Le Mouvement des études historiques dans le Nord/02



DU MOUVEMENT
DES
ÉTUDES HISTORIQUES DANS LE NORD.[1]

ii.

SUÈDE.


À M. de Salvandy, Ministre de l’instruction publique.

L’histoire primitive de la Suède est, comme celle du Danemark, environnée d’ombres épaisses. Le nuage hyperboréen qui déroba ce pays aux regards des anciens géographes l’a dérobé aux regards des savans modernes. On ne possède presque aucune notice sur la Suède avant le christianisme, et les seuls documens qui existent sur les premiers siècles de l’ère nouvelle sont les œuvres des écrivains latins et les sagas islandaises.

Les œuvres des écrivains latins sont incomplètes, incertaines, et souvent erronées. Au moyen-âge, elles ont été mal comprises et ont donné lieu à d’étranges hypothèses.

Les sagas islandaises sont mêlées de tables mythologiques ou poétiques et dépourvues de tout ordre chronologique.

La Suède, plus reculée au nord que le Danemark, plus séquestrée du reste de l’Europe, devait nécessairement être plus long-temps ignorée. Le christianisme n’y pénétra que très lentement. Les pieux efforts de saint Ansgard, qui vint prêcher l’Évangile au roi Biœrn, n’eurent qu’un succès éphémère. On vit s’élever au IXe siècle une église chrétienne sur le sol suédois ; mais elle fut bientôt abandonnée, et ceux qui y étaient venus par entraînement retournèrent par habitude au temple païen. Le Danemark, la Norwége, la Russie même, adoptèrent la loi de l’Évangile avant la Suède. Il semblait que, comme les dieux païens avaient fait de Sigtuna leur demeure favorite, ils devaient s’y attacher plus opiniâtrement que partout ailleurs. Olaf, le premier roi chrétien, ne fut baptisé qu’en l’an 1001. Les habitans de ses diverses provinces ne suivirent son exemple que plus d’un demi-siècle après, et il se passa encore de longues années avant que le christianisme exerçât dans le pays cette influence civilisatrice qui régnait déjà dans les contrées méridionales.

Il est un fait remarquable cependant : c’est d’une des provinces de la Suède que provient le nom de Scandinavie appliqué aux trois royaumes du Nord. Le mot de Scandinavia vient de Scandia, qui vient à son tour de la province de Scanie, que les Suédois appellent Skone. Le mot de skone est composé du mot ancien skon, qui signifie bateau, et du mot islandais ey, qui signifie île (île du bateau).

Pline l’ancien parle de la Scandia comme d’une des îles situées dans la mer qui borde l’Allemagne. La plus grande de ces îles est Norigon, la plus éloignée Thule.

Vingt ans après, Tacite parle des Sviones, ces hommes puissans par leurs armes et leurs vaisseaux, qu’ils conduisent avec des rames et qui sont construits de telle façon qu’ils peuvent également aborder par la proue et par la poupe. Puis, dans le siècle suivant, Ptolémée jette encore dans sa géographie quelques mots sur l’île de Scandia, et de là jusqu’au Vie siècle, c’est-à-dire jusqu’à Procope, il n’existe plus aucun document écrit[2].

Procope a connu les Goths, les Gépides, les Vandales. « Tous ces peuples, dit-il, ne se distinguent que par le nom. Ils ont la peau blanche, les cheveux d’un rouge clair, la taille élevée, le visage beau. Ils ont tous les mêmes lois et la même religion, qui est l’arianisme. Leur langue, qui s’appelle gothique, est la même, et je les crois de même origine. Mais les diverses tribus auront pris, d’après leur chef, un nom particulier. »

Plus loin, il parle de Thule et il dit :

« Thule est une grande île dix fois plus grande que la Bretagne et très reculée au nord. La plus large partie de cette île est inhabitée. La partie habitée est divisée en trois provinces, toutes trois gouvernées séparément par un roi. On voit là chaque année une singulière chose. Au solstice d’été, le soleil ne quitte pas l’horizon pendant quarante jours. Il disparaît pendant le même nombre de jours au solstice d’hiver. — J’ai demandé, dit-il encore, à ceux qui venaient de ce pays comment à ces deux époques de l’année ils comptaient les jours. Ils m’ont répondu qu’en été le soleil apparaît tantôt à l’est, tantôt à l’ouest, et qu’il met un jour à revenir au point d’où il était parti. Pendant l’hiver, ils mesurent le temps par le cours de la lune, et lorsqu’ils ont passé vingt-cinq jours dans l’obscurité, ils envoient au haut des montagnes des hommes qui épient les premiers rayons du soleil et qui l’annoncent aux habitans de la plaine. Alors ceux-ci se réjouissent et célèbrent une grande fête.

« Parmi les peuples qui habitent cette contrée, les Skrithfinni ne savent ni se nourrir, ni s’habiller comme les autres hommes, et mènent une vie semblable à celle des animaux. Les hommes et les femmes vont à la chasse. Il y a là des forêts plus grandes que partout ailleurs, et l’on trouve au sommet des montagnes une grande quantité de gibier. La chair des bêtes sauvages leur sert de nourriture, et les peaux cousues avec des boyaux leur servent de vêtemens. Les femmes n’allaitent pas leurs enfans : elles les enveloppent dans une peau, les suspendent à un arbre, leur mettent dans la bouche un peu de moelle d’animal et s’en vont à la chasse.

« Les autres habitans de Thule ne différent pas beaucoup par leurs mœurs des peuples étrangers. Ils adorent un grand nombre de dieux qui habitent le ciel, l’air, la terre, la mer, les fleuves, les sources d’eau, et leur offrent des sacrifices. Le premier de ces dieux est Mars ; ils lui offrent les prisonniers de guerre. Tantôt ils les égorgent selon l’usage habituel, tantôt ils les pendent à des arbres ou les jettent sur des pointes d’épines aiguës, ou les immolent de quelque autre façon. Parmi les nations de Thule, il y en a une très nombreuse qui s’appelle Gauti. »

Toute cette description de Thule se rapporte parfaitement au nord de la Scandinavie. Ces Gauti dont parle Procope sont les Goths. Les Skrithfinni, mentionnés deux siècles plus tard par Paul Warnfredi, sont les Lapons auxquels on donnait aussi au moyen-âge le nom de Finnois. Le mot de Skritt (suédois skrœda, courir, skida, patin) indique un trait de mœurs qui existe encore parmi ces populations[3].

Ce que Procope raconte du culte des dieux s’accorde avec les anciennes traditions. La grande fête dont il fixe l’époque au solstice d’hiver était le Jul que les Scandinaves célébrèrent pompeusement jusqu’à l’époque du christianisme et qui a donné son nom à la fête de Noël[4]. La durée du solstice d’hiver et du solstice d’été est celle qu’on observe au 67e degré de latitude, c’est-à-dire au-delà du golfe de Bothnie[5].

À peu près à la même époque où Procope décrivait ainsi les contrées du Nord, Jordanes racontait les migrations des Goths, et son livre romanesque, séduisant, devint, pour les annalistes suédois du moyen-âge, une base irrécusable sur laquelle ils fondèrent tout un système. Lui-même avait confondu les documens anciens et les documens nouveaux, les temps et les lieux, les rives de la mer Baltique et de la mer Noire, la Scythie et la Scandinavie. Ceux qui vinrent après lui marchèrent dans les mêmes erreurs. Plus le cercle historique tracé par Jordanes, était grand, plus il flattait l’orgueil national. Ils se gardèrent donc bien de le restreindre. Ils prirent à la lettre ce que l’historien goth avait dit de Scandia, et firent de cette pauvre terre du Nord, qui devait être alors fort mal peuplée, le berceau de ces innombrables tribus qui envahissaient le midi de l’Europe, la vagina gentium.

