Le Messianisme chez les Juifs/Deuxième partie/Chapitre 7

CHAPITRE VII

LA RÉSURRECTION.


Il y a d’autant plus d’intérêt à envisager la résurrection isolément, que c’est cette doctrine qui manifeste le mieux le véritable caractère du développement eschatologique. Il faut noter surtout sa relation soit avec le messianisme, soit avec le monde futur. Si cette relation est nette, la résurrection suivant le messianisme et inaugurant le monde futur, il ne reste aucun doute sur le caractère temporel et presque historique du messianisme. D’autre part, on peut se demander comment s’en accommodait l’eschatologie transcendante et presque purement spirituelle.

Les théories du livre d’Hénoch sur la résurrection sont variées, comme les différents aspects des ouvrages qui ont été réunis sous ce vocable. Les auteurs n’ont pas envisagé de la même façon l’eschatologie cosmologique et l’eschatologie messianique, cela va sans dire ; mais, de plus, chacun avait ses vues particulières sur chacune de ces phases. Il faut donc prendre chaque partie séparément.

Dans le livre de l’exploration d’Hénoch (xvii-xxxvi), il n’est pas question de Messie. Les fins dernières s’appliquent à tous les hommes, selon qu’ils sont justes ou pécheurs. Mais ces fins dernières ont un cachet terrestre, en ce sens que le lieu du bonheur et des supplices se trouve sur la terre. Ce n’en est pas moins l’état définitif, après lequel on n’en connaît aucun autre ; c’est celui qui est réglé par le grand jugement.

Avant ce grand jugement, les âmes attendent la résurrection. Elles sont déjà partagées en deux catégories ; les justes jouissent d’un sort plus doux que les pécheurs. Chaque catégorie en comprend elle-même deux autres : les pécheurs qui ont déjà subi leur peine ici-bas ne ressusciteront pas[1]. Les justes ressusciteront et vivront éternellement par la vertu de l’arbre de vie[2], les pécheurs seront châtiés dans la vallée maudite[3].

Ces fins dernières peuvent nous paraître très terrestres ; elles sont loin de la haute spiritualité de l’apocalypse d’Esdras. Ce n’en sont pas moins des fins dernières, de l’ordre cosmologique, sans allusion directe à la délivrance ou au triomphe d’Israël. Il ne reste de national que le théâtre de la vie future, Jérusalem et ses vallées, indiquées en termes voilés. Les justes ressusciteront pour être récompensés dans le monde nouveau, le monde qui n’aura pas de fin.

Les Testaments des douze patriarches connaissent une période messianique ; puis vient la manifestation de Dieu sur la terre qui termine absolument leur horizon. On a noté plus haut quelles incertitudes les interpolations chrétiennes, qui se sont produites surtout en matière messianique, jettent sur tous les points de détail. Mais il ne peut subsister de doute sur l’ordre des deux périodes. Or la résurrection suit toujours la première et accompagne la seconde. Et cet ordre ne provient pas d’un remaniement chrétien, en vue de distinguer les deux avènements du Christ, car c’est à propos de la venue de Dieu qu’ont été ajoutées les allusions à l’Incarnation. Les additions ne font donc qu’embrouiller les perspectives. En détachant, soit de la période messianique, soit de l’avènement de Dieu, les additions chrétiennes, on voit plus clairement la succession des faits : temps messianiques, théophanie et résurrection. La dernière période, qui n’est plus une période, mais la fin, n’est pas décrite en détail. Il semble cependant que l’auteur entendait les choses d’une façon assez matérielle, comme si tout s’était passé sur la terre, quoique beaucoup mieux, à la façon de la première eschatologie d’Hénoch[4].

C’est d’ailleurs ce qui ressort surtout des textes relatifs à la résurrection que nous allons citer.

Siméon parle à ses fils de la paix universelle, du moment où Dieu apparaîtra sur la terre, et ajoute[5] :

Alors je ressusciterai moi aussi dans la joie, et je bénirai le Très-Haut de ses merveilles.

