Le Livre des mille nuits et une nuit/Tome 16/Conclusion

Anonyme
Traduction par Joseph-Charles Mardrus.
Librairie Charpentier et Fasquelle (Tome 16p. 275-286).


CONCLUSION


Et Schahrazade, ayant ainsi raconté cette histoire, ajouta : « Et telle est, Ô Roi fortuné, la tendre histoire du prince Jasmin et de la princesse Amande. Et je l’ai racontée telle qu’elle m’est revenue. Mais Allah est plus savant ! »

Puis elle se tut.

Alors le roi Schahriar S’écria : « Ô Schahrazade, que cette histoire est splendide ! Ô ! qu’elle est admirable ! Tu m’as instruit, ô docte et diserte, et tu m’as fait voir les événements qui arrivèrent à d’autres qu’à moi, et considérer attentivement les paroles des rois et des peuples passés, et ce qui leur advint de choses extraordinaires ou merveilleuses ou simplement dignes de réflexion. Et, en vérité, voici que, de t’avoir écoutée durant ces mille nuits et une nuit, je sors avec une âme profondément changée et joyeuse et imbibée du bonheur de vivre. Aussi gloire à qui t’a octroyé, ô fille bénie de mon vizir, tant de dons choisis, et a parfumé ta bouche, et mis l’éloquence sur ta langue, et, sous ton front, l’intelligence ! »

Et la petite Doniazade se leva tout à fait du tapis où elle était blottie, et courut se jeter dans les bras de sa sœur, et s’écria : « Ô Schahrazade, ma sœur, que les paroles sont douces et charmantes et délicieuses et instructives et émouvantes et savoureuses en leur fraîcheur ! Ô ! qu’elles sont belles, tes paroles, ma sœur ! »

Et Schahrazade se pencha vers sa sœur, et, en l’embrassant, elle lui glissa à l’oreille quelques paroles qu’elle fut seule à entendre. Et la jeune fille disparut aussitôt, comme le camphre.

Et Schahrazade resta seule, pendant quelques instants, avec le roi Schahriar. Et, comme il se disposait, à la limite du contentement, à prendre dans ses bras sa merveilleuse épouse, voici que les rideaux s’ouvrirent et Doniazade reparut, suivie par une nourrice qui tenait deux jumeaux suspendus à ses seins, alors qu’un troisième enfant marchait à quatre pattes derrière elle.

Et Schahrazade se tourna en souriant vers le roi Schahriar, et rangea devant lui les trois petits, après les avoir serrés contre sa poitrine, et, les yeux mouillés de larmes, elle lui dit : « Ô Roi du temps, voici les trois enfants que, durant ces trois années, t’a octroyés le Rétributeur par mon entremise. »

Et, pendant que le roi Schahriar, pénétré d’une joie indicible, et remué jusqu’au fond de ses entrailles, embrassait ses enfants, Schahrazade continua : « Ton fils aîné a maintenant deux ans passés, et ces deux jumeaux-ci ne vont pas tarder à avoir un an d’âge — qu’Allah éloigne d’eux trois le mauvais œil ! » Et elle ajouta : « Tu te souviens, en effet, ô Roi du temps, que j’ai été indisposée pendant une vingtaine de jours, entre la six cent soixante-dix-neuvième nuit et la sept centième. Or, c’est précisément à ce moment là que j’ai donné naissance à ces deux jumeaux, dont la venue m’a fatiguée beaucoup plus que celle de leur aîné, l’année précédente. Car j’ai été si peu dérangée par mes premières couches que j’ai pu, sans interruption, te continuer l’histoire, alors en cours, de Docte Sympathie. »

Et, ayant ainsi parlé, elle se tut.

Et le roi Schahriar, qui était à l’extrême limite de l’émotion, promenait ses regards de la mère aux enfants, et des enfants à la mère, et ne pouvait parvenir à prononcer un seul mot.

