Première livraison
Le Tour du mondeVolume 18 (p. 177-192).
Première livraison

L’Indus. — Dessin de H. Clerget d’après un croquis de M. G. Lejean.


LE PANDJAB ET LE CACHEMIR[1],


PAR M. GUILLAUME LEJEAN.


1866. — TEXTE ET DESSINS INÉDITS.


Séparateur


Je m’étais rendu dans l’Inde il y a deux ans, avec l’intention de chercher derrière l’Himalaya, au nord ou à l’ouest, la solution de certains problèmes d’ethnographie et d’histoire qui promettent de beaux triomphes à quiconque pourra en résoudre la plus mince parcelle. Averti par l’expérience des voyages, j’avais sagement prévu le cas ou des contre-temps imprévus m’empêcheraient de franchir l’Himalaya et où des études faites dans l’ancienne Indo-Scythie me dédommageraient en bonne partie des résultats primitivement espérés. C’est juste ce qui m’arriva. Je tombai dans le nord de l’Inde en face de quatre guerres sérieuses : la Russie battait les Bokhares, ce qui surexcitait le fanatisme de tout le Turkestan ; dans la Tartarie chinoise, les musulmans insurgés et cœlestial Johnny (petit nom anglais des fils de l’Empire-Céleste) se massacraient avec un entrain qui eût inquiété le Juif-Errant lui-même ; le tiers du Cachemir était insurgé contre son tyran, et l’Afghanistan était déchiré par les querelles des fils du vieux Dost Mohammed, récemment décédé. Dans le doute si je pourrais mener mes projets à bonne fin, je ne négligeai pas l’étude des pays que je traversais, le Pandjâb, l’Afghanistan britannique, le Cachemir, et bien je m’en trouvai. Ce sont mes excursions dans ces contrées que je vais raconter au fil de la plume à mes lecteurs.

La forme purement narrative est celle que j’ai toujours préférée : mais en lisant les notes écrites durant les loisirs, quelquefois assez longs, de mes pérégrinations, je trouve que si la préoccupation littéraire y manque parfois, elles offrent en revanche une image plus vive, plus nette, plus fidèle de mes impressions au jour le jour. Comme je suppose que le lecteur ne sera pas trop fâché de saisir ces impressions sur le fait, il me permettra de remplir les lacunes de ma narration avec les extraits de mon journal. Ce mélange offrira d’abord un peu d’étrangeté, mais il présentera peut-être aussi une garantie contre la monotonie et l’apprêt, grands écueils des récits arrangés au retour, quand on a pendu au clou le sac et le bâton du pèlerin et qu’on saisit la plume docile dans des intentions malévoles à l’endroit du lecteur sans défiance, lector incautus.

Ces explications données, j’entre en matière par Kuratchee, à la bouche la plus occidentale de l’Indus, lieu où je touchai pour la première fois, avec un respect que l’on comprendra, la terre sainte d’Aryavarta, le sol auguste de l’Inde.


I


Kuratchee. — Chemin de fer de Kotree : paysage : un nullah. — Pourquoi l’Hindou ne connaît pas le kef. — Kotree : le travellers’bungalow.

Kuratchee, 13 mai. Nous avons doublé à trois heures après midi la falaise de Munora, et passé entre le phare et une île bizarre, une sorte de pyramide tronquée et rongée par les vagues, qui l’ont séparée de la falaise à une époque évidemment peu éloignée. La ligne d’horizon est fermée de tous côtés par une plage grise, terne, nue, sur laquelle se massent à droite les maisons du vieux Kuratchee, dominé par un clocher plus ambitieux qu’élégant.

L’aimable capitaine Mac Callum à la courtoisie de faire mettre la baleinière à la mer et de me conduire lui-même jusqu’à la station des voitures de place. Ces voitures sont d’élégantes calèches dirigées par de jeunes cochers indous en tunique blanche et en turban rouge, propres, empressés et polis ; les prix, en comparaison avec ceux des grandes villes d’Orient, sont assez modérés : pour une roupie et quatre annas (trois francs dix centimes) je me fis conduire à l’embarcadère du chemin de fer de Kotree, à cinq kilomètres environ. La route, large et belle comme toutes les routes de l’Inde anglaise, traverse ce que j’appelle le nouveau Kuratchee, c’est-à-dire les nouvelles constructions exécutées par le génie civil et la marine : l’ensemble répond bien à l’idée que je me fais de l’activité anglo-saxonne dans l’Inde, car l’occupation du Scinde ne remonte qu’à vingt-trois ans, et les travaux de Kuratchee, me dit-on, qu’à une douzaine d’années.

Le chemin de fer de Kotree a une longueur de quarante miles, il aboutit à l’Indus en face de Haïderabad. Je n’ai pas besoin de dire que le service n’y a point l’irrégularité pittoresque et impatientante qui domine dans ceux de Turquie et d’Égypte. Le bon marché est vraiment prodigieux : parcours total, pour les premières, deuxièmes, troisièmes classes, six, quatre et deux roupies[2] (quinze, dix et cinq francs). Je remarque que les troisièmes sont pleines, ce qui n’empêche pas un Anglais de me faire remarquer que la compagnie a tort de faire payer deux roupies aux voyageurs de cette classe, et qu’elle aurait bénéfice à mettre les places à une roupie. L’Hindou est économe, parce que ses moyens d’existence, comme du reste ses besoins, sont très-limités.

Kotree, 14 mai. — À peine en wagon je me suis endormi d’un bon somme pour ne me réveiller que ce matin au lever du soleil. Je jette un coup d’œil sur la campagne : elle est moins unie que Kuratchee, mais n’en est guère moins triste. La plaine, plate, faiblement ondulée, me paraît presque déserte : force buissons de tamarix indica à gauche de la route : quelques chaînes de monticules rougeâtres derrière lesquels je devine le plus affreux désert : un vrai paysage des plus mauvais endroits de la Haute-Nubie. La seule chose pittoresque qui délasse ma vue est un long viaduc enjambant hardiment un fort beau nullah, c’est-à-dire un torrent desséché dont le long ruban de sable blanc et fin sert de grande route aux indigènes ; au moment du passage du train, un long troupeau défile en se dirigeant sur l’abreuvoir.

L’arrivée à Kotree me montre l’Inde sous un aspect plus riant : depuis la gare jusqu’au fleuve, sur une longueur d’un kilomètre, on ne voit que larges allées sablées circulant entre des jardins et des villas aussi spacieuses qu’élégantes. C’est la ville anglaise, qui date de sept ou huit ans ; la ville indigène, grise, poudreuse et nue, ressemblerait assez à un village arabe, n’était la largeur des rues et l’absence de cafés. Je note à ce propos un trait du caractère hindou : c’est un peuple qui n’entend rien au kef oriental, à cet état délicieux d’anéantissement qui participe à la fois de la rêverie et du sommeil, cette béatitude ineffable qui échappe à toute définition, précisément parce qu’elle est l’absence complète de toute sensation définissable. Le kef est impossible dans nos climats d’Occident, où l’atmosphère est, pour ainsi dire, trop chargée d’activité ambiante pour permettre un pareil anéantissement de la pensée ; peut-être est-il possible en Sicile et en Andalousie ; peut-être est-il moins dépendant du climat que d’un certain milieu d’habitudes. Du moins je n’en ai jamais éprouvé le besoin à Paris, où les étés sont parfois si brûlants, tandis que c’était pour moi la plus impérieuse des nécessitées quotidiennes à Constantinople, en novembre dernier. La fumée subtile du narghilé, la vapeur plus subtile encore du café d’Yémen, sont les agents puissants et inoffensifs de cette torpeur salutaire à l’hygiène, et que chacun accommode comme il l’entend. L’Arabe ou le Nubien y ajoute la bizarre friction qu’il appelle la delka ; le Turc regarde, en fumant ou en bâillant, fumer et bâiller les femmes les plus bêtes, les plus gourmandes et les plus malpropres que le ciel ait créées ; moi, j’ai le kef moins… sardanapalesque, mais il ne me déplaît pas de m’y préparer par un quart d’heure d’une lecture attrayante.