Juda, après avoir décrit l’apparition de la verge issue de son propre tronc[6] :

Et après cela, Abraham ressuscitera et Isaac et Jacob pour la vie, et moi et mes frères nous serons chefs des tribus dans Israël, Lévi le premier, moi le second, Joseph le troisième, Benjamin le quatrième, Siméon le cinquième, Issachar le sixième, etc.

Zabulon, après avoir annoncé le pardon qui suivra la faute[7] :

Je ressusciterai de nouveau au milieu de vous, comme un chef au milieu de ses fils, et je me réjouirai au milieu de ma tribu, de ceux qui auront gardé la loi du Seigneur, et les commandements de Zabulon leur père.

Benjamin[8] :

5. Gardez les commandements de Dieu, jusqu’à ce que le Seigneur révèle son salut sur toute la terre ; 6. Alors vous verrez Enoch, et Seth, et Noé et Abraham et Isaac et Jacob ressuscitant à droite dans l’allégresse. 7. Alors nous ressusciterons nous aussi, chacun dans sa tribu, et nous adorerons le roi céleste.

On le voit, tout cela est parfaitement juif. Dans le nouvel ordre, les cadres anciens seront conservés. La résurrection n’a pas l’air très spirituelle. Cependant, même dans ce cas, elle suit le messianisme historique ; elle appartient à sa manière à un au-delà de l’histoire.

Bien différente est l’eschatologie du livre des Paraboles (xxxvii-lxxi), car c’est bien encore des fins dernières qu’il traite. Cette phase est présidée par l’Élu ou le Fils de l’homme, mais c’est que le Messie a été transporté de son domaine propre dans un domaine transcendant, ou, pour mieux dire, que son rôle de Messie s’est transformé en celui de Juge lors du dernier jugement. Il est dès lors très naturel que la résurrection précède le jugement par l’Élu, mais ce ne sont pas là des temps messianiques.

En ces jours, la terre rendra son dépôt, et le scheol rendra ce qu’il a reçu, et les enfers rendront ce qu’ils doivent. Il (L’Élu) choisira parmi eux les justes et les saints, car il est proche le jour où ils seront sauvés[9].

Les pécheurs seront livrés aux anges pour le châtiment ; les justes mangeront « avec ce Fils de l’homme », ils se coucheront et se lèveront pour les siècles des siècles[10], ce qui sans doute doit s’entendre d’une façon symbolique. Le caractère tout à fait transcendant de cette béatitude serait encore plus certain si l’on pouvait regarder comme appartenant au texte primitif l’incise : « et tous (les justes) deviendront des anges dans le ciel »[11], qui n’est peut-être qu’une interpolation chrétienne.

En tout cas personne ne doute du caractère des derniers chapitres du livre de l’exhortation et de la malédiction (xci-cv) ; ce sont les fins dernières les plus spiritualisées.

On les chassera de toute la terre (les païens) et ils seront jetés dans le supplice du feu, et ils seront détruits par la colère, et par un supplice terrible, qui sera éternel. Alors les justes surgiront de leur sommeil, la sagesse aussi se lèvera, et leur sera donnée[12].

Nous retrouverons cette manière de s’exprimer dans les psaumes de Salomon ; on dirait que les païens, représentant par excellence les pécheurs, sont entièrement détruits ; mais il s’agit d’une perdition éternelle par le châtiment. Les justes ressusciteront seuls :

Et le juste se réveillera de son sommeil ; il se lèvera et il avancera dans les voies de la justice, et toutes ses voies et sa carrière seront dans la vertu et dans la clémence éternelles[13].

Au moment du grand jugement, le Très-Haut se lèvera :

Et il donnera des gardiens d’entre les anges saints à tous les justes et les saints : ils les garderont comme la prunelle de l’œil jusqu’à ce qu’il consume tout mal et tout péché ; et si les justes dorment d’un long sommeil, ils n’auront rien à craindre[14].

Ce sommeil sous la garde des anges ressemble à la situation des âmes sous l’égide des anges dans l’Apocalypse d’Esdras[15]. Il doit aboutir à la résurrection.

