Œuvres poétiques François de MaynardAlphonse Lemerre, éditeur (p. 37-59).

Depuis cest heureux accident
Leur amour n’eut d’astre ascendant
Que la félicité parfaicte ;
Car il n’y avoit de plaisirs
Que pour contenter leurs désirs,
Enfants de leur flame secrette.


Les antres, les bois et les prez,
De cent belles fleurs diaprez
Estoient les tesmoins de leur vie.
Car tant seulement aux ruisseaux,
Aux fleurs et aux gentils oyseaux
Ils décèloient leur douce envie.

Un jour un crystal argenté
D’un haut rocher précipité
Au fond d’une ombreuse vallée,
Trainant son onde à dos rompu,
Par un murmure interrompu,
Redisoit leur flame célée.

Echo, ceste fille de l’air,
Receut ce murmurant parler,
Dont elle en forma, caqueteuse,
Un bruit confus qui s’espandit,
Et d’un traict soupçonneux fendit
Une âme en amour langoureuse.

C’estoit Lysis, rempli de deuil
Au doux souvenir du bel œil
De Florize, object de sa peine,
Quand traversé de ce bruict sourd,
Il se leva comme un qui court
Espouvanté d’une ombre vaine


Et bandant l’oreille à ce son,
Qui faisoit naistre un vif soupçon
A son âme d’amour esprise,
Il ouyt une voix en l’air,
(bien que confusément) parler
Et de Philandre et de Florize.

Soudain, par mille traicts jaloux,
Amour lui altéra le poulx,
Et le fit courir à la plainte,
Aux tristes souspirs, et aux pleurs
Ordinaire recours des cœurs
Blessez d’une amoureuse attainte.

Puis, laschant ses moites regards,
Tournez en cent diverses parts,
Il vit, sur l’escorce d’un arbre,
Philandre et Florize enlassez :
Ses esprits soudain oppressez
Le firent semblable à un marbre.

Car, privé de tout mouvement,
Il n’eut point d’autre sentiment
Que celuy de sa flame ardente ;
Mais enfin, revenu à luy,
Parmy son violent ennuy,
Il dit d’une voix triste et lente :


– un autre donc va savourant
Le fruict que j’allais espérant
De toy, cher object de ma flame :
Et moy je n’auray d’autre bien
Que l’honneur d’avoir un lien
Le plus beau qui ait onc pris âme.

Soit, car bien que la fière loy
Du sort jaloux et de mon roy
M’oblige à un ingrat martyre,
Je me console en mes travaux,
D’avoir pour cause de mes maux
L’astre de l’amoureux empire.

Mais las ! à quoy ? Si ce flambeau
M’ouvre la porte du tombeau
Par mille rigueurs inhumaines.
Plustost, sous les pieds du mespris,
Foulons sa beauté qui m’a pris
Sans souffrir en vain tant de peines !

Gravons au pied de ce rocher :
Si son œil jadis me fut cher
Maintenant il m’est haïssable !
Mais non, car si, en l’adorant,
Le ciel veut que j’aille mourant,
Je tiendray ma mort honorable.


Je veux donc me paistre de dueil
Jusques au point de mon cercueil,
Puis que telle est ma destinée :
Car à quoy me plaindre des cieux
Si pour me rendre soucieux
La parque est toujours obstinée ?

Peu après, triste et esploré,
S’estant en un bord retiré
Pour entretenir ses pensées,
Voyant le soleil dessus soy,
Il dit : – vis-tu si ferme foy
Ny peines si mal compensées ?

A ces mots, un torrent de pleurs
S’enfanta des tristes vapeurs
Dont il avoit l’ame couverte.
Enfin, voyant le soir ombreux,
Il dit : – combien plus ténébreux
Est mon cœur proche de sa perte !

Aussi tost que le jour ardent
Fut clos au point de l’occident,
Il s’en alla plein de souffrance,
Et bruslé d’un brasier jaloux
Qui, changé bien tost en courroux,
Vainquit sa longue patience.