L’Hindou, malheureusement pour lui, n’a ni le café ni le tombeki : il y a bien le thé, ce qui est loin de remplacer la fève de la mer Rouge, et le houka, qui est absolument la même chose que le narghilé, mais où l’on fume le gurago, drogue malfaisante composée d’un tabac du Bengale, d’une sorte de mélasse et d’opium. Le tout forme une pâte noire, douceâtre, d’aspect peu engageant : j’en ai fumé une fois et j’en ai assez pour le reste de mes jours. L’usage du houka, jadis en haute faveur parmi les officiers anglo-indiens, a été, paraît-il, proscrit, m’a-t-on dit, soit par le bon ton, soit par le règlement. L’Hindou, lui, continue à absorber ce poison, qui lui donne une torpeur pesante et funeste.

Je me suis installé au travellers’bungalow, une innovation toute anglaise que nous ne ferions pas trop mal d’imiter en Algérie. Dans toutes les villes où l’agglomération européenne n’est pas assez considérable



pour avoir suggéré à la spéculation privée l’idée de fonder

des hôtels, le gouvernement a bâti un bungalow (sorte de villa) simple, élégant, où tout voyageur peut s’installer confortablement, au prix d’une roupie par jour. Comme tous les indigènes aisés et la plupart des Anglo-Indiens voyagent avec au moins un domestique, le péon (gardien) du bungalow est tenu de mettre sa cuisine à leur disposition et de leur procurer à des prix modérés toutes les provisions dont ils ont besoin ; quant à ceux qui n’ont point de cuisinier avec eux, un mess-man attaché à l’hôtel leur fournit leurs repas comme ils l’entendent, d’après un tarif affiché ostensiblement dans toutes les chambres. Rien de plus commode pour le voyageur que le travellers’bungalow : il y trouve tout le comfort désirable, joint à une liberté et une tranquillité que donnent rarement nos hôtels européens ; pas d’empressements importuns et serviles, pas d’additions gonflées, pas le va-et-vient d’un monde affairé et bruyant, rien de cette agitation triviale qui n’a rien de choquant pour des Yankees, mais qui est une dissonance, une sorte de fausse note dans le grave et noble Orient. Un beau bois de palmiers, enclos dans le vaste jardin du bungalow, ajoute au charme qu’offre à mes yeux cette résidence d’un jour. Ce bois était, paraît-il, le seul groupe d’arbres qui existât à Kotree avant l’occupation anglaise.


Paysan du Scinde. — Dessin de Gilbert d’après une photographie tirée de l’ouvrage People of India.

Les travellers’bungalows sont sous l’inspection de l’ingénieur en chef du district : c’est à cet agent que le voyageur doit s’adresser pour se faire donner un permis de séjour au bungalow, s’il entend y rester plus de trois jours. La sanction de cette règle est assez curieuse. Si le voyageur néglige cette formalité, il n’est pas mis à la porte ou traduit à la police (ce qui lui arriverait infailliblement en France), mais il est défendu au messman de lui fournir à manger.


II


L’Indus. — Haïderabad. — Les pêcheurs du Scinde-Sakkar.

Sita, 19 mai. — J’ai pris passage pour Moultân à bord du Pharo, steamer de l’Indus Flotilla Company. Les eaux de l’Indus montent, et la navigation est reprise. Le voyage, en montant, est fort long : on me promet seize jours de traversée ; c’est à se damner corps et âme. Les prix sont à l’avenant, excessifs, comme dans tous les steamers anglais possibles : je paye 178 roupies pour moi et mon domestique. La table est passable, rien de plus. Il est fort heureux que ce soit le dernier steamer que j’aie à prendre jusqu’au retour : ma bourse se dégonflerait vite à voyager longtemps de la sorte.

Le premier coup d’œil jeté sur l’Indus est singulièrement imposant. Le fleuve sacré qui a donné son nom à l’Inde a ici une largeur supérieure à celle du Bosphore, et l’aplatissement de ses rives le fait paraître encore plus puissant. Son eau jaune et clapoteuse me rappelle, comme rapidité, le Tigre à Mossoul ; si sa profondeur répondait à sa largeur et à sa vitesse, les plus beaux fleuves que j’aie vus, le Rhin, le Danube, le Nil lui-même, seraient peu de chose à côté de lui. Mais toute cette mer d’eau douce, qui roule tumultueusement vers l’océan les neiges fondues de l’Himalaya, ternies en lavant au passage les plaines d’argile du Pandjâb, cette masse d’eau, dis-je, n’a que l’apparence d’un très-grand fleuve : en ce moment même où elle monte, la sonde trouve rarement plus de neuf pieds anglais, et reste souvent à quatre, à trois. Cela remet à leur vraie place des fleuves comme le Danube et le Nil, avec leurs abîmes, leurs tempêtes, leurs cataractes et leurs Portes-de-Fer. Je ne parle pas du Rhin, qui n’est sur la carte du globe qu’un beau ruisseau, devenu célèbre pour avoir été franchi par vingt héros, ensanglanté par cent boucheries plus glorieuses les unes que les autres, et chanté en beaux vers par Becker et Lamartine. Ce qu’il a vraiment pour lui, c’est sa cascade de Schaffouse, qui n’a qu’un défaut : c’est d’être inférieure à cinquante au moins des cascades d’Abyssinie.

Nous avons remonté lentement le courant, et vu défiler successivement, à notre gauche, les maisons et les jardins de Kotree, formant un charmant décor de théâtre ; puis un railway en construction, puis enfin la campagne, plate, cultivée, bien peuplée, quoique les villages nous semblent assez misérables. Sur la droite, derrière un épais rideau d’arbres, pointent les mosquées d’une grande ville : c’est Haïderabad, la capitale du Scinde. La circulation entre les deux villes me paraît assez active, si j’en juge par le va-et-vient des steamers qui font ce service. Plus au nord les arbres deviennent plus rares, les dunes plus nombreuses : c’est le champ de bataille de Miani (Meeanee), où les émirs Talpouris, qui régnaient sur le Scinde, furent battus, il y a vingt-trois ans, par l’armée anglaise sous les ordres de sir Charles Napier. La victoire, décidée surtout par l’artillerie anglaise, coûta fort cher aux vainqueurs, et la conquête du Scinde en fut a suite. Haïderabad se rendit, les émirs capitulèrent, et leur zenana (harem) fut respecté, mais les femmes qui le composaient furent laissées libres d’emporter leurs bijoux et de suivre ou de ne pas suivre leurs époux. Elles profitèrent largement de cette double liberté, prirent cinquante millions de diamants et d’autres valeurs, et s’en allèrent vivre en grandes dames où il leur plut : une seule suivit son sire. Voilà l’amour dans la polygamie ! Et dire que j’ai lu un Jocrisse de voyageur qui se fait l’avocat de cet amour naturel !


