Le Mahâbhârata (traduction Ballin)/Volume 2/1-LDEAPLS-Ch17
Ernest Leroux, éditeur, (2, p. 97-100).
760. Vaiçampâyana dit : Tous les soldats ayant été tués pendant leur sommeil, par trois (héros montés sur leurs) chars, le roi Youdhishthira dit, en pleurant, au Dâçârhien :
761. « Comment donc, ô Krishna, tous les très grands guerriers, mes fils, ont-ils été tués par le fils de Drona, cet (homme) méchant, vil et maladroit ?
762. Comment les fils de Droupada, ainsi que des centaines et des milliers de guerriers courageux, exercés à l’usage des armes, ont-ils été abattus par le fils de Drona ?
763. Comment donc (celui-ci a-t-il pu) tuer Dhrishtadyoumna, le meilleur des maitres de char, auquel le grand archer Drona ne montra pas son visage dans le combat" ?
764. Ô taureau des hommes, quelle œuvre méritoire avait donc été accomplie par le fils du gourou, pour qu’il pût, à lui seul, hier tous les nôtres ? »
765. Çrîbhagavant (le vénérable Krishna) répondit : Assurément, le fils de Drona avait imploré la protection du maître des dieux, de l’immuable (Mahâdeva), puisqu’à lui seul il tua de nombreux (adversaires).
766. Car, quand il est favorable, Mahâdeva est capable de donner, même la qualité de dieu. Giriça (Mahâdeva, maître des montagnes) peut douer (un homme) d’une force suffisante, pour briser Indra lui-même.
767. Certes, ô taureau des Bharatides, je connais réellement Mahâdeva, ainsi que les différents exploits qu’il a accomplis jadis.
768. Il est le commencement, le milieu et la fin des êtres, ô Bharatide. C’est par son impulsion (seule), que ce monde entier se meut.
769. Jadis (Brahma), le puissant ancêtre du monde, voulant procéder à la création des êtres, le vit et lui dit : « Hâte-toi de créer les êtres. »
770. Le grand ascète aux cheveux fauves, qui connaissait les défauts (futurs) des créatures, ayant répondu : « Soit », se plongea dans l’eau et s’y livra longtemps à l’ascétisme.
771. Puis, Pitâmaha, après l’avoir considéré pendant un temps très long, donna, par la pensée, naissance à l’immortel créateur de tous les êtres.
772. Celui-ci, en voyant Giriça endormi dans l’eau, dit a son père (Brahma) : « S’il n’existe pas un autre (dieu) créé avant moi, je donnerai naissance aux créatures. »
773. Le père lui répondit : « Ton aîné n’existe pas. Ce Sthânou (Çiva) plongé dans l’eau, (s’y tient) immobile. Exécute le développement du (monde). »
774. Il créa les êtres, (et d’abord) les sept Prajâpatis dont Daksha est le premier, à l’aide desquels il fit tout cet ensemble des créatures, qui sont de quatre sortes.
775. À peine créées, elles coururent, affamées, sur Prajâpati, pour le dévorer, ô roi.
776. Celui-ci, voyant qu’il allait être dévoré, courut implorer la protection de Pitâmaha. « Que Bhagavant, (dit-il), me protège contre elles, et leur accorde la subsistance. »
777. Il leur assigna alors, pour nourriture, les végétaux et les plantes, et les animaux faibles pour les plus forts.
778. Les êtres créés, joyeux qu’on leur eût accordé leur nourriture, s’en allèrent comme ils étaient venus, et se multiplièrent par voie de génération.
779. L’ensemble des êtres s’étant accru, le gourou du monde fut satisfait. (Roudra), l’aîné des êtres, sortit de l’eau et vit ces créatures.
780. Les êtres de différentes sortes avaient été créés et s’étaient accrus par leur propre énergie. L’adorable Roudra s’irrita et agita son phallus,
781. Qui, planté dans la terre, s’y tint immobile. L’immuable Brahma, voulant l’apaiser par de (bonnes) paroles, lui tint ce discours :
782. « Pourquoi, après être resté longtemps dans l’eau, fais-tu (tout) ce bruit ? Pourquoi, après avoir dressé ce phallus, l’enfonces-tu dans la terre ? »
788. Ce gourou du monde, dont la colère était excitée, dit à son (propre) gourou : « Qu’en ferais-je, (puisque) les êtres ont été créés autrement que par lui ?
784. C’est par mon ascétisme, ô Pitâmaha, que la nourriture a été obtenue pour les êtres (vivants). De même que les plantes, les créatures (vivantes) se développeront continuellement. »
785. Sur ces paroles, le grand ascète Bhava (Roudra) alla se livrer à l'ascétisme, au (pied du) mont Mouñjavant.