Pendant que l’astre qui reluit
Parmy les ombres de la nuict
Poursuivit sa noire carrière,
Il pleura jusqu’au point du jour
Que la belle estoile d’amour
Déferme au soleil la barrière.

Alors vagabond dans les bois,
Il fit retentir de sa voix
Les monts, la plaine et les vallées,
Disant : tes beautez, mon soulas,
Seront telles tousjours helas !
A mes tristes yeux recelées ?

Si parmy son jaloux travail
Il voyoit l’agréable esmail
Des fleurs nouvellement escloses,
Il disoit : – combien est plus beau
Ce teint et ce corail jumeau
Parsemé de lis et de roses ?

Et puis haussant ses moites yeux
Devers le bel astre des cieux,
Il disoit : – cache ta lumière,
Flambeau qui fais le jour vermeil ;
Car il n’est point d’autre soleil
Que l’œil de ma belle guerrière.


Mais à quoy ? Disoit-il après
Ne treuver fleur emmy les prez,
Ni flame au ciel belle à ma veuë,
Pour une si fière beauté
Que son ingratte cruauté
Par cent traits de mespris me tuë ?

Las ! En quel poinct suis-je réduit !
Je poursuis celle qui me fuit,
Et j’adore mon ennemie ?
Hé ! Quelle tyrannique loy !
Non, non, je veux rompre ma foy,
Plustost qu’en vain perdre la vie.

Toutesfois, vivons en espoir,
Possible encor pourray-je voir
Le doux subject de mon martyre ?
A mesme, dans un antre ombreux,
Il vit son soleil amoureux
Auprès de Philandre reluire.

Soudain, blessé d’un traict jaloux,
Il cheut dessus ses deux genoux,
Et puis du front donnant sur l’herbe,
Il s’escria : – ha ! Sort malin,
Pourquoy prolonges-tu ma fin
Au joug de ma chère superbe ?

Esploré lors, il dévala,
Et par un trac ombreux alla
Devers la cause de sa flame,
D’où il vit Philandre lassé,
Des bras de la nymphe enlassé,
Emmy les plaisirs rendre l’âme.

Puis, derrière un buisson caché,
S’estant de fort près approché,
Il ouyt que son ennemie
Disoit : – doux soleil de mon cœur,
Qui pourroit, jaloux de nostre heur,
Troubler nostre paisible vie ?

Tout rit à nos ardents désirs,
Amour nous donne des plaisirs,
En leur douceur incomparables ;
Mais mon heur seroit plus parfaict
Si tes feux estoient en effect
Autant que mes flames durables.

– mon âme, luy dit le berger,
Crois-tu que je puisse changer,
Et par l’oubly des feux estaindre ?
Helas ! S’il t’aggrée en t’aymant,
Que je vive plus longuement,
Cesse, ma belle, de le craindre.


Alors la nymphe, en le baisant,
Alla tout le trouble appaisant
Qui jà naissoit dedans son âme ;
Et le baiser coulant au cœur
Y reversa tant de douceur
Qu’il luy fit dire : – ha ! Je me pasme !

Le jaloux ne pouvant plus voir
Ce qu’il n’eust pas voulu sçavoir
Se leva tout remply de rage
Criant : – ciel, qu’est-ce que je vois ?
Et redoublant toujours sa voix,
Il courut dedans le bocage.

Philandre, vivement touché,
Voyant de son bonheur caché
La jouissance décelée,
Se leva d’un ireux effort,
Ayant, pour réparer ce tort,
D’un chaud courroux l’âme affolée,

Si que, de fureur transporté,
Courant d’un pas précipité
Après l’ennemy de sa gloire,
Il eust d’un coup victorieux
Porté ce berger envieux
Au delà de la rive noire


Mais un loup, de rage animé,
A l’œil de furie enflamé
Et à dent de faim afilée,
En ce poinct se mesla parmy,
Pour trancher d’un coup ennemy
Sa trame heureusement filée.

