Éditions Édouard Garand (p. 21-44).


II


La maison de Jean-Baptiste Morel est située dans le Quatrième rang de Ville-Marie, chef-lieu du comté de Témiscamingue, à un mille environ du village. La terre s’étend, du chemin du Roi vers une colline qu’elle escalade, à l’extrémité, par trois bandes de guéret en pente douce. Cette maison est déjà ce que l’on appelle dans la paroisse une vieille propriété ; elle a bon air. Sans autre clôture, pour la séparer du chemin du Roi, qu’une assez mauvaise claire-voie faite de petites planches de sapin blanchies au lait de chaux, elle a l’air d’avoir confiance dans le passant et offre son bon accueil sans exiger de garanties.

Ce pays du Témiscamingue a cette particularité rare d’être à la fois une contrée de colonisation, relativement nouvelle, et une région où presque tous les habitants, propriétaires d’une terre, peuvent se dire qu’ils sont sur la terre paternelle. C’est qu’en nul autre endroit le défrichement n’a marché avec autant de rapidité qu’au Témiscamingue ; les arbres de ce coin des légendaires forêts outaouaises étaient-ils à peine abattus que les champs surgissaient, s’étendaient et, quand les premiers colons qui défrichèrent les premiers lots durent laisser la place à leurs enfants, les coins de forêts qu’avait attaqué leur hache étaient devenus, déjà, de belles terres, toutes défrichées, claires de souches et de bois, reluisantes. De sorte que les premières missions de ce comté de Témiscamingue, qui date à peine de cinquante ans, sont regardées comme de vieilles paroisses dont les habitants cultivent la terre paternelle.

Entre la maison de Jean-Baptiste Morel et le chemin, il y a un parterre qu’ombragent des saules, quelques jeunes peupliers canadiens et deux ou trois érables à Giguère, biscornus et rugueux. Là, durant la belle saison, grâce aux soins de Marguerite, éclate en couleurs, toute la gamme des produits de la botanique bas-canadienne : des géraniums aux fleurs rouge sang, des « quatre-saisons », des « Saint-Joseph » aux pétales éclatants, des marguerites jaunes et blanches, des pavots aux têtes énormes et touffues, et toute une rangée de touffes sapineuses de « vieux garçon » entremêlées de cœurs saignants. À l’ouest de la maison, l’on voit le potager agrémenté de talles de tournesols dont les grandes fleurs jaunes, brunes au centre, s’élèvent à plus d’un pied au-dessus des clôtures. Ce potager de Marguerite Morel est, chaque automne, un des mieux réussis de la paroisse. Enfin, en arrière de la maison, il y a la cour entourée de rangées de cordes de bois de chauffage et, un peu à l’est, l’on voit les bâtiments qui se composent d’une étable en pièces de bois équarries à la hache, d’une grange très moderne avec pont et silo, et d’une porcherie. À partir des bâtiments, les champs se déroulent jusqu’à la futaie qui couronne la colline du trécarré.

De la maison de Jean-Baptiste Morel on peut voir la partie du lac Témiscamingue qui forme la Baie-des-Pères, l’un des plus pittoresques aspects de ce lac étrange, étroit, long, et qui est un élargissement prolongé de l’historique rivière Ottawa. L’on aperçoit, très nettement, les deux pointes avancées qui enserrent la baie de chaque côté : la Pointe-au-Vin, à l’ouest, et, à l’est, la Pointe-de-la-Mission ou Pointe-aux-Cèdres. Sur cette dernière, l’on voit une maison, vieille et vermoulue, qui fut l’ancien monastère des Oblats et, à l’extrémité de l’autre pointe, les ruines de ce qu’était autrefois le poste de la Compagnie de la Baie d’Hudson. Pendant longtemps, ces deux masures ont été les seules habitations de tout le pays du Témiscamingue. Du trécarré de la terre de Jean-Baptiste Morel, quand le temps est clair, on peut apercevoir, sur la Pointe-aux-Cèdres, un peu en arrière de la Mission, une haute croix de bois blanchi ; elle indique les tombes où dorment du sommeil éternel ceux qui furent les premiers habitants du Témiscamingue : missionnaires Oblats, commis de la Compagnie de la Baie d’Hudson, indiens et chasseurs. Enfin, enserrée entre ces deux péninsules historiques, la Baie-des-Pères, harmonieusement arrondie, formant elle-même un lac, reflète avec complaisance dans ses eaux bleues de ciel, toujours calmes, le village coquet de Ville-Marie, la perle du Témiscamingue.