Alors la jeune Doniazade, après avoir embrassé les enfants pour la vingtième fois, se tourna vers le roi Schahriar et lui dit : « Et maintenant, ô Roi du temps, vas-tu faire couper la tête à ma sœur Schahrazade, la mère de tes enfants, et laisser ainsi orphelins de leur mère ces trois petits rois que nulle femme ne saurait aimer et soigner avec le cœur d’une mère ? »

Et le roi Schahriar dit, entre deux sanglots, à Doniazade : « Tais-toi, ô jeune fille, et reste tranquille. » Puis, étant parvenu à dominer quelque peu son émotion, il se tourna vers Schahrazade et lui dit : Ô Schahrazade, par le Seigneur de la pitié et de la miséricorde ! tu étais déjà dans mon cœur avant la venue de nos enfants. Car tu as su me gagner par les qualités dont t’a ornée ton Créateur ; et je t’ai aimée en mon esprit parce que j’ai trouvé en toi une femme pure, pieuse, chaste, douce, indemne de toute duperie, intacte à tous égards, ingénue, subtile, éloquente, discrète, souriante et sage. Ah ! qu’Allah te bénisse, et bénisse ton père et ta mère et ta race et ton origine ! »

Et il ajouta : « Ô Schahrazade, cette nuit, qui est la mille et unième, à compter du moment où je t’ai vue pour la première fois, est pour nous une nuit plus blanche que le visage du jour. » Et, ce disant, il se leva et l’embrassa sur la tête.

Et Schahrazade prit alors la main du Roi, son époux, et la porta à ses lèvres, à son cœur et à son front, et dit : « Ô Roi du temps, je te supplie d’appeler ton vieux vizir, afin que son cœur se tranquillise à mon sujet et se réjouisse en cette nuit bénie. »

Et le roi Schahriar fit aussitôt mander son vizir qui, persuadé que c’était la nuit funèbre écrite dans la destinée de sa fille, arriva avec, sous son bras, le linceul destiné à Schahrazade. Et le roi Schahriar se leva en son honneur, et l’embrassa entre les deux yeux et lui dit : « Ô père de Schahrazade, ô vizir à la postérité bénie, voici qu’Allah a suscité ta fille pour le salut de mon peuple ; et, par son entremise, il a fait entrer le repentir dans mon cœur. » Et le père de Schahrazade fut tellement bouleversé de joie, en voyant et entendant cela, qu’il tomba évanoui. Et on s’empressa autour de lui, et on l’aspergea d’eau de roses, et on lui fit reprendre connaissance. Et Schahrazade et Doniazade vinrent lui baiser la main. Et il les bénit. Et ils passèrent ensemble cette nuit-là dans les transports de la joie et les expansions du bonheur.

Et le roi Schahriar s’empressa d’envoyer des courriers rapides mander son frère Schahzaman, roi de Samarkand Al-Ajam. Et le roi Schahzaman répondit par l’ouïe et l’obéissance, et s’empressa de se rendre auprès de son frère aîné, qui était sorti à sa rencontre, à la tête d’un magnifique cortège, au milieu de la ville entièrement ornée et pavoisée, alors que dans les souks et dans les rues on brûlait l’encens, le camphre sublimé, l’aloès, le musc indien, le nadd et l’ambre gris, que les habitants se teignaient fraîchement les mains au henné et le visage au safran, et que les tambours, les flûtes, les clarinettes, les fifres, les cymbales et les tympanons faisaient résonner l’air comme aux jours de grandes fêtes.

Et, après les épanchements de la rencontre, et tandis que les réjouissances et les festins se donnaient entièrement aux frais du trésor, le roi Schahriar prit en particulier son frère le roi Schahzaman, et lui raconta tout ce qui lui était arrivé durant ces trois années avec Schahrazade, la fille du vizir. Et il lui dit, en résumé, tout ce qu’il avait appris d’elle et entendu de maximes, de belles paroles, d’histoires, de proverbes, de chroniques, de plaisanteries, d’anecdotes, de traits charmants, de merveilles, de poèmes et de récitations. Et il lui dit sa beauté, sa sagesse, son éloquence, sa sagacité, son intelligence, sa pureté, sa piété, sa douceur, son honnêteté, son ingénuité, sa discrétion et toutes les qualités de corps et d’esprit dont l’avait ornée son Créateur. Et il ajouta : « Et elle est maintenant mon épouse légitime, et la mère de mes enfants ! »