Desjà Lysis voyoit le bord
Du triste fleuve de la mort,
Lorsque ceste cruelle beste,
S’eslança comme un foudre ireux
Dessus Philandre (bien heureux,
S’il eust préveu ceste tempeste).

Ce berger en ce point réduit
Qu’il n’espéroit rien que la nuict
De son imparfaite journée,
A la fuitte enfin eut recours,
Hélas ! Mais en fuyant, un ours,
Rendit sa carrière bornée.

Il s’arresta glacé de peur,
Et dit : – adieu, roy de mon cœur,
Bel œil autrefois ma lumière.
Maintenant je cognois combien
Tous les dieux jaloux de mon bien
Haïssent ma flame première.


Adieu, doux suject de mes maux.
Alors, ces cruels animaux,
Attisans leur brutale rage,
Se joignirent plus rudement
Qu’un flot de l’ondeux élément
Ne heurte le roc d’un rivage.

Pendant que ces monstres affreux
Disputoient fièrement entr’eux
A qui seroit si douce proye,
D’un arbre à l’autre s’esloignant,
A chasque pas alloit craignant
Qu’ils ne recogneussent sa voye.

Ce danger estant esvité,
Pour revoir sa chère beauté
Il retourna dans la caverne
Où il avoit vaincu son dueil ;
Mais elle devint un cercueil
Presque aussi triste que l’Averne.

Car sa belle n’y estant plus,
Il eut, d’estonnement perclus,
L’âme de peur si fort frappée,
Que tombant my-pasmé de dueil
Il fit un ruisseau de son œil
Par qui sa face estoit trempée.


Puis les soucieuses vapeurs
Qui s’allèrent formant des pleurs
Dont Philandre noyoit la terre,
S’exhalèrent soudain en l’air,
Et y firent estinceler
Les esclairs courriers du tonnerre.

Ces vapeurs en eau se fondans,
Et de ces tonnerres grondans
Les flammes en bas eslancées,
Firent que d’un hautain rocher
Leur esclat venant s’approcher
Rendit ses pointes renversées.

De ce roc les sourcils rompus,
Roulans à bonds interrompus
Par le rencontre de maints chesnes
Et de maints ombrageux ormeaux,
Firent que les nymphes des eaux
Se cachèrent dans leurs fontaines.

De ce prompt orage estonné
Et de peur encore entourné
Il baigna de pleurs son visage ;
Mais plus lors qu’il vit un rocher
Comme un traict descendre, et boucher
La porte à cest autre naufrage.


En ce lieu ombreux enfermé,
D’un cry par la plainte animé
Il accusa sa destinée,
Réclamant à secours les dieux,
Et son soleil victorieux
Qui faisoit luire sa journée.

Or, Lysis, estimant alors
Philandre une ombre entre les morts,
Fit revivre son espérance,
Et osa promettre à son cœur
La fin de son aigre langueur
Par une douce joüissance ;

Si qu’avant la fin de ce jour,
Il dit à ce soleil d’amour
Dont il esperoit son remède :
– belle cause de mon tourment,
N’auray-je point d’allégement
Au mal qui pour toy me possède

Celuy pour qui ton cœur espris
Armoit ses beaux yeux de mespris
N’est ores qu’une ombre blesmie ;
Et Amour ne possède plus
Un esprit au tombeau reclus,
Car la parque est son ennemie.


Resous-toy doncques de bannir
Ce berger de ton souvenir,
Car puisqu’il est ores sans vie,
Il ne sçauroit te caresser
Ny toy dans tes bras l’enlasser,
Tous deux poussez de mesme envie.

Plustost, cher astre gracieux,
Tourne ton cœur et tes beaux yeux
Devers celui qui ne peut vivre
Qu’en idolâtrant tes appas,
Sans s’obstiner jusqu’au trespas
D’aller une vaine ombre suivre.

– ô ciel, doncques Philandre est mort !
S’écria Florize, et l’effort
Du cuisant regret de sa perte
Ne peut pas finir mon destin.
Ha ! Que ne m’a le ciel mutin
D’un rocher maintenant couverte !