Du sommet de la colline du trécarré, la vue embrasse, tant loin qu’elle peut porter, un paysage incomparable d’eau et de forêt d’où se dégage la grâce épanouie d’une nature à la fois sévère et charmante. Les côtes de la baie présentent mille aspects offrant tantôt des saillies granitiques brusques, où seules les fortes essences sont parvenues, par un effort commun, à percer la croûte schisteuse qui pèse sur elles, tantôt des plateaux à pentes douces noués les uns aux autres par des chaînes de rocailles et où, par talles serrées et épaisses, boivent la lumière, le guéret, la fougère, la molène commune, la frigoule, les marguerites blanches et les boutons d’or, toutes fleurettes, jaunes et bleues et rouges, qui, joyeuses, font oublier les rudes aspérités d’à côté en répandant autour d’elles sur ces amoncellements la gaîté, la grâce, la poésie… Certains plateaux sont à demi défrichés et l’on y voit des fragments de culture à côté de petites savanes touffues de broussailles et parsemées de roches micacées que le soleil, de temps en temps, allume et fait briller ainsi que de gigantesques diamants.

Ce sol du Témiscamingue est veiné de filons d’argent dont l’exploitation a fait surgir en quelques années, de l’autre côté du lac, en terre ontarienne, des petites villes industrielles qui eurent des jours de grande prospérité et de popularité quasi universelle…

Or, il y a une vingtaine d’années, un riche industriel de Montréal, Monsieur Larivé, — le seul nom par lequel on le désignait dans tout le pays — s’en vînt au Témiscamingue, attiré surtout par l’« auri sacra fames » dont tout le pays exhalait l’odeur. M. Larivé ne réussit pas dans l’exploitation d’une mine d’argent que ses « prospecteurs » avait découverte du côté sud du lac. Il tourna ses yeux vers l’autre versant, celui de Québec. Il trouva ce pays si riche en terre fertile qu’il résolut d’y faire de la haute culture croyant, non sans raison, que cette terre outaouaise serait pour lui plus prodigue de céréales et de foin qu’elle ne l’avait été de lingots d’argent. Il acheta un lot dans le rang Quatre de Ville-Marie et construisit une sorte de villa sur la colline, à quelques arpents seulement du trécarré de la terre de Jean-Baptiste Morel. Une couple d’années après, à la suite d’un « krack » qui ruina son commerce de Montréal, M. Larivé vînt se fixer définitivement au Témiscamingue. Il décida d’employer le reste de sa fortune à agrandir son nouveau domaine. Il acheta plusieurs lots qui aboutaient ou jouxtaient le sien et qu’il faisait défricher à grands renforts d’engagés. Il devînt bientôt le plus grand propriétaire du pays. Commerçant expérimenté et ambitieux, il ne cessait d’acquérir pour agrandir davantage ses terres. Un moment, l’on eut dit qu’il voulait acheter tout le Rang dont les lots ne formeraient plus qu’une immense ferme. Il n’avait plus, en effet, qu’à devenir propriétaire du lot de Jean-Baptiste, Morel pour être maître ensuite, croyait-il, de tous les autres qui s’étendaient de l’autre côté de la ferme Morel.

