Traduction par Abdul-Haqq Effendi.
Qizmich-Aga (Gay et Doucé) (p. 67-107).
Troisième partie

Bandeau pour le Livre de volupté
Bandeau pour le Livre de volupté


TROISIÈME PARTIE.


SUPPLÉMENT TIRÉ DE KORAN-BEY


I

De quelques positions.


Il est encore, avec les femmes, d’autres façons de procéder que celles déjà décrites ; nous allons en dire un mot.

Voici comment s’exprime, à cet égard, Koran-Bey, un des plus versés et des plus instruits dans les finesses de l’art.

Dire que la position sur le dos n’est aucunement favorable à la jouissance, c’est là une fausse opinion, une erreur d’esprit de gens qui ne connaissent rien en fait de voluptés, une pensée digne de mépris. En effet, c’est de cette façon que l’introduction de la verge procure la plus grande somme de plaisirs et qu’elle s’opère avec le plus de facilité, soit qu’il s’agisse d’une femme étroite, d’une femme rendue telle par la violence de ses désirs ou encore peu humide. Il en est surtout ainsi quand on a en vue l’ouverture postérieure, car alors le pénis s’introduit avec la même facilité que le petit doigt.

Le même Koran-Bey raconte ce qui suit : Un jour une femme prise de la soif du plaisir et désireuse de l’apaiser se découvre devant moi. Mais, comme on dit, le prêtre, même le plus digne n’est pas admis à entrer dans toute église ; malgré un violent effort, je ne pus pénétrer où je désirais et en restai tout surpris. Combien de nos frères, amateurs de garçons ont éprouvé cette déception ! Après plus de quarante essais infructueux j’abandonnai l’entreprise. — Il me faut, pensai-je alors, étudier tous les secrets de l’art de l’athlète, je veux dire toutes les ruses à mettre en œuvre au jeu d’amour !

Je mis ce dessein en pratique et, chaque fois qu’elle venait me voir, j’employais un nouveau procédé. Enfin, quand je devins directeur du télégraphe, nous avions employé mais en vain, tous les moyens que j’avais pu imaginer.

Comme nous étions encore une fois ensemble je lui dis : — Découvre-moi ces fesses dont tu m’as fait maître, ces fesses aussi potelées que la grasse poitrine d’une oie, d’une blancheur aussi éclatante que celle du cristal. Je les saisis de mes mains, fort occupé de savoir comment j’allais m’y prendre. — Comment vais-je faire, disais-je ? Pareille chose est-elle jamais arrivée à personne, fut-ce dans le palais du Pape ? Vais-je donc avoir à me glorifier de ressembler à un âne ? Je me mis à sourire car, de ma vie, je n’avais éprouvé semblable déception. — Je ne puis cependant, ajoutai-je en moi-même, me servir d’un autre outil que de la verge !

À ces mots j’entoure ma maîtresse de mes bras ; par degrés et lentement je pénètre chez elle et bientôt nous ne faisons plus qu’un. En douceur l’introduction complète se produit en me faisant goûter une jouissance telle que je n’en avais jamais éprouvée. Alors, je me soulève, je me remue et enfin l’éjaculation se produit. Ainsi votre serviteur atteignit son but avec une femme faite comme je l’ai dit ; il n’y a pas d’autre moyen à employer en pareille occurrence.

Pendant qu’elle avait les reins découverts me tournant le dos, je m’avançai vers elle et, agité de convoitise, je saisis ses fesses aussi nettes que cristal et commençai à les embrasser et à les couvrir de baisers.

Alors elle se met à sourire, me regarde et prend la parole : — Sais-tu comment faire, me dit-elle, pour t’accoupler avec n’importe quelle femme ?

— Il doit, lui dis-je, y avoir plus de cent façons de s’y prendre.

Alors elle me découvre plusieurs manières que vous connaissez déjà ; je lui indiquai celles que j’ignorais et désirais pratiquer.

— Je vais te quitter maintenant, me dit-elle après avoir fini, mais dans quelques jours je te donnerai la satisfaction de les mettre en œuvre avec moi.

En effet elle vint me trouver, en vue de nous adonner au plaisir ; ainsi elle me rendit maître du secret de divers procédés que je vais vous décrire.

Premier. — Mon amante, pleine de grâce et de gentillesse, s’approche de moi et commence à me caresser. Quand elle voit qu’elle avait ainsi porté mes désirs sensuels au plus haut degré, elle se retrousse, se couche sur la figure les hanches élevées, humecte de salive ses parties et son ouverture postérieure.

— Prends mes fesses, me dit-elle, entr’ouvre-les, place la pointe de ton poignard à l’entrée de ma gaîne et appuie.

Je me conformai à ses conseils, me remuai, m’agitai et, de cette façon, je parvins à m’introduire. Dans l’excès du plaisir je pensai m’évanouir. Nous nous balancions de droite et de gauche et, à force de tirer à moi et de pousser, tantôt d’une façon, tantôt d’une autre, nous atteignîmes au maximum de la jouissance et goûtâmes des voluptés indicibles. Jamais jusqu’alors je n’avais joui de pareilles délices.

— Comment appelle-t-on cela, lui demandai-je après avoir repris pied ? — La Cage en l’air, me répondit-elle.

Deuxième. — Sur-le-champ elle se lave, revient me trouver, écarte ses vêtements et met à découvert ses reins aussi nets que cristal, s’appuie sur sa tête, se met à genoux et étend de la salive sur ses parties. Alors je saisis ma verge et, après plusieurs essais et frottements, je parviens à pénétrer dans la place. Sous moi je la sentais s’agiter et j’entendais un souffle haletant bruire de ses narines. Graduellement le désir sensuel grandit chez moi : bientôt une liqueur brûlante monte et s’échappe. C’est à la Turque.

Troisième. — De nouveau l’amante vient retrouver l’amant après s’être rafraîchie. Elle arrive jusqu’à moi, excite mes appétits par d’énergiques frottements et se met encore une fois à genoux devant moi. Alors je pénètre entre ses cuisses couleur de rose, mais plus désirables encore.

— Entre lentement, me dit-elle, le gland et la verge, puis retire-les de même à toi et recommence ainsi successivement.

Je me conformai à ses instructions ; bientôt je sentis ma verge s’introduire aussi facilement qu’un doigt, et ressentis une jouissance impossible à décrire. C’est la Bouchée sans pareille.

Quatrième. — Après avoir, comme de coutume, consacré quelques instants aux ablutions, ma belle s’avance vers moi. Grâce à ses caresses et à ses amabilités me voici bientôt en état d’agir. Elle me présente encore une fois le derrière, l’humecte de salive et me recommande de ne point mouiller ma verge. Aussitôt je la sors, assaille mon amie et j’essaie de pénétrer ; mais je ne pus y parvenir que petit à petit et avec difficulté. Ainsi je me sentis jouir du même plaisir que si je déflorais une vierge, ainsi nous fîmes l’amour et j’obtins l’éjaculation. Je ne sais pas de meilleure façon, aussi l’appelle-t-on en Connaisseur.

