorcière. À la main elle tenait un bâton soigneusement équarri, couvert de caractères runiques et de figures formant un de ces calendriers perpétuels en usage chez les anciennes tribus de la Scandinavie ; bâton qui pouvait, aux yeux de gens superstitieux, passer pour une baguette divinatoire.

Tel était l’extérieur de Norna de Fitful-Head, que beaucoup des habitants de l’île regardaient avec méfiance, beaucoup avec crainte, presque tous avec vénération. Des motifs de soupçon moins évidents auraient suffi en Écosse pour l’exposer aux persécutions de ces cruels inquisiteurs qui étaient souvent, à cette époque, investis par le conseil privé de toute l’autorité nécessaire pour vexer, torturer et condamner au feu les malheureux accusés de magie ou de sorcellerie. Mais les superstitions de cette nature passent par deux degrés avant de disparaître entièrement. Ceux qu’on suppose posséder une puissance surnaturelle sont vénérés dans les premiers âges des sociétés ; à mesure que la religion et les lumières augmentent, ils sont d’abord en butte à la haine et à l’horreur, et sont enfin regardés comme imposteurs. L’Écosse était dans ce second état : la crainte des sortilèges était grande, et la haine contre les gens soupçonnés de sorcellerie était extrême. Les Shetland formaient comme un petit monde où, parmi les classes inférieures de la société, régnait encore l’antique superstition du Nord. On y conservait la vénération primitive pour ceux qui affectaient des connaissances surnaturelles et un pouvoir plus qu’humain sur les éléments, pouvoir qui occupait une si grande place dans les anciennes croyances de la Scandinavie. Du moins si les naturels de Thulé admettaient qu’une classe de magiciens exécutaient leurs exploits grâce à une alliance avec Satan, ils croyaient dévotement que d’autres commerçaient avec des esprits d’une classe différente et moins odieuse, avec les anciens nains, appelés dans les îles Shetland Trows ou Drows, et qu’ont remplacés les fées modernes.

Parmi ceux qu’on soupçonnait être ligués avec des esprits sans corps, cette Norna, descendante et dernier rejeton d’une famille qui prétendait à ces dons miraculeux, occupait un rang si distingué, que le nom d’une de ces fatales sœurs dont l’occupation est de couper le fil de la vie humaine, lui avait été décerné en honneur de sa puissance surnaturelle. Le nom sous lequel on l’avait réellement baptisée était soigneusement caché par elle et par ses parents ; car, dans leurs superstitions, ils attachaient un présage de malheur à ce qu’il fût découvert. À cette époque, ce qu’on mettait en doute, c’était seulement si une telle puissance pouvait s’acquérir par des moyens légitimes. De nos jours, la question eût été de savoir si c’était imposture chez elle, ou si son imagination était assez fortement frappée des mystères de son art supposé pour qu’elle pût croire jusqu’à un certain point à son pouvoir surhumain. Il est certain qu’elle jouait son rôle avec une assurance si imperturbable, avec une dignité si frappante dans le visage et les gestes ; en même temps elle déployait une telle force de langage, une telle énergie de résolution, qu’il aurait été difficile, même au plus grand sceptique, de révoquer en doute la réalité de son enthousiasme, quand bien même il eût souri des prétentions qui en étaient le motif.



  1. Espèce de potage écossais.
  2. Mélange de farine, de gruau et d’eau fraîche. a. m.
  3. Farine délayée dans du lait.
  4. Espèce de petit-lait.
  5. Lorsqu’une personne change tout-à-coup de caractère, comme quand un avare devient libéral, un homme grossier, poli, on dit en Écosse qu’il est Fey ; c’est-à-dire prédestiné à une mort prompte, dont de semblables mutations d’humeur sont regardées comme un indice certain. w. s.