Magasin d’Éducation et de Récréation, Tome XVII et XVIII, 1903



VII

« Le Silure » .


L’Épiornis s’est abattu sur l’arrière du sous-marin, et une explosion formidable suit de près la catastrophe. En tombant, l’oiseau mécanique a cassé net l’hélice du navire anglais. Il y reste accroché, comme une chauve-souris, son aile gauche battant encore au milieu du désastre, tandis que les machines sautent, que les jurons et les ordres furieux se croisent avec les grincements de l’acier et les gémissements humains.

Ce vacarme infernal n’arrive même pas à l’ouïe des quatre Français, foudroyés par la commotion et restés sans connaissance.

Ils ne sentent pas les bras robustes qui les empoignent sous les épaules, les dégagent des débris, les transportent à l’avant dans la petite infirmerie du navire. Ce n’est qu’à la suite de vigoureuses frictions, accompagnées de cuillerées de brandy insinuées de vive force entre leurs mâchoires, qu’ils reviennent l’un après l’autre au sentiment de la réalité, parfaitement ahuris, mais sans dommage sérieux, ainsi qu’ils le constatent avec stupéfaction, en remuant d’instinct leurs bras et leurs jambes, dès l’instant de l’éveil.

« Rien de cassé, gentleman ! fait en anglais un fort gaillard à la tignasse rousse qui est en train d’étriller Henri, aidé dans cette fonction par un petit mousse de figure hindoue à qui il administre deci delà quelques taloches pour entretenir son zèle.

— Bien, bien, dit Henri, dans la même langue. Merci, mon garçon. Inutile de racler si fort !… Et inutile de frapper ce pauvre petit, qui travaille de son mieux !…

— Anglais ? dit l’autre enchanté. Aussi, je me disais : de pareils gaillards ne peuvent pas être Français. Tout le monde sait bien que les « mangeurs de grenouilles » sont rabougris et laids comme des chenilles.

— Chenille toi-même ! crie Le Guen en colère. Car il a appris dans ses nombreux voyages à baragouiner un peu d’anglais. Regarde dans ta glace, mangeur de pudding, si tu veux voir un vilain singe !… et, au surplus, débarrasse le plancher ! Je n’ai pas besoin de toi pour soigner mes jeunes maîtres.

— On s’en va ! on s’en va ! dit l’homme, se retirant très offusqué, suivi de son jeune acolyte. C’était pas la peine de se fâcher… Qu’est-ce que j’ai dit, moi ?… »

Car, c’est une chose digne de remarque, les Anglais qui nous gratifient, personne ne sait pourquoi, du sobriquet de frog-eaters (mangeurs de grenouilles), prennent très mal la réplique et adoptent invariablement des airs de dignité offensée si l’on se permet la très anodine revanche de les appeler « mangeurs de pudding ».

« Eh quoi, Le Guen, dit Gérard qui est sorti de son anéantissement ; à peine éveillé et déjà en bisbille avec les Anglais ?

— Je ne puis pas les souffrir, ces chrétiens-là. Rien que de les voir, cela me donne des envies de cogner.

— Calme ta fureur belliqueuse ! reprend Gérard qui rassemble ses idées dispersées. Nous voici en assez mauvaise passe, sans qu’il soit nécessaire de nous embarrasser de querelles. Évidemment nous sommes tombés sur un navire anglais surveillant les abords de la côte. Et sans compter notre pauvre Epiornis capturé ou détruit, nous risquons fort d’être indéfiniment retenus…

— Ah ! s’écrie Henri au désespoir, c’est ce que je commençais à me dire ! Pourquoi, pourquoi avons-nous été si étourdis, si imprudents ? … Ne pouvions-nous prévoir la police rigoureuse qui se fait tout autour de l’Afrique australe ?… Que nous coûtait-il donc de nous maintenir à grande hauteur ? pendant les premières heures, tout au moins !… Triple fou, triple imbécile que je suis !… Ne pouvais-je réfléchir, peser mes mouvements ?…

