Le Mahâbhârata (traduction Fauche)/Tome 2/L’hommage de l’arghya

Traduction par Hippolyte Fauche.
(tome 2p. 453-465).


L’HOMMAGE DE L’ARGHYA




Vaîçampâyana dit :

Le moment venu d’arroser le feu par la main du brahme avec le beurre clarifié, les maharshis, dignes de cet honneur, entrèrent avec les rois dans l’enceinte réservée de l’autel. 1307.

Alors ces magnanimes, Nârada à leur tête, de rayonner dans le sanctuaire, où ils étaient assis avec les rois saints. De même que, rassemblés dans le palais de Brahma, les Dieux et les Dévarshis à la force sans mesure s’entredisent, partagés d’opinion : 1308-1309.

« C’est ainsi ! — Ce n’est point ainsi ! — C’est de cette manière, et ce n’est pas autrement ! » Tels ces brahmes saints soutenaient leur opinion l’un contre l’autre. 1310.

De-là, ceux-ci faisaient les choses à moitié, ceux-là entièrement ; mais à demi ou complètement faites, c’était par des raisons enseignées dans les Çâstras. Il en était qui, fiers de leur intelligence, dédaignaient l’avis des autres comme les faucons dédaignent le morceau de chair, qui tombe du ciel. 1311.

Les uns habiles dans les choses du devoir, les autres distingués par de grands vœux, mais tous les plus éloquents des hommes instruits dans les histoires, ils s’amusaient à raconter. 1312.

L’enceinte de l’autel, remplie de Dieux, de maharshis et de brahmes, versés dans les Védas, resplendissait comme un vaste ciel plein de constellations. 1313.

Ni dans ce parvis, qui était alors, sire, l’habitation d’Youddhishthira, ni dans son voisinage, il n’y avait pas un çoûdra, il n’y avait pas un homme, qui ne fût engagé par de saints vœux. 1314.

Nârada se réjouissait, voyant cette prospérité du sage Dharmarâdja, que la Déesse de l’abondance répandait sur lui pour l’acte du sacrifice. 1315.

Le céleste anachorète conçut alors une pensée, roi des enfants de Manou, à la vue de cette affluence de tous les kshatryas. 1316.

Il se rappela une vieille histoire, qui existait dans le palais de Brahma au temps, où les portions des Dieux vinrent ici-bas revêtir des corps humains. 1317.

Ayant discerné l’assemblée des Dieux mêmes, rejeton de Kourou, dans cette réunion d’hommes, Nârada se souvint dans sa pensée de Hari aux yeux de lotus bleu. 1318.

Fidèle à cette promesse, qu’il avait donnée, l’auguste Nârâyana en personne, le conquérant des villes ennemies, le héros, qui extermine les ennemis des Immortels, était né dans la race des kshatryas. 1319.

Jadis le créateur des êtres avait informé lui-même les Immortels de leur destinée ! « Quand vous vous serez tués les uns les autres, vous rentrerez dans les mondes célestes. » 1320.

Il dit ; et, quand il eut donné cet avis à tous les Dieux, Nârâyana, Çambhou, l’Adorable, le Seigneur du monde naquit dans la race d’Yadou. 1321.

La plus forte colonne entre celles, qui soutiennent une race, il brilla sur la terre dans la famille des Andhakas et des Vrishnides, comme la reine des étoiles au milieu des constellations, 1322.

Ce Hari, l’exterminateur des ennemis, de qui tous les Dieux avec Indra adorent la force du bras, le voilà qui habite sur la terre comme un enfant de Manou. 1323.

Oh ! n’est-ce pas une chose merveilleuse que l’Être-existant-par-soi-même doive un-jour reprendre en lui ce kshatrya, doué d’un telle vigueur ! 1324.

Telles étaient les pensées, que roulait en lui-même Nârada, quand l’anachorète, de qui rien n’est ignoré, eut discerné Hari-Nârâyana sous le monarque, qui alors célébrait les sacrifices. 1325,

Le brahme à la vaste intelligence, le meilleur des êtres connaissant le devoir, assistait ainsi au grand sacrifice du sage Dharmarâdja, dont il possédait l’estime et l’amitié.