Cinquième. — Après un moment de repos et la purification accoutumée elle s’approche de nouveau, se penche et s’appuie sur ses genoux et sur ses mains. — Mouille d’abord ton gland de salive, me dit-elle, puis frotte-le tout doucement entre mes grandes lèvres ; ensuite force vivement la porte. Ainsi j’en usai et, quand je sentis l’éjaculation prête à se produire, je pénétrai tout à coup à l’intérieur et mis ainsi fin à mon entreprise. C’est le sans Vergogne.

Sixième. — De nouveau elle se passe à l’eau et prend un instant de repos, puis elle retourne auprès de moi. Elle se pose sur les mains et les genoux et se mouille. Alors je saisis ma verge, l’appuie contre sa fente et l’y fais pénétrer tout entière.

— Quand tu sentiras approcher le moment de jouir, me dit-elle, sors puis rentre ensuite.

Je me conformai à sa recommandation ; après plusieurs sorties et rentrées successives nous nous laissâmes aller à nos sensations et l’éjaculation se produisit. C’est la Prolongée.

Septième. — Cette fois, pour être mise en œuvre, elle reste debout, les épaules appuyées contre la muraille et le ventre en avant.

Elle se découvre et me dit : — Tiens-toi debout, place ton instrument de bas en haut, pose-le dans la fente de mon réduit secret aux nuances de rose ; par ce moyen fais-le aller et venir et picote-moi sans interruption.

Ainsi en usai-je ; je m’introduisis dans la fente, me soulevai et me baissai alternativement comme fait un cordier et, me comportant ainsi, je me sentis enfin jouir. C’est à la Pinceuse.

Huitième. — Cette fois, quand je sentis l’éjaculation approcher, je retirai ma verge alors de la couleur de la rose, puis, quand elle eut repris de la force, je me satisfis. C’est la Mystérieuse.

Neuvième. — Elle s’approche de moi, je me couche sur le dos, les jambes étendues ; elle s’assied sur moi et me fait pénétrer chez elle. Puis, tout doucement, elle tourne sur elle-même, me montre le dos et se penche en avant. Au bout d’un moment passé de la sorte je me sentis jouir. Cela se nomme la Perle.

Dixième. — Le savant homme dont nous avons déjà parlé, Koran-bey, raconte ce qui suit :

Après avoir acheté une esclave, je me renfermai avec elle pour satisfaire mon désir.

— Connais-tu, me dit-elle, le procédé dont j’use pour faire l’amour ?

— Je l’ignore ma belle, mais fais-moi la grâce de me l’indiquer.

— Quand tu te trouves en état d’érection et prêt à la copulation, couche ta belle sur le dos, relève ses cuisses, assieds-toi sous elles et place ton dard à l’endroit voulu. Ensuite, alternativement, fais-le pénétrer et retire-le jusques vers la pointe ; après quelques moments employés de cette façon tu sentiras l’éjaculation se produire. Selon tes préférences tu peux employer ce procédé, soit à l’égard de l’ouverture de devant, soit à l’égard de l’autre, c’est-à-dire pousser ton pénis de bas en haut vers le nombril, dans le vagin, soit l’introduire, en sens inverse vers la porte de derrière. C’est à l’Arrière-Garde.


II.

Contre la Sodomie.


La plupart de celles qui désirent l’action contre nature sont des femmes de la dernière dépravation ; chez elles le plaisir de la copulation exercée par-devant ne suffit plus à la satisfaction de leurs appétits. De même certains hommes, qu’on nomme à double face, sont également altérés et des délices de la fente et de celles de la rosette. Il est, de plus, des galants dont les dispositions changent et en viennent à chercher une autre façon de besoigner que par-devant ; certains, parmi eux, s’en tiennent ensuite à la porte de derrière et se dégoûtent du gracieux réduit propre à la femme ; telle est la fâcheuse fin où conduit pareil penchant. De fil en aiguille il mène à la sodomie et au dégoût de la femme ; leur inclination les subjugue de plus en plus, ils en viennent à s’attacher uniquement à se rendre maîtres de toutes les finesses et de tous les secrets de cette façon d’agir et à mettre leur gloire à décrire et détailler en connaisseurs les diverses manières de s’y prendre.

Nous dirons cela que si l’on parle de source des plaisirs et des plaisirs souverains, que si l’on donne ainsi, au réduit secret de la femme, plus de noms divers qu’il n’y a de lettres dans l’alphabet, c’est pour indiquer que, là, les plaisirs à prendre dépassent tout dénombrement. Si on le nomme plus communément la fente, il y a cependant plus de quatre-vingts façons différentes de le désigner. Cette abondance indique clairement de quels nombreux bienfaits la providence nous a gratifiés par cette voie, elle fait également ressortir combien leur dégustation et leur recherche est chose légitime et naturelle. Il y a, de plus, vingt-huit manières d’en parler sous la forme d’une chose altérée et brûlante et chacune d’elles est en rapport avec un genre de bien-être, goûté par son moyen, avec un plaisir particulier indiqué de cette façon. Enfin si on ajoute à ces divers noms, les périphrases comme : La Porte du vainqueur et autres, on arrive à un total de deux cent quatre-vingt-trois expressions dont chacune le désigne à un point de vue spécial. Il suffit de citer de pareils chiffres pour mettre en lumière combien de jouissances et de plaisirs il procure.

Puissent ceux qui s’éloignent de cette fontaine de l’âme altérée et s’attachent à la recherche d’autres sensations être convaincus par ces raisons et rentrer dans le droit chemin.


III

La Rencontre.


Pir-Ali, si renommé parmi les Arabes, raconte ce qui suit :

Certain jour, je sors de ma maison et, de propos délibéré, je m’arrête debout à la porte, pour observer. Tout à coup je vois s’avancer une femme ; elle était galamment troussée et se balançait gracieusement.

— Ma chère petite dame, lui dis-je d’un air badin au moment où elle passait devant moi, veux-tu bien que je te propose une énigme !

Volontiers, fit-elle.