Par la suite elle n’est pas marquée expressément, puisque l’auteur ne nomme jamais que les âmes ou les esprits. Mais puisque ces âmes se réveillent pour vivre après le grand jugement, c’est peut-être par le moyen de la résurrection :

Et vos âmes, à vous qui êtes morts dans la justice, vivront et se réjouiront et exulteront, et elles ne périront pas, vos âmes, et leur mémoire ne (passera pas) devant la face du Grand dans toutes les générations du monde ; désormais vous ne craindrez plus leur déshonneur[16].

Espérez et ne renoncez pas à votre espoir, car vous jouirez d’une grande joie comme les anges des cieux. Que ferez-vous ? vous n’aurez pas à vous cacher au jour du grand jugement… Et maintenant, ne craignez pas, ô justes, quand vous voyez les pécheurs fermes et heureux dans leur voie, et ne vous associez pas à eux, mais éloignez-vous de leur violence, car vous aurez part au sort de l’armée du ciel[17].

Cette résurrection, si vraiment c’est une résurrection, est donc à tout le moins fort spirituelle ; tout ce livre ne ressemble à rien tant qu’au livre canonique de la Sagesse, auquel il emprunte le contraste entre les pécheurs et les justes et les quolibets des pécheurs contre leurs victimes.

C’est employer les termes à contresens, à force de les prendre dans un sens large, que de parler ici des temps messianiques.

En revanche, dans le livre des songes (lxxxiii-xc) du même Hénoch, c’est bien du messianisme qu’il s’agit, quoique sous la transparence d’une allégorie. S’il fallait s’en rapporter au texte éthiopien, il faudrait placer la résurrection avant l’arrivée du Messie, un vrai Messie temporel :

Et toutes celles (les brebis) qui avaient péri et avaient été dispersées, et toutes les bêtes sauvages et tous les oiseaux du ciel se réunirent dans cette maison, et le Seigneur des brebis se réjouit d’une grande joie parce qu’ils étaient tous bons et qu’ils étaient revenus à sa maison[18].

Cependant tout porte sur le mot « périr », qui sans doute traduit exactement l’éthiopien, mais dont le sens n’est guère en situation. Si les brebis avaient péri, elles ne pouvaient ensuite être dispersées. Le contexte demande : « qui avaient été frappées ». Ce qui réjouit le Seigneur des brebis, c’est leur réunion. A supposer que l’auteur ait eu en vue la résurrection, son moment ne devait arriver que plus tard, après la naissance du Messie. En effet, c’est à ce moment que les Israélites fidèles se transforment en taureaux blancs. Peut-être faut-il expliquer par la résurrection des corps cette transformation à l’instar du Messie, — taureau qui alors devient un aurochs.

Le livre d’Hénoch, dans ses différentes parties, lie donc toujours la résurrection aux fins ultimes ; si ces fins coïncident avec le règne de l’Élu dans le livre des Paraboles, c’est que cet élu est le chef du monde futur transcendant, non le Messie annoncé par les prophètes et que la nation n’avait pas cessé d’attendre.

La pensée de l’auteur du IVe livre d’Esdras est fort claire : c’est déjà une théorie des fins dernières très développée, ou même une description de l’existence qui suit la mort.

Quand l’âme a quitté le corps, elle demeure pendant sept jours dans une sorte de liberté pour se rendre compte du sort qui l’attend[19]. C’est une idée assez répandue chez divers peuples que l’âme est encore trop attachée au corps pour suivre dès le début ses destinées particulières ; ce qu’on trouve dans Esdras est une survivance d’un ancien concept ou peut-être un emprunt à la religion des Perses[20].

Pendant ces sept jours, les pécheurs sont condamnés à errer, opinion qui est derechef une survivance de l’idée ancienne que les morts non ensevelis erraient sans trouver de repos. Le principe moral de la distinction entre justes et pécheurs remplace le motif naturaliste des peuples moins avancés.