Mais Jean-Baptiste Morel résistait avec opiniâtreté à toutes les offres alléchantes que lui faisait M. Larivé. Ni pour or ni pour argent, déclarait-il à tout instant, il ne voulait céder la terre que son père avait défrichée aux tout premiers jours du Témiscamingue et qu’il avait cultivée lui-même depuis qu’il était enfant. Cette résistance contrariait vivement M. Larivé qui, chaque saison, ne manquait pas d’aller faire une visite à son obstiné voisin. Le prix qu’il offrait pour sa terre montait, montait toujours ; mais Jean-Baptiste Morel résistait, et l’ancien commerçant de Montréal se heurtait à un mur. La lutte était au plus fort entre le paysan et le grand fermier quand ce dernier apprit le départ du fils de Morel pour la guerre. Il s’imagina qu’il gagnait un premier point, mais, en homme d’affaires avisé, il décida de ne pas brusquer les choses et d’attendre avant de frapper un dernier grand coup. Pendant tout le temps que passa Joseph Morel au front. M. Larivé ne fit à son voisin que des visites de toute simple politesse voulant seulement, comme il disait, tenir le fer chaud. Un jour, en même temps que toute la population de Ville-Marie, M. Larivé apprit la mort héroïque du sergent Joseph Morel. Contraste douloureux entre les deux voisins, le grand propriétaire ne se tînt plus de joie. Le malheur de l’un faisait le bonheur de l’autre, et les jeux de l’ironique destinée continuaient. La partie était gagnée pour M. Larivé ; du moins il le croyait ; Jean-Baptiste Morel, faute des bras de ce fils, vendrait sa terre, le propriétaire n’en doutait plus. Il attendit encore quelques jours, laissa « couler le deuil » dans la famille Morel puis, un soir, il tenta de nouveau le siège de la terre convoitée.

Jean-Baptiste Morel venait de se mettre à table avec Marguerite, pour le repas du soir, quand M. Larivé entra :

« Bonjour, voisin », fit-il, « comment ça va-t-il ? J’ai appris, tout dernièrement, votre grand malheur mais un voyage que j’ai dû faire à Montréal m’a empêché de venir vous offrir plus tôt mes sympathies. Votre fils a été un brave et je dois vous féliciter en même temps que j’ai le devoir de compatir à votre douleur. »

— Merci bien, M. Larivé, merci bien ; vous êtes bien aimable. Quant à moi, comme vous voyez, l’appétit va pas mal et l’appétit, c’est comme le gouvernement, quand il va, tout va, comme on dit.

— En effet, M. Morel, vous avez une mine fraîche qui fait plaisir à voir. Je crois, ma foi, que vous rajeunissez, tandis que moi, là, je vieillis à vue d’œil. De quoi cela dépend-il donc, je vous le demande ?

— Dam ! monsieur, on l’aime tant qu’on veut pas l’abandonner, vous savez… Plus ça nous tient et plus ça nous rajeunit…

— Oui, oui, je sais, « fit avec un geste ennuyé, le fermier amateur… » Alors, vous êtes toujours satisfait, tant mieux ! J’en conclus que la récolte est bonne, cette année ?

— Assez, assez ; pour dire qu’elle est fameuse, elle n’est pas fameuse, mais pour dire qu’elle est mauvaise, elle n’est pas mauvaise… Et les affaires, comment ça va, M. Larivé ?

— Tout à fait encourageantes, M. Morel. Justement, je viens vous voir à propos d’une affaire, d’une belle affaire de mines… Vous savez que je m’y intéresse toujours à ces diables de mines, et je veux vous y intéresser vous-même, M. Morel. On vient de localiser un beau « claim » à pas plus de dix milles d’ici, du côté du lac. C’est une bonne affaire dans laquelle il y a des fortunes à réaliser, comme à Cobalt, vous savez. J’ai tout de suite pensé à vous et je me suis dit : « Il faut absolument faire profiter M. Morel de l’occasion. Je m’en serais voulu de vous avoir oublié.   »

— Vous êtes bien bon. M. Larivé, vous êtes bien bon et encore une fois : merci ! Mais vous savez que j’ai pas d’argent à risquer dans ces affaires-là. Et puis, vous m’connaissez, si j’en avais, de l’argent, je m’en servirais pour acheter une autre terre, celle de mon voisin, par exemple, Jos. Rainville… Ces mines-là, vous savez, j’ai pas beaucoup confiance en ça. Enfin, c’est mon avis.