Bhîshma dit ensuite : « Qu’on rende aux rois l’honneur, suivant qu’ils en sont dignes ! » C’est ainsi qu’il parla, royal Bharathide, à Youddhishthira, le fils d’Yama.

« Le précepteur spirituel, le ritouidj, le maître de maison, l’ami, ie roi, le gendre : voilà, dit-on, Youddhishthira, les six personnes, qui méritent la corbeille hospitalière. 1326-1327-1328.

» Tous ces hommes, dignes d’honneur, ont afflué vers nous ; ils sont venus depuis long-temps ; ils ont habité ici une année entière. 1329.

» Qu’on apporte un arghya pour chacun d’eux en particulier, sire ! Mais qu’un arghya spécial soit offert au prince, le plus digne parmi eux ! » 1330.

« À qui dans l’opinion de ton altesse appartient cet arghya ? lui répondit Youddhishthira. À qui, rejeton de Rourou, devons-nous l’offrir ? Dis-moi, vénérable aïeul, ce qu’il convient de faire ici ? » 1331.

Alors Bhîshma, le vigoureux fils de Çântanou, ayant agité cette question dans son intelligence, arrêta que le plus digne de cet honneur sur la terre était Krishna, le descendant de Vrishni. 1332.

« En effet par sa vaillance et sa vigueur ce héros brille parmi tous autant que le soleil brûlant parmi les astres du ciel. 1333.

» Notre assemblée resplendit par lui autant qu’un jour sans soleil par le soleil ; elle se réjouit de Krishna comme un calme plat se réjouit du vent ! » 1334.

Avec la permission de Bhîshma, l’auguste Sahadéva offrit donc, suivant l’étiquette, au rejeton de Vrishni cet arghya supérieur. 1335.

Krishna reçut l’hommage de la manière enseignée dans les Çâstras ; mais Çiçoupâla ne put supporter l’honneur, qu’on rendait au Vasoudévide. 1336.

Le vigoureux monarque de Tchédi blâma dans l’assemblée Youddhishthira et Bhîshma ; il méprisa le ûls de Vasoudéva. 1337.

Il dit :

« Ce Vrishnide ne mérite pas, comme s’il était un roi lui-même au milieu des magnanimes souverains, qui sont ici, filss de Kountî, un honneur, qui est dû seulement aux rois. 1338.

» Tu as, fils de Pândou, honoré Poundarikâksha par un sentiment de partialité complaisante : c’est une conduite, qui ne sied pas aux généreux Pândouides. 1339.

» Vous êtes des ignorants, fils de Pândou ; vous ne connaissez pas les choses ; petite est votre vertu ! Ce fils de la Gangâ est brouillé avec son intelligence ; il montre une vue étroite. 1340.

» Un homme vertueux de ta sorte, Bhîshma, de qui le désir seul d’être agréable, inspire les actions, est souverainement méprisé dans les mondes par le véritable homme de bien. 1341.

» Comment ce Daçârhain, qui n’est pas un roi, a-t-il mérité l’honneur de cette préférence, que vous lui avez décernée au milieu de tous les rois ? 1342.

» Pensais-tu honorer la vieillesse dans Krishna ? Mais comment cet honneur lui serait-il dû, quand Vasoudéva, son vieux père, assiste au sacrifice ? 1343.

» Ou bien le Vasoudévide ne s’est-il prêté à cet honneur que pour te faire plaisir ? À ce point de vue même, il n’en serait pas digne, quand Droupada est ici ! 1344.

» Pensais-tu voir dans Krishna un instituteur spirituel ? À ce titre encore, comment pouvais-tu l’honorer, fils de Kourou, Drona étant présent ? 1345.

» Pensais-tu voir dans Krishna un ritouidj ? Comment pouvais-tu, fils de Kourou, l’honorer comme tel en présence du vieillard Dwaîpâyana ? 1346.

» Quand Bhîshma est ici, Bhishma, le fils de Çântanou, le plus vertueux des hommes, à la volonté de qui l’instant de sa mort fut laissé ! pouvais-tu, sire, honorer Krishna ?

« Pouvais-tu, royal fils de Kourou, rendre ici cet honneur à Krishna en face du héros Açvatthâman, versé dans tous les Çâstras ? 1347-1348.