— Nous avions eu trop de chance, trop de facilités dans la première partie de notre entreprise, réplique Gérard. Il nous a semblé qu’il en irait toujours de même… C’est vrai, pourtant, que nous avons été d’une imprudence impardonnable !… Je devrais dire je, puisque c’est moi, le coupable !…

— Ne nous accusons pas injustement, place ici M. Wéber. Il est des accidents contre lesquels la prévoyance ne peut rien. À quelle hauteur ne faudrait-il pas s’élever aujourd’hui pour être assuré contre les projectiles des canons à longue portée ? Nous n’aurions pu respirer à de pareilles altitudes ; et quant à deviner la présence d’un sous-marin, ou à se mettre en garde contre lui, c’est précisément là chose impossible… Car je n’ai pas à vous apprendre, n’est-ce pas, que nous nous trouvons à bord d’un sous-marin.

— Cela saute aux yeux, dit Gérard, indiquant de la main la configuration spéciale de la chambre, l’absence de hublots, la lampe électrique suspendue au plafond… Et moi qui l’avais pris pour une baleine !… Voilà ce qui s’appelle une gaffe de première grandeur ! Ici un coup frappé à la porte se fit entendre et le matelot à la tignasse rousse annonça :

« Le commandant ! »

Sur quoi un homme raide, gourmé, l’air arrogant, la face apoplectique et revêtu des insignes de capitaine de corvette, opéra son entrée dans l’infirmerie. Il s’arrêta un instant sur le seuil, fit une rapide revue des quatre hommes, et la tête blanche de M. Wéber l’ayant signalé comme le père ou le chef, il s’adressa à lui :

« Si vous êtes suffisamment remis pour répondre, j’ai à vous interroger ! dit-il brusquement, et sans le moindre préambule de politesse.

— Mille pardons, monsieur ! Je n’entends que le français ! répondit sèchement le vieux savant qui avait lu sans aucun doute tout ce qui a été écrit de bon en cinq ou six langues, mais qui, justement froissé par cette manière de s’adresser à lui, ne jugea pas à propos de montrer son habituelle obligeance.

— Ah !… fit l’Anglais déconcerté. Et ces messieurs ?… »

Henri et Gérard ayant décliné d’un geste silencieux le plaisir d’être interrogés dans sa langue par le commandant, force fut à celui-ci de s’en prendre au français invertébré que nos voisins rapportent habituellement de leurs années de collège — bagage presque aussi insuffisant que l’anglais appris dans nos lycées.

« Jé volé demandé à vo que vo mé donné vo papiers ! articula-t-il, plongeant résolument en plein charabia.

— Quels papiers ?

— Passeports, références, carnets de chèques, toutes pièces établissant identité.

— Quand même nous serions en possession des documents que vous énumérez, dit Henri fermement, nous ne nous croirions nullement obligés de les produire sur la sommation du premier venu !

— Le premier venu ! Je suis le maître ici. Je suis le capitaine Marston, commandant H. M. S. Silure ! dit l’officier se redressant de toute sa hauteur.

— C’est ce que vous aviez totalement négligé de nous apprendre, fit Gérard tranquillement. Et nous pourrions à notre tour vous inviter à nous montrer des papiers justifiant ce titre.

— Moa !  !  ! vo !  !  ! demander papiers à moa !  ! protesta le commandant, les yeux lui sortant de la tête dans l’excès de sa stupéfaction.

— Qu’est-ce que cette requête aurait de plus exorbitant que la vôtre ? Nous ne sommes pas, que je sache, vos subordonnés. Nous sommes des hommes libres… tombés de l’air libre sur votre pont, et d’ailleurs par votre faute !…

— Vous êtes mes prisonniers ! interrompit rudement l’officier, arrêtés en flagrant délit de contrebande sur nos mers !… Vous aurez à justifier de vos démarches ! ou vous saurez ce qu’il vous en coûtera !

Contrebande !Vos mers !… répéta Gérard, l’œil en feu. Voilà des mots malsonnants que nous ne tolérerons pas. Nous nous promenions en plein ciel quand votre obus est venu sournoisement nous atteindre ; c’est à nous de vous demander raison pour le dommage gratuitement infligé à notre propriété, à nos affaires et à nos personnes.