— Mais, mon cher voisin, si vous n’avez pas aujourd’hui de fonds à placer, vous pouvez en avoir demain, tant qu’il vous plaira. Ne vous ai-je pas offert pour votre propriété le prix qui vous conviendrait ? Fixez vous-même ce prix, d’ailleurs ; il est accepté d’avance. Avec cet argent, vous achèterez la terre que vous voudrez, quoi ! si vous n’avez pas confiance aux mines, hein ? Qu’est-ce que vous répondez à ça ?…

— Monsieur Larivé, j’vous répondrai que pour l’heure je n’ambitionne pas d’autre fortune que celle que j’trouve dans la culture des champs que m’a laissés mon défunt père. C’est une petite fortune, vous me direz, mais elle est solide et elle me contente. Moi, j’trouve que quand un homme est assez heureux pour posséder un bien, même un p’tit bien comme le mien, c’est une folie de courir après c’que vous appelez une fortune dans les mines. La terre, moi, monsieur Larivé, je trouve qu’il y a qu’ça ; en dehors, j’crois qu’il y a pas grand’chose. C’est dur, si vous voulez, c’est fatiguant, c’est éreintant et il faut trimer d’un bout de l’année à l’autre pour arriver à vivre, mais on aime ça quand même. Vous aussi, monsieur, vous aimez ça, et pourtant vous avez d’là fortune ailleurs. Il est vrai que vous faites ça pour passer le temps, mais n’importe. Vous aimez ça, hein ? et alors, vous trouvez pas qu’les autres ont des raisons de tenir à leur terre ? Moi, mon rêve, c’est de tâcher d’agrandir encore la mienne. C’est vrai que je suis tout seul, mais des temps meilleurs viendront sous ce rapport-là. C’est tout c’que j’veux pour le moment, en attendant mieux.

— On ne saurait, mon cher voisin, ni mieux penser ni mieux dire. J’admire votre raisonnement et j’approuve votre ambition, mais je serai franc avec vous, M. Morel. Vous êtes maintenant seul pour cultiver votre lot, vous venez de le dire, et les ans vont vite… Votre fils s’est éteint là-bas de la mort des héros. Vos deux bras seuls assurément ne peuvent continuer l’œuvre commencée par votre père. Les circonstances sont contre vous, M. Morel, contre vous ; c’est malheureux mais vous ne pouvez rien contre. Vous aimez la terre, la culture, dites-vous, qu’à cela ne tienne ! Je viens de vous le dire, je veux payer pour votre terre le double de ce qu’elle vaut. Avec cet argent, qui vous empêche de vous acheter une autre terre, ailleurs, plus grande même, si vous voulez, plus belle. Ah ! je vous tiens, monsieur Morel, cette fois, je vous tiens.

— Pas tant que ça, M. Larivé, je vous répète que je serais bien content d’vous rendre service mais il y a une chose que tout votre argent ne pourrait pas acheter ni payer : c’est l’âme de ma terre, de ma maison. Vous comprenez pas ça ? Moi, j’peux m’expliquer mal, mais je l’comprends. Ma terre, voyez-vous, elle me rappelle toutes sortes de choses, des affaires tristes, comme la mort des miens, et des affaires joyeuses comme quand ma fille est venue au monde, et encore bien des choses, des choses de rien, si vous voulez, mais qu’on se souvient toute sa vie. Ma terre, elle me rappelle surtout mon défunt père qui l’a ouverte avec moi ; elle m’fait souvenir encore à ma pauv’ femme qui en a tant arraché dans les premiers temps de not’ ménage à mener le train toute fine seule ; enfin, elle m’donne encore le souvenir de mon pauv’ garçon qu’est parti d’ici…

Jean-Baptiste Morel s’arrêta. Une subite émotion le serrait à la gorge au souvenir des chers morts…

M. Larivé fut touché mais non désemparé par les dernières paroles de son voisin. Il capitula pour l’instant se promettant bien toutefois de revenir à la charge.

« Allons », fit-il en se levant, « n’en parlons plus ! Croyez, monsieur Morel, que votre grand amour pour le pays natal me touche profondément… j’attendrai… »

— Qu’est-ce que vous attendrez, M. Larivé ? Ma mort ?… Je vous dis que j’suis de bonne terre ; vous verrez.

Le grand propriétaire se retira. Mais malgré sa vaine tentative, il ne s’en tînt pas moins sûr de la victoire finale. M. Larivé ne cessait de se dire que Jean-Baptiste Morel, seul, ne pouvait continuer l’exploitation de son lot et qu’il ne pouvait plus longtemps lui-même tenir à la besogne. Il savait que la main d’œuvre agraire était rare et coûteuse. Un jour, Jean-Baptiste Morel lui avait dit, lors d’une autre rencontre, qu’il comptait, pour continuer la culture de sa terre, seulement sur le gendre que Marguerite lui donnerait en se mariant et qui devait être dans son esprit, le fils d’un cultivateur de la paroisse qui continuerait ainsi l’exploitation du bien paternel ; mais toutes ces conditions futures rendaient, chez M. Larivé, ce côté de la question plutôt problématique. Il attendrait donc.