Sans plus tarder je commençai ma description : — Il a pour mesure, lui dis-je, une main étendue et par la forme il ressemble à la bosse du chameau. D’ordinaire, il reste la tête en bas ; si, par moments, comme le bras d’un amputé, il se relève, c’est pour retomber bientôt. S’il suit parfois un large chemin, il est cependant aveugle et quoiqu’il ait une bouche mignonne, il est muet. S’il s’avance, c’est sans jambes : malgré tout cela, il réussit d’ordinaire à atteindre son but ; alors il porte la joie d’une âme dans l’autre, bien que parfois il fasse couler le sang ; dans sa colère, il prend la couleur de la prune sauvage. Le tronc appuyé sur un os, il a le corps du serpent ou semblable à un tuyau ; d’ordinaire on peut entourer sa taille en la saisissant entre le pouce et l’index. On le prendrait au toucher pour une solide corde. Ainsi il ne manque rien à sa description ; tu peux maintenant apprécier sa valeur, bien connue de l’homme, car j’ai terminé son portrait.

— Mon cher monsieur, me demande-t-elle alors, ce dont tu parles, est-ce chose malhonnête, animée ou inanimée, mangeable ou non ?

— Elle est désirée de tous et chacun de ceux qui la possèdent s’en fait gloire, enfin elle est plus douce à sucer que canne à sucre, plus agréable à mettre entre les lèvres qu’un bonbon du meilleur faiseur.

Elle sourit sous son voile et s’avance vers moi : — Si tu veux connaître le mot de l’énigme, lui dis-je, je te le découvrirai en particulier ; alors il apparaîtra à tes yeux aussi clairement que la lumière.

Doucement elle écarte alors son féradje (manteau) et s’offre tout entière en proie à mon regard. Je vis son corps d’ange, blanc comme le camphre ou la cire vierge, puis, continuant mon examen plus bas, j’admirai son réduit secret aux lèvres de lièvre gracieusement rebondies, et, pour plus de plaisir encore, absolument exemptes de tout duvet. On ne pouvait mieux le comparer, pour la netteté, qu’au cristal ou à l’œuf du phénix ; au milieu, une fente, due au canif infaillible et sûr du Créateur, le divisait en deux parties. À détailler tant de charmes, un trouble délicieux s’empare de tout mon être, la sensation d’une volupté sans pareille me saisit.

À la vue de mon trouble et de mon bonheur elle se met à minauder et à se balancer d’une façon si gracieuse que les vers d’un poète seraient insuffisants à la décrire.

— Vois, me dit-elle, combien ce nombril l’emporte en perfection sur le bouton près d’éclore et sur la rose épanouie ! Ainsi elle me lance d’excitantes paroles et me fait goûter toutes les jouissances du tête-à-tête.

— Nous ne sommes de bois ni l’un ni l’autre, lui dis-je alors. Comment nous verrons-nous et où mettrons-nous en œuvre les délicats procédés des voluptés amoureuses ?

— Laissez, seigneur, lever le prochain soleil, puis quand il se sera montré à son balcon, dirigez vos pas vers ma modeste demeure. Elle s’ouvrira devant vous et vous m’y trouverez préparée à savourer, avec vous, tous les plaisirs : c’est là que je vous veux attendre.

Le lendemain je me couvre de mes plus beaux vêtements puis, quand je me suis paré avec le soin de l’aigle pour ses plumes, je me mets en chemin. Je découvre sa maison ; une fois entré, je me trouve dans un jardin où un kiosque élevé était entouré d’eaux vives ; on se serait cru dans un coin du paradis, tant ce lieu faisait plaisir à voir. Dans ces ruisseaux se baignaient de jolies esclaves au corps de neige, qui semblaient autant de poissons d’argent.

Je m’avançai ainsi en admirant mille choses charmantes et me trouvai enfin en présence de ma dame, dans toute la plénitude de la jeunesse et de la beauté et cueillis, sur ses lèvres de rose, de doux baisers. Elle me demande si je désirais quelque chose et je l’assurai que tous mes vœux étaient comblés à sa vue.

Sur un signe d’elle qui équivalait à un ordre, on servit un souper préparé à l’avance, puis s’avancent de jeunes échansons aux joues de rose qui nous présentent des coupes pleines ; nous nous livrons au plaisir de boire la liqueur purpurine. Bientôt ma belle Dijhan prend un tambourin et nous nous livrons ensemble aux plaisirs de la musique et à ceux de la table. Nous n’étions point encore enivrés mais, pleins de cette douce gaieté que donne la coupe, nous chantions de joyeux refrains. Je sentais mon âme bouillonner de passion, aussi ne pus-je m’empêcher de joindre un soupir aux gémissements du tambourin de ma compagne.

Elle s’aperçoit de l’état de mon âme, met de côté son instrument, m’entoure de ses bras et me dit : — Pourquoi soupirer, mon ami, tu n’es pas venu ici pour cela, mais bien pour te livrer avec moi au plaisir et à la joie.

À ces mots, elle dénoue prestement la coulisse de mon chalwar et se met à passer une main douce comme coton sur mon plus précieux ornement. Puis elle relève ses vêtements et me met ainsi à même de caresser ses plus secrets appâts. Sans plus tarder, j’étends la main et la porte entre les grandes lèvres, à la porte d’amour.

— Ta passion est-elle déjà passée, me dit-elle alors par manière de railler ? À ces mots, elle m’entoure de ses bras ; la patience m’échappe, elle m’attire vers elle et je commence à frotter entre les grandes lèvres. Elle s’y prête de bonne grâce et bientôt nos désirs atteignent au paroxysme. Alors je me place entre ses cuisses, je m’agite comme un fou dans sa fente aussi rose que pastèque et frotte, d’une épissure à l’autre, à la recherche de la porte des délices ; enfin ma verge se place au bon endroit et pénètre comme un doigt frotté de beurre frais. Par degrés, nous sentons croître chez nous les délices voluptueuses ; combien de temps nous nous agitâmes ainsi, je l’ignore, toujours est-il que, dans un dernier et violent transport, l’éjaculation se produisit.

Tel est ce récit.


IV

Les Désirs sont-ils plus violents chez l’homme
que chez la femme ?


Un sultan s’était choisi deux médecins.

— Le désir est-il plus violent chez l’homme que chez la femme ? leur demanda-t-il un jour.

— Bien que plus faible, répondirent-ils, c’est elle qui l’emporte sous ce rapport.

— Quelles preuves en avez-vous ?

— Mon padichah une femme peut faire l’amour indéfiniment dans une même journée, mais nul homme ne pourrait se livrer plus de quinze fois à cet exercice.

— Mais pourquoi la passion de la femme est-elle insatiable et pourquoi le sperme de l’homme s’épuise-t-il plus vite !

Celui de la femme descend de son ventre, tandis que, chez l’homme, il vient du dos. Ainsi il a une plus longue distance à parcourir et arrive plus difficilement. La femme, ajoutent quelques auteurs, l’emporte en vivacité de désirs sur l’homme ; si elle les cache davantage, il faut l’attribuer à la pudeur. De plus, dans la jeunesse, l’homme s’abandonne souvent aux pollutions nocturnes, aussi avec l’âge, sa virilité s’atténue-t-elle rapidement. La femme, à laquelle pareille chose n’arrive point, le trouve prématurément atteint d’apathie.