Les écrivains latins n’offrent, comme on le voit, pour l’étude primitive de la Suède, que quelques faits généraux et quelques notions géographiques. Les sagas islandaises renferment une quantité de récits de guerre ou de voyage, de traits de mœurs essentiels, de notices biographiques. La première partie du livre de Snorre Sturleson, l’Ynglinga saga, est le premier chapitre de l’histoire de Suède. Quelques fables se sont mêlées à ce chant des scaldes conservé par un homme de génie ; mais, à moins de vouloir retomber dans le vague le plus complet, on ne saurait mettre en doute l’authenticité des noms et des faits principaux cités dans cette saga.

Vers le milieu du IXe siècle, un descendant des fils d’Odin, un prince de la race des Ynglingues, régnait en Norvége : c’était Harald aux beaux cheveux, qui assujettit à son pouvoir les districts indépendans qui l’entouraient, et devint, comme Gorm en Danemark, le maître absolu d’un pays divisé jusque-là en plusieurs principautés. Il y avait à la cour de ce prince un scalde célèbre nommé Thivdolfer qui, pour mériter sa faveur, ou le remercier de ses bienfaits, chanta la gloire des Ynglingues depuis Odin jusqu’à Ingale Illroda. C’est d’après ce chant de Thivdolfer dont il cite plusieurs fragmens, c’est d’après les chants de Brage et de quelques autres scaldes, que Snorre a composé une partie de sa Heimskringla. Il connaissait d’ailleurs les traditions populaires. Il était venu les étudier en Suède et en Norwége, et, dans un siècle d’ignorance où les moines suédois pouvaient à peine écrire quelques froides pages d’annales, l’historien islandais composa un ouvrage, que l’on peut regarder encore comme un chef-d’œuvre d’esprit et un modèle de narration.

C’est là qu’il faut chercher l’origine des monarchies du Nord, la généalogie de ses premiers rois, le culte de ses premiers dieux. Odin était parti avec ses compagnons des bords de la mer Noire ; il se dirigea du côté de Garderike (Russie), puis il traversa le nord de l’Allemagne, la Saxe, et vint aborder en Fionie, où il fonda une ville qui porte encore son nom : Odensee. Il voyageait avec tant d’ordre et tant de pompe, qu’il imposait le respect et l’admiration. À son approche, les discordes civiles s’apaisaient, le ciel devenait plus riant, les moissons devenaient plus belles, et les peuples, en le voyant passer, l’adoraient comme un dieu. Quand il fut devenu maître de la Fionie, il envoya Gefion, la fille des Ases, au nord. Gefion se présente devant Gylfe, roi de Suède, lui demande, comme Didon, une portion de terre à cultiver, et Gylfe dit qu’il lui donnera celle que quatre bœufs peuvent labourer en un jour. Après avoir reçu cette promesse, Gefion s’en va dans la contrée des géans, enfante quatre fils, les transforme en bœufs, puis les attèle à la charrue. Le soc de fer poussé par la fille des dieux, traîné par le magique attelage, pénètre dans les entrailles du sol, enlève une partie de la Suède qui tombe dans la mer, flotte sur les eaux, et va former, au milieu du Sund, l’île de Seelande. À la place occupée par cette vaste étendue de terre, on vit apparaître le lac Mœlar. Les géographes anciens disent que toutes les baies de ce lac correspondent aux promontoires de la Seelande.

Odin avait plusieurs fils. L’un d’eux, Vegdey, devint roi de Saxe ; un autre, Balder, roi de Westphalie ; un troisième, Sigge, roi des Sicambres (Sighœmper, guerriers victorieux). Il donna la Seelande à son quatrième fils Skiœld, qui épousa Gefion. De ce mariage provint la race des Skiœldunger, la première race des rois de Danemark. Quand il eut fait ainsi le partage de ses conquêtes, il vint en Suède, et fut accueilli avec un pieux respect par Gylfe qui lui donna une partie de son royaume. Odin fixa sa demeure dans la province de l’Upplande. Près de l’endroit où s’élève aujourd’hui la cathédrale d’Upsal, il bâtit Sigtune (Seger-Tun, anglais Torn, ville de victoire), érigea un temple, offrit des sacrifices et fit aimer sa religion au peuple. Il était, disent les sagas, remarquable par sa mâle beauté, imposant par son éloquence et renommé au loin pour sa sagesse. Il mourut en appelant au Valhalla tous les guerriers qui avaient vaillamment combattu, et devint le dieu des contrées dont il avait été le conquérant, le prêtre et le législateur.

Son fils Niord lui succéda. Il eut un règne heureux et paisible, un règne pareil à celui du sage Numa, après l’héroïque Romulus. Puis, après lui, Yngue, qui a donné son nom à la race des Ynglingues, monta sur le trône des Ases.

Les sagas qui racontent cette fondation de la monarchie suédoise, ne présentent ni date, ni notice chronologique. Mais on sait que Ingald Illroda vivait au VIe siècle. Il y a vingt-trois rois depuis Odin jusqu’à lui. Or, en comptant, d’après la méthode de Newton, trois règnes par siècle, on peut fixer l’arrivée d’Odin en Suède vers l’année 160 avant J.-C. C’est un point sur lequel tous les historiens sont à peu près d’accord.

Tout le règne des Ynglingues est beaucoup plus connu que les règnes suivans. Ces princes descendaient des dieux de la Suède. Il y avait pour le peuple une sorte de culte religieux à les nommer dans ses chants, à les illustrer dans ses traditions. Plus tard, le peuple se tait et l’historien n’apparaît pas encore. En quittant l’œuvre de Snorre Sturleson, il faut avoir recours à celle des écrivains danois. Par les expéditions maritimes, par les luttes d’ambition nationale, par les rivalités de souverains, l’histoire de Danemark fut souvent mêlée à celle de Suède. Plusieurs rois furent en même temps maîtres des deux pays. Iwan Widfame, Sigurd Ring, Ragnar Lodbrok, régnaient sur les deux rives du Sund et sur une partie de l’Allemagne. Les écrivains danois ont raconté, dès le moyen-âge, tous ces faits. Les écrivains suédois ne sont venus que beaucoup plus tard. Le Danemark avait, à la fin du XIIe siècle, deux historiens d’un grand mérite : Saxo le grammairien et Sveno Aggonis ; la Suède n’en avait encore aucun.

Peu d’histoires sont pourtant aussi variées, aussi dramatiques que celle de ce pays. Si on la prend dans les temps anciens, voici tous les mythes de dieux et de héros, les sagas glorieuses des rois, les contes aventureux des Vikingr, tantôt une tradition d’amour qui ressemble à un roman, tantôt une tradition de guerre pleine d’actions merveilleuses. Si on la prend dans les temps modernes, voici le long et douloureux tableau des guerres civiles enfantées par la réunion des trois royaumes ; voici l’expédition sanglante de Chrétien II, la prise de Stockholm long-temps défendue par une jeune femme, l’échafaud dressé dans les rues, et les plus nobles têtes de vieillards roulant sur le pavé. Voici Gustave Wasa, proscrit et fugitif, caché sous un habit de mineur, achetant ses années de gloire par des années d’infortune, et son fils Éric XIV, dont toute la vie ne fut qu’un long hymne d’amour et un long drame de douleur, pauvre poète que la voix d’une femme pouvait seule calmer dans ses heures d’angoisse, pauvre roi détrôné par son frère, conduit de forteresse en forteresse, et empoisonné dans sa prison. Ai-je besoin de dire ce que fut Gustave Adolphe, et sa fille Christine, et son valeureux successeur, Charles X, qui s’en alla, au milieu de l’hiver, à travers les glaces, assiéger Copenhague ? Qui de nous n’a lu l’histoire de Charles XII ? et qui de nous n’a entendu conter les aventures étranges de ce dernier roi de la famille des Wasa, de ce Gustave IV, qui, après avoir déclaré la guerre à l’Europe entière, voyageait en Suisse sur l’impériale d’une diligence.