Paysan du Scinde. — Dessin de Gilbert d’après une photographie tirée de l’ouvrage People of India.

Nous voyons passer devant nous, rapides comme des flèches, les barques indigènes à la proue carrée élégamment ornée, et les pêcheurs couchés à plat ventre sur d’énormes vases en terre cuite qui leur font l’office d’outres : leurs longues jambes nues leur servent d’avirons pour se diriger au milieu du courant. C’est miracle qu’il n’y en ait aucun d’entraîné sous les palettes du steamer. Avec la hampe de leurs longs filets dressée, perpendiculairement au fil de l’eau, à une hauteur de trois à quatre pieds, ils ressemblent à des naufragés entraînés à la dérive et s’accrochant à une épave. Je ne comprends pas parfaitement les avantages de ce mode singulier de pêche, vu la force du courant qui, en moins d’une heure, entraîne le pêcheur à une distance énorme en aval, et l’oblige à revenir chez lui par terre, chargé de ses filets et de son gros flotteur : j’en vois beaucoup passer, ainsi accoutrés, sur les deux rives.

Le premier soir, nous avons stoppé à une wood-station, pour charger du bois (les steamers de l’Indus ne brûlent pas de houille) et pour passer la nuit. Nul vapeur ne se hasarde à naviguer de nuit sur ce fleuve, du moins en mai : le pilote a bien assez à faire, le jour, à se reconnaître parmi les bas-fonds qui changent presque chaque année. Nous avons rencontré justement un beau vapeur échoué en plein milieu de l’Indus, et que deux autres steamers sont en train de décharger pour pouvoir le remettre à flot. Au moment où nous passons devant, la sonde nous donne trois pieds (anglais).

La station où nous sommes arrêtés est une vraie forêt vierge, un bois de babool tree (mimosa arabica) extrêmement pittoresque, plus que ne le sont en général les forêts de l’Est-Afrique, qui sont beaucoup trop clair-semées. À part cette différence, ce lieu me rappelle assez la partie du Nil Blanc appelée les Sunt (sunt est le nom arabe du mimosa). Je suis descendu à terre pour faire une petite promenade, mais je ne tarde pas à rentrer : il fait une chaleur accablante sous le couvert, bien que le soleil soit couché. La terre blanchâtre et friable, piétinée par les bûcherons, a l’air de cendre encore tiède, et la marche sur ce sol sans herbe et sans végétation est un véritable supplice.

Sakkar, 21 mai. — Nous sommes mouillés devant Sakkar (l’orthographe officielle est Sukkur[3]), ville musulmane doublée depuis très-peu d’années d’un quartier européen. Je monte au Post Office, vaste et confortable construction qui sert à la fois d’école et de library (cercle littéraire). Je ne trouve dans l’école que le maître (indigène) qui dort et se fait éventer par un de ses élèves ; deux autres répètent une leçon d’anglais dans la library, dont presque tous les livres portent l’estampille Shikarpoor. Voici pourquoi. Lors des premiers temps de l’occupation, Shikarpoor, grande ville indigène à seize miles dans l’intérieur, avait été le siége des autorités civiles et militaires, qui fondèrent une library ; mais le climat décima si rudement le personnel européen, qu’on dut transférer les survivants à Sakkar, et naturellement les livres les suivirent.

La library me paraît contenir sept ou huit cents volumes, presque tous très-modernes, littérature courante, peu de romans, beaucoup de bonnes histoires classiques, anglaises ou étrangères (traduites), un bon choix de voyages, mais presque rien sur l’Inde : c’est une lacune regrettable, que ne comblent pas suffisamment les livres noirs. J’appelle ainsi les mémoires grand in-4o, demi-reliure noire, que publie le gouvernement de Bombay sur diverses matières de travaux publics, d’industrie locale, de science appliquée à l’industrie (comme l’importante série de mémoires sur la géologie du nord-ouest de l’Inde). J’ai parcouru les livres noirs : au milieu d’un fouillis de choses d’intérêt local, j’ai trouvé des mémoires géographiques d’un véritable intérêt, notamment une monographie (avec planches et carte) de la tribu des Kosijas, absolument innommée dans nos meilleures cartes, et qui occupe les montagnes entre l’Inde anglaise et l’émirat de Kelat. L’esprit anglais excelle dans ces monographies : quand il s’est emparé d’un sujet, il est rare qu’il le quitte sans l’avoir épuisé.

Le Sakkar moderne m’a peu séduit ; mais à un demi-kilomètre plus loin j’ai bien le plus beau décor de théâtre qu’on puisse imaginer. Le fleuve, plus resserré, coule à travers le vieux Sakkar musulman, entre la forteresse à gauche, et une île à droite, sur laquelle s’élève une mosquée en partie écaillée de briques enduites d’un émail bleu ciel, le même qu’on peut admirer à Mossoul et à Bagdad. Derrière l’île se pressent, dans un pittoresque désordre, les habitations de la cité. La forteresse, bâtie en briques, n’a rien de bien redoutable, malgré ses créneaux et ses meurtrières, qui ont du avoir bonne mine au temps d’Aureng-Zeb ; mais elle a de belles proportions, et le rideau de palmiers qui borde le fleuve tout le long des remparts ne contribue pas peu à la singulière beauté de l’ensemble. Le palmier n’est pas seulement un arbre utile, je n’en connais pas qui soit plus ornemental. Prenez le plus laid village égyptien, la plus maussade ruine en terre battue que vous puissiez imaginer, vous n’avez qu’à jeter sur cette laideur l’ombre de deux palmiers, faire jouer un peu de soleil sur leurs troncs squameux ou sur ces longues feuilles tranchantes et dures qui semblent des faisceaux d’épées, — et toute vulgarité aura disparu : vous aurez à volonté le Nil, l’Atlas ou l’Andalousie.

Mais la perle de Sakkar, à mon sens, c’est un îlot qui reste à notre gauche, au moment ou nous venons de doubler la pointe de la citadelle. C’est une corbeille de verdure, — un fouillis de beaux et grands arbres qui mirent de tous côtés leur cimes vénérables dans les eaux de l’Indus. Sept ou huit mosquées, dont les dômes de briques tranchent vigoureusement sur le vert sombre des arbres, indiquent assez le caractère du lieu, consacré à la sépulture de quelques saints de l’Islam, peut-être à celle de quelque grand personnage d’un caractère plus profane. Ce qu’il y a, dans ce petit coin de terre, de fraîcheur, d’ombre et de paix est quelque chose d’impossible à décrire. Le fleuve lui-même, bruyant et rapide à cent mètres plus bas, est ici profond, calme, et comme recueilli. C’est à porter envie aux morts qui reposent dans cette ombre si bien choisie, si bien protégée contre les bruits importuns de la vie extérieure.