Et toy, monstre de cruauté,
Qui veux forcer ma volonté
A languir dessous ta puissance,
Oses-tu bien parler d’amour
Après m’avoir ravi le jour
Du soleil de mon espérance ?


Où est ton foudre, Jupiter ?
Quoy ! Mon dueil ne peut t’irriter
Pour me vanger de ce barbare ?
Ha ! Pleurons, Florize, pleurons,
Et rien que la mort n’espérons ;

Mort, de mon beau thrésor avare.
Le sort de pitié n’ést attaint.
Puisque son beau jour est esteint,
Je n’en seray plus esclairée :
La parque, hélas ! Le retiendra,
Et plus ça-bas ne reviendra
Pour voir mon âme martirée.

Lysis, décheu de son espoir,
Sentit le cruel désespoir
Faire en son cœur un tel ravage
Que, pour n’ouyr plus ces discours
Qui lui défendoient tout secours,
Il s’escarta rempli de rage.

Florize cependant, au bois,
Par l’accent de sa triste voix,
Réclamoit l’ombre de Philandre,
Et l’accusoit de peu d’amour,
De changer ainsi de séjour,
Sans avoir daigné de l’attendre.

– mais, disoit-elle, mon soucy,
Tu n’as pas toy-mesme noircy
Le serain de ta douce vie :
C’est le fier destin, et les dieux
De nostre bonheur envieux
Qui m’ont ta présence ravie.

Mais quoy ? Pensent-ils, les jaloux,
Avoir tout seuls un œil si doux,
Et m’en oster la jouissance ?
Non, non, si tu ne vis pour moy,
Je veux perdre le jour pour toy,
Toy, doux suject de ma souffrance.

Pendant que la nymphe pleuroit
Et coup dessus coup souspiroit,
Elle apperceut la douce rive
Où son bonheur fut accomply
Eh ! S’escria-t-elle, l’oubly
Donc hélas ! Te retient captive,

Ô âme, butin de la mort !
Puis elle alla devers ce bord
Proche de l’antre de Philandre,
Où il disoit : – puisque les cieux
Me deffendent de voir ces yeux
Que me sert, hélas ! De l’attendre ?

Quelle espérance de sortir !
Ciel ! Si tu voulois consentir
Que le doux objet de ma peine
Revint encor en ce rocher,
Que je l’en revisse approcher :
Mais, hélas ! Mon attente est vaine.

Philandre trop infortuné,
A quel trespas t’a destiné
La parque à te nuire obstinée ?
Hé ! Tu mourras donc sans revoir
Florize, en qui gist le pouvoir
De surmonter la destinée.

Entendant ceste triste voix,
Elle fit retentir les bois
D’un cry tout remply d’allégresse :
Disant : – où es-tu, mon berger ?
Philandre, viens donc alléger
L’ennuy qui loin de toy m’oppresse.

Approche, ma douce moitié,
N’es-tu point touché de pitié ?
Las ! Te plais-tu à m’ouyr plaindre ?
Que tardes-tu tant à venir ?
Qu’est-ce qui te peut retenir,
Ma voix à toy pouvant atteindre ?

– Florize, viens en ce rocher,
Luy dit-il, car de t’approcher
La puissance m’en est ostée.
La nymphe jugeant d’ou couloit
La triste voix qui l’appelloit
Y courut toute transportée.

Le voyant, elle larmoya,
Et maint souspir triste envoya
Vers luy qu’une douleur amère
Força longtemps à souspirer,
Gémir avec elle et pleurer ;
Aussi, lors, qu’eust-il sceu plus faire ?

Toutes-fois, après ces sanglots,
Il luy dit : – tu me vois enclos
Dans le tombeau, remply de vie.
Mais hélas ! Pour vivre autrement,
Le ciel, aise de mon tourment,
M’en a la puissance ravie.

Au moins, je mourray satisfaict,
Ayant reveu le cher object
Sans qui la mort m’estoit fascheuse.
– hé ! Comment voudrois-tu mourir,
Luy dit-elle, sans secourir
Mon âme pour toy langoureuse ?