Tout cela ! Et le roi Schahzaman s’étonnait prodigieusement et s’émerveillait à la limite de l’émerveillement. Puis il dit au roi Schahriar : « Ô mon frère, puisqu’il en est ainsi, moi aussi je veux me marier. Et je prendrai comme épouse la sœur de Schahrazade, cette petite dont je ne connais pas le nom. Et nous serons ainsi deux frères germains mariés à deux sœurs germaines. » Puis il ajouta : « Et de la sorte, ayant désormais deux épouses sûres et honnêtes, nous oublierons notre malheur d’autrefois. Car, pour ce qui est de l’ancienne calamité en question, elle a commencé par m’atteindre, moi le premier ; puis, à cause de moi, elle t’a atteint à ton tour, Et, sans la découverte de mon malheur, tu n’aurais rien su du tien. Hélas ! ô mon frère, durant ces trois dernières années, mon état a été un bien mauvais état. Je n’ai jamais pu goûter réellement à l’amour. Car, à ton exemple, chaque nuit je prenais une fille vierge, et le matin je la faisais tuer, pour faire expier à la race des femmes la calamité qui nous avait atteints tous deux. Mais maintenant je veux suivre l’exemple que tu me donnes également, et me marier avec la seconde fille de ton vizir. »

Lorsque le roi Schahriar eut entendu ces paroles de son frère, il se trémoussa de joie, et se leva, à l’heure et à l’instant, et alla trouver son épouse Schahrazade, et la mit au courant de ce qui venait d’être dit entre lui et son frère. Et il lui apprit ainsi que le roi Schahzaman se fiançait d’office avec sa sœur Doniazade.

Et Schahrazade répondit : « Ô Roi du temps, nous accordons notre consentement, mais c’est à la condition expresse que ton frère, le roi Schahzaman, habite désormais avec nous. Car moi je ne pourrais me séparer, ne fût-ce qu’une heure, de ma petite sœur. C’est moi qui l’ai élevée ; et elle ne peut pas plus me quitter que moi la quitter. Si donc ton frère accepte cette condition, ma sœur est, dès cet instant, son esclave. Sinon, nous la gardons. »

Alors le roi Schahriar alla trouver son frère, avec la réponse de Schahrazade. Et le roi de Samarkand s’écria : « Par Allah ! ô mon frère, c’était là précisément mon intention. Car moi aussi, je ne pourrais plus me séparer de toi, ne fût-ce qu’une seule heure ! Quant à ce qui est du trône de Samarkand, Allah lui choisira et lui enverra qui Il voudra. Car, pour ma part, je ne veux plus régner là-bas, et je ne bougerai plus d’ici. »

En entendant ces paroles, le roi Schahriar ne connut plus les bornes de la joie, et répondit « Voilà ce que je souhaitais ! Loué soit Allah, ô mon frère, qui nous a enfin réunis après la longue séparation ! »

Et, séance tenante, on envoya chercher le kâdi et les témoins. Et on dressa le contrat de mariage du roi Schahzaman avec Doniazade, la sœur de Schahrazade. Et les deux frères furent ainsi mariés aux deux sœurs.

Et c’est alors que les réjouissances et les illuminations furent à leur apogée, et que, pendant quarante jours et quarante nuits, toute la ville mangea et but et se divertit aux frais du trésor.

Quant aux deux frères et aux deux sœurs, ils entrèrent au hammam, et se baignèrent dans l’eau de roses et l’eau de fleurs et l’eau de saule odorant et l’eau parfumée au musc, et on brûla à leurs pieds du bois d’aigle et de l’aloès.

Et Schahrazade peigna et natta les cheveux de sa jeune sœur, et les arrosa de perles. Puis elle la revêtit d’une robe en étoffe ancienne, du temps des Khosroès, brochée d’or rouge, et agrémentée, à même le tissu, de broderies figurant, dans leurs couleurs naturelles, des animaux ivres et des oiseaux pâmés. Et elle lui passa au cou un collier féerique. Et Doniazade devint ainsi, sous les doigts de sa sœur, plus belle que ne le fût jamais l’épouse d’Iskandar aux Deux Cornes.

Aussi, quand les deux rois furent sortis du hammam, et qu’ils se furent assis sur leurs trônes respectifs, le cortège de la mariée, composé des épouses des émirs et des dignitaires, se forma en deux rangs immobiles, l’un à droite et l’autre à gauche des deux trônes. Et les deux sœurs firent leur entrée, se soutenant l’une l’autre, pareilles à deux lunes en une nuit de pleine lune.

Alors s’avancèrent vers elles les plus nobles d’entre les dames présentes. Et elles prirent Doniazade par la main et, après lui avoir enlevé les habits qu’elle portait, elles la vêtirent d’une robe de satin bleu, de teinte ultramarine, qui enlevait la raison. Et elle fut semblable à la description que faisait d’elle le poète, en ces vers :

Elle s’avance vêtue d’une robe bleu ultra-marin, telle qu’on la croirait un morceau détaché de l’azur des cieux.