Je ne porte cependant envie à personne, et je ne suis pas exigeant en ce qui regarde le choix de ma dernière demeure, mais si j’ai un vœu à former, c’est de mourir bien loin de ces grandes villes où la sépulture des hommes est un article de police urbaine, tarifé comme les trois classes des chemins de fer, — où l’on suit un convoi le chapeau sur la tête, en causant du dernier manifeste du président Johnston. N’ayant pas assez de stoïcisme pour atteindre au fier dédain de Lamennais, j’espère un jour (il ne coûte rien d’espérer) reposer sous les ifs séculaires de mon petit cimetière breton, dans cette terre primitive et barbare ou les morts ne sont pas oubliés, et où des municipalités naïves n’ont pas encore appris à leur chicaner les quelques ares de terrain légués par dix siècles. Mais il y a grande témérité à des prévisions si loin, — ou si près. À quoi a-t-il tenu que je n’aie dormi mon dernier sommeil dans les sables de la « mer sans eau, » — ou sous les genévriers de quelque cimetière abyssin plein du fleurs et de parfums, — ou bien encore sous les euphorbes de Gondokoro, au bord du Nil Blanc, bercé par le murmure doux et profond du grand fleuve énigmatique dont la source est encore à trouver[4] ?


III


Paysages : les jungles. — Les indigènes. — Le Pandjâb : un mot d’histoire rétrospective. — Bhawulpore et sa révolution : un tyranneau hindou. — Les gouvernements « nationaux » dans l’Inde, et la « tyrannie » anglaise.

Mittankote, 25 mai. — La traversée devient réellement monotone : les joncs et les paysages se suivent et se ressemblent. Les forêts vierges ont disparu depuis longtemps et ont fait place aux jungles qui couvrent les deux rives.

Le jungle est un embryon de forêt vierge, comme le makis de la Corse ; c’est un fouillis d’arbustes qui n’arrivent jamais à la hauteur d’arbres : je n’en ai guère vu dépassant neuf pieds. Ce sont invariablement, jusqu’ici, des tamarix nains, qui paraissent d’une grande ressource aux indigènes comme chauffage ; dans les cantons du Scinde où ce combustible manque, le paysan est réduit à brûler de la bouse de vache. Les masses de tamarix, mêlées ou bordées d’arundo donax dans les parties sujettes à être visitées par l’inondation, ressemblent un peu, de loin, à nos plantations de genêts. Quelques éclaircies dans le fourré permettent de voir, à deux ou trois kilomètres de la rive, les pauvres villages hindous, avec leurs maisons construites sur le même modèle que nos habitations rurales, leurs cultures et leurs vergers, ou du moins ce qui ressemble à des vergers.

Chaque soir, nous nous arrêtons vers le coucher du soleil, je descends à terre pour faire une flânerie dans le jungle, muser au bord de quelque mare, et je rentre pour remonter sur la dunette, d’où je jouis d’un coup d’œil assez animé. Tous les passagers indigènes sont descendus à terre avec leurs modestes batteries de cuisine, ont allumé des feux dans les jungles, et se livrent, tout en préparant leur souper, à des causeries d’autant plus animées qu’ils ont dormi comme des matous pendant la chaleur du jour. L’oriental n’est grave et taciturne que dans les occasions où il est en vue, dans le moment où cela « lui va bien ». Or, en tout ce qui n’est pas la vie intime et familière, cela « lui va bien ». Nos Français sont trop portés à l’oublier en Orient, — du moins il y en a qui l’oublient et on juge en bloc toute notre nation d’après ces spécimens. L’historien anglais de la campagne de Crimée, en parlant de la première entrevue des trois généraux alliés à Varna, en 1854, a noté l’effet que produisaient, à côté de la gravité hypocrite d’Omer-Pacha et de la raideur gentlemanlike de lord Raglan, la gesticulation et la loquacité inopportune du maréchal Saint-Arnaud. À travers la courtoisie des paroles de l’écrivain anglais, on sent percer un énorme dédain.

Je m’habitue de plus en plus aux figures indigènes. Ce sont bien là les Ariyas, les fils aînés de la grande race dont nous sommes les cadets. Les traits sont réguliers, et bien européens : le teint n’est pas plus brun que nos méridionaux, Provençaux, Siciliens, Andalous ; je ne parle pas des castes inférieures, dont le teint descend jusqu’au noir fuligineux des Nubiens ou des Gallas. Nos Français donneraient beaucoup pour emprunter à ces paysans leurs longues chevelures légèrement ondées, d’un noir plus pur et plus brillant que le jais. La race n’a pas cet aspect efféminé que je m’attendais un peu à constater d’après les livres : cependant les hommes n’ont pas une grande vigueur musculaire, et un ouvrier européen en vaut bien trois d’ici. J’ai vu attribuer cette débilité à la mauvaise alimentation ; ces gens ne mangeant habituellement qu’un peu de riz relevé de karry : mais l’Irlandais est à peu près aussi mal nourri, et n’en est pas moins un travailleur solide. Je crois beaucoup à l’influence du climat, de ces chaleurs torrides où nous sommes entrés depuis un mois ; certes, je me crois aussi actif qu’un autre, mais je sens que si, en arrivant à Lahore, je ne me sauve pas bien vite dans les montagnes, je ne serai bon absolument à rien d’ici l’hiver.

Les femmes sont généralement de moyenne stature, les physionomies sont agréables, avec peu d’expression et d’originalité : les yeux, grands, noirs et doux, expriment la timidité et la soumission. Les mains, fines et charmantes, n’ont pas de bijoux, mais en revanche les dix doigts des pieds et les deux narines en sont encombrés. Je n’ai jamais pu me faire à cette coquetterie fantaisiste des anneaux au nez, que je croyais particulière aux beautés arabes ; hélas ! les Hindous n’ont sous ce rapport rien à leur envier : on ne peut s’imaginer l’air bestial que ce détail tout matériel ajoute à la figure la plus ravissante. Cela ne m’empêche pas toutefois de remarquer que ces jeunes paysannes qui s’arrêtent sur la rive pour regarder passer le steamer ont, sous le grand voile flottant dont chacune s’enveloppe à sa fantaisie, une fine petite tête bien posée sur un buste du modelé le plus délicat, et des attitudes de canéphores athéniennes. Qui m’expliquera ce problème de l’élégance innée des races barbares, et de la vulgarité extérieure (et bien souvent intérieure) des civilisés ?

En aval de Mittankote, 26 au soir. — Nous venons de quitter le lit de l’Indus pour entrer dans le Chinâb ; nous ne nous apercevons guère du changement. Même aspect de rives, même largeur du fleuve (une véritable mer) et, à ce qu’il semble, à peu près même courant. Cependant, un peu plus haut, l’Indus file quatre nœuds un huitième à l’heure, tandis que le Chinâb n’en file que un et un huitième : la profondeur est à peu près la même, deux brasses et demie au maximum. À mesure que nous avançons, le pays devient plus riant, les cultures sont plus vastes, les troupeaux plus nombreux : c’est le Pandjâb, « les cinq eaux ».

Vavala, 27 mai. — J’ai depuis hier à ma droite (donc à la gauche du fleuve) un territoire indépendant : c’est la principauté indigène de Bhawalpore, en ce moment dévastée par la guerre civile. Le rajah de Bhawulpore était, si j’ai bien compris, un de ces princes rusés qui ont compris de bonne heure la supériorité des Anglais et se sont par prévoyance associés à leur fortune en trahissant leurs compatriotes. Dans la dernière guerre des Sikhs, il a aidé les Anglais et leur reconnaissance l’a fait chef d’une principauté qu’on a même agrandie en sa faveur.