– quel secours attens-tu de moy ?
Sinon de plaindre ton esmoy,
Respondit-il à sa déesse ;
Mais, ceste plainte ne peut point
Adoucir le mal qui t’espoint
Et qui rengrége ma tristesse.

Pour ne me laisser t’approcher,
Le ciel m’oppose un dur rocher
Qui se mocque de ma puissance ;
Et te voyant, las ! Je ne puis
Dissiper mes tristes ennuys
Qui r’enforcent leur violence.

Jadis, au doux jour de tes yeux,
Mon ennuy le plus soucieux
Se perdoit soudain comme une ombre :
Toutefois, ores, ma langueur,
Auprès de ton œil, mon vainqueur,
Me fait des morts croistre le nombre.

Je m’en vay peu à peu mourant...
Alors la nymphe souspirant
L’interrompit de ceste plainte :
– ô ciel ! Au moins, ne permets pas
Que le sort nous pousse au trespas,
Sinon par une mesme attainte.


De ces pleurs et de ces sanglots
Par un excez d’amour esclos,
Et d’une pitoyable plainte
Elle alloit les dieux réclamant,
Qui touchez de ressentiment
Rendirent sa douleur esteinte.

Desja, son beau jour obscurcy
Ressembloit au couchant noircy
Lorsque le soleil se retire,
Et Philandre, à demy-pasmé,
N’estoit d’autre esprit animé
Que de ce douloureux martyre

Quand, comme les vents enfermez,
Par leurs mouvements animez,
Pour sortir esbranlent la terre,
Et croulent les monts sourcilleux
Renversans les pins orgueilleux,
Comme un traict que Jupin desserre,

Ainsi, leurs souspirs exhalez
Et deux torrents de pleurs coulez
Dedans cette grotte sauvage
Avecques le secours des dieux,
Rompirent l’obstacle envieux
Qui tenoit Philandre en servage.


Ce rocher, bien loing escarté,
L’ayant remis en liberté,
Et son esprit hors de tristesse,
Il sortit pour sécher ses yeux
Au rayon doux et gracieux
De sa belle et chere déesse.

Mais las ! Son espoir fut déceu.
Son soleil n’a guère apperçeu ;
Craintif avoit jà pris la fuitte,
Loin de ce rude croulement.
Lors, il dit en se r’enfermant :
– hé ! Mon âme, où es-tu réduite ?

Que me sert ta faveur, Amour,
Hélas ! Si recouvrant le jour,
Je perds le suject de ma vie.
Dieux ! Par trop de mon bien jaloux,
Dites, pourquoy m’en avez-vous
Si tost la présence ravie ?

J’estois dans le tombeau vivant,
Quand ma déesse m’y trouvant,
M’en a retiré pitoyable ;
Et or, vous me la ravissez !
Que faites-vous, dieux insensez ?
Elle n’est qu’à moy seul ployable.


En vain, vous l’emportez aux cieux,
Dessus un throsne glorieux :
Elle mesprise vostre empire,
Et n’a point de plus doux penser
Que de venir récompenser
Mon cœur qui pour elle souspire.

Ennemis, cruels ravisseurs,
De mon bien à tort possesseurs,
Prenez-vous à vos déesses,
Sans empescher que mon soleil
Revienne des rays de son œil
Dissiper mes sombres tristesses.

Mais, en vain, je me plains, hélas !
Rien ne me peut donner soulas
Que la mort, mon dernier remède.
Aussi bien, le dueil qui me suit
Est ores en tel point réduit
Que tout autre dueil il excède.

A ces mots, le berger sortit,
Et tristement se départit
De l’espoir d’aucune allégeance.
Puis, il dit, en se retirant :
– puis qu’en vain je vay souspirant,
Mon cœur, finis tost ta souffrance.


Faisons que ce jour soit celuy
Qui donne fin à nostre ennuy !
Ainsi dit le triste Philandre,
Estimant que ce croulement
Fust marque du ravissement
De la beauté qui le sceut prendre.