— Vous n’avez à me demander raison de rien, et je n’ai pas à me justifier devant vous.

— Voilà qui passe la mesure ! s’écria Gérard tout à fait monté. J’ai à vous dire, monsieur, que je refuse, quant à moi, de continuer cet impertinent entretien.

— Et moi j’ai à vous dire qu’on saura bien vous forcer à le reprendre, quand et comme on voudra !

— Vraiment ? Et quelle sera votre méthode ? Posséderiez-vous par hasard des chambres de torture, à bord de ce sous-marin ?

— Nous possédons des conseils de guerre qui ne sont pas très loin d’ici.

— Nous ne saurions être passibles de vos conseils de guerre ! protesta Henri.

— Vous avez forcé le blocus…

— C’est vous qui le dites.

— … Et je ne vous lâcherai que pour vous remettre aux mains de la justice militaire.

— De quel droit ? De quel droit osez-vous préméditer des violences aussi graves contre de libres citoyens ?

— Du droit du plus fort ! Je vous tiens, je vous garde, hurla le commandant, tout à fait furieux et ne mesurant plus ses paroles.

— Après ce mot, monsieur, dit Henri avec dignité, je me joins à mon frère pour vous déclarer que je refuse de poursuivre un pareil entretien.

— Moi de même, articula Wéber avec un flegme parfait.

— À votre aise !… Vous saurez ce qu’il vous en coûtera ! »

L’Anglais se retira ; quelques instants plus tard, un officier qui, d’après ses insignes, devait être le second, venait informer nos voyageurs qu’ils étaient mis aux arrêts, et que, jusqu’à l’arrivée à Durban, ils étaient tenus rigoureusement de garder l’infirmerie, qui leur servirait de cabine. Arrivés à Durban, ils seraient déférés au conseil de guerre ; les débris de l’aviateur, recueillis et emmagasinés avec soin, seraient apportés devant le conseil, et ils auraient à justifier de l’emploi de cet engin, aussi bien que de leur présence dans la zone d’action des forces anglaises.

Toutes ces choses étaient écrites sur un grand papier, signées Horace Marston, commandant le Silure, sous-marin de Sa Majesté, et contre-signées Charles Wilson, le lecteur même de l’arrêt.

« Nous voilà frais ! fit Gérard quand le lieutenant Wilson eut déguerpi. Comment allons-nous nous tirer de là ? Que proposes-tu, Henri ?

— Moi ? dit le jeune ingénieur accablé. Que veux-tu que je propose, sinon de supporter en hommes la ruine de toutes nos espérances ?

— Non ! Non ! Henri, mon enfant, ne parlez pas ainsi, fit le bon Wéber tout apitoyé. Tant qu’il y a vie, il y a espoir !… Allez, nous nous tirerons de là comme de tant d’autres mauvaises passes…

— Combien peuvent-ils bien être sur ce bateau ? ruminait Gérard. Six, huit, tout au plus… Je sais qu’on les monte aussi légèrement que possible… Nous sommes quatre, et avec de la résolution…

— Que faut-il faire, m’sieur Gérard ? demanda Le Guen promptement. Faut-il leur tomber dessus ?… Dites le mot, et je ne fais qu’une bouchée de ce rouquin de malheur qui nous appelle mangeurs de grenouilles… Je m’en moque un peu de leurs arrêts, moi ! Et après lui, cet enflé de commandant ! Et après lui, ce gringalet de second ! Je les mange tous, Dites un mot, m’sieur Gérard.

— Tout doux ! fit Gérard attentif. Ne va pas si vite… et ne parle pas si fort ! On frappe à la porte : Entrez ! »

C’était le « rouquin » lui-même qui se présentait, porteur d’un plateau chargé de victuailles. Il se mit en devoir de les disposer prestement sur la table, aidé du petit Hindou, qui semblait décidément lui servir d’auxiliaire et de souffre-douleur : car maintenant, comme tout à l’heure, chaque commandement, chaque indication avait pour accompagnement obligé une gifle ou un coup de pied — ce qui ne tarda guère à exaspérer Gérard.