Avez-vous vu dans les sablonnières ou les marnières ces piliers rustiques que l’on nomme en style du métier des témoins, et que les excavateurs laissent debout afin de pouvoir mesurer et cuber plus aisément la quantité de matière enlevée ? Ces témoins me représentent parfaitement les vingt-cinq ou trente principautés autonomes que la feue Compagnie des Indes a laissé subsister sur le sol sacré d’Aryavarta. Il n’y a pas eu seulement des services individuels et des trahisons à récompenser : il y a encore là (je ne sais si d’autres que moi s’en rendent bien compte) une leçon perpétuelle pour le peuple indien, que ses préjugés religieux rendent souvent ingrat et oublieux des immenses bienfaits versés sur lui par la domination anglaise. Si le ryot hindou du territoire anglais est tenté de se sentir opprimé, il n’a qu’une chose bien simple à faire : nul ne l’empêche de passer dans le territoire libre le plus voisin, chez le Nizam, le Guicowar, le prince de Gwalior, celui de Cachemir ou les Protected Hill States. Je lui jure bien qu’il en aura assez au bout de vingt-quatre heures.


Montagnards afghans des environs de Sarwar. — Dessin de Émile Bayard d’après une photographie.

Après avoir vu l’Inde et cette admirable administration, dont j’aurai bien des occasions de parler, je ris de bien bon cœur en lisant dans quelques journaux aussi arriérés que consciencieux des malédictions contre l’esprit envahissant de l’Angleterre dans l’Inde, et des plaidoyers chaleureux en faveur de ces pauvres princes indigènes, doux agneaux croqués par le loup saxon. Quels agneaux ! Il faut savoir que l’éducation de l’aristocratie indigène est tellement dépravante que le meilleur des princes natifs est cent fois pire que le pire deputy commissioner anglais, à supposer qu’il y ait de mauvais deputies commissioners, et je n’en ai pas vu. A-t-on assez pleuré chez nous ce brave, ce chevaleresque Tipo-Sahib ! Il est bon de savoir que ce nouveau Salomon était un musulman sauvage, qui faisait dans ses États de la propagande selon le cœur du prophète, avec le sabre à double lame d’Ali. Voici une de ses plus gracieuses plaisanteries : Ennuyé de voir que les bramines du Mysore ne se convertissaient pas, il fit chez eux une razzia de leurs plus belles filles, les garda quelques jours dans son zenana, son sérail, puis les renvoya à leurs parents. Il savait bien qu’ayant, par ce fait, perdu leur caste, elles n’avaient pas à espérer d’être recueillies par leurs parents, à qui la loi brahmanique n’eût pas permis de suivre les impulsions de leur cœur envers des êtres innocents : elles n’avaient donc plus qu’à choisir entre le suicide ou l’abjection la plus infâme.

Voici justement un petit fait qui date de quelques jours, et dont on parle autour de moi. Le Guicowar ou prince de Guzerate, gentleman très-civilisé, avait des vues sur une jolie personne mariée à un de ses officiers, un homme estimé. Il veut les forcer à divorcer afin d’épouser la femme. À sa grande surprise, ils ne paraissent pas fiers de l’honneur qu’on leur fait, et résistent résolument. Jetés en prison, ils ne sont que plus fermes dans leur légitime affection. Le Guicowar furieux accuse le mari d’avoir usurpé un petit domaine appartenant à l’État (il paraît que c’était faux), le fait amener dans sa cour et le fait broyer sous le pied d’un de ces éléphants qu’on appelle dans l’Inde éléphants exécuteurs. La femme a le nez coupé.


Temple hindou de Sarwar (ouest de l’Indus). — Dessin de H. Clerget d’après une photographie.

Jusque-là rien que de très-ordinaire en Orient, bien que cela se fût passé à la barbe du résident anglais : mais Baroda, capitale du Guicowar, est à deux pas de diverses villes anglaises, et voilà que cette maudite presse anglaise qui se mêle de tout ce qui la regarde se met à tonner contre l’assassinat de Baroda, déclare que ces faits sont une honte pour le gouvernement anglais qui tolère l’existence de pareils tyranneaux, et finit par demander l’annexion pure et simple des États de l’assassin. Dieu le veuille ! mais on n’en fera malheureusement rien, j’ose le jurer.

Omerkote, 30 mai. — On continue à se battre du côté de Bhawulpore. Voici ce que j’apprends de droite et de gauche. Il y a déjà eu ce printemps une insurrection : mais le rajah a payé des Beloutchis (ce sont les Suisses de ce pays-ci) et a écrasé les conjurés. Ceux-ci ont rétabli la balance au moyen de quelque chose comme une tasse de thé sucré d’une certaine façon, et le rajah est allé s’endormir au ciel du prophète dans le sein de Mahmoud le Gaznevide. Le régent qui gouverne au nom du prince mineur a vaillamment accepté la guerre, le sang coule, une forteresse a sauté. Il va sans dire que c’est le paysan qui paye tous les frais de la guerre civile. Les sujets anglais, séparés par un fossé ou un ruisseau de ce bienheureux territoire de Bhawulpore, doivent au bruit du canon, éprouver quelque chose de la jouissance égoïste peinte dans les deux vers célèbres :

Suave mari magno…
E terra magnum alterius spectare laborem.


IV


Arrivée à Moultan. — Pèlerinage du Sakkar. — Légende du sultan Chaki. — Lahore : visite au gouverneur.

Moultan, 3 juin. — Enfin, après dix-neuf jours de montée, nous débarquons à l’escale de Moultan, dans une prairie déserte, à quelques pas d’une station de chemin de fer où nous nous hâtons de nous entasser. En quelques minutes nous sommes à Moultan.

J’aurais voulu avoir le temps de faire intime connaissance avec cette grande ville, antérieure à Alexandre, et le dernier rempart de l’indépendance des Sikhs en 1849. Elle fut cette année enlevée par les Anglais, malgré l’intrépide défense de Moulradj Sing, chef de l’oligarchie sikhe, insurgée contre un protectorat bien modéré, à coup sûr. Un vieil officier français au service de Lahore, le général d’Outtremains, se fit tuer sur la brèche. J’ai vu la massive citadelle de Moulradj, mais elle n’a rien qui intéresse le voyageur. Ce que j’aimerais bien mieux voir, c’est la foire de Sarwar, à vingt lieues de Moultan, à l’ouest, derrière l’Indus : c’est la plus admirable occasion de faire l’ethnographie de cinq ou six nations et de soixante tribus à deux cents milles à la ronde. Malheureusement la foire, si j’en crois mes calculs, est close depuis six semaines. Deux photographies, que je réussis à me procurer, me consolent un peu de ce contre-temps (voy. p. 184 et 185).

Sarwar est un lieu de pèlerinage et il s’y tient une foire célèbre : cette coïncidence dit assez que le lieu est musulman. C’est, en effet, un ziaret (on dirait en Algérie un marabout) qui marque la tombe d’un saint de l’Islam, Sultan Chaki, natif de Bagdad, venu dans ce pays avant l’époque du Ghaznevide pour convertir les infidèles. Ghaki était, s’il m’en souvient, un gentilhomme arabe, et un homme d’épée, ce qui n’est pas du tout inconciliable avec l’apostolat musulman. Il fut tué en défendant ses coreligionnaires lors d’une invasion des Hindous brahmanismes, et tous les musulmans du pays ayant été exterminés dans cette bataille, sa mémoire se perdit dans la contrée, et le lieu de son martyre resta ignoré pendant plusieurs siècles.