Je ne connais, je l’avoue, aucune nation qui, dans des limites aussi étroites, ait joué un rôle aussi grand, qui garde dans son histoire tant de pages glorieuses, tant de faits mémorables, tant de rois illustres ; et cependant cette histoire fut long-temps méconnue et négligée. Tandis que l’Allemagne subissait l’influence intellectuelle des contrées méridionales, et réagissait sur le Danemark, la Suède restait à l’écart, immobile et silencieuse. Les écoles de cloîtres, les écoles de chapitres, dispersées çà et là, ne pouvaient exercer un grand ascendant. Les bibliothèques étaient pauvres et peu nombreuses. Quelques moines s’essayaient, dans leur retraite, à écrire des annales ; mais souvent le monde entier était, pour eux, concentré dans les intérêts du cloître. Ils racontaient, avec un soin minutieux, les évènemens accidentels de leur communauté, et laissaient passer, sans en tenir compte, les évènemens du royaume. Souvent ces annales, auxquelles les historiens modernes ont voulu avoir recours, ne sont autre chose que des registres de cérémonies religieuses, et lorsque parfois elles sortent de ce cadre étroit, lorsqu’elles racontent des faits nationaux, on ne peut accepter sans une grande réserve le jugement qu’elles portent sur les hommes ou sur les choses, car il est presque toujours dicté par des préjugés rigoureux.

Pendant long-temps il n’y eut pas d’autres archives que celles des couvens ; les actes du royaume n’étaient pas même enregistrés. Ce n’est qu’à partir du règne de Gustave Wasa, en 1523, que l’on commença à recueillir ces actes. Quelques années après, on joignit à cette première collection les recueils épars des chapitres et des abbayes. C’est ainsi que furent formées les archives de la nation. Sous le règne de Gustave-Adolphe, elles s’accrurent considérablement par les recherches de quelques hommes zélés, qui parcouraient le pays pour rassembler tous les documens officiels disséminés dans les villes et dans les campagnes. Elles ont été, depuis, classées avec ordre, administrées avec soin.

L’histoire de Suède ne commence à être réellement connue qu’à partir du règne d’Éric-le-Saint, qui vivait vers le milieu du XIIe siècle. Les premières chroniques de couvent ne furent écrites qu’au XIIIe siècle : on n’étudia que quatre siècles plus tard les livres islandais.

Un des principaux documens historiques sur les premiers temps du christianisme est la généalogie des rois de Suède, jointe à l’ancienne loi de Vestrogothie. Elle commence à Olaf Skœtkonung (an 1000) et se termine à Jean Ier, (1616) ; elle renferme une biographie de chaque roi, écrite avec justesse et précision.

Sous le règne de Magnus Smek (1319), un poète, dont on ignore le nom, composa une chronique en vers des rois de Suède ; elle fut continuée successivement par cinq autres poètes, jusqu’au règne de Chrétien II. C’est, comme toutes les chroniques rimées du moyen-âge, un froid récit des évènemens de chaque règne ; mais elle renferme un grand nombre de documens, et on la lit encore avec intérêt. Messenius en publia une partie en 1616 ; Hadorph en a donné une nouvelle édition, plus étendue, en 1674. Les éditeurs des Scriptores l’ont imprimée en entier dans le premier volume de leur collection.

Celui qui a écrit la première partie de cette chronique a cherché, dans les temps lointains, l’origine de la monarchie suédoise. Son poème commence ainsi :

« Que Dieu le père, et son fils, et le Saint-Esprit, gardent la Suède de tout malheur ! Que la Vierge Marie, la chaste mère de Dieu, avec les puissances célestes, la préservent de tout désastre ! Que la Suède soit heureuse et paisible, et suive fidèlement la loi du Christ ! Les Suédois descendent d’un digne homme, de Japhet, troisième fils de Noé. Ce fut lui qui protégea son père, quand il était couché. Voilà pourquoi Dieu le bénit ainsi que son frère. Les Suédois ont hérité de cette bénédiction et la garderont à jamais, si Dieu leur en fait la grace. Après le déluge, Cham s’empara de l’Afrique, Sem de l’Asie, et Japhet de l’Europe. Il avait un fils qui s’appelait Magog. Ses descendans arrivèrent d’abord en Allemagne, puis ils devinrent rois de Suède. La Suède est le meilleur pays que l’on puisse trouver au monde ; Dieu lui a donné de nobles hommes et de saintes femmes. Qu’il en soit loué éternellement ! »

Plus loin il dit : « Les Suédois ont les plus beaux chevaux du monde ; ils ont des villes, des forêts et du gibier de toute sorte, des biches, des cerfs et des oiseaux, plus qu’on n’en trouve partout ailleurs ; car il n’y a point de pays comparable à la Suède. Dieu le père lui a donné des montagnes, des lacs, des bois et de la mousse, en sorte que, si les Suédois le voulaient, ils n’auraient pas besoin d’aller rien chercher en pays étranger. Il y avait autrefois, ici, des hommes intrépides qui partirent avec une grande armée et prirent des provinces et des royaumes en quantité. Rome, Naples, l’Italie, l’Aragon, la Sicile, l’Espagne, la Flandre, la Hollande, la France, l’Angleterre, l’Écosse, reconnurent leur pouvoir, ainsi que la Gaule et la Macédoine ; car rien ne pouvait leur résister. Ils conquérirent toutes les contrées où ils passaient ; aucun roi, aucun empereur, ne voulait combattre contre eux ; aucune armée n’osait les attaquer, et les Goths ne pouvaient rester en paix. Ils allaient partout où ils voulaient ; ils subjuguèrent Rome plusieurs fois, et prirent tous ses trésors. Mais c’était bien la faute de Rome ; car elle ne voulait pas leur rendre hommage et leur rester fidèle ; elle capitulait et manquait de parole : voilà pourquoi tant de sang fut répandu. Ils brûlèrent Rome dans le temps où Honorius était empereur par la volonté de Dieu, l’an 314. On trouve encore, dans les livres étrangers, beaucoup de choses sur les actions des Goths. Ils étaient fermement unis dans leur volonté, c’est pourquoi personne ne put les vaincre. Suédois, vous ferez comme eux, si vous savez garder la paix entre vous ! »

Après ce patriotique avant-propos, l’auteur passe, sans autre transition, à l’histoire d’Éric XI, petit-fils de saint Éric, devenu roi de Suède et de Gothie en l’an 1222.

Sous le premier règne de Charles Knutsson, c’est-à-dire vers l’année 1448, un autre poète écrivit une chronique en vers moins étendue, qui a été publiée par Messenius, en 1645, puis par Hadorph, en 1674, et réimprimée dans le recueil des Scriptores. On l’attribue à un chanoine nommé Laurentius Ravaldi. L’auteur commence par décrire le culte des dieux Scandinaves à Upsal ; puis il en vient à l’histoire des rois de Suède, qui racontent chacun, l’un après l’autre, les évènemens de leur vie. Le premier qui apparaît est le roi Éric, contemporain de Saruch, grand-père d’Abraham. D’Éric jusqu’à Olof, premier roi chrétien, le poète compte trente-cinq règnes.

