Le Mirage perpétuel/LES PAYSAGES/La Tombe de Philippe Deux

Librairie Paul Ollendorff (p. 23-24).


LA TOMBE
DE PHILIPPE DEUX



Sépulcre lourd posé sur un sol convulsé
Qui subit malgré lui ce maître héréditaire
L’Escurial écrase, et l’âpre monastère
Tient encore des serfs autour de lui pressés.

Dans l’ombre de ses murs un peuple minuscule
Comme une ruche grise est venu se blottir,
Mais les moines, d’en haut, le regardent mourir
Avec leurs yeux profonds emplis de crépuscule,


Car le geste et le bruit ici sont superflus,
Ces longs couloirs pavés de somptueuses dalles
Se sont accoutumés aux glissantes sandales
Et depuis trop longtemps du fer n’y sonne plus ;

Marbre et granit, piliers monstrueux et coupole
Campagne douloureuse, oliviers amaigris,
Cyprès noirs, aloès, et platanes flétris,
Tout collabore au sombre et pénétrant symbole :

Triste et grave comme un despote détesté,
Dans ce cloître, jadis, est mort le dur monarque,
Et cet Escurial en porte encor la marque :
Charnier que les corbeaux ne devraient point quitter !