Voici, à ce propos, quelques exemples.


V

Un mari réveillé.


Un médecin, qui passait son chemin, assista un jour aux réclamations violentes, faites à ce propos par une femme âgée. Elle se présente devant l’iman et le muezzin : il n’y a là, firent ceux-ci, aucun motif légal de plainte. Cependant ils se rendirent chez elle, en vue de tenter un arrangement amiable.

Le médecin qui avait du temps de libre, les suivit. Le mari, piqué d’honneur, satisfait aussitôt sa femme de la bonne façon.

Alors la haine de celle-ci se change aussitôt en une tendre amitié.

— Hélas ! s’écrie-t-elle, que n’avais-je eu recours jusqu’ici à ce moyen ! Maintenant que je le connais je n’ai plus rien à désirer, dit-elle à son mari ; considère-moi comme une esclave soumise.

VI

Le Galant insuffisant.


Qanouni-Ahmed était connu comme un légiste des plus distingués ; homme d’un esprit enjoué, il se plaisait à la conversation et à réunir, dans cette vue, quelques amis. Un jour nous nous rendîmes à l’une de ses réception ; nous y trouvâmes, outre le maître de la maison, deux invités. Auprès de chacun d’eux, se tenait une femme charmante, d’une beauté aussi parfaite que rare.

— De quels jardins, dis-je en matière de compliment, ont donc été tirées ces roses ?

— L’une est d’Égypte, l’autre de Syrie et la troisième du Maroc, me répondit-on.

La Marocaine était une belle florissante de santé, de taille, de lignes et de stature bien proportionnées. Je savourais avec délices le plaisir d’admirer ses grâces et ses attraits. Son cœur ne resta pas insensible à mon attention, car elle commença à raconter de joyeuses histoires et à entreprendre le récit d’anecdotes gaillardes. Je prenais un plaisir extrême à l’entendre, j’en fus bientôt tout transporté. Je ne perdais pas une de ses paroles enchanteresses, chacun de ses éclats de rire me semblait un roucoulement de rossignol : bref, je ne me possédais plus, mais personne ne remarqua mon agitation et mes soupirs.

Cette situation se prolongea jusqu’à ce qu’enfin, sur un signe d’elle, chacun s’en fut gagner son lit avec sa belle.

Ainsi je vis la Marocaine s’éloigner. Je fus me coucher machinalement, comme en proie à l’ivresse, mais, dans le silence de la nuit, mes yeux ne pouvaient goûter le sommeil : je l’avais vue et c’est tout dire. Mon lit était dressé au pied d’un mur et, en face de moi, de l’autre côté de la chambre, était celui où elle reposait avec son amant. Tout effort pour la rejoindre me semblait inutile ; dans mon trouble je ne faisais que me tourner d’un côté et de l’autre.

Tout à coup ma belle, qui ne dormait pas plus que moi, commence à s’agiter ; on sent combien je brûlais de la satisfaire.

— Seigneur ! fis-je alors, laisse-moi profiter de cette occasion, accorde-moi cette grâce ! En priant ainsi mes yeux étaient mouillés de larmes.

À ce moment, elle se lève sans bruit et m’appelle.

— Ah ! Madame ! lui dis-je, que mon sort est malheureux !

— Que t’est-il donc arrivé, mon cher ? Où en es-tu donc ?

— Hélas, il m’est survenu une colique et j’en souffre rocement, aussi, malgré tous mes efforts et toute ma patience, je n’ai pu garder le silence ; mes douleurs n’ont fait que croître, j’en suis accablé !

— Cela me fait peine ; voyons si je ne pourrais te soulager.

— Ne te donne pas cette fatigue, mais si tu as quelque vase, peut-être me sentirai-je plus à mon aise, après avoir satisfait à un léger besoin.

Alors elle se lève sans bruit et m’apporte un pot de nuit. Je le prends, mets pied à terre et m’accroupis comme si j’allais lâcher de l’eau. Ainsi posé comme un oiseau sur ses deux pattes ou comme une sentinelle en embuscade, j’aperçus ses jambes aussi douces que coton, aussi nettes que cristal ; enfin je pris ce qu’elle me présentait et commençai à uriner.

— Vous me l’avez apporté pendant que je souffrais, lui dis-je, et pour cela vous vous êtes privée de sommeil, grâces vous soient rendues, puissé-je vous en témoigner ma reconnaissance à l’occasion ! Toute action a sa récompense, plaise à Dieu qu’il en soit ainsi pour vous, puisse votre vie être longue et heureuse !

De tout cela, je ne pensais pas un mot, car je n’en usais ainsi que par ruse.

— Je me sens soulagé, dis-je après un instant ; puissent vos désirs s’accomplir, ajoutai-je par façon de remerciement.

À ce moment, elle reprend le vase pour le vider et je la suis sans bruit.

— Ahmed, me dit-elle à voix basse, de quel instrument es-tu donc armé ? Je n’en ai jamais vu de pareil jusqu’ici.

— Tout ce que possède votre serviteur, ajoutai-je poliment, est à votre disposition.

À ces mots la soif des voluptés sensuelles lui fait venir l’eau à la bouche : — Mon cher Ahmed, balbutie-t-elle en tremblant, avance que je l’admire.

— Ce n’est point ici un lieu favorable, ma belle ; prends tes habits et allons dans la cour.

À peine y étions-nous que, dans l’ardeur de la passion, elle se retrousse, me présente ses fesses et offre à ma vue ses hanches plus nettes que cristal. Sans plus tarder je la saisis par la taille, l’embrasse, la serre, tourne toute mon attention vers son réduit secret, et là, j’accomplis mon destin. Ainsi je goûtai les délices d’une volupté telle que je n’en avais ressentie de ma vie.

Cependant elle ne se trouvait pas complètement satisfaite. — Tu n’as travaillé que pour toi ! fait-elle.

Dans sa colère elle me saisit par la bourse, m’applique un soufflet et se met à m’injurier : — A-t-on jamais vu pareil polisson parmi le peuple de Dieu ! Est-ce donc pour cela que tu m’as attirée dans cette cour ? Tu verras comment je te traiterai et comment je divulguerai quel homme tu es !

Alors elle regagne son lit. Resté seul je réfléchis aux conséquences possibles de cette aventure et me résolus à quitter la place avant que l’affaire ait transpiré. Je me recouchai cependant mais, le jour venu, et avant que chacun se fut levé dans la maison, je m’éloignai prestement.