Dès ce moment les pécheurs sont tourmentés, et de sept manières[21]. Ce sont de vraies peines, mais, comme il s’agit des âmes seules, l’auteur a pris soin de n’énumérer que des passions de l’âme, regret, désespoir, envie contre leur prochain et même contre Dieu, suprême confusion[22]. Le premier supplice est donc de constater leur erreur d’avoir méprisé la loi du Très-Haut ; le second, de ne pouvoir se repentir d’une façon utile ; le troisième, de voir le bonheur de ceux qui ont cru au témoignage du Très-Haut ; le quatrième, d’entrevoir le châtiment qui leur est préparé ; le cinquième, de voir la demeure des autres conservée par les anges dans la paix ; le sixième, de se voir condamnées à subir bientôt leurs tourments ; le septième, le plus grand de tous, la confusion, la honte, la crainte, en voyant la gloire du Très-Haut qu’elles ont offensé durant leur vie, et par qui elles vont être jugées au dernier jour.

L’auteur supposait sans doute qu’il y avait sept enfers, ou sept degrés conduisant à l’enfer. Dans sa pensée la peine augmente à mesure qu’on approche du terme ; le mépris de la loi de Dieu est un premier sujet de douleur qui s’augmente d’une façon incommensurable quand on se trouve en présence de sa gloire, et le supplice, d’abord entrevu, cause encore plus d’effroi quand on en est proche[23].

Pendant que les pécheurs suivent cette voie douloureuse, les âmes des justes avant d’entrer dans leurs demeures provisoires suivent aussi un certain ordre[24] qui conduit au bonheur suprême. Cette vue anticipée leur rendra l’attente plus pénible, et elles se plaindront de voir différer leur espérance[25]. Pendant les sept jours elles sont heureuses, d’un bonheur qui va en grandissant. Le point de départ est celui-là même qui comble les pécheurs de confusion : voir la gloire de celui qui les accueille ; mais cette gloire les remplit de bonheur. La première joie des justes[26] est dans la conscience d’avoir bien travaillé, et d’avoir vaincu le mauvais penchant ; la seconde, de voir les inextricables errements que suivent les impies en attendant le châtiment ; la troisième est dans le témoignage rendu par Dieu à leur fidélité ; la quatrième, dans le sentiment de la paix qu’ils goûtent sous la garde des anges en attendant leur gloire aux derniers jours ; la cinquième, d’échapper au monde corruptible dont ils comprennent mieux la misère, au moment de jouir de l’immortalité ; la sixième, quand on leur montrera que leur visage va commencer à briller comme le soleil, et qu’ils vont ressembler à la lumière des étoiles, étant désormais incorruptibles ; la septième, qui est la plus grande de toutes, est leur assurance délicieuse, leur confiance assurée, au moment où ils se hâtent pour voir la Face de celui qu’ils ont servi et qui va les récompenser dans la gloire.

Cette gradation est successive, le dernier échelon ne sera atteint par les justes qu’au moment du suprême jugement ; cependant le châtiment comme la récompense sont déjà commencés[27].

On a remarqué que les justes devenaient semblables au soleil et aux étoiles ; c’est-à-dire qu’ils auront des corps incorruptibles, comme les corps célestes. C’est une sorte de terme technique pour indiquer la résurrection glorieuse[28]. Il suffirait à lui seul pour prouver que la résurrection n’a pas pour but de rendre les justes à la vie de la terre et de leur permettre de participer au règne messianique. M. Gunkel a exagéré en concluant de cette assimilation des justes aux étoiles que la foi à la résurrection est née chez des peuples qui adoraient les astres et qui prétendaient devenir semblables à leurs dieux[29]. Mais du moins c’est un indice que la résurrection a été conçue comme le passage du monde sublunaire au monde céleste, et cela dans des textes très anciens.

Pendant que les âmes des justes et des pécheurs attendaient dans leurs demeures, les corps restaient ensevelis dans la terre, mais tous devaient ressusciter. C’est après le temps messianique. Au moment de disparaître, le monde ancien entre dans le silence primordial pendant sept jours. Puis tous les morts ressuscitent[30], le jugement est rendu, les uns vont dans la géhenne, les autres dans le paradis. La géhenne est à la fois le « lac du tourment », et le « four » brûlant, le feu. Le monde de la récompense n’a plus rien de contingent et de périssable ; on a déjà dit que le suprême bonheur des justes serait de voir Dieu[31].