Au XVe siècle, l’imprimerie fut introduite en Suède ; mais elle ne fut d’abord que d’une très faible utilité à la science. On imprima des livres de fables, des missels, des bréviaires ; on laissa de côté l’histoire. Les prêtres continuèrent à écrire leurs annales, et le peuple garda son indifférence.

Fric Olaï, chanoine d’Upsal, mort en 1486, composa, par l’ordre de Charles VIII, une histoire de Suède en latin. Il ignorait complètement les sources islandaises. Les commencemens de son récit sont parsemés d’erreurs grossières, et tout ce qu’il raconte des deux premiers siècles du christianisme, est fort peu exact. Ce n’est qu’à partir du temps de Bürger Jarl (1250) qu’il devient plus exact et peut être consulté avec fruit.

Jean Magnus, dépossédé de son siége d’évêque par la réformation, se retira à Rome, et écrivit aussi une histoire de Suède. C’était un homme de talent et un érudit. Cependant il avait annoncé plus de documens nouveaux qu’il n’en mit au jour dans son ouvrage. Il suivit assez fidèlement le récit de la chronique en vers, le livre d’Éric Olaï, et fit remonter aussi sa chronologie beaucoup plus haut que celle de Snorre Sturleson. Il commença sa série des rois de Suède par Magog, petit-fils de Noë ; puis il descendit tranquillement jusqu’à Odin, tantôt à l’aide de quelques noms anciens, tantôt avec des noms qu’il imagina lui-même. Comme il était zélé catholique, il donna de grands éloges aux rois de Danemark, qui avaient régné sur la Suède et défendu les intérêts du clergé, et condamna sans miséricorde Gustave Wasa, le réformateur.

Son frère Olaus Magnus, qui écrivit aussi un livre d’histoire, adopta les mêmes théories, et fit du peuple suédois la souche de toutes les tribus de Goths et de Lombards, dont le moyen-âge nous a raconté les migrations lointaines, les batailles, les exploits. Ces deux ouvrages, qui attribuaient une si haute origine à la monarchie d’Odin, furent accueillis avec enthousiasme, et devinrent la base du système historique soutenu par les antiquaires du XVIIe siècle[6].

Cependant Gustave Wasa, qui sentait la nécessité d’opposer aux œuvres des prêtres catholiques des livres écrits selon les idées de la réformation, ordonna à Olaus Pétri de composer une histoire de Suède. L’ordre fut exécuté. Mais quelques opinions émises par l’auteur ayant déplu au roi, il proscrivit l’ouvrage tout entier, et défendit même aux savans de l’employer dans leurs recherches. Plus tard, le malheureux Olaus, qui d’abord avait été l’un des principaux chefs de la réformation, l’un des favoris de Gustave, fut accusé de haute trahison, condamné à mort, et n’échappa au supplice que par les sollicitations réitérées de ses amis et les prières de la paroisse dont il avait été nommé pasteur.

Son frère Laurentius Pétri, plus habile que lui, écrivit une autre chronique, où il sut ménager les susceptibilités du souverain. Toutes deux ont été imprimées dans les Scriptores (tome i et ii). Celle de Laurentius est une imitation de l’ouvrage d’Olaus, qui avait plus de nerf et de hardiesse.

Les discordes civiles qui agitèrent la Suède sous le règne d’Éric XIV, les efforts de Jean III pour abolir le protestantisme, les guerres de son fils Sigismond, suspendirent le mouvement des études historiques. On était trop occupé du présent pour songer au passé.

Le règne de Charle IX réveilla le goût des lettres. Lui-même était poète. Il composa sur sa vie une chronique rimée qui n’a pas grande valeur, il est vrai, mais qui annonce au moins des goûts studieux. Sous la minorité de Gustave-Adolphe, le gouvernement établit un comité d’antiquaires chargé d’étudier les annales primitives du pays, et nomma quelques historiographes. L’un d’eux était Arnold Messenius, le fils de cet intrépide poète Jean Messenius, qui voulait mettre toute l’histoire de Suède en drames ou en comédies, mais qui, heureusement pour l’art et pour l’histoire, n’alla pas au-delà de sa cinquième pièce. Jean Messenius était un homme doué d’un grand amour pour le travail et d’une vaste érudition. Il eut une vie étrange et orageuse. Enlevé dans son enfance par les jésuites, conduit en Pologne, il ne revint dans son pays que seize ans après l’avoir quitté. Il était alors distingué déjà par ses connaissances ; il avait reçu solennellement le diplôme de docteur à l’université d’Ingolstadt. Charles IX le nomma professeur de jurisprudence à Upsal ; mais une querelle qu’il engagea avec quelques-uns de ses collègues le força d’abandonner sa place. Il revint à Stockholm, fut compromis dans une conspiration, et condamné avec sa femme et ses enfans à une prison perpétuelle. Il mourut dans la forteresse d’Ulaoborg, en 1687. À travers ses voyages, ses querelles et ses procès politiques, il trouva le temps de composer des drames, d’amasser des documens historiques et d’écrire. Il publia deux chroniques composées avant lui, et rédigea une histoire générale de la Scandinavie[7]. Les huit premières parties de cet ouvrage renferment l’histoire de la Suède, depuis le déluge jusqu’à l’année 1612 ; la neuvième, l’histoire des saints et des apôtres du christianisme dans le nord ; la dixième, la chronologie des principaux évènemens arrivés chez les Finnois, les Livoniens, les Courlandais, chronologie qui remonte aussi jusqu’au déluge. La quatorzième partie, qui devait renfermer l’histoire des Ostrogoths en Scandinavie et en Espagne, n’a pas été trouvée. La quinzième est un abrégé de la chronologie de Suède, de Danemark et de Norwége, qui se termine à l’année 1616.

À la même époque, Jean Loccenius publiait son histoire des rois de Suède, depuis Beron III jusqu’à Éric XIV. Les œuvres de Messenius et de Loccenius ont été pendant long-temps les seules sources auxquelles les étrangers avaient recours pour étudier l’histoire de Suède.

Le règne de Gustave-Adolphe, celui de Christine et celui de Charles X, furent un temps de gloire, de prospérité et de développement intellectuel. Les Suédois étaient sortis de leur pays. Ils étaient entrés en contact avec les populations de l’Allemagne, et ils rapportaient de leur croisade religieuse des idées toutes nouvelles et de nouvelles sources d’instruction. Christine avait fait de sa cour une sorte d’académie où elle appelait les savans étrangers. Elle allait souvent à Upsal assister aux cours des professeurs ; elle encourageait à la fois l’art et la science, la poésie et l’érudition. Ces témoignages de faveur qu’elle accordait aux hommes de mérite, ne pouvaient manquer d’exciter autour d’elle une grande émulation. C’est le temps où les Suédois commencent à étudier les noms historiques de l’Islande, et cette étude fut poursuivie avec ardeur pendant plus d’un demi-siècle. Dès la première publication d’un de ces anciens documens, il y eut parmi les savans une sorte de commotion électrique qui les réveilla de leur indifférence, et leur fit comprendre toutes les richesses de ces archives Scandinaves si long-temps dédaignées. Alors Olaf Verelius et Olaf Rudbeck traduisent quelques-unes des principales sagas. Salanus, Olofsson, suivent leur exemple. Biœrnes rassemble, dans ses Nordiska Kœmpadater, les contes guerriers et romanesques du Nord. Peringskiœld publie la Heimskringda de Snorre, et Gœransson s’essaie à traduire l’Edda. Malheureusement cette étude, entreprise avec tant de zèle, ne fut pas dirigée comme elle aurait dû l’être. On adopta sans difficulté des sagas qui méritaient peu d’être publiées ; on employa des manuscrits incorrects, et on les traduisit négligemment. Puis les théories historiques de Jean Magnus avaient porté leur fruit, et les campagnes glorieuses de Gustave-Adolphe, le grand rôle que la Suède avait joué dans ses dernières guerres éveillèrent, au fond des cœurs suédois, un sentiment de fierté nationale que l’on voulait justifier par l’histoire. On trouva que commencer les annales de Suède à l’arrivée d’Odin, c’était trop de modestie ; que distraire de ces annales celles des Goths et des Lombards, c’était une puérilité. On remonta donc jusqu’à l’histoire grecque et jusqu’à la Genèse. Les généalogistes voulurent prouver la parenté des principales familles vivantes avec celles des anciens héros, et les antiquaires déclarèrent que le royaume de Suède était aussi vieux que le monde. L’évêque Bang écrivit une histoire ecclésiastique où il disait que les patriarches antérieurs au déluge avaient habité la Suède. Gœransson établit une chronologie de rois, depuis l’an 2200 avant Jésus-Christ jusqu’à l’année 1749, et Rudbeck employa des trésors de science et d’érudition pour démontrer que la Suède était l’Atlantica de Platon[8].