Longtemps plus tard, une caravane de Bagdad passait en ce lieu. Un pieux marchand nommé Hadj Esaü en faisait partie. La caravane s’était arrêtée pour le campement du soir, et, selon l’usage, les serviteurs s’étaient mis en quête d’eau et de bois pour préparer le souper. Un serviteur d’Esaü, rapportant dans un vase de bois de l’eau qu’il avait puisée au réservoir, faillit tomber à la renverse en voyant cette eau changée en sang. Son maître, moins facile à effrayer, comprit que le sang de quelque saint avait coulé en cet endroit et se mit en prières.

À minuit, lorsqu’on se mit à charger les chameaux pour la marche, le chameau que montait Esaü se trouva boiteux et incapable d’aller en avant. La caravane partit, et Esaü resta seul auprès de l’animal estropié, livré à de sombres pensées. En ce moment il vit venir sur la route un cavalier bien monté qui le héla :

« Que fais-tu là, Esaü,’quand tes compagnons sont déjà loin ?

— Comment faire pour les suivre, répliqua le marchand, avec un chameau infirme ?

— Ne perds pas courage, ô croyant ! reprit l’inconnu. Dieu a voulu te faire savoir, par un prodige, que le lieu où tu reposes en ce moment a été sanctifié par la mort des fidèles. Ici, Sultan Chaki et ses disciples ont péri en confessant l’Islam en face des païens. Or je suis Sultan Chaki, et ma sépulture n’a pas encore reçu les honneurs qui lui sont dus. Pour te prouver que je ne t’en impose pas, je guéris ta monture par le pouvoir de Dieu. Maintenant, va rejoindre tes compagnons, et dis-leur ce que tu as vu et entendu. »

Esaü joyeux rejoignit la caravane, raconta l’histoire à ses amis émerveillés, et leur montra, en témoignage du miracle, des clous gros comme des clous de barque, qu’il avait extraits de la jambe de son chameau. Deux des voyageurs se moquèrent de lui et lui déclarèrent nettement qu’ils voyaient bien les clous, mais que rien ne prouvait que ces clous fussent sortis de la jambe en question. À peine avaient-ils parlé, qu’un de ces douteurs intempestifs devint aveugle, l’autre boiteux. Esaü, qui n’avait pas de rancune, les guérit sur l’heure, et ils devinrent les plus fervents adeptes du miracle.

Au retour de la caravane à Bagdad, le patriotisme religieux de la ville des khalifes s’émut profondément, des pèlerins affluèrent, chargés d’offrandes, à Sarwar, et, en dépit de son nom brahmanique et sanskrit (Sarwara, Sareswara), ce lieu devint un ziaret musulman des plus célèbres ; un temple magnifique s’éleva sur la tombe de Sultan Chaki, et à l’époque du pèlerinage annuel, qui attire des milliers de musulmans hindous, afghans, beloutchis, sindhis, une très-grande foire se tient sur le lieu même du pèlerinage.

Le merveilleux en matière religieuse varie peu selon les races et les pays, peut-être parce que le mysticisme dont il procède se meut dans un cercle assez restreint de manifestations. Ceux qui ont lu l’histoire du paysan Nicolasic et de la construction de la fameuse église de Sainte-Anne d’Auray, en Bretagne, reconnaîtront que c’est, sauf quelques détails locaux, l’histoire de Sarwar et du marchand Esaü.

Lahore, 4 juin. — Une nuit passée en chemin de fer me mène à Lahore ou j’arrive de grand matin. Je me fais mener à l’hôtel Victoria, dans la ville anglaise. Cette ville anglaise est, comme dans toute l’Inde, un immense éparpillement de villas qui couvre plus d’une lieue carrée et qui ne ressemble pas mal à nos environs d’Enghien.

Je ne veux pas perdre le temps à décrire Lahore, et ses monuments dignes des beaux temps de l’art indo-musulman dont ils ne datent pas, mais dont ils sont des imitations réussies. Le palais de Char-Bagh, ce petit Fontainebleau indou, avec ses eaux et ses ombrages, et le tombeau de Rundjet-Sing, qui n’a guère plus de vingt ans de date, sont, je crois, ce qu’il y a de mieux à voir. La relation de Jaquemont est fidèle, mais je conseillerais plus volontiers Tavernier, observateur plus ingénu et moins parisien.

Les affaires avant tout. Je prends un fiacre et me fais conduire à une lieue de l’hôtel, à la lieutenance générale du Pandjâb. Je suis introduit près du lieutenant gouverneur, M. Macleod : je trouve un homme âgé, de figure à la fois grave et accueillante, d’un aspect presbytérien moins la raideur, un type net, aimable et accentué de la prédominance du gouvernement civil dans le pays le plus militaire, le plus nouvellement conquis et le plus exposé de l’Inde anglaise.

Nous allons vite au fait. Je lui expose mon intention de pénétrer à tout risque dans l’Hindou Koh, c’est-à-dire dans les montagnes libres entre l’Afghanistan et le Turkestan : c’est là qu’habitent les mystérieux Siahpoch, cette race blanche vivant à peu près, dit-on, à l’état édénique, et où j’ai la quasi-certitude de trouver le premier anneau de la grande chaîne des peuples indo-germains, c’est-à-dire de presque toutes les races civilisées. J’ajoute que mon projet est simple : c’est de tâcher de gagner Djellalabad, dans le royaume de Kaboul, et de là, de me rendre comme je le pourrai chez les Siahpoch. Je termine en lui demandant le concours moral que le gouvernement donnerait à un voyageur anglais dans ma position, sous forme de recommandations, d’appui près des indigènes.

Il m’écoute avec beaucoup d’attention, — et me refuse net.

Je reste un peu surpris, et je lui demande s’il a l’intention de m’empêcher par force de passer la frontière.

« En aucune façon, me répond-il avec calme. Seulement, comme tout voyageur européen qui voudrait entrer en ce moment dans le Kaboulistan serait parfaitement sûr de périr, nous en refuserions la permission à nos officiers s’ils s’avisaient de la demander, et quant à un voyageur étranger comme vous, nous ferions pour sa sécurité tout ce qui est en notre pouvoir, en lui prouvant par toutes nos informations que sa tentative est insensée, et s’il y persistait, en lui refusant toute aide pour courir à la mort. »

Il n’y avait qu’à reconnaître là une sage sollicitude, et à remercier cordialement. Je le fais : mais je n’étais pas convaincu. Je modifie ma demande en sollicitant seulement une recommandation pour le sous-préfet (deputy commissionner) de Peshawer (prononcez péchaour), poste avancé de la domination anglaise sur la frontière afghane, et où je voulais au moins m’assurer des difficultés du voyage projeté et les toucher en quelque sorte du doigt.