C’est donc avec raison que les sages, le Koran et Hippocrate, après avoir compris quelle est la violence des passions de la femme, conseillent de ne point la toucher de la main, de la couvrir d’un voile, de ne point chanter devant elle et d’éloigner de sa vue les images sensuelles.


VII

Comment un jeune garçon échappa
à deux amateurs.


Un homme riche, nommé Koran, grand amateur de garçons, et un certain cheickh Nedji résolurent de satisfaire leur passion sur un enfant.

Le Cheickh conduit un aimable gamin dans un jardin planté d’orangers, c’était un nouveau venu et le fils d’un baboutchi, (faiseur de babouches.) — Viens, lui dit ce jeune débauché, que je t’apprenne à t’égayer à la façon des baboutchis.

Alors il se découvre. — Il me faut user de lui ! s’écrie le cheickh. Alors il tire sa verge, mais ce bon vieux qui, du reste, aurait donné sa vie pour jouir de lui, ne put réussir dans son entreprise. Il n’était plus d’âge à se mettre en œuvre à l’improviste : malgré tous ses efforts et son chagrin, il ne put pénétrer chez lui.

Il imagine alors d’user de ruse à l’égard de Koran. — Mon cher Koran, fait-il, ce jeune garçon est à ma discrétion et je ne devrais consentir à l’échanger contre quoi que ce soit cependant je te le donnerai à une condition : c’est que tu n’useras point de lui avant qu’il soit majeur. Si tu contreviens à la convention, ma science dans l’alchimie me le fera connaître.

Cela dit, ils pénètrent dans le jardin et le cheickh se sépare d’eux, se cache et les observe. Quant à moi, Koran, je sors ma verge et m’apprête à jouir du garçon ; celui-ci se penche en avant et se découvre, il s’approche de moi et se prête à la circonstance. Pendant qu’il était ainsi disposé, je me baisse et m’appuie sur lui, mais je m’aperçois alors qu’il était placé un peu de biais. — Mets-toi droit, lui dis-je, nous allons essayer de nouveau de mener notre affaire à bonne fin.

À ce moment, il jette un regard derrière lui, aperçoit le cheickh et je compris pourquoi ce dernier m’avait offert l’échange ; l’enfant, tout honteux de l’incident, s’échappe.

Voilà comment moi, Koran, dont le dard touchait au but, je restai les armes à la main ; voilà ce qui m’est arrivé et comment un jeune garçon échappa à la poursuite de deux amateurs.


VIII

Aventure de voleurs.


Une nuit des voleurs, en vue de faire du butin, pénètrent sans bruit dans une maison ; ils la fouillent en tous sens et n’y trouvent qu’une femme, son mari et un mouton. Elle ne contenait absolument rien de plus et toutes les chambres en étaient vides. Frustrés dans leur espoir, ils se sentent fort mécontents de leur expédition et tiennent conseil.

— Si vous voulez m’en croire, dit l’un d’eux, il nous sera facile de ne point rendre vaine notre visite en ce lieu. Commençons par tuer l’homme, ensuite égorgeons le mouton, faisons-le rôtir et, de sa peau, nous ferons une outre qui servira à contenir notre boisson. Nous resterons jusqu’au matin à manger, à boire et à nous amuser tour à tour avec la femme. Ainsi nous jouirons, à la fois, de tous les plaisirs.

Tous applaudissent à cette proposition. Les deux époux qui, sans se douter de rien, dormaient paisiblement, s’étaient éveillés pendant la conversation. — N’as-tu pas entendu, demande le mari à sa femme ? — Si fait, réplique-t-elle. Nous n’avons d’autre ressource que de subir patiemment les événements. — Tu en prends à ton aise, répond le mari, mais la patience est plus difficile pour moi et pour le mouton.

Les voleurs, qui entendaient tout, se mettent à rire, abandonnent l’entreprise et s’en vont.

La conduite de la femme en cette circonstance montre clairement que, quelque nombreuses que soient les années de mariage, vienne la nuit du danger elle consentira, pour se sauver, à la mort de son mari. Aussi ne doit-on point placer sa confiance dans ce sexe. De là ce proverbe : Ne compte point sur la femme, ne t’appuie point sur l’eau.


IX

Des dispositions des femmes et de
leur âges.


Il est bien connu des gens experts en la matière, à quels fâcheux inconvénients les femmes sont exposées par leur constitution. C’est cependant lors de ces époques qu’elles sont plus disposées au contact sexuel, car il les aide à revenir à leur état ordinaire, c’est ce qu’il y a de meilleur pour elles ; se livrer alors à la copulation leur procure un surcroît de vitalité. C’est aussi alors que l’homme y trouve plus de plaisir.

S’il leur survient un accès de fièvre, elles sont plus travaillées et plus brûlantes encore du désir voluptueux ; c’est aussi dans cette circonstance que l’on jouit plus agréablement d’elles. Tout le long du jour elles éprouvent, entre les grandes lèvres, une démangeaison qui les porte à un incessant frottement. L’urine qui se produit dans ce cas est des plus saines et sa sortie équivaut à une purification, car elle est alors formée de la crème des substances laiteuses. De plus, quand vient la nuit, les grandes lèvres se collent l’une contre l’autre et, toutes fermées qu’elles sont alors, elles exhalent une odeur plus suave que la bouche d’un galantin.

Koran-bey, le bien-aimé, s’exprime ainsi : — Subtil, ingénieux et expérimenté comme je le suis, je conseillerai de s’abstenir de l’action d’amour pendant le sommeil de la belle, quelque violents que soient les désirs et la passion dont vous soyez agités, car alors la purifiante et agréable humidité dont nous avons précédemment parlé ne se produit point. Pour la même raison, ajoutent les auteurs, abstenez-vous de toute fille qui n’a point dépassé sa douzième année.

Pir-Ali-Hafiz donne la limite de treize à dix-huit ans comme la plus convenable pour user des filles.

Hanem-Abla conseille de se tenir entre quinze et vingt ans.

Mahmoud le Gaznevide prétend que tout âge est bon du moment où la fille inspire des désirs, du moment où elle fait naître chez l’homme une passion sensuelle.

Rétis exprime l’opinion que, pour l’action charnelle, la fille de seize ans est préférable, mais qu’on peut user de la femme tant que l’esprit se porte vers elle. Je prétends que c’est pousser les choses trop loin et qu’il ne faut pas dépasser l’âge où les règles ont cessé.

Kasgani-Muchir-Pacha s’exprime ainsi : En pareille matière, mes amis, rien ne peut remplacer l’expérience. En cela, l’opinion d’un simple nègre peut l’emporter sur toutes les autres. Nous voulons dire par là que chacun a, sur ce sujet, des vues particulières, conformes à sa nature et à son tempérament ; ses appétits en tiennent directement et ils subsistent chez lui jusqu’à la mort.