Mais M. Larivé comptait sans la Providence qui semble souvent cruelle mais qui se montre aussi, parfois, bien plus que rarement assez avisée. Cette fois, elle allait rendre bien moins certaine qu’il ne l’avait pensé la victoire que se promettait le propriétaire dans sa lutte avec l’irréductible Jean-Baptiste Morel…

Ce dernier, pendant longtemps, ne se rendit pas compte lui-même des conséquences de l’événement considérable qui survînt tout à coup dans sa vie monotone et qui allait en changer la face selon les prévisions de ses plus chers désirs. Il se trouva même qu’en dehors de sa volonté, il se mit à lutter contre ses propres intérêts, contre l’avenir de sa terre qu’il avait tant à cœur, contre l’âme de sa maison qu’il voulait si ardemment garder.

L’événement fit sensation dans toute la paroisse.


Même les paroisses relativement nouvelles de colonisation en pays québécois se déboisent avec une rapidité consolante, il est vrai, pour l’agriculture en général, mais inquiétante, doit-on penser, pour les futurs cultivateurs. Les défricheurs de la forêt travaillent avec la hâte fiévreuse de voir le plus tôt possible les blés et les avoines remplacer les grands bois, les taillis et la brousse. Mais ils vont trop loin et leur hache, impatiente, va trop vite. Des colons ambitieux n’auront de bonheur, semble-t-il, que le jour où ils verront tomber le dernier arbre de leur lot, du moment, bien entendu, que la loi leur permettra de défricher sans discernement et à hache que veux-tu. L’arbre est l’ennemi du colon défricheur ; le premier a tellement fait souffrir le second, pendant les premières et dures années de l’« établissement », qu’il semble que les deux, pourtant naturellement amis, ne pourront jamais plus se souffrir l’un l’autre. Il faut que l’un d’eux disparaisse, et c’est l’arbre. Mais ce dernier verra vite le jour de la revanche. Plus tôt que tard, le colon devenu cultivateur, et propriétaire d’une ferme toute ensemencée, sentira qu’il a besoin de l’arbre autant qu’il désirait la terre ; et nos rudes hivers, chaque année, viendront, mais trop tard, tendre à l’ancien colon imprévoyant et rancunier, de la part de l’arbre oublieux des injures et des brutalités, la branche d’olivier…

Car le colon, dans sa rage contre la forêt qu’il voudrait abattre toute d’un seul coup de hache, n’a pas pensé que, plus tard, l’arbre devait être le combustible indispensable à son foyer. Sa terre produit, à présent, à partir du chemin du roi jusqu’au trécarré, ses granges pleines de céréales dorées, ses caves débordantes de légumes, mais elle ne peut presque plus lui fournir la moindre bûche pour alimenter le gros poêle « à trois ponts » qui est chargé de rendre à la famille la vie supportable pendant les interminables et rigoureux hivers laurentiens. Et l’on voit aujourd’hui, même dans de très jeunes paroisses du « pays de Québec », de vieux cultivateurs qui étaient colons dans leur jeunesse, parcourir, pendant l’hiver, chaque jour, plusieurs lieues, souvent par des tempêtes effroyables, pour aller chercher le bois de chauffage nécessaire qu’ils demandent maintenant à la forêt que, naguère, leur hache, inconsidérément a fait reculer au fond de l’horizon. Même, dans certaines paroisses du jeune Témiscamingue, la forêt s’est enfuie si vite et si loin sous la cognée du défricheur, que le problème du combustible est devenu d’une solution difficile et qu’elle exige pour le cultivateur du temps et, partant, de l’argent. Tel était le cas d’un grand nombre de cultivateurs de Ville-Marie. Tel était celui de Jean-Baptiste Morel. On avait bien conservé des arbres pour le jardin ; l’on avait pas pensé au chauffage…

Cet hiver-là, pendant les mois de janvier et de février, Jean-Baptiste Morel allait chercher son approvisionnement de bois de chauffage à plus de cinq milles de Ville-Marie, sur la Pointe-au-Vin où il avait acheté un lot en bois debout qu’il destinait à lui servir de réserve de bois de chauffage. Pour s’y rendre, il avait à traverser toute la Baie-des-Pères, sur la glace. Et cet hiver fut particulièrement rigoureux. La neige tombait en abondance depuis le commencement de décembre, et le froid, très vif, chaque jour davantage, faisait monter continuellement, en une ligne verticale, dans le ciel bas et bleu d’acier, la fumée des cheminées qu’il fallait alimenter constamment.