» Comment as-tu pu honorer Krishna, quand sous tes yeux est Douryodhana, le plus grand des hommes et l’Indra des rois, quand sous tes yeux est Kripa, l’ancien maître des jeunes Bharatides ! 1349.

» Pour les honorer, tu as sauté par-dessus Drouma, l’instituteur des Kimpouroushas ! Comment pouvais-tu rendre cet honneur à Krishna en présence de l’inaffrontable Bhîshma, qui porte comme Pândou les traits d’un père, en face de Napa, du vertueux Roukmi, d’Ékalavya même et de Çalya, le roi de Madra ? 1350-1351.

« Comment, Bharathide, as-tu pu rendre un tel honneur à Krishna, sans même donner un regard au fameux Karna, l’élève chéri du brahme, fils de Djaraadagni ; lui, de qui tous les rois vantent la force et qui, appuyé sur elle seule, a vaincu les souverains en bataille ? 1352-1363.

» Le meurtrier de Madhou n’est pas un ritouidj, ni un instituteur spirituel, ni un roi : et tu l’as honoré, chef de ? Kourouides ! Pour quel motif, si ce n’est par un sentiment de partialité complaisante ? 1364.

» Mais, si vous aviez envie d’honorer Mâdhava, qu’aviez-vous besoin, Bharatide, de convoquer ici les rois, pour leur infliger cet affront ? 1365.

» À ce magnanime enfant de Kourou, ferme dans son devoir et qui aspire à la monarchie universelle, nous payons tous des tributs, et voilà qu’il nous méprise ! 1366-1367.

» En effet, dans quel autre but que celui de nous infliger son mépris, a-t-il honoré de la corbeille hospitalière ce Krishna, qui n’a pas obtenu le caractère des rois ? 1358.

» En vain la renommée te proclame le fils du juste[1] ; en vain l’on pense de toi : « C’est le juste en personne ! » Quel juste put jamais adjuger à l’homme, déserteur du juste, un honneur si mal assorti, 1359.

» Au méchant, qui, né dans la race de Vrishni, a tué jadis un roi, le magnanime Djarâsandha ! 1360.

» Aujourd’hui la justice a rompu avec Youddhishthira. En décernant la corbeille à Krishna, il nous montre sa bassesse ! 1361.

» Si les Pândouides sont craintifs, avares, misérables, n’est-ce point là ce que tu fais voir dans cet honneur, que tu décernes à Mâdhava ? 1362.

» Et toi, Djanârdana, pourquoi as-tu permis à ces misérables de te rendre un honneur, dont tu n’étais pas digne ?

» Cet hommage, quoiqu’il ne te sied pas, t’inspire beaucoup d’estime pour toi-même : tel un chien, qui trouve dans un lieu sans témoin une portion échappée du beurre de l’offrande et qui la mange indignement. 1363-1364.

» Mais cet acte de mépris, il échoue contre ces rois tout-puissants : les enfants de Kourou se moquent de toi évidemment, Djanârdana. 1365.

» L’honneur, qu’ils te rendent, comme à un roi, à toi, qui n’est pas roi, c’est le présent d’une femme à un eunuque ; c’est le spectacle de la beauté offert à un aveugle !

» On voit Youddhisthira roi, on voit Bhîshma tel qu’un roi, on voit Krishna même sans gloire : tout cela n’est que la vérité ! » 1366-1367.

À ces mots, Çiçoupâla se lève du siège royal, où il était assis, et sort de l’assemblée, accompagné des rois. 1368.

À la suite de ces choses, le roi Youddhishthira s’en alla vite trouver Çiçoupâla et lui adressa ces paroles douces, que précédait une caresse : 1369.

« Ce que tu as dit, sire, n’était pas convenable ; c’était injuste au plus haut point, un langage injurieux, sans aucune utilité ! 1370.

» Un prince ne doit jamais oublier le devoir, son premier objet. D’ailleurs, tu ne devais pas mépriser Bhîshma, le fils de Çântanou. 1371.

» Vois ces nombreux souverains de la terre : ils sont plus vieux que toi et ils souffrent que l’hommage soit décerné à Krishna ; mais toi, tu ne daignes pas le supporter ! 1372.

» Connais Krishna dans la vérité : en effet, roi de Tchédi, Bhîshma, ce digne enfant de Kourou, est loin de le connaître sous les couleurs que tu l’as peint ! » 1373.