« As-tu fini de maltraiter cet enfant, grande brute ?… N’as-tu pas honte de taper sur ce moucheron ? Que cela ne recommence pas, ou je te fais sentir le poids de ma main !

— Ah ben, par exemple, elle est sévère, celle-là ! s’écria Jack Tar, toute sa face couleur de groseille exprimant le plus sincère étonnement. Il ne faut pas taper sur les gosses, à présent ? Et comment qu’on les élèvera alors ? Est-ce que je n’ai pas été tapé par les anciens, moi ?

— Tu es sans doute un brillant exemple de ce système d’éducation, dit Gérard, considérant la face idiote et avinée du matelot ; mais je te répète que je ne veux plus voir de ces brutalités, ou gare à toi !…

— Bien ! bien ! c’est entendu ! grogna l’homme.

— Et si tu te tiens au contrat, voici pour toi, » continue Gérard produisant une pièce blanche.

Sur quoi les petits yeux bleus du mathurin s’arrondissent considérablement, et il est aisé de voir au mouvement de ses épaules, quand il se retire, que les gentlemen français sont décidément incompréhensibles à son gré.

Au surplus, Le Guen ne serait pas éloigné, en cette occurrence, de prendre parti pour l’Anglais abhorré.

« Faut pas croire que les mousses, ça s’élève dans du coton, m’sieur Gérard ! Après tout, il a raison, cet escogriffe, quand il dit que si on ne tape pas su’ce p’tit, ça sera peut-être sa ruine.

— Allons donc ! dit Gérard. Je refuse de croire que les coups, les brutalités aient jamais produit rien de bon ! Toi qui me parles, je suis sûr que tu n’as jamais usé de ces moyens avec les novices qui étaient sous tes ordres.

— C’est ce qui vous trompe, m’sieur Gérard ! J’ai tapé, comme j’ai été tapé, attendu que c’est le seul moyen connu pour former les vrais enfants de la mer ; et un bon luron qui a le cœur bien placé serait honteux de n’avoir pas été battu comme il convient.

— Absurde ! N’as-tu pas vu les larmes qui coulaient sur les joues de ce pauvre petit ? Le regard de haine qu’il lançait à son tortionnaire ?

— Ah ! pour cette race, m’sieur Gérard, je n’en puis parler. C’est un Hindou, que vous avez dit ? Je ne sais pas comment que c’est fait, ces païens-là ! » fait Le Guen d’un ton de supériorité.

La discussion en était là lorsqu’un choc subit vint la couper net. Une secousse violente venant frapper les flancs du navire, bousculant tout ce qui n’était pas fixé au parquet ou aux murs, jetait soudain la confusion dans la petite chambre, allongeait tout de son long le gabier sur le dos, et menaçait l’équilibre des autres. En même temps, un sifflement aigu, lamentable, passait au dessus de leurs têtes ; une seconde secousse plus formidable que la première achevait de tout saccager : la lampe suspendue au plafond arrachée de son support, volait en éclats ; une obscurité profonde, un bouleversement indescriptible régnaient dans la cabine ; au dehors, les grondements ininterrompus du tonnerre, le fracas de la foudre, le rugissement du vent complétaient le chaos. Cet état de choses dura deux mortelles heures.


Alors, la rage des éléments parut se lasser, et les prisonniers, qui ne s’étaient gardés de se voir réduits en miettes, pendant cet assaut imprévu, qu’en se cramponnant de toute la force de leurs bras aux meubles ou aux parois solides, commencèrent à relâcher un peu l’effort de leurs doigts ankylosés.

« Eh bien ! dit Gérard, pour un ouragan, en voilà un soigné !… J’en ai vu de raides en mon temps, mais rien qui approche de ceci ! Aussi pourquoi ce satané commandant demeure-t-il à la surface ? Que ne gagne-t-il le fond, puisqu’il est bâti pour cela, au lieu de nous laisser secouer de cette manière insensée ?

— Il est probable qu’il ne le peut point, dit Wéber de son cadre.

— Comment cela ?

— Quelque chose de détraqué dans la machine… »

Dans le silence relatif de la tourmente, un toc toc se fit entendre alors.