X

Sous quels rapports les femmes l’emportent
sur l’homme et ont l’avantage sur lui.


Nul ne conteste que si la femme ne peut être comparée à l’homme pour la générosité, le courage et la véracité, sa parole l’emporte de beaucoup sous le rapport de la douceur et que la critique plaisante comme la louange revêtent, dans sa bouche, un charme tout particulier.

Si elle est parfois fidèle elle est insupportable par sa coquetterie, ses incessantes demandes et ses persécutions.

Elle se vêt mieux que l’homme ; par ses habits, sa grâce à les porter et son élégance, elle laisse loin derrière elle les jeunes galants.

Nul n’a, comme elle, lignes pures, corps gracieux et cheveux tombant sur le sein. Que sont, auprès de cela, la barbe et la moustache ? Chaque belle, dit un poète, s’enlève le duvet des joues ; que ne le laisse-t-elle pousser ? Toute sa vie il croîtra, que ne s’attaque-t-elle plutôt à ses cheveux ?

Beaucoup de femmes galantes se distinguent par une minutieuse propreté ; il serait à désirer que ceux qui les fréquentent leur ressemblassent. Sous nombre de rapports elles appellent notre attention et font naître notre émulation. Citons seulement leur haleine si pure, leur habitude de se couper les ongles une fois la semaine et de s’épiler sous les aisselles, leur soin à éviter de se couvrir la tête d’un fez graisseux et à ne point se chausser de savates. Très attentives aux odeurs, elles n’emploient que les meilleurs et les plus agréables parfums et sont d’une bienfaisance sans égale. À ces derniers points de vue elles doivent être estimées par-dessus tous.


XI

Singulier motif d’amour.


Pour quelle raison, demandait un jour une dame à sa fille, es-tu si attachée à ton mari ?

— Une fois, répondit la jeune dame, il revenait de voyage. Encore couvert de ses vêtements de route, il ouvre la porte, entre et commence à se livrer à l’acte d’amour. J’étais alors prise d’une forte fièvre, toute brûlante et les cheveux en désordre ; je n’avais pu me parfumer avant de m’abandonner à ses caresses. Malgré cela, je le vis s’avancer, le dard aussi dur qu’un pieu dans l’ardeur de sa passion, l’introduire avec violence dans ma fente et ainsi goûter le plaisir. C’est sur cette preuve d’amour que je me suis attachée à lui.

— Comment donc, ma fille, s’écrie la mère, c’est ainsi que tu t’es éprise de lui. Tu me fais peur, car je sens, à t’entendre, mes désirs s’éveiller au point que j’en pense mourir.

Telle fut leur conversation.


XII

Il faut au mari ou la patience
ou le voyage.


Pir-Ali raconta un jour ce qui suit : Le fils d’un homme intelligent prenait une femme ; pendant que le cortège de la mariée se dirigeait vers la maison de l’époux, il lui dit :

— Mon fils voici quel est mon conseil : ne te montre point trop affectionné envers ta femme ; sinon elle prendra le dessus dans le ménage et ce sera, pour toi, une source d’ennuis.

— Mon cher père, reprit le fils, comment dois-je me comporter au sujet de certaine chose que tu devines bien : lui donnerai-je cent ou mille ?

Sur ce, le père garde le silence et se renferme, en homme de sens, dans un mutisme absolu. Force fut donc au jeune époux de s’en tenir au premier conseil, qu’il observa religieusement.

Quand quelques mois se furent passés, il commença à devenir jaloux. — Choisis une duègne, lui dit son père, qu’elle devienne son ange gardien, et allons nous promener à Kiaghé-Khanit[1], ensuite, prenons une voiture et allons à Geuk-Sou[2]. Pendant qu’il essayait ainsi de le distraire, le jeune mari était rongé d’ennui, car la passion de la jalousie le tourmentait.

Alors, il comprit la vérité de ce proverbe : Il faut au mari ou la patience ou le voyage.


XIII

De l’emploi des messagers d’amour.


Nul n’ignore la puissance de ce moyen.

Au commencement Satan, sur lui soit la malédiction, et du temps des patriarches Noé et Enoch, divisa les enfants d’Adam en deux troupes ; il établit l’une d’elles dans les montagnes et l’autre, dans le plat pays. Dieu fit que les hommes montagnards fussent laids et leurs femmes parées de grâces ; dans la plaine, au contraire, les hommes étaient magnifiques et les femmes affreuses. Ceux et celles des deux troupes qui avaient la beauté en partage s’admiraient mutuellement ; comme il est dans la nature humaine ils s’éprirent les uns des autres. — Plaise au Seigneur, disaient-ils dans leurs prières, que nous ne fassions plus qu’un seul peuple !

Satan, qui voyait la passion les agiter, imagine une ruse pour les empêcher de se réunir. Il revêt la figure d’un jeune homme et s’en va visiter ceux de la plaine. Il prend une condition servile et se met à jouer de la flûte. Tous les gens des environs quittent leurs occupations et s’assemblent autour de lui. Par ce moyen, hommes et femmes se trouvent confondus ; bientôt, par une musique sensuelle, il fait naître dans leurs cœurs et les voluptueux désirs et les passions violentes ; il rompt dans leurs âmes les liens de la pudeur. Alors ils commencent à se provoquer en paroles, puis ils passent à l’action ; nous voulons dire par là que ce fut la première fois qu’on vit se produire des faits de prostitution.

Depuis lors, par cette voie, jamais la maîtresse n’a manqué à l’amant ; ils emploient sans cesse mille ruses diaboliques pour arriver à l’union sexuelle.

À propos de ces galantes menées, les Hindous disent que, dans ce but, l’amant doit choisir, comme confidente une sage-femme pour porter parole ; c’est là une ménagère instruite dans toutes les ruses.

Pour l’envoyer il faut que ce soit une femme d’éducation, capable de prendre adroitement des informations si on l’envoie quelque part, une personne d’une entière discrétion envers le mari, dût-il employer la violence contre elle.

Il faut encore qu’elle ne soit pas de condition relevée. Elle doit prendre des objets comme pour les offrir et se donner l’apparence d’une revendeuse ou d’une diseuse d’histoires. Elle peut ainsi prendre la figure d’une sage-femme ce qui lui donne le moyen de faire rouler la conversation sur des choses intimes. Tout d’abord elle raconte des aventures d’amour, puis elle émaille son récit de citations poétiques : — Il me faut composer, dit-elle en citant un vers ; toujours on aime la lumière et on la préfère aux amours de Khosrew et de Ferhad[3].

Et elle se met alors à réciter un poème semblable à une pièce de brocart. Ainsi elle étale son savoir et sa marchandise ; ainsi elle poursuit son but.

