Le Pauvre Petit Causeur/Réflexions au sujet du moyen de ressusciter le théâtre espagnol

Traduction par Marcel Mars.
Imprimerie et lithographie Veuve Migné (p. 101-102).

RÉFLEXIONS
AU SUJET DU MOYEN DE RESSUSCITER LE THÉÂTRE ESPAGNOL.

Aujourd’hui la migraine s’est emparée de nous : que le lecteur n’attende donc ni des gracieusetés, ni des chansonnettes ; nous nous trouvons dans un de ces moments de totale indolence de qu’est ce que cela me fait à moi ? auxquels est par malheur trop sujette cette misérable humanité qui entraîne avec elle notre faible esprit dans une autre vie, suivant l’opinion la plus accréditée. Sont-ce les influences de quelque astre malin, qui pèse sur nous ? La croyance antique admettait cela, car les croyances aussi vieillissent et passent ; les modernes ne croient pas aux influences. Est-ce le fameux spleen ? Peut-être bien, car cela est fort à la mode dans un temps où la mélancolie et le déplaisir sont de bon ton. Sommes-nous par hasard pris de quelque accès de sombre sentimentalisme ? Foi de causeurs, nous n’avons pourtant pas plus lutté contre les ombres ensanglantées de Saragosse, que nous ne sortons de voir jouer quelque mélodrame traduit du français.

Cela tient-il à l’objet même que nous avons aujourd’hui choisi pour notre article ? À la vérité il n’est ni d’astre, ni d’ombre, ni de mélodrame qui puisse influer sur nous d’une façon aussi triste. Nous sommes gens de lettres, mal en soit à Minerve, et poètes d’en deçà des monts : si cela ne suffit pas à teindre en noir nos idées, il n’y aura pas dans le monde un seul esprit chagrin qui ait de vrai motif pour l’être.

Passons enfin à notre article, qui est plus ardu qu’il ne le paraît, malgré que nous doutions que notre maigre talent puisse présenter les idées avec tout cet ordre, cette clarté, cette éloquence que de bon gré nous souhaitons à d’autres.