J’ai quelque répugnance à argumenter en toute rigueur de ce que la résurrection est placée ici après le temps du Messie, car il n’est pas clair pour moi que le court passage qui le mentionne, deux versets, ne soit pas interpolé[32]. Mais l’argument est le même s’il n’y a pas de Messie du tout. S’il n’entre nullement dans la perspective eschatologique, ce n’est pas une raison de croire que la résurrection visait son temps. Elle est universelle, et la pensée du voyant ne se porte que sur les fins ultimes. S’il n’a pas mis la résurrection après le messianisme en termes formels, tels qu’ils sont du reste dans le texte actuel, du moins ne l’a-t-il pas mise avant. Après le jugement définitif, la distinction du paradis et de l’enfer, il n’y a plus de place pour les temps messianiques. Il n’y a plus de temps, sauf que le jour du jugement lui-même dure une semaine d’années[33].

La théorie du livre de Baruch est sensiblement la même que celle d’Esdras. C’est après la description du règne du Messie, temporel, mais plantureux à miracle, que se place la fin du temps. La résurrection ne vient qu’après. Le texte la fait coïncider avec le retour du Messie, non avec son avènement[34]. Ce retour ou ce second avènement serait absolument isolé dans la littérature juive ; il est d’ailleurs exprimé en termes chrétiens ; ce ne peut être qu’une interpolation. Les âmes des justes, comme dans Esdras, étaient renfermées dans des réceptacles dont elles sortent joyeuses, parce que c’est la fin des temps. Les âmes des méchants comprennent que le temps de leur supplice et de leur perdition est arrivé.

Telle est du moins l’interprétation qui nous paraît la plus probable. Si ce texte était isolé, on devrait l’entendre autrement. L’extrême fertilité et les autres prodiges ne seraient que les préludes de l’avènement du Messie[35]. Son avènement lui-même amènerait la résurrection des morts. L’interpolateur aurait seulement ajouté deux mots, le retour dans la gloire. Alors le Messie régnerait sur le monde de l’au-delà, comme dans le livre des Paraboles d’Hénoch.

Toutefois cette conception serait peu en harmonie avec le reste du livre. A moins de supposer ici une source différente — alors que l’unité de tout le reste est assez bien établie — il faut conclure que tout le verset premier du chapitre trentième est interpolé. Ailleurs, quand Baruch parle du Messie, son règne se termine avec le monde corruptible[36], ou du moins sert de transition avec le monde incorruptible[37], et, quand il est question de la résurrection, c’est sans aucune allusion au Messie, et comme inaugurant le monde de l’incorruption. La corruption et la vie se disputent les cadavres, et on dit à la poussière de rendre ce qui ne lui appartient pas[38].

Cela se passera au moment du grand jugement, qui embrasse tous les fils d’Adam[39]. À ce moment il y aura encore des vivants sur la terre ; ils seront rejoints par les morts, ressuscités tels qu’ils étaient sur la terre, afin qu’on puisse bien les reconnaître. Cette première résurrection a une allure très réaliste, qui sera celle de plusieurs rabbins. C’est seulement après que le jugement aura lieu et sortira ses effets. Les pécheurs deviendront plus laids, seront couverts de confusion en voyant le bonheur des justes, et seront conduits au supplice du feu. Les justes se transformeront pour être en harmonie avec le monde qu’ils vont posséder ; ils seront semblables aux anges, égaux aux étoiles, prenant la forme qu’ils voudront, toujours plus beaux et plus rayonnants de lumière.

De tout cela il faut conclure que la résurrection est toujours au dernier terme des visions apocalyptiques. Cette formule n’exclut pas un retour à la vie qui permette aux justes de jouir des biens de la terre, lorsque les fins dernières ne sont guère plus que la restauration de l’âge d’or primitif ; mais aussitôt que ces fins dernières se transfigurent et que le règne terrestre du Messie en est distinct, la résurrection suit ce règne et prépare à la vie future, en transformant les hommes, devenus semblables aux astres et aux anges.