Tandis que les philologues s’aventuraient ainsi dans ces grandes questions, quelques hommes moins ambitieux se bornaient à relater les faits les plus récens. Tegel écrit l’histoire d’Éric XIV, Werwing celle de Jean III, Norberg celle de Charles XII, Archenholt publie les Mémoires de Christine, et Puffendorf joint à son introduction générale l’histoire de Suède, en suivant, pour les temps anciens, le système de Magnus et de Loccenius[9].

Jusque-là il n’existait pas encore une histoire de Suède suivie et complète. Dalin entreprit cette œuvre importante. Il avait écrit un poème sur la Liberté suédoise, qui fit sensation[10]. Les états du royaume, le voyant disserter si facilement sur les époques d’absolutisme et les époques de constitution, ne crurent pouvoir mieux faire que de lui confier le soin d’écrire l’histoire du pays. Ils lui donnèrent, pour ce travail, 2,000 ducats, et le poète se mit à l’œuvre. La partie la plus importante de ce livre est celle où il expose l’ancienne situation de la Suède. Celsius avait établi que les eaux de la mer Baltique diminuaient chaque année. Dalin adopta le même système. Il essaya de démontrer par là que les géographes latins ne s’étaient pas trompés quand ils avaient décrit la Scandinavie comme une île ; que la Suède avait été primitivement non-seulement une île, mais une réunion de plusieurs îles. À l’appui de ses assertions, il pouvait citer des faits assez notables, des espaces d’eau évidemment rétrécis, des noms anciens qui indiquaient un golfe ou un port, là où il n’y a plus ni golfe, ni port, des rocs cachés autrefois sous les vagues et maintenant mis à découvert. Ce calcul géographique, qui anéantissait les fabuleuses théories des antiquaires du XVIIe siècle, causa une grande rumeur. Le monde savant se divisa en deux partis, et la question fut discutée de part et d’autre avec ardeur. Elle paraît être résolue aujourd’hui. Les observations des naturalistes de Suède, soutenues par celles d’un géologue célèbre, M. Lagell[11], ont démontré que Celsius et Dalin touchaient à la vérité. Les eaux ne diminuent pas comme Celsius l’avait dit, mais la terre s’élève à peu près d’un pouce chaque année. Dalin avait trouvé dans ce système topographique l’étymologie du nom de Suède. Comme cette contrée était de tout côté bordée par la mer, on l’appela Svea rike, de Siœrike (royaume de la mer). Mais il oublie que la Suède s’appelait anciennement Svithiod, lequel mot provient de Scythia[12], que Snorre Sturleson appelle aussi Svithiod-la-Grande[13]. De cette terre de Svea rike sortirent, dit Dalin, les Sveves, qui envahirent la Souabe et la Suisse auxquelles ils donnèrent leur nom.

Toute cette question est traitée dans son livre d’une manière fort arbitraire, et il est obligé, pour la soutenir, d’avoir recours à des hypothèses peu probables. Le reste de son histoire est un récit facile, élégant, écrit avec une plume de poète, mais fort léger et fort superficiel. Les graces du style lui ont donné, pendant quelque temps, une certaine popularité. Les nouvelles études historiques plus sérieuses et plus approfondies, les remarques de Botin en ont fait voir le défaut radical.

Dans le même temps vivait en Suède un homme moins favorisé de la fortune que Dalin, moins adulé par la cour et par le public, mais plus grave et plus digne de confiance ; c’était Lagerbring[14]. Il était l’ami de Langebuk, qui établit sur des bases solides l’histoire de Danemark. Comme lui, il étudia les annales de son pays avec amour et persévérance. Il ne se borna pas à prendre çà et là les documens connus, les chroniques admises par le vulgaire ; il eut recours aux actes officiels oubliés dans les archives ; il les rechercha avec ardeur et les compulsa avec sagacité. On peut lui reprocher de s’être laissé séduire dans les commencemens de son ouvrage par des traditions trop vagues et trop équivoques ; mais, une fois arrivé au moyen-âge, il marche en toute sûreté. C’est un historien indépendant et consciencieux qui éclaire à chaque pas la route obscure de ses devanciers, corrige leurs erreurs, et dédaigne de flatter comme eux l’orgueil des familles nobles. Les faits nouveaux qu’il rapporte prouvent l’étendue de ses études. Malheureusement il n’a pu achever le grand travail auquel il avait dévoué toute sa vie. Il est mort laissant une œuvre inachevée, un monument debout sans chapiteau[15].

Olaf Celsius était le contemporain de Dalin et de Lagerbring. Il écrivit une histoire de Gustave Wasa et d’Éric XIV, histoire exacte et sans prétentions, qui fut chérie du public, et que l’on aime à relire encore.

En 1792, Gustave III fonda l’académie des lettres et de l’histoire. Cette académie met des questions au concours, distribue des prix, publie des mémoires. Elle s’est illustrée par plusieurs travaux. Rosenhane, Hallenberg, Engestrœm, ont inséré dans le recueil de ses mémoires des dissertations historiques dignes d’être étudiées. F. Faut était un des principaux membres de cette société. Il tenta de publier l’histoire de Lagerbring et publia des leçons sur l’histoire générale de Suède. C’était évidemment un homme instruit, mais il n’avait ni assez de pénétration pour choisir les faits essentiels, ni assez d’esprit philosophique pour les juger. C’est un historien d’un ordre inférieur qui préfère l’anecdote à la réflexion, et n’a pas même le talent de la raconter avec grace. Ses livres n’ont jamais pu avoir aucune popularité ; ils ne sont consultés aujourd’hui que par un petit nombre de personnes. Cependant on doit rendre justice au zèle avec lequel il chercha à propager autour de lui le goût des études historiques. C’est lui qui enseigna l’histoire pendant plus de trente ans à l’université d’Upsal ; c’est lui qui a eu l’idée de publier cette belle collection des annales de Suède, continuée par les soins de MM. Schrœder et Geiier[16].

Toutes ces études historiques, commencées si tard, développées si lentement, ont fait de grands progrès dans les derniers temps. L’Allemagne et le Danemark avaient donné l’exemple de la critique appliquée à l’érudition ; la Suède l’a suivi. Les philologues ont recommencé les travaux entrepris avant eux, et la publication des textes a été faite avec plus de méthode et de rectitude. Les antiquaires, moins ambitieux que ceux du XVIIe siècle, ont posé sur une base plus sûre l’étude des monumens. La Suède est la contrée du nord où l’on trouve le plus de monumens tumulaires, d’inscriptions runiques. La demeure des dieux était dans l’Upplande, et quand on parcourt cette province, quand on aperçoit sur la colline et dans la vallée ces pierres sépulcrales debout au milieu des sillons, on dirait que tous les guerriers ont voulu être enterrés là, comme pour être plus près du dieu qui les guidait sur le champ de bataille.