Il n’est point de beauté compatissante, ô Baki ! Abandonne cette erreur et adresse tes prières à Dieu et au nom de Dieu. Nous voulons dire par là qu’elle met en œuvre sollicitations et flatteries, puis elle emploie la séduction des promesses. — Regardez-moi comme votre mère, dit-elle, si elle trouve la belle insensible, quel motif avez-vous de me refuser ? Si la dame s’irrite et lui adresse quelques mots fâcheux alors elle prend une apparence honnête. — Bravo ma fille, s’écrie-t-elle, je t’ai parlé seulement pour t’éprouver ! Elle ne se rebute pas pour cela et n’en continue pas moins son jeu, car elle sait employer, en ces matières, mille moyens divers que Satan lui inspire pour arriver à ses fins ; elle est sûre de réussir.

Rien ne peut empêcher ces femmes de s’introduire où elles désirent, tant est grande leur expérience à cet égard.


XIV

Du tête-à-tête et des conversations.


Selon les Hindous, l’opinion des sages est qu’éviter les compliments et la conversation galante pendant l’acte d’amour est une injure pour la femme. Les hommes se distinguent de l’animal par la faculté de parler, disent-ils, aussi la conversation et l’entretien augmentent-ils chez eux la familiarité et l’amour. Il convient donc à l’amant de ne point rester silencieux pendant qu’il se trouve uni à sa belle, il doit, au contraire, la distraire par des gracieusetés et d’aimables plaisanteries. Ainsi leur intimité devient plus étroite et ils ajoutent, à leurs autres plaisirs, celui d’une aimable gaieté. C’est une meilleure façon de se rendre agréable, après la jouissance sexuelle, que d’user de simples caresses. Le silence, gardé à ce moment, réveille la pudeur de l’amante et lui retire toute joie, car peut-être s’abandonne-t-elle alors au regret de s’être livrée.

Nul homme d’expérience n’ignore que le pigeon, après s’être accouplé avec sa compagne, met son bec contre le sien comme s’il la baisait ; bientôt elle étend ses ailes et découvre sa poitrine comme transportée de plaisir. Puisque l’homme est doué au plus éminent degré de toutes les facultés, il lui convient d’imiter cet exemple et de ne rester silencieux ni avant, ni après l’union intime.

Les anciens philosophes donnent les conseils suivants à la fille qui va se marier :

— Ma fille, quand l’époux vient te trouver pour consommer votre hymen, tout animé de passion, il réclame tes faveurs. Ne dénoue point la coulisse de son chalwar, mais si, couché sur le dos ou appuyé sur les mains, il t’attire vers lui, ne résiste point, mais témoigne du plus vif plaisir et de l’amour le plus tendre. Quand sa verge a pris toute sa raideur et toute sa vigueur ramène sur ton ventre tes jambes pliées, puis porte la main à son chalwar et fais-le descendre. Alors il approche de ta fente un pénis semblable à une canne à sucre et tente l’introduction.

Adresse-lui, à ce moment, quelques paroles aimables, serre-le de tes bras, presse-le contre ton ventre, attire sa tête sur ton cou pour qu’il puisse flairer ta chevelure, enserre fortement ses reins de tes jambes passées autour de lui, de façon à ce que son grand doigt rencontre tes grandes lèvres ; une fois qu’il est entré, agitez-vous tous deux : ainsi vous atteindrez à la suprême volupté. Quand il va pour retirer sa verge de la porte sanglante, retiens-le de ta main gauche et fais-le rentrer. — Effendi, mon cher seigneur, lui dis-tu alors, si je me suis donnée à vous, c’est dans l’espoir du plaisir ! À ce discours, ses désirs se réveillent, une nouvelle et vigoureuse érection se produit et vous conduisez, encore une fois, votre affaire à bonne fin. Une fois sorti, tu le saisis, tu le caresses, tu frottes doucement son gland ; de nouveau il reprend force, se dresse et se lève. — Effendi, lui dis-tu, que de plaisir tu me fais en te voyant si animé. Puisque le désir te presse, pénètre de nouveau chez moi.

Excite ainsi ton mari par des paroles appropriées habilement à son caractère : — Que ne t’abandonnes-tu à ton inclination, reprends-tu, je suis ton esclave et ne vis que pour toi ! Ainsi tu lui parles, ainsi tu t’empares de son cœur.

Pendant que tu le flattes de cette sorte, regarde-le avec des yeux languissants, glisse ta main dans son chalwar et caresse-le jusqu’à érection. N’oppose ensuite aucune résistance à ses entreprises, laisse-le s’introduire dans ta fente et s’en couvrir la petite tête comme d’un bonnet velu.

Au sujet des aberrations de la passion voluptueuse Koran-bey s’exprime ainsi :

Un homme, alors âgé de vingt-cinq ans, se livrait à la fréquentation des prostituées ; certaine de ces femmes consentit un jour à se livrer à lui pour vingt paras (dix centimes). Il se rend alors avec elle dans un champ de maïs. Encore bien qu’il s’agît d’une vieille beaucoup trop élargie, il se couche sous elle, met au jour un objet long d’un pied et s’apprête à faire l’amour avec le même entrain que s’il avait eu affaire à un tendron de douze printemps. Il s’introduit entre les grandes lèvres et sous elle il s’agite et gémit ; un bruyant mouvement de va-et-vient se faisait entendre : il jouit ainsi d’un tel plaisir, malgré l’âge de la belle, que, pendant longtemps, il préféra les vieilles aux jeunes tant cette façon d’opérer lui avait plu.

Béchir-Effendi rapporte l’anecdote suivante au sujet du même Koran-bey.

Une femme plus qu’octogénaire rôdait souvent autour de la cellule de Koran-bey. — Il nous faut, se dit-il, exaucer ses vœux et mériter ses prières. Dans l’opinion qu’elle sollicitait quelque galante aumône, il se disposa à la satisfaire. Après s’être préparé en conséquence, il l’assaille subitement avec la force d’un vaisseau de cinq mille tonneaux lancé à l’abordage ; on eût dit une bombe qui éclatait. L’opération achevée, la vieille se lève, lui baise les mains et adresse pour lui de ferventes et abondantes prières. Peut-être cette action a-t-elle été pour lui une source de bénédictions et de prospérité.

Citons encore un autre exemple : Hafiz-Abdul-Hamid avait donné une esclave à Koran-bey : — Je t’ai donné, lui dit Hafiz, une vierge intacte. — Je vais, réplique Koran, m’en assurer. À ces mots, il met en main son dard et l’enfonce si bien que sa toison et celle de l’esclave se confondaient. L’instrument plongé dans le sang et dans la persuasion qu’il avait affaire à une vierge, (elle ne l’était point, mais avait seulement ses règles) il jouit, par trois fois, du suprême plaisir sans se retirer.