« On ne doit pas employer de ménagements avec cet homme, interrompit Bhîshma. Celui qui n’approuve pas l’hommage rendu à Krishna, le plus grand du monde, ne mérite pas de caresses. 1374.

» Le kshatrya, qui a vaincu dans la bataille un kshatrya, est le plus grand de ces deux combattants. Le guerrier, qui remet en liberté celui, qu’il a fait prisonnier, devient son gourou. 1375.

» Dans cette assemblée de rois, je ne vois pas, il est vrai, un seul monarque, de qui la vigueur de Çiçoupâla, fils de Sâtwatî, n’ait triomphé dans la guerre. 1376.

» Mais cet héroïque Atchyouta n’est pas seulement le plus digne de nos hommages, il mérite même ceux des trois mondes. 1377.

» Krishna en effet a vaincu une foule des plus grands kshatryas dans la guerre. Tout ce monde repose lui-même entièrement sur le rejeton de Vrishni. 1378.

» C’est donc lui seul et non d’autres, que j’honore, en présence même des vieillards ! Il ne te sied pas de parler ainsi : rejette une telle pensée. 1379.

» J’ai fait ma cour, sire, à de nombreuses personnes élevées très-haut dans la science. J’ai entendu ces hommes de bien, environnés d’une grande estime, s’entretenir dans leurs assemblées des vertus de Krishna, en qui sont réunies toutes les qualités. En outre, j’ai, nombre de fois, prêté l’oreille à des hommes, qui m’ont raconté les actions, qu’il a faites, ce sage, depuis sa naissance. Non-seulement ce n’est pas, roi de Tchédi, par un sentiment de complaisance, que nous honorons Djanârdana ; on ne veut pas honorer en lui un parent, ni d’aucune manière un homme ; on ne cherche pas la satisfaction d’atteindre à quelque but d’intérêt : nous honorons celui, qui est honoré par tous les gens de bien, celui, qui apporte le bonheur sur la terre à toutes les créatures. 1380-1381-1382-1383.

» En lui nous honorons la gloire, l’héroïsme, la victoire ; nous rendons hommage à la science de distinction, qu’il possède. Il n’est ici aucun jeune prince distingué, que vous n’ayez éprouvé : Hari fut estimé le plus digne d’honneur par-dessus tous les plus riches en qualités. Par la science, il surpasse les brahmes, il excelle en force sur tous les kshatryas. 1384-1385.

» Il possède les trésors et les greniers des kshatryas ; c’est la matrice, où sont nés les çoûdras. Il existe deux causes en Govinda, par lesquelles il était digne de cet honneur : une profonde connaissance des Védas et des Védângas, une force nompareille. Quel autre en effet dans le monde des hommes est supérieur à Govinda ? 1386-1387.

» La libéralité, la science, l’habileté, le courage, la pudeur, la renommée, une intelligence éminente, l’humilité, la fortune, la fermeté, la louange et la prospérité sont étroitement liés dans Atchyouta. 1388.

Il Veuillez tous supporter qu’on ait honoré celui, qui est honorable, le vraiment digne de cet hommage, le gourou, le père, l’instituteur parfait des mondes. 1389.

» Le ritouidj, le gourou, le gendre, le maître de maison, le souverain, l’anii, Rishîkéça est tout cela : donc, l’honneur était dù à Atchyouta. 1390.

» En effet, la génération et la fortune des mondes est dans Krishna ; cet univers et tout ce qui existe, immobile ou mobile, a sa cause dans Krishna. 1391.

» C’est lui, qui est la nature invisible, le créateur éternel, l’être supérieur à tous les êtres : donc, personne n’était plus digne de l’honneur qu’Atchyouta. 1392.

» L’intelligence, la grande âme, le vent, la lumière, l’eau, le ciel et la terre, il est tout ! Tout ce qui existe, composé des quatre éléments, a sa racine en Krishna.

» Le soleil et la lune, les constellations, les planètes, les points cardinaux et les points intermédiaires : tout subsiste en Krishna ! 1393-1394.