« Entrez ! entrez ! » fit Henri.

Et, la clef ayant tourné, le petit Hindou parut porteur d’une lanterne.

« Je viens voir si les Sahibs n’ont pas besoin de lumière.

— Ah parbleu, oui, nous en avons besoin ! Mais que se passe-t-il donc ?

— Cyclone, dit l’enfant.

— Oui, oui, je m’en doute. Mais pourquoi ne pas plonger ?

— On ne peut pas… quelque chose de cassé par la chute du grand oiseau qui portait les Sahibs. Commandant bien en colère !… »

Un éclair de joie maligne brilla dans les longs yeux d’agate du petit oriental.

« C’est ben fait ! fallait pas qu’il vînt y toucher ! grogna Le Guen.

— En attendant, c’est nous qui en souffrons, dit Henri ; ceci devient intolérable ! »

Car la houle reprenait ; les hurlements, un instant apaisés, recommençaient de plus belle, et des secousses préliminaires faisaient prévoir un second bouleversement général.

« Avez-vous à bord un ingénieur, un mécanicien ? demanda Gérard, s’accrochant derechef à sa couchette.

— Je ne crois pas, Sahib.

— Alors on n’essaie pas de réparer les avaries de la machine ?

— Je ne crois pas. — Que fait-on donc ?

— On peine ferme ! Déjà un homme est tombé à la mer.

— À la mer ! s’écrièrent les quatre Français. Et on n’a pu le sauver ?

— On n’a pas essayé.

— Dans quelle caverne de malfaiteurs et d’imbéciles sommes-nous tombés ? fit Gérard indigné. Je sors d’ici, je vais droit à ce Marston et je lui dis…

— Vous me ferez punir, Sahib ! dit l’enfant se mettant en travers de la porte… Il y a plus d’une heure que Parker a disparu…

— Laisse, Gérard, s’écria Henri avec autorité. Laisse cet enfant obéir à sa consigne et n’attire pas sur lui d’injustes rigueurs. Délibérons plutôt sur la conduite à tenir… »

Mais de délibération il ne fut nouvelles pendant les longues heures qui suivirent. Derechef la tempête se déchaînait, et, comme si elle eût puisé des forces dans cette accalmie momentanée, elle fit rage sans interruption tout au long de la nuit.

À l’aube, le vent était tombé et, profitant de cette paix relative, le petit domestique reparut avec son plateau.

« Eh bien ! que se passe-t-il là-haut ? demanda Gérard à moitié mort d’épuisement. Mais d’abord comment te nommes-tu, mon petit homme !

— Djaldi, votre esclave ! dit l’enfant baisant avec grand respect la manche du jeune Français.

— Mon esclave ! Sache, Djaldi, que partout où paraît un Français, l’esclavage s’enfuit comme un oiseau de malheur !

— Votre serviteur, alors ! Le Sahib a défendu Djaldi contre Jack Tar. Djaldi toujours reconnaissant !

— Voilà un sentiment excellent, dit Gérard en lui passant amicalement la main sur la tête. Eh bien, mon petit ami, fait-on de meilleure besogne ?

— Non, Sahib.

— Comment ? on n’a encore su réparer le dommage ?

— Pis que cela.

— Que veux-tu dire ?

— Un autre homme à la mer… »

Gérard eut un cri de dégoût.

« Non, Henri ! ne me retiens pas ! Quoi ? Nous demeurerions ici à nous croiser les bras pendant qu’on peine, qu’on lutte, qu’on meurt là haut ?… et qu’on entasse, il semble, sottise sur sottise ?… Comment ? reprend-il soudain illuminé. Mais nous avons un moyen sûr de le faire céder, leur crétin de commandant. Ce mécanicien, cet ingénieur qu’il n’a pas et qu’il devrait avoir à son bord, vous êtes là tous deux pour les remplacer. Admettons que vous ne puissiez entièrement réparer les avaries, nul n’est plus compétent que vous, en tout cas, pour juger la question. Et comme c’est une question de vie ou de mort, tant pis ! Je vais de ce pas trouver le seigneur Horace Marston ; il faudra bien qu’il m’entende ! »