Ses yeux sont des sabres fameux, et ses paupières ont des regards pleins de sorcellerie.

Ses lèvres sont une ruche de miel, ses joues un parterre de roses et son corps une corolle de jasmin.

À voir la finesse de sa taille et sa charmante croupe arrondie dans la sécurité, on la confondrait avec la tige de bambou enfoncée dans le monticule de sable mouvant.

Et le roi Schahzamân, son époux, se leva et descendit la regarder, le premier. Et quand il l’eut admirée, ainsi vêtue, il remonta sur son trône. Et ce fut le signal du changement de robe. Et Schahrazade, aidée par les dames du cortège, revêtit sa sœur d’une robe de soie abricot. Puis elle l’embrassa, et la fit passer devant le trône de l’époux. Et, ainsi, plus charmante que dans sa première robe, elle était en tous points celle qu’a décrite le poète :

La lune d’été au milieu d’une nuit d’hiver n’est point plus belle que ta venue, ô jeune fille !

Les nattes sombres de tes cheveux, qui gênent tes talons, et les bandeaux de ténèbres qui te ceignent le front, me font te dire :

« Tu assombris l’aurore avec l’aile de la nuit ! » Mais tu me réponds : « Non pas ! non pas ! un simple nuage qui cache la lune. »

Et le roi Schahzamân descendit regarder Doniazade, la nouvelle épousée, et l’admira de tous côtés. Et, ayant ainsi été le premier à jouir de la vue de sa beauté, il remonta s’asseoir à côté de son frère Schahriar. Et Schahrazade, après avoir embrassé sa jeune sœur, lui enleva sa robe abricot et la revêtit d’une tunique de velours grenat, et la rendit ainsi semblable à ce que dit d’elle le poète, en ces deux strophes :

Tu te balances, ô pleine de grâce, dans ta tunique grenat, légère comme la gazelle ; et tes paupières, à chacun de tes mouvements, nous lancent les flèches mortelles.

Astre de beauté, ton apparition remplit de gloire les cieux et les terres, et ta disparition étendrait les ténèbres sur la face de l’univers.

Et, de nouveau, Schahrazade et les dames d’honneur firent faire, lentement et à pas comptés, le tour de la salle à l’épousée. Et, lorsque Schahzamân l’eut considérée et s’en fut émerveillé, la sœur aînée la vêtit d’une robe de soie jaune citron, rayée de dessins tout du long. Et elle l’embrassa et la serra contre sa poitrine. Et Doniazade

fut exactement celle dont le poète avait dit :

Elle apparaît comme la pleine lune dans la sérénité des nuits, et ses regards sorciers éclairent notre chemin.

Mais si je m’approche pour me réchauffer au feu de ses yeux, je suis repoussé par deux sentinelles, ses deux seins tendus, et durs comme la pierre.

Et Schahrazade la promena, à pas lents, devant les deux rois et devant toutes les invitées. Et le nouveau marié vint la regarder de tout près et remonta sur son trône, charmé. Et Schahrazade l’embrassa longuement, lui changea ses vêtements et lui passa une robe de satin vert broché d’or, semée de perles. Et elle lui arrangea symétriquement les plis, et lui ceignit le front d’un diadème léger où couraient des émeraudes. Et Doniazade, ce rameau de bân, cette camphorée fit le tour de la salle, soutenue par sa sœur chérie. Et elle fut un enchantement. Et le poète n’a point menti quand il a dit d’elle :

Les feuilles vertes, ô jeune fille, ne voilent pas d’une façon plus charmante la fleur rouge de la grenade, que ne te voile ta tunique verte.

Et je lui dis : « Ce vêtement, ô jeune fille, quel est son nom ? » Elle me dit : « Il n’a point de nom, c’est ma chemise. »

Et je m’écriai : « Ô ta merveilleuse chemise, qui nous perce le foie ! Je l’appellerai désormais : la chemise crève-cœur ! »

Puis Schahrazade prit sa sœur par la taille, et s’achemina lentement avec elle, à travers les deux rangs d’invitées et devant les deux rois, vers les appartements intérieurs. Et elle la déshabilla et la prépara et la coucha et lui recommanda ce qui était à lui recommander. Puis elle l’embrassa en pleurant, car c’était la première fois qu’elle se séparait d’elle pour une nuit. Et Doniazade pleura également en embrassant beaucoup sa sœur. Mais, comme elles devaient se voir dès le matin, elles prirent leur douleur en patience, et Schahrazade se retira dans ses appartements.