M. Macleod me fait donner cette recommandation par son secrétaire, M. Thornton, aimable et studieux jeune homme dont je me propose de cultiver plus amplement la connaissance. Comme moyen de transport, il me conseille de traiter de gré à gré avec une entreprise de dak (diligence indigène) plutôt que de prendre le governement van, dont les tarifs sont plus élevés que ceux de l’industrie privée. Je suis le conseil et je m’en trouve bien. Mes préparatifs sont vite faits : ce soir, à dix heures, je serai en route pour Peshawer.

Le dak que j’ai loué est un singulier véhicule. C’est une caisse verte, un fourgon fermé contre la poussière et la chaleur. Mon domestique y a installé deux lits, un pour moi, un pour lui. Je ne changerai cette voiture qu’à Attok.


V


Départ pour Peshawer et l’Afghanistan. — Jelum. — Passage de l’Hydaspe. — Théâtre de la victoire d’Alexandre sur Porus. — Récits grecs contrôlés sur le terrain.

Bawul Pindi, 6 juin. — Rien de bien marquant depuis mon départ de Lahore avant-hier. J’ai marché lentement, grâce à des stations prolongées aux dak bungalows, qui sont la même chose que les travellers’bungalows déjà décrits. Je n’ai pas à me plaindre des chevaux : petits, secs, nerveux, ils vont comme les chevaux de la poste valaque. Beau pays, riche, plantureux, légèrement monotone. Il ressemble assez aux plaines de la Saxe.

Hier, j’ai franchi le Jelum (Djelam) à la tombée de la nuit.

Le Jelum est l’Hydaspe des Grecs, le Vitasta sanscrit : le lieu où je l’ai passé n’avait rien de bien pittoresque. Une plage nue et humide, un fleuve rapide, sans être écumeux comme il apparaît à cinquante lieues plus haut ; deux longues îles boisées au milieu du fleuve, et sur l’autre rive le maigre profil de la ville de Jelum que domine un clocher chrétien, signe évident d’un groupe de population européenne ; au fond, un fouillis de collines basses terminant une plaine d’aspect monotone, à peine accidentée de quelques massifs d’arbres éparpillés le long du fleuve. En somme, une perspective sans charme et sans grandeur. Le seul détail qui le relève un peu est un groupe d’indigènes que je trouve au bout du pont, avec deux éléphants, que je ne puis m’empêcher de trouver malpropres et scabieux. C’est le souvenir des éléphants libres vus par moi dans les prairies de la Nigritie, qui nuit par la comparaison à ces bonnes bêtes obéissantes et paisibles.

D’où vient le petit frisson d’émotion et de respect que j’éprouve en franchissant ce fleuve, presque vulgaire d’aspect si je le compare à tant d’autres ? C’est que mon imagination reconstitue sans effort la grande scène épique qui s’est passée là, il y a vingt-deux siècles. Je suis sur le champ de bataille de l’Hydaspe, ou se sont heurtées l’Inde et la Grèce sous les deux figures épiques de Porus et d’Alexandre le Grand.

Quand je songe que cette berge plate et ennuyeuse, que je vois sur ma droite, a entendu un des cris les plus magnifiques qu’ait jamais poussés une grande âme affamée de gloire : « Athéniens ! si vous saviez que je m’expose à tant de périls pour mériter vos louanges ! » Des pédants vertueux ont vu une folie théâtrale et puérile dans cet hommage spontané, sincère, rendu par un soldat à l’intelligence et à l’opinion du monde civilisé. Tout ce qu’on peut dire, c’est que le héros attendait trop de l’impartialité de ce peuple athénien qu’il acceptait ainsi pour juge de sa gloire. La génération de Marathon, même celle du siècle suivant, l’eût compris : celle à qui Phocion disait de si rudes vérités ne se rappela qu’une chose, c’est quelle avait été battue à Chéronée et ailleurs, et il est toujours dangereux d’humilier les gens d’esprit. Les battus de Chéronée ont repris leur revanche dans les pamphlets et les calomnies qui pèsent depuis deux mille ans sur le nom le plus brillant (je n’ai pas dit le plus pur) de toute l’antiquité.


Le palais de Char-Bagh, à Lahore. — Dessin de E. Thérond d’après une photographie.

Que le lecteur me permette ici une page d’histoire : je n’aurai pas souvent la bonne fortune de trouver Alexandre sur mon chemin. J’ai justement dans ma valise un livre, un seul, c’est l’Expédition d’Alexandre d’Arrien. Les livres pèsent lourd en voyage, et j’ai choisi celui là entre tous. J’y tiens pour deux raisons : d’abord il est le seul historien sûr du héros macédonien, car il s’est borné à mettre en ordre les mémoires d’un des meilleurs généraux d’Alexandre. Il écrit mal, c’est vrai : quand on le lit en français on croit lire du Barante ; mais c’est pour moi une garantie qu’il n’a pas cédé à la préoccupation littéraire, comme le très-charmant et très-dangereux Quinte-Curce. La seconde raison tient à l’exemplaire même dont je me sers : c’est une bonne édition grecque-latine qui m’est sacrée, ayant appartenu à l’illustre orientaliste Fresnel, jadis consul à Djedda et mort au champ d’honneur de la science, durant une mission aux ruines de Babylone.

Je résume en trente lignes le récit d’Arrien.

Après avoir passé l’Indus, Alexandre était arrivé sans combat jusqu’aux bords de l’Hydaspe, qu’il trouva gonflé par les pluies estivales et la fonte des neiges. Il ne pouvait donc pas songer à le passer à gué : il avait bien les barques qui lui avaient servi à passer l’Indus, et qui, démontées, avaient été transportées pièce à pièce vers l’Hydaspe ; mais on ne risque pas une semblable opération dans un pays découvert, en face d’une armée aguerrie, et le plus brave des radjas (rois) indiens, Porus, occupait la rive gauche avec trente-six mille hommes et des éléphants. Il fallait donc recourir à quelque stratagème, et voici celui qu’il trouva.

À trois ou quatre lieues du camp se trouvait une pointe rocheuse, boisée, au pied de laquelle l’Hydaspe faisait une courbe : en face était une île déserte, également boisée. Ce fut là qu’Alexandre songea à tenter le passage. Il profita d’une nuit d’orage pour marcher à la pointe en question, puis, à l’aube, il passa sans obstacle dans l’île avec son principal corps d’armée : la réserve avait été laissée au camp.

Le passage de l’île à la rive gauche, opération beaucoup plus hasardeuse, se fit, grâce au ciel, avec le même bonheur.

Le roi, en débarquant, s’aperçoit qu’il a pris terre dans une grande île séparée de la terre ferme par un canal ou nullah (comme on dit aujourd’hui dans l’Inde) assez étroit, mais que l’orage de la nuit précédente avait rempli et qui offrait bien des difficultés surtout à l’infanterie. On le franchit néanmoins avec de l’eau jusqu’aux aisselles, en face du corps ennemi commandé par le fils de Porus, qui n’eut pas la présence d’esprit de disputer le passage du canal aux Macédoniens. Il lui en coûta fort cher : il fut culbuté, tué avec quatre cents hommes, et Porus ne se présenta en ligne que quand toute l’armée eut passé et pris ses positions. Dès


Le palais de Lahore. — Dessin de E. Thérond d’après une photographie.

lors, la discipline grecque triompha aisément de la

bravoure indienne, et je n’ai pas à raconter une histoire bien connue, la défaite de Porus, sa capture, sa fière contenance, la modération du vainqueur. Les Indiens s’étaient fort bien battus : Alexandre avait perdu mille hommes, trois fois plus qu’à Arbelles même.