  1. xxii, 13.
  2. xxv, 5.
  3. xxvii, 2.
  4. Voir plus haut, p. 60 et ss.
  5. T. Sim., vi, 7.
  6. T. Jud., xxv, 1. Voir plus haut, p. 76. Il est encore question de la résurrection au v. 4, mais te passage semble chrétien : « Et ceux qui sont morts dans la tristesse ressusciteront, et ceux qui sont morts pour le Seigneur se réveilleront » ; d’après la version arménienne, moins interpolée.
  7. T. Zab., x, 2.
  8. T. Benj., x, 5 ss., d’après l’arménien.
  9. Hén. éth., li, 1 s. (Trad. Martin).
  10. lxii, 14.
  11. li, 4 (Trad. Martin).
  12. xci, 9. 10.
  13. xcii, 3.
  14. c, 5.
  15. IV Esdras, vii, 85 et 95.
  16. ciii, 4.
  17. civ, 4-6 (Trad. Martin).
  18. xc, 33.
  19. vii, 100 Et respondi et dixi : ergo dabitur tempus animabus, postquam separatae fuerint de corporibus, ut videant de quo mihi dixisti ? 101 Et dixit mihi : septem diebus erit libertas earum ut videant septem diebus qui praedicti sunt sermones, postea congregabuntur in habitaculis suis.
  20. Lagrange, La religion des Perses, p. 30, et surtout Söderblom, La vie future d’après le Mazdéisme, p. 91 ss.
  21. vii, 80 Haec inspirationes in habitationes non ingredientur, sed vagantes erunt amodo in cruciamentis, dolentes semper et tristes, per septem vias. Via est sans doute la traduction de דֶּרֶךְ (Gunkel).
  22. vii, 81 Via prima, quia spreverunt legem Altissimi. 82 Secundo via, quia iam non possunt reversionem bonam facere ut vivant. 83 Tertia via, videbunt repositam mercedem his qui testamentis altissimi crediderunt. 84 Quarta via, considerabunt sibi in novissimis repositum cruciamentum. 85 Quinta via, videntes aliorum habitacula ab angelis conservari cum silentio magno. 86 Sexta via, videntes quoniam amodo de eis pertransient in cruciamentum. 87 Septima via, quae omnium supra dictarum viarum maior est, quoniam detabescent in confusione et consumentur in honoribus [lire horroribus ?] et marcescent in timoribus, videntes gloriam altissimi coram quo viventes peccaverunt et coram quo incipient in novissimis temporibus iudicari.
  23. C’est la différence entre la 4e et la 6e peine, méconnue par M. Gunkel qui explique la 4e peine de la douleur actuelle des âmes.
  24. Ici ordo, au lieu de via, probablement τάξις et non plus ὁδός. Peut-être מְסִלָּה, cf. Jud. v, 20.
  25. iv, 35 : Nonne de his interrogaverunt animae iustorum in prumptuariis suis dicentes : usquequo spero hic ?
  26. vii, 92 Primus ordo, quoniam cum labore multo certati sunt ut vincerent cum eis plasmatum cogitamentum malum, ut non eas seducat a vita ad mortem. 93 Secundus ordo, quoniam vident complicationem in quo vagantur impiorum animae et quae in eis manet punitio. 94 Tertius ordo, videntes testimonium quod testificatus est eis qui plasmavit eas, quoniam videntes servaverunt quae per fidem data est lex. 95 Quartus ordo, intelligentes requiem quam nunc in promptuariis eorum congregati requiescent cum silentio multo ab angelis conservati, et quae in novissimis eorum manet gloria. 96 Quintus ordo, exultantes quomodo corruptibile effugerint nunc, et futurum quomodo haereditatem possidebunt, adhuc autem videntes angustum et [labore] plenum, a quo liberati sunt, et spatiosum incipient recipere, fruniscentes et inmortales. 97 Sextus ordo, quando eis ostendetur quomodo incipiet vultus eorum fulgere sicut sol, et quomodo incipient stellarum adsimilari lumini, amodo non corrupti. 98 Septimus ordo, qui est omnibus supradictis maior, quoniam exultabunt cum fiducia et quoniam confidebunt non confusi et gaudebunt non reverentes, festinant enim videre vultum eius cui serviunt viventes et a quo incipiunt gloriosi mercedem recipere.