Et cette nuit-là fut, en joie, en félicité et en blancheur, pour les deux frères et les deux sœurs, la continuation de la mille et unième nuit. Et elle devint la date d’une ère nouvelle pour les sujets du roi Schahriar.

Et quand fut le matin de cette nuit bénie, et que les deux frères, au sortir du hammam, se furent de nouveau réunis aux deux sœurs bienheureuses, et qu’ainsi tous les quatre furent ensemble, le vizir, père de Schahrazade et de Doniazade, demanda la permission d’entrer, et fut introduit aussitôt. Et ils se levèrent tous deux en son honneur ; et ses deux filles vinrent lui baiser la main. Et il souhaita longue vie à ses gendres, et leur demanda les ordres pour la journée.

Mais ils lui dirent : « Ô notre père, nous voulons que désormais tu aies des ordres à donner et jamais à recevoir. C’est pourquoi d’un commun accord, nous te nommons roi de Samarkand Al-Ajam. » Et Schahzamân dit : « Oui, car moi j’ai renoncé à la royauté. » Et Schahriar dit à son frère : « Mais c’est à condition, ô mon frère, que tu m’aides dans les affaires de mon royaume, en acceptant de partager avec moi la royauté, moi gouvernant un jour, et toi un autre jour, chacun à son tour. » Et Schahzamân fit à son frère aîné la réponse qui convenait, en disant : « J’écoute et j’obéis. »

Alors les deux sœurs se jetèrent au cou du vizir, leur père, qui les embrassa, et embrassa les trois enfants de Schahrazade, et leur fit à tous de tendres adieux. Puis il partit pour son royaume, à la tête d’une escorte magnifique. Et Allah lui écrivit la sécurité, et le fit arriver sans encombre à Samarkand Al-Ajam. Et les habitants de Samarkand se réjouirent de sa venue. Et il régna sur eux en toute justice, et devint un grand roi entre les rois. Et voilà pour lui.

Mais pour ce qui est du roi Schahriar, il se hâta de faire venir les scribes les plus habiles des pays musulmans, et les annalistes les plus renommés, et leur donna l’ordre d’écrire tout ce qui lui était arrivé avec son épouse Schahrazade, depuis le commencement jusqu’à la fin, sans omettre un seul détail.

Et ils se mirent à l’œuvre, et écrivirent de la sorte, en lettres d’or, trente volumes, pas un de plus pas un de moins. Et ils appelèrent cette suite de merveilles et d’étonnements : le Livre des Mille nuits et une nuit.

Puis, sur l’ordre du roi Schahriar, ils en tirèrent un grand nombre de copies fidèles, qu’ils répandirent aux quatre coins de l’empire, pour servir d’enseignement aux générations.

Quant au manuscrit original, ils le déposèrent dans l’armoire d’or du règne, sous la garde du vizir du trésor.

Et le roi Schahriar et son épouse la reine Schahrazade, cette bienheureuse, et le roi Schahzamân et son épouse Doniazade, cette charmante, et les trois petits rois, enfants de Schahrazade, vécurent dans les délices et les félicités et les joies, pendant des années et des années, avec des jours plus admirables que les précédents, et des nuits plus blanches que le visage des jours, jusqu’à l’arrivée de la Séparatrice des amis, la Destructrice des palais et la Bâtisseuse des tombeaux, l’inexorable, l’inévitable !

Et telles sont les histoires splendides nommées Mille nuits et une nuit, avec ce qu’il y a en elles de choses extraordinaires, d’enseignements, de merveilles, de prodiges, d’étonnements et de beauté.

Mais Allah est plus savant. Et seul Il peut distinguer dans tout cela ce qui est vrai et ce qui n’est pas vrai. Il est l’Omniscient !

Or, louanges et gloire, jusqu’à la fin des temps, à Celui
qui reste intangible dans Son éternité, qui change à Son
gré les événements, et n’éprouve aucun changement, le
Maître du Visible et de l’Invisible, le Seul Vivant !
Et la prière et la paix et les plus choisies des
bénédictions   sur   l’élu   du   suprême
Potentat   des     deux mondes, no-
tre seigneur Môhammad, Prince
des Envoyés, le joyau de l’u-
nivers ! À Lui notre re-
cours pour une heu-
reuse et bien-
heureuse
FIN !