» Les Védas, qui sont la tête de l’agnihotra ou du feu sacré perpétuel, la Gayatrî, qui est la tôle des hymnes, les rois, qui sont la tête du genre humain, la mer, qui est la tête des fleuves, la lune, qui est celle des étoiles, le soleil, qui est la tête de toutes les splendeurs, le Mérou, qui est celle des montagnes, et Garouda celle des volatiles,

» La marche de l’univers aussi loin qu’elle s’étend, en haut, en bas, transversalement, tout enfin a pour tête dans les mondes et chez les Dieux l’adorable Kéçava ! 1395-1396.

» Mais Çiçoupâla est un jeune homme, qui ne réfléchit pas : c’est pourquoi il parle ainsi de Krishna en tous lieux et sans fin. 1397.

« L’homme, qui sonderait avec intelligence la hauteur du devoir, ne verrait, certes ! pas le devoir avec les mêmes yeux que ce roi de Tchédi. 1398.

» Toutefois, parmi les rois magnanimes, jeunes hommes ou vieillards, qui ne juge pas Krishna digne et qui n’est disposé même à lui rendre ses hommages ? 1399.

» Mais veuille bien faire ce qu’exige la droite raison, au sujet de cet honneur peu accessible, que Çiçoupâla, sire, a l’ambition d’atteindre. » 1400.

Ces paroles dites, Bhîshma à la grande vigueur se tut ; et Sahadéva aussitôt d’articuler cette réponse au langage rempli de sens : 1401.

« Le roi, qui parmi vous ne peut supporter que j’aie honoré Krishna à la valeur sans mesure, Kéçava, le Dieu, qui immola Kéçi, je lui mettrai ce pied sur la tête au milieu de tous les hommes forts. Qu’il réponde avec une vigueur égale à celle dont j’ai parlé ! 1402-1403.

» Que les rois sages, quels qu’ils soient ici, conviennent qu’Atchyouta était digne de l’arghya, que nous avons honoré celui, qui méritait l’honneur, le gourou, le père, l’instituteur du monde ! » 1404.

Aucun de ces rois, intelligents et sages, ou orgueilleux et forts, n’articula un seul mot à la vue de ce pied, donné en spectacle à leurs yeux. 1405.

Soudain, une pluie de fleurs tomba du ciel sur la tête de Sahadéva, et des voix, sorties de formes invisibles.

applaudirent, s’écriant : « C’est bien ! c’est bien ! » 1406.

Alors Nârada, qui connaît tous les mondes, qui délie tous les doutes, de prononcer au milieu de tous les êtres ces paroles saisissantes : 1407.

« Sachez qu’il ne sera parlé en aucune manière, ni pendant leur vie, ni après leur mort, des hommes, qui n’auront pas honoré Krishna aux yeux de lotus bleu ! »

Sahadéva, le roi des hommes, n’ignorant aucune des choses, qui distinguent les brahmes et les kshatryas, honora d’abord ceux, qui parmi eux étaient dignes d’honneur ; ensuite, il accomplit cette cérémonie de l’arghya. 1408-1409.

Comme on rendait l’hommage à Krishna, le héros Sounîtha, formidable aux ennemis, dit aux souverains, ses yeux tout enflammés de colère ; 1410.

« Je suis le général des armées, pensez-y ! En attendant, armons-nous à cette heure et faisons tête dans un combat à tous ces Vrishnides et Pândouides réunis ! » Quand il eut de cette manière soulevé tous les rois, le monarque de Tchédi se mit à délibérer avec eux sur les moyens de renverser le sacrifice. 1411-1412.

Toutes les troupes, auxquelles Sounîtha commandait, rassemblées à son appel, se montrèrent pleines de colère et le visage pâle de fureur. 1413.

« Ni le sacre d’Youddhishthira, ni l’hommage à Krishna ne sera fait comme l’un et l’autre doit l’être ! » Telles alors étaient les paroles de tous. 1414.

Ainsi parlaient, avec assurance et résolution, les rois, pleins de colère dans l’ignorance, où ils étaient des autres, et dans la foi, qu’ils avaient en eux-mêmes. 1415.

Retenus par leurs amis, la personne des rois en ce moment ressemblait à des lions rugissants, qu’on arrache à leur sanglant festin. 1416.

Alors Krishna de tourner sa pensée pour le combat sur cet océan de rois sans limite, impérissable, soulevé en guerre et qui recevait des fleuves d’armées. 1417.




  1. Dhanna, un des noms d’Yama, le Pluton indien.