M. Siœborg a publié une collection fort curieuse de ces monumens[17]. M. Liliegrenn a écrit sur les runes du Nord l’un des livres les plus élémentaires et les plus complets qui existent. Il a recueilli dans son Diplomatarium[18] les premiers documens de l’histoire, les bulles des papes, les lettres des évêques, les ordonnances des rois. La première pièce de cette collection est le bref du pape Pascal Ier, publié entre l’année 817 et 824, pour protéger l’évêque Ebbo, qui avait pris la résolution de venir prêcher le christianisme dans le Nord. Le premier document ecclésiastique écrit en suédois est une lettre de donation faite en l’année 1277, par l’évêque Ketil, à un couvent de Finlande. Le premier document royal écrit dans la même langue est une lettre de donation du roi Magnus aux moines d’Enkœping. Elle date de 1278. Jusque-là tout est écrit en latin.

M. Liliegrenn n’est pas le premier qui ait eu l’idée de rassembler ces pièces officielles, si importantes pour l’étude de l’histoire. Avant lui, Hadorph, Peringskiœld, Broemann, avaient entrepris un ouvrage du même genre, et Fant[19] avait écrit une dissertation pour en faire sentir la nécessité. Liliegrenn est le premier qui ait réalisé ce désir de plusieurs savans. Il est mort, laissant un musée d’antiquités qui renferme plusieurs choses curieuses et des notices archéologiques importantes, mais malheureusement inachevées. La science a perdu en lui un disciple patient et laborieux, un esprit doué d’une grande pénétration. Son Diplomatarium n’est pas fini ; il ne va que jusqu’à l’année 1310. Un jeune savant qu’il avait associé à ses travaux, M. Hildebrand, doit le continuer.

M. Afgelius a traduit avec un rare talent l’Edda de Sœmund. Plusieurs autres savans ont traduit ou dicté textuellement quelques-unes des principales sagas islandaises.

Une société d’hommes instruits publie un recueil de lettres, d’ordonnances anciennes et modernes, de documens relatifs à l’histoire de Suède. Le gouvernement a prêté son appui à cette entreprise, qui devient d’année en année plus intéressante[20].

Un prêtre de la Scanie fouille dans la riche bibliothèque des comtes de La Gardie, et en extrait un grand nombre de pièces manuscrites très curieuses à connaître[21].

C’est dans ces derniers temps aussi que Warmholtz a publié sa Bibliotheca svengothica, c’est-à-dire son catalogue de tous les livres qui ont paru sur l’histoire de Suède. C’est une œuvre d’une merveilleuse érudition, une œuvre de science et de critique, qui souvent résume en quelques lignes toute une question, et démontre très judicieusement le défaut ou le mérite des historiens. Ce catalogue remonte jusqu’aux temps anciens et s’arrête au commencement du XVIIIe siècle. M. Wiborg l’a continué, mais son travail n’a pas été publié.

Les naturalistes aussi se sont mis à l’œuvre. Il est une partie de l’histoire de Suède qui ne peut être expliquée que par eux, c’est celle qui est antérieure aux traditions écrites. Les sagas qui racontent les migrations d’Odin parlent confusément des peuples qui habitaient avant lui la Scandinavie. M. Nilsson, professeur d’histoire à l’université de Lund, a cherché à démontrer, par les instrumens de chasse et de pêche, quelles devaient être les mœurs de ces peuples, en même temps que par l’étude des crimes il cherchait à démontrer, comme M. Eschricht en Danemark, à quelle race ils appartenaient. Mais il n’a fait qu’indiquer encore son système. Il est nécessaire d’attendre la continuation de son ouvrage pour le juger[22].

Le temps et l’étude ont formé ainsi en Suède une école historique sérieuse, savante, dégagée des préventions nationales qui existaient avant elle, cherchant la vérité avec zèle et la proclamant avec loyauté.

Trois hommes entre autres se sont distingués dans cette école ; ce sont MM. Fryxell, Strinnholm et Geiier.

M. Fryxell est un écrivain habile, élégant, qui fait aimer l’histoire par l’art avec lequel il la raconte. Nul historien suédois n’a su donner tant de couleur à son récit. Nul ne sait mieux que lui saisir l’individualité d’un personnage, le côté le plus saillant d’un fait, le point de vue le plus dramatique d’une époque. Quand il en est aux anciens temps, il répète les chroniques populaires avec abandon et naïveté, comme s’il les avait entendues un soir d’hiver sous le toit de quelque vieux conteur. Quand il arrive à l’époque moderne, il a le talent de mettre en relief tout ce qu’il y a de poétique dans les annales qu’il retrace. Il n’analyse pas, il peint. Si, comme il est aisé de le croire, il a voulu, en écrivant son ouvrage, populariser l’histoire, on peut dire qu’il a parfaitement réussi, car son ouvrage est fort répandu et recherché de tout le monde.

M. Strinnholm est un écrivain d’une nature plus grave et plus réservée, un de ces hommes d’étude qui, ayant compris leur vocation, se tracent une route déterminée et ne s’en écartent plus. Il a montré qu’il était dévoué à l’histoire par la ténacité avec laquelle il a poursuivi ses recherches, malgré le peu d’encouragemens qu’il obtint d’abord, malgré les obstacles de fortune qui durent plus d’une fois l’arrêter. Il composa, en 1819, une histoire de la Suède sous la domination des Wasa. Plus tard il sentit le besoin de remonter à l’origine de la monarchie, et publia, en 1834 et 1836, deux volumes qui lui ont fait beaucoup d’honneur dans le monde savant.

Le premier renferme une dissertation très détaillée et très complète sur les premières notions relatives à la Scandinavie, sur les migrations des peuples du Nord, sur leur mythologie, et une histoire de Suède depuis l’arrivée d’Odin en Upplande jusqu’au XIe siècle, c’est-à-dire jusqu’au christianisme. Un des chapitres importans de ce livre est celui qui traite de la constitution et des lois de la Suède au temps du paganisme : c’était une question très confuse, que M. Strinnholm a considérablement éclaircie.

Dans le second volume, il raconte les expéditions et les mœurs des Scandinaves, leurs conquêtes au Midi et leurs courses sur les mers du Nord. M. Depping avait déjà traité ce sujet dans un livre dont les critiques danois ont eux-mêmes loué le mérite. L’historien suédois, en revenant sur les mêmes faits, a su leur donner un nouveau développement par une étude plus vaste et plus approfondie des sources islandaises.

M. Strinnholm a un talent remarquable d’exposition, un style clair, facile, parfois un peu prolixe. Il ignore l’art de resserrer les évènemens pour leur donner plus de force. Il suit pas à pas son sentier d’érudit, compulsant, annotant, rapportant avec bonne foi ce qu’il a appris, et jetant çà et là un jugement vrai. Il ne dramatise pas son histoire, il raconte ; sa narration est lente, mais sûre et fidèle.

Le public a témoigné dans les derniers temps une faveur toute particulière à cet écrivain, et le roi vient de lui accorder une pension. Il poursuit maintenant avec plus de résolution que jamais ses recherches patientes et consciencieuses ; son œuvre ne se fera pas vite, mais elle se fera. C’est un de ces fils dévoués de la science, que la mort seule peut arrêter dans leur dévouement.

