Le Mahâbhârata (traduction Ballin)/Volume 2/1-LDEAPLS-Ch18

Traduction par Ballin, L..
Paris E. Leroux (2p. 101-104).



CHAPITRE XVIII


SUITE DU PRÉCÉDENT


Argument : Les dieux offrent un sacrifice où ils n’invitent pas Roudra, qui s’en irrite et se fabrique un arc. Il frappe d’une flèche le sacrifice des dieux. Ce sacrifice s’élève au ciel, accompagné par Rendra. Roudra mutile plusieurs dieux. Les dieux s’enfuient, affolés, mais il les arrête. Les dieux brisent la corde de son arc et viennent demander sa protection, qu’il leur accorde. Il leur rend les membres qu’il leur avait enlevés. C’est grâce à la protection de ce dieu que le Dronide a pu venir à bout de son entreprise.


786. Çrîbhagavant dit : Après que le Devayouga (âge des dieux) fut passé, les dieux se disposèrent à faire un sacrifice, selon les règles établies par les védas.

787. Ils réunirent les matériaux, les offrandes et les objets propres au sacrifice, et désignèrent les divinités dignes d’y prendre part.

788. Mal informés sur Roudra, ces dieux ne firent pas la part de Sthânou (Çiva immobile), ô maître suprême des hommes.

789. Ce (dieu), revêtu d’une peau de bête, ayant été oublié dans la répartition, faite par les immortels, (des dons) de sacrifice, et désirant le détruire, créa d’abord un arc.

790. Il y a le Lokayajña (sacrifice en vue d’obtenir les mondes), le Kriyayajña (sacrifice consistant en ses œuvres), le Grihayajña (sacrifice domestique) qui est éternel, le Pañcabhoûtanriyajña (sacrifice de l'homme dans ses rapports avec les cinq sortes d’êtres). Du sacrifice provient tout ce monde.

791. Kapardin (Çiva chevelu) créa (son) arc au moyen du Lokayajna et du Nriyajna (sacrifice des hommes), l'arc créé mesurait cinq kishkous (coudées).

792. Ô Bharatide, le cri de Vashat ! en était la corde. Les quatre parties du sacrifice formaient sa garniture.

793. Alors Mahâdeva, irrité, se dirigea vers l’endroit même où les dieux offraient leur sacrifice.

794. En voyant cet immuable brahmacârin qui tenait son arc, la desse Terre chancela et les montagnes tremblèrent.

795. Le vent cessa de souffler, le feu allumé cessa de briller, les étoiles épouvantées se mirent à errer çà et là dans le ciel.

796. Le soleil cessa de briller, ainsi que Soma (la lune), qui avait perdu son disque magnifique. Le ciel entier fut troublé et plongé dans l’obscurité.

797. Les dieux, rendus perplexes, ne reconnaissaient plus les objets (qui les entouraient). Le sacrifice cessa de brûler et les divinités tremblèrent.

798. Alors (Mahâdeva) atteignit, d’une flèche au cœur, le sacrifice qui, s’étant transformé en une gazelle, s’enfuit avec le feu .

799. Sous cette forme il atteignit le ciel et y resplendit, suivi par Roudra à la voûte céleste, ô Youdhishthira.

800. Puis, quand le sacrifice fut parti, l’intelligence n’éclaira plus les dieux qui, privés d’intelligence, ne connurent plus rien.

801. Tryambaka (Roudra, qui a trois yeux) coupa les deux bras de Savitar, et, dans sa colère, creva les deux yeux de Bhaga et brisa les dents de Poûshan, avec l’extrémité recourbée de son arc.

802. Alors, les dieux et les parties différentes du sacrifice s’enfuirent de toutes parts. Quelques-uns chancelaient, comme s’ils eussent perdu le souffle vital.

803. Mais (Roudra) Çitikantha (qui a le cou noir), après avoir tout dispersé, se mit à rire. À l’aide de l’extrémité recourbée de son arc, il retint les dieux.

804. Alors un grand cri (poussé) par les immortels fit rompre la corde de cet arc, qui se mit immédiatement à vibrer (en se détendant).

805. Les dieux, accompagnés du sacrifice, s’approchèrent ensuite du plus grand des dieux, qui n’avait plus d’arc, pour lui demander sa protection, qu’il leur accorda.

806. Alors Bhagavant, (apaisé), jeta dans l’Océan sa colère, qui, ô roi, s’étant transformée en feu, dessèche constamment (l’excédent des eaux) de la mer.

807. Il rendit ses deux yeux à Bhaga, ses deux bras à Savitar et ses dents à Poûshan. (Il rendit aussi aux dieux) leur sacrifice, ô fils de Pândou.

808. Tout rentra alors dans l’ordre, et les dieux lui assignèrent pour sa part la totalité du sacrifice.

809. Quand il est irrité, le monde entier est en désordre, et quand (Mahâdeva) est apaisé, l’ordre renaît. Le dieu héroïque était favorable au (fils de Drona).

810. C’est pour cela que tous les grands guerriers tes fils, et les autres héros en grand nombre, qui suivaient le roi des Pâñcâlas, ont été tués.

811. Il ne faut plus y penser. Cet exploit n’est pas le fait du fils de Drona, (mais) c’est à la faveur de Mahâdeva qu’il faut en attribuer la cause. (Cesse d’en gémir) et reviens à tes affaires.


Fin du livre des événements arrivés pendant le sommeil