Il n’y a pas, dit-on, de volupté plus grande que celle goûtée dans l’union sexuelle ; les délices que procure le commerce charnel dépassent, en effet, toute description.


XV

Du tempérament de l’homme
et de la femme.


Il faut d’abord savoir que, chez l’homme, les passions ont leur siége dans le cerveau et que toutes les parties du corps concourent à la formation du sperme.

Chez la femme, c’est dans le cœur que naissent les désirs sensuels, d’où ils agissent sur les parties creuses situées vers le bas ventre ; ainsi la matrice arrive à descendre. Là se trouve un réseau de dix à douze veines qui tapissent ses parois et la divisent en autant de sections distinctes. C’est là ce qui constitue l’utérus.

Ces veines courent à droite et à gauche au-dessus des parties sexuelles féminines ; c’est par elles que s’introduit le sperme, c’est aussi par elles que s’écoule le sang des règles. Quand une femme devient enceinte, ces canaux se trouvent obstrués par le sperme et le sang des règles cesse de couler. Voilà pourquoi elles ne les voient point paraître pendant la grossesse.

Si, chez quelques-unes, elles se produisent après la conception, le cas est très rare. C’est alors l’effet de quelque maladie ou d’un défaut de constitution consistant en une largeur inusitée des canaux matriciels. Si, dans ce cas, l’écoulement est plus considérable que de coutume, il faut y voir l’effet d’une action exercée par des génies malfaisants ou des esprits surhumains sur la nature, dont ils troublent le cours normal. On reconnaît le fait de cette influence à la circonstance que le sang s’écoule coagulé. Cet accroissement de pertes chez la femme enceinte porte le plus grand, préjudice à sa santé.

Il est, en outre, reconnu que si, chez certaines femmes, les appétits sexuels ne sont pas en rapport avec la complexion, on doit admettre, cependant, qu’en général, une femme de complexion moyenne aura des appétits modérés.

Toutefois, il est de petites personnes chez lesquelles la soif du plaisir est inextinguible, c’est-à-dire en raison inverse de leur taille ; telle est la violence de leur tempérament qu’elles sont constamment disposées et incitées à faire l’amour : l’ardeur dont elles brûlent est si extraordinaire qu’elle prête à rire, bien qu’il faille plutôt en pleurer.

Les anciens recommandent de combattre ces dispositions par l’eau, dont l’humidité pénétrante a pour effet, de calmer l’excitation sensuelle.

Un sultan des Indes, nommé Roubil, posa un jour cette question à un médecin : — Comment peut-on calmer l’ardeur des femmes ? Avec quoi et de quelle façon faut-il les frictionner pour les rendre tranquilles ? Instruis-moi sur ce point.

— À vos ordres, seigneur, réplique le docteur.

Aussitôt il allume du feu et place dessus un vase de terre. Quand l’ébullition se fut produite, il y jeta de petits brins de bois ; elle n’en continua pas moins à bouillir.

— Les appétits de la femme, dit alors le médecin, ressemblent à cette eau. Quand ils se mettent une fois en ébullition et à entrer en action, ils ne se calment point avant que le sperme ne soit apparu, tant qu’elle n’a pas atteint au maximum des voluptés. Toute autre friction serait vaine ; il n’y a d’autre moyen pour calmer ses esprits que les relations avec l’homme.

Le Sultan goûta fort l’explication du médecin et le récompensa généreusement.


XVI

Des moments et des âges.


Il nous faut d’abord dire que tous les médecins, c’est-à-dire ceux véritablement instruits dans leur art, prescrivent à l’homme de s’abstenir de toute copulation et de toute éjaculation au lever du jour. Ils prétendent que c’est chose des plus contraire à la santé ; elle fait naître des maladies et engendre une vieillesse anticipée.

Selon certains auteurs à qui fait l’amour chaque soir faiblesse est inconnue.

Il est également mauvais et de s’abandonner sans mesure à l’entraînement des passions juvéniles et d’y résister presque absolument.

Le père de la vérité (Mahomet) dit à ceux dont la barbe commence à blanchir : — Le commerce charnel est cause de maladie pour le vieillard et pour celui que les infirmités accablent. D’après cela, il est nécessaire d’assigner un délai de continence aux gens blessés, jusqu’à ce qu’ils aient recouvré leurs forces.

Jusqu’à la puberté il faut s’abstenir.

La copulation fréquente est nuisible même jusqu’à la vingtième année : à cet âge, il est suffisant de s’y livrer une fois en deux jours. Il est bien entendu qu’il faut toujours que les deux parties soient d’accord : la femme qui se livre malgré elle ne trouve aucun plaisir à l’acte d’amour.

La lassitude arrive à chaque individu selon les particularités de sa complexion.

De trente à quarante ans, le tempérament s’affaiblit et les forces diminuent ; il faut se contenter de trois fois par mois.

En s’avançant vers soixante-dix ans, la vigueur, la gaieté et les galants désirs s’atténuent par degrés : il est alors bon de ne pas dépasser la limite de deux fois par mois.

Au delà, en allant vers quatre-vingts ans, on ne peut guère s’adonner au plaisir plus de deux ou trois fois l’an ; quelque vigueur et quelque jeunesse de cœur qu’on ait conservé, on ne saurait dépasser quatre.

Après quatre-vingts ans, nul n’est apte à l’acte amoureux.

XVII

Moyens à employer pour apprivoiser
une femme de défense.


Galien, le médecin, dit que pour engourdir la volonté d’une personne, il faut user du mélange suivant : Zeste de citron, gomme arabique, pavot. Réduisez le tout en menues fractions, puis ajoutez noix muscade et aloès en petite quantité. Égrugez en larges et minces galettes et faites-en des pastilles.

Il est également possible de donner à la préparation la forme de bâton ou de tablette de parfum ; on peut ainsi la faire dissoudre dans l’eau et la donner à boire ; on peut également l’employer en fumigation ou l’introduire, enveloppée de coton, dans une narine.

Celui qui a mis ce livre d’arabe en turc se permettra de faire observer qu’il ne faut user de semblables drogues qu’avec la plus extrême réserve ; on en a vu causer la folie ou provoquer de graves maladies. De plus, la préparation n’en est pas toujours sans péril.

Ainsi est achevée la traduction de l’ouvrage intitulé : „ Réveil du vieillard tombé en enfance ou Science de la Volupté. ”


  1. Les Eaux douces d’Europe à Constantinople.
  2. Promenade sur la côte d’Asie.
  3. Khosrew et Ferhad sont les deux héros d’un célèbre roman où ils se disputent la possession de Chirine.