Il fit bâtir sur le champ même de la victoire une ville destinée à en perpétuer le souvenir (Nicée), et en face, à l’endroit où il avait passé l’Hydaspe, une autre ville consacrée à la mémoire de son cheval (Alexandrie-Bucéphale). Ces deux villes ont aujourd’hui si complétement disparu, qu’on discute jusqu’à leur emplacement. Les pays d’alluvion sont généralement mauvais conservateurs des ruines antiques.

Pourtant, je ne comprends guère que des savants qui ont vu le pays aient hésité un instant. La route d’Alexandre depuis l’Indus étant bien reconnue (à peu près la route moderne d’Attok à Delhi), c’est autour de Jelum qu’il faut chercher le point où il a passé l’Hydaspe, et trouvrr : 1o la pointe boisée où le fleuve fait un détour ; 2o l’île boisée ; 3o la grande île sur la rive gauche, avec le canal qui la sépare de la terre ferme. Je n’ai pas l’intention de faire subir à mon lecteur une dissertation géographique : qu’il jette les yeux sur le plan de la bataille (p. 191), et il reconnaîtra de lui-même toutes les circonstances mentionnées par Arrien.


Dessins de Petot d’après des miniatures sur émail.

Le point d’où partit le conquérant ne pouvait être la ville actuelle de Jelum, car elle ne fait pas face à l’île boisée et longue qui devait servir à masquer son mouvement. C’est d’un peu plus haut, près le village de Piragheli, qu’il dut tenter le passage. À partir de l’île, où l’avant-garde se développa à l’aise (c’est une île de près de 1 500 mètres de long), le courant fit légèrement dévier les Macédoniens qui vinrent aborder à l’île marécageuse que traverse aujourd’hui la chaussée de Lahore, près du hameau de Chale-Gonian. On prit d’abord cette île pour la terre ferme, car ce ne fut qu’après s’être remis en marche qu’on découvrit le fossé profond qui subsiste encore aujourd’hui, et où le fils de Porus, s’il avait été un bon officier d’avant garde, eût pu arrêter net l’élan des étrangers. Il manqua l’occasion, le fossé fut franchi, l’avant-garde indienne battue, et à quelques stades de là, entre Saraï Alamglier et Kariali, eut lieu le grand choc qui décida du sort de l’Inde occidentale. Trois tumuli s’élèvent dans cette vaste plaine, un près Kariali, deux à un mille d’Alamglier : les a-t-on fouillés ? Qui sait si, plus fidèles que les rives mêmes du fleuve, ils ne nous ont pas gardé de souvenirs de cette mémorable journée ?

J’estime trop mes lecteurs pour m’excuser près d’eux d’appuyer autant sur de pareils souvenirs. J’ai trop rarement d’aussi belles occasions, et je pense que les noms d’Alexandre et de Porus intéressent plus sérieusement le public, — du moins mon public, — que les confidences les plus intimes sur mes sensations, mes promenades, me repas, mes siestes dans la fournaise indienne. Puis, l’avouerai-je, je ne suis pas suspect d’hérolâtrie (hero-worship comme on dit en anglais), mais il n’y a pas un nom dans toute l’histoire ancienne qui exerce sur mon imagination une séduction comparable à celle du nom d’Alexandre. Cela tient, en partie, à l’attrait des énigmes insolubles. Je comprends ou crois comprendre un Épaminondas, même dans sa perfection, un Cicéron, même dans ses innombrables petitesses, un Auguste, même à travers l’épaisseur du masque qui ne le quitte jamais : mais ce fils illustre de Philippe, qui donc nous le peindra en pied ? Même en écartant les calomnies athéniennes, il reste, comme homme, effrayant et odieux. Ses cruautés ont un caractère répugnant de bassesse et de lâcheté : écartez sa vie publique et ses batailles (gagnées, par parenthèse, avec une armée et un état major crées par son père Philippe dont il a un peu escamoté la gloire), ôtez cela, dis-je, il reste une sorte de roi de Dahomey, qui boit, tue et meurt de delirium tremens. Pour ceux qui savent lire une médaille, son profil bien connu révèle beaucoup de choses, et on comprend mieux sa dernière parole : « On va me faire des funérailles rouges. » Comme homme, je le répète, il est répugnant : — comme roi, c’est l’astre le plus splendide qui ait sillonné le ciel éclatant de l’histoire antique. Ce sauvage né dans les marais de Pella n’était pas Grec, mais il comprit la Grèce, il jura de lui ouvrir le monde, et il mit son énergie barbare au service de cette mission qu’il se donna. Sans elle, il n’eût laissé qu’un long sillon de sang dans l’histoire : grâce à elle, il a laissé dans l’Orient cette trace lumineuse qui l’éclairait encore après plus de mille ans. Avec sa fondation d’Alexandrie, il déplace en quelque sorte l’axe du monde ancien : jusqu’au


Plan de la bataille d’Alexandre contre Porus (voy. le texte, p. 190).

fond de la Scythie et de l’Hyrcarie, il suffit qu’il pose le

pied sur quelque steppe inconnu pour y créer un foyer de civilisation grecque qui persiste jusqu’au moyen âge. L’islamisme lui-même, qui trouve cette grande trace partout, finit, malgré son horreur pour les temps païens, par se créer la légende de Zoulkarnaïn[5]. — Voilà de ces choses qui confondent la conscience humaine. Une si grande œuvre accomplie par un si indigne ouvrier, quand l’incomparable grandeur personnelle d’un Épaminondas a été sans la moindre action sur la destinée du monde !


Tombeau de Rundjet-Sung, à Lahore. — Dessin de E. Thérond d’après une photographie.

Il faut pourtant reconnaître une grande loi historique : c’est que tout homme qui a été un agent puissant de la civilisation générale a été un vrai grand homme, quelle qu’ait été d’ailleurs son indignité personnelle. C’est là l’inconnue (comme disent les algébristes) qu’il faut dégager du tissu de défaillances et de crimes qui font l’histoire d’Alexandre : qui trouvera cette inconnue aura écrit un livre qui nous manque encore.

G. Lejean.

(La suite à la prochaine livraison.)


  1. Première partie d’une relation que M. G. Lejean désigne sous ce titre : De Cachemir à Ispahan.
  2. La roupie est le dixième de la livre pound, soit 2 fr. 50 : elle se divise en 16 annas, ce qui met l’anna à 16 centimes.
  3. Dans presque tous les noms géographiques de l’Orient, orthographiés à l’anglaise, la lettre u doit se prononcer a, plus rarement e. Pundjaub, Muscate, Umritseer, Lucknow, Calcutta, Burma, Bunder Abbas, prononcez Pandjâb, Mascate, Amritsîr, Laknau, Calcâta, Barma, Bender Abbas.
  4. Voyez les récits de ces divers voyages de M. Guillaume Lejean, tables du Tour du Monde. — Au sujet de la source du Nil, et sur ce que laissent à désirer les découvertes de Speke, Grant et Baker, voyez la Revue géographique du 2e semestre 1865, par M. Vivien Saint-Martin (Tour du Monde, tome XII).
  5. L’homme aux deux cornes (les cornes d’Ammon, figurées sur les médailles).