M. Geiier a, comme Fryxell, les qualités brillantes de l’écrivain, et, comme Strinnholm, l’érudition acquise par de longues études. Il a de plus le coup d’œil vif et pénétrant, qui embrasse d’un regard toute une série d’idées, la sagesse de l’homme pratique qui résume les faits, et l’esprit du philosophe qui en tire les conclusions. Son style est mâle, concis, éloquent ; il y a en lui une énergie comparable à celle de Tacite, et il possède cette austère probité que Quintilien recommande aux orateurs, et qui devrait être surtout le partage des historiens. Dès ses premiers travaux, il s’est élevé au dessus de ceux qui l’avaient précédé en Suède ; il mérite d’être mis à côté des meilleurs historiens de France et d’Allemagne.

Éric Geiier est né le 12 janvier 1783, dans la province de Wermelande. Il passa ses premières années dans cette solitude de la campagne qui donne à certaines ames une sorte de sève poétique qu’elles ne trouveraient pas dans les grandes villes. À l’âge de seize ans, il entra comme étudiant à l’université d’Upsal, puis il revint dans sa famille, sentant le besoin de se créer une carrière et ne sachant encore laquelle il choisirait. Une circonstance qui d’abord l’affecta péniblement, décida de sa destinée. Comme il n’avait pas de fortune, il avait pensé à entrer dans quelque maison riche en qualité de précepteur. Un ami de son père essaya de lui procurer une place. Mais quand il eut énuméré les vertus de son protégé, les personnes auxquelles il s’adressait répondirent qu’elles avaient pris des renseignemens ailleurs, et qu’on leur avait représenté le jeune étudiant comme un étourdi.

Geiier a lui-même raconté, avec une aimable naïveté, ce premier échec qui amena son premier succès. Je ne peux résister au plaisir de citer son récit : c’est une des plus jolies pages de biographie que je connaisse.

« Quand on eut formulé, dit-il, ce jugement sur moi, je compris pour la première fois ce que veut dire bruit et renommée. Je me crus perdu dans l’opinion du monde, et je brûlai du désir d’effacer la réputation inattendue qu’on venait de me faire, en m’en créant une meilleure. Je pris la plume et j’écrivis mon éloge de Sten Sture l’ancien, pour l’académie suédoise (1808). Ce travail se fit très mystérieusement. Lorsque l’idée me vint de concourir, je ne savais pas même quel était le sujet proposé par l’académie. Mais il devait se trouver dans les journaux de Stockholm qui, après avoir fait le tour de la paroisse, revenaient au presbytère. Par une soirée du mois d’août, je m’en allai au presbytère en rêvant, et j’inventai un prétexte pour prier le prêtre de vouloir bien me prêter les feuilles de l’année. Il prit, dans un vieux tiroir de table, parmi des croûtes de pain et des croûtes de fromage, je ne sais combien de numéros incomplets. Heureusement j’y trouvai ce que je cherchais. En m’en retournant à la maison de mon père, je sentais déjà l’influence d’une conception littéraire. Ces journaux me pesaient dans les mains, et toutes mes idées étaient en mouvement. Tandis que je m’abandonnais à mes premiers rêves, j’errais dans les ombres du soir, et j’allais me heurter contre les pierres et les buissons. La nuit je ne pus dormir. Le jour suivant je lus avec anxiété dans un volume dépareillé de Dalin ce qui se rapportait à mon héros. C’étaient là toutes mes sources historiques. Je ne me rappelle pas avoir fait de lecture plus pénible, et pourtant il fallait en extraire le suc le plus pur de l’éloquence académique. C’était une terrible tâche. Grâce au ciel, l’ancien administrateur du royaume de Suède n’en a rien su dans sa tombe. Après avoir long-temps combiné mon œuvre, il s’agissait de l’écrire, et ce n’était pas une petite difficulté, car il fallait avoir du papier, et mon père avait à cet égard des habitudes sévères d’économie. J’avoue que je dérobai tout ce qui m’était nécessaire, puis je cachai mon larcin dans une niche vide pratiquée dans le mur. Ce fut là aussi que le discours s’en alla feuille par feuille à mesure que je l’écrivais. Il n’était pas facile non plus de travailler en secret dans une maison où nous savions tous ce que chacun de nous faisait. Enfin j’arrivai à mon but sans mettre personne dans ma confidence, et la main tremblante, le cœur palpitant d’émotion, un beau jour j’enfermai pour la dernière fois dans l’armoire obscure mon œuvre copiée, cousue, scellée et prête à partir le lendemain pour le Parnasse. Je ne pouvais l’inscrire dans notre livre de poste sans éveiller l’attention. Mais le soir, tandis que notre ménagère était loin, je pris sa clé, je glissai mon discours dans la boîte. Le lendemain de bon matin je m’en allai à la poste voisine et mon paquet partit.

« Je passai l’automne au sein de ma famille. Au commencement du mois de décembre, je lis un jour, dans les feuilles de Stockholm, que l’auteur du discours sur Sten Sture, portant pour épigraphe : Non civium ardor prava jubentium, est invité par le secrétaire de l’académie à se faire connaître. Ma sœur me demanda pourquoi le rouge me montait au visage tandis que je lisais le journal. J’ignorais si cette invitation était d’un bon ou d’un mauvais augure, et je répondis à ma sœur avec un mélange de crainte et d’espoir. Le jour suivant, je reçus une lettre du gouverneur de la province, qui m’annonçait que l’académie m’avait décerné un grand prix. Je me précipitai, la lettre ouverte à la main, dans la chambre de mes parens, et tous restèrent muets de surprise. Ma bonne mère me serra sur son cœur, mes frères et mes sœurs m’embrassèrent, et tous les amis de notre maison se réjouirent. Celui qui s’était déclaré mon protecteur s’en alla chez un frère, posa une chaise sur la table, s’assit sur la chaise et proclama à haute voix mon triomphe. Mon père, je m’en souviens, ne m’avait jamais fait aucune caresse. Nos rapports avec lui, quoique pleins d’affection, étaient trop respectueux pour admettre l’épanchement. Ce jour-là, dans un moment où nous nous rencontrâmes par hasard, il étendit la main et la posa sur ma poitrine. Jamais nul témoignage de tendresse, nul succès ne m’a autant ému. Aujourd’hui encore je ne peux y songer sans attendrissement[23]. »

L’année suivante, Geiier vint à Stockholm, et entra dans l’intimité de plusieurs hommes de distinction. Puis il prit un nouveau grade à l’université et voyagea en Angleterre. En 1810, il fut de nouveau couronné par l’académie. En 1811, il devint l’un des membres les plus actifs de la société de l’Iduna, qui publiait un journal dans le but de réveiller le goût de l’ancienne littérature scandinave et des anciennes chroniques. Geiier inséra dans ce recueil quelques poésies qui peuvent être mises au nombre des plus belles œuvres poétiques de la Suède. Il rendit un autre service en publiant, avec M. Afgelius, le recueil des chants populaires. L’introduction mise en tête de ce recueil est un morceau critique d’une grande portée[24]. En 1815, il fut nommé professeur d’histoire adjoint à l’université d’Upsal, puis professeur titulaire, et, dès cette époque, chaque année de sa vie a été marquée par quelque travail important.