  27. Il semble que l’auteur ait voulu marquer cette nuance en mélangeant le futur et le présent : vii, 99 : Hic ordo animarum iustorum ut amodo (syr. ex hoc nunc) adnuntiatur ; praedictae viae cruciatus quas patiuntur amodo qui neglexerint.
  28. Dan. xii, 3 ; Apoc. Bar. li, 3. 10 ; Hén. éth. civ, 2 ; et le commentaire de R. Iehouda le Saint, plus loin, p. 168.
  29. Kautzsch, II, p. 375, note u.
  30. vii, 32 : Et terra reddet qui in ea dormiunt, et pulvis qui in eo silentio habitant, et prumptuaria reddent quae eis commendatae sunt animae. L’auteur n’a pas distingué entre les âmes des justes et celles des pécheurs ; mais ce qu’elles ont vu pendant les sept jours après la mort rend leur situation bien différente ; les prumptuaria ne sont probablement pas les mêmes ; cf. vii, 85 s.
  31. Je ne puis admettre la ponctuation reçue du v. 42, comme si, après altissimi, il n’y avait qu’une virgule. Alors la splendeur de Dieu au lieu de faire à elle seule la balance de tout ce qui passe, ne sert plus qu’à laisser voir ce qui est réservé à chacun !
  32. vii, 28 et 29.
  33. vii, 43.
  34. xxx, Et erit post haec, cum implebitur tempus adventus Messiae et redibit (נהפוך) in gloria, tunc omnes qui dormierunt in spe eius, resurgent. 2 et erit illo tempore, aperientur promptuaria, in quibus custoditus erat numerus animarum iustorum, et exibunt, et apparebit multitudo animarum simul in uno coetu unius animi, et gaudebunt priores, et ultimae non contristabuntur ; 3 scit enim venisse tempus, de quo dictum fuit esse finem temporum. 4 animae autem impiorum, cum videbunt omnia ista, tunc magis tabescent ; 5 sciunt enim venisse supplicium eorum et advenisse perditionem eorum.
  35. xxix, 3 : … tunc incipiet revelari Messias.
  36. xl, 3.
  37. lxxiv, 2 : quia tempus illud finis est illius quod corrumpitur, et initium illius quod non corrumpitur.
  38. xlii, 7Assumet enim corruptio illos qui eius sunt. 8Et advocabitur pulvis, et dicetur ei : redde quod tuum non est, et siste omne quod custodisti ad tempus suum.
  39. l, 2Restituens enim restituet terra tunc mortuos quos recipit nunc, ut custodiat eos, nihil immutans in figura eorum, sed sicut recepit, ita restituet eos, et sicut tradidi eos ei, ita etiam sistet eos. 3Tunc enim oportebit ostendere illis qui vivunt, quoniam vixerunt mortui, et venerunt illi qui recesserant. 4et erit, cum cognoverint unus alterum eos quos nunc noscunt, tunc invalescet iudicium, et venient quae praedicta sunt. li, 1Et erit postquam praeterierit ille dies statutus, tunc postea immutabitur aspectus eorum qui damnati fuerint, et gloria eorum qui iustificati fuerint. 2fiet enim aspectus eorum qui nunc impie agunt, peior quam est, ut sustineant supplicium. 3etiam gloria eorum qui nunc iustificati sunt in lege mea… tunc glorificabitur splendor eorum in commutationibus, et convertetur figura faciei eorum in lucem decoris eorum, ut possint potiri et accipere mundum qui non moritur, tunc promissus illis… 10in excelsis enim illius mundi habitabunt, et assimilabuntur angelis, et aequabuntur stellis, et erunt transmutati in omnem formam quam voluerint…