Son grand ouvrage sur les chroniques de Suède fut publié en 1825[25]. C’est là qu’il a recueilli le fruit de ses études ; c’est là qu’il a montré toute sa sagacité d’historien. Il est remonté aux sources les plus lointaines et les moins connues ; il les a exposées, analysées, jugées avec une élévation d’esprit et une clarté d’aperçu qui laisse peu de place à la critique. Tout ce livre est un tableau sérieux, animé, complet, de l’ancien état de la Suède, de sa situation géographique, de ses lois, de ses mœurs, des indices primitifs de son histoire, des traditions poétiques et religieuses qui l’ont illustrée. M. Geiier voulait faire le même travail pour l’époque païenne et les époques suivantes ; mais il s’est aperçu qu’il l’avait pris sur une trop grande échelle. Il l’a abandonné, et il est à craindre qu’il ne puisse le continuer. En 1832, il publia le premier volume d’une histoire du peuple suédois[26], qui bientôt fut suivi de deux autres[27]. Mais cet ouvrage s’arrête à la mort de Christine. La Suède n’a point encore eu son histoire complète, et, s’il est un homme dont elle doive surtout la désirer et dont elle ait le droit de l’attendre, cet homme est Geiier.


X. Marmier.
  1. Voyez la livraison du 1er novembre 1837
  2. Geiier, Svea Rikes Hœfder.
  3. Le mot scritovinni, dit Paul Warnfredi, signifie sauter ; il exprime l’habitude que ces peuples ont de se servir de planches courbées comme un arc, pour courir après les bêtes sauvages.
  4. La nuit de Noël, en Suède, s’appelle Julnat, Julafton En Danemark et en Norwége, on a conservé le même nom.
  5. Geiier, Svea Rikes Hœfder.
  6. C’est d’après ces deux ouvrages de Jean et Olaus Magnus qu’un Français, M. Jollivet, écrivit une Histoire générale très ancienne et merveilleuse des Suédois et des Goths internes depuis le roi Magog jusqu’au règne de Gustave-Adolphe-le-Grand, dernier mort. L’original de cette histoire, qui se compose de trente-cinq cahiers in-folio, se trouve dans les archives de Suède.
  7. Scandia illustrata seu chronologia de rebus Scandiæ, hoc est Sueciæ, Daniæ, Norvegiæ atque Islandiæ, Gronlandiæque, tam ecclesiasticis quam politicis a mundi cataclysmo. Primum edita et observationibus aucta a Joh. Peringskield, in-fo, Stockholm, 1700.
  8. Atlantica ou Manheim, patrie des descendans de Japhet. De là sont sortis les empereurs les plus illustres, les races royales qui ont gouverné le monde et une quantité de peuples, tels que les Scythes, les Barbares, les Ases, les Géans, les Goths, les Phrygiens, les Troyens, les Amazones, les Thraces, les Libyens, les Maures, les Turcs, les Gaulois, les Cimbres, les Saxons, les Germains, les Suèves, les Lombards, les Vandales, les Hérules, les Gépides, les Allemands, les Angles, les Pictes, les Danois, les Sicambres, et plusieurs autres dont il sera fait mention dans l’ouvrage. Tom. I, Upsal, 1673, 891 pages.

    Atlantica ou Manheim. Tableau du culte du soleil, de la lune et de la terre ; comment ce culte a commencé en Suède parmi les habitans des bords de Kimmi ; comment il s’est répandu dans la plus grande partie du monde : toutes choses démontrées par les historiens étrangers, ainsi que par les nôtres, et par d’anciens récits énigmatiques dont on n’avait pas encore trouvé l’explication jusqu’à présent. À ce tableau est jointe la preuve que, d’après le cours du soleil et de la lune, les diverses phases de l’année ont été calculées ici plus tôt que partout ailleurs, et plusieurs autres choses remarquables qui étaient restées jusqu’à ce jour entièrement inconnues. Tom. II, Upsal, 1689, 672 pages.

    Atlantica ou Manheim. Description de l’écriture primitive de nos pères sur la pierre, sur le bois, sur la peau. Temps où elle a commencé. Nombres d’or pour chaque année. Origine et signification de nos signes astronomiques. Comment ils sont parvenus aux Grecs et aux Latins. Les six premiers âges après Noë. Première organisation de notre monde atlantique. Migrations et guerres sous Saturne ou Borée et sous son fils Jupiter ou Thor. Expéditions dans la Scythie indienne et dans la Phénicie, ou terre de Judée. De nos Scythes, de nos Phéniciens, de nos Amazones, et de plusieurs curieux problèmes dont on avait ignoré le sens jusqu’à présent. Tom. III. Upsal, 1698, 762 pages, imprimé à deux colonnes, le latin d’un côté et le suédois de l’autre.

    Le quatrième volume fut mis sous presse en 1702. Il n’y en eut que trois feuilles imprimées. Le 16 mai, un incendie consuma l’imprimerie, le manuscrit de l’auteur et un grand nombre d’exemplaires du troisième volume.

    Le premier volume a été réimprimé en 1679. En 1696, on en publia en Allemagne une autre édition, mais en latin seulement.

    Un libraire de Rotterdam annonça, en 1726, une nouvelle édition de ce célèbre ouvrage. Son projet ne fut pas mis à exécution.

  9. Son ouvrage parut pour la première fois à Francfort-sur-le-Mein, en 1686. Il fut traduit en français et imprimé à Utrecht, en 1687 ; puis à Leyde, en 1710. En 1765, M. Lacombe publia un Abrégé chronologique de l’histoire de Suède, qui n’est autre chose qu’un extrait de l’introduction de Puffendorf.
  10. Svenska Friheten, Stockholm, 1742, in-4o.
  11. On the Proofs of a gradual rising of the land in certain parts of Sweden, in-4o, London, 1835.
  12. Ex Scythia propter tennem convenientiam vocis factum est Svithiod. Bayer, opuscula 1770, pag. 249.
  13. Enn Nordan af svarta. Hafi gengr. Svitiod in Mikla.
  14. Né en 1707 ; mort en 1787. Il s’appelait Bring. Le roi l’anoblit en 1769, et lui permit d’ajouter à son nom le mot de Lager, qui signifie laurier.
  15. Svea Rikes Historia, 4 vol. in-4o, Stockholm, 1769-1783.
  16. Scriptores rerum svecicarum medii ævi, 2 vol. in-fo. L’ouvrage doit être complet en trois volumes.
  17. Samlinger fœr Nordens Fornœlskare, 3 vol. in-4o, Stockholm, 1822.
  18. Svenskt Diplomatarium, 2 vol. in-4o, Stockholm, 1829-1837.
  19. Conspectus rei diplomaticæ svecanæ, in-4o, Upsal, 1780.
  20. Cette société se compose de trente membres, qui paient chaque année une contribution de 10 francs, et publient chaque année un volume. Le premier a paru en 1816 ; le vingt-deuxième en 1838.
  21. Delagardiska Archivet, 9 vol. in-8o, Stockholm, 1831-1837.
  22. Scandinaviska Nordens Urinvomare, in-4o, Christianstad, 1838, ier cahier.
  23. Minnen, Utdrag ur bref och Dogbœcker, in-8o, 1834.
  24. Svenska Folkvisor from Forntiden, 3 vol. in-8o, 1814-1816.
  25. Svea Rikes Hœfder, 1 vol. in-8o.
  26. Svenska Folkets Historia.
  27. Les trois premiers volumes de cette histoire ont été traduits en allemand, et font partie de la collection de Heeren. Ils ont été traduits en français par un jeune professeur de Toulouse, qui n’a pu, je crois, trouver un éditeur pour les imprimer. Il n’y a pas d’éditeur pour publier un ouvrage qui mériterait de devenir classique dans notre pays, comme il l’est en Suède ; mais il s’en présentera plusieurs pour mettre au jour quelque pitoyable résumé écrit avec une impertinente ignorance, plein de fautes et de lacunes. C’est ainsi qu’on étudie l’histoire.