Un midi, Jean-Baptiste Morel était parti pour la Pointe-au-Vin. Le vent soufflait légèrement et il faisait un froid « sapin ». Pendant la nuit précédente, la neige était tombé à ciel que veux-tu et tout le village, jusqu’au lointain des hauteurs des terres, était si blanc que l’œil ne le regardait qu’avec peine sans se mouiller ; l’on eut dit de lui une immense fleur blanche éclose pendant la nuit entre le ciel et la terre. Le firmament était bas et il semblait que l’horizon s’était rétréci au point de ne contenir que les limites restreintes du village. Dans l’après-midi, le vent cessant, la neige s’était remise à tomber à flocons pressés et épais. Puis, de nouveau, le vent s’était levé, d’abord par bouffées, puis, en rafales prolongées. Il se forma tout à l’entour de la baie comme un rideau de tulle qui s’abaissait et se levait au gré de la bourrasque ; du large, à travers ce rideau et dans les éclaircies, le village disparaissait ou se mettait à danser la sarabande.

La nuit, pendant nos tourmentes hibernales, tombe plus vite comme pressée d’ajouter à l’effroi du vent qui siffle et fait cingler la neige humide, l’horreur de l’obscurité. Bien qu’il fut à peine quatre heures, il faisait déjà noir sur la Pointe-au-Vin où Jean-Baptiste Morel, sa traîne chargée de deux cordes de grosses bûches de merisier, s’est mis en route pour revenir à la maison. Il lui faut de nouveau traverser toute la baie et il aura à lutter à la fois contre l’obscurité et contre la neige qui a fait disparaître toute trace de chemin sur la glace. Pas une seule balise, en effet, n’est restée debout pour indiquer la route improvisée que barrent d’immenses falaises de neige. La tempête maintenant siffle et râle plus fort ; le froid devient plus vif et la neige cingle comme un fouet. Le cheval, aveuglé, marche péniblement, la tête baissée, se laissant guider au petit bonheur, menaçant à chaque instant de s’abattre ou de rester embourbé au milieu d’un banc de neige.

Soudain, Jean-Baptiste Morel, qui marche en haletant à côté de son cheval, pousse un cri et arrête sa bête d’un coup bref de ses cordeaux. Au bord du remblai d’une falaise qui fait le gros dos par-dessus le chemin, il vient d’apercevoir comme deux bras étendus. Il s’est baissé aussitôt et, de ses pieds et de ses mains, il a fait un trou dans la neige molle et fraîche, et il a découvert le corps d’un homme qui semblait vivre encore.

Poser ce malheureux sur sa charge de bois, le couvrir de son lourd et épais capot d’ours, presser la marche de son cheval un peu reposé par la courte halte qu’il venait de faire, fut pour Jean-Baptiste Morel l’affaire d’une minute. Il n’y avait pas de temps à perdre ; il fallait arriver assez vite pour sauver ce malheureux. Heureusement, quelques instants après, il y eut une longue accalmie ; le vent diminua en violence et la neige cessa de tomber. Mais le froid avait comme redoublé. Il mordait les membres et frimassait hommes, bêtes et choses.

Vers six heures, Jean-Baptiste Morel arrivait à la maison où Marguerite l’attendait dans la plus profonde inquiétude. Prestement, il déposa dans la grand’salle chaude et claire le malheureux qu’il avait trouvé là-bas et, sans plus d’explications, le recommanda à sa fille pendant qu’il courait à l’étable dételer et soigner son pauvre cheval épuisé…

Sur le grand lit double où on l’a déposé, l’homme semble bien mal. Il ne peut articuler un mot mais il respire encore librement. De temps à autre, il ouvre les yeux mais les referme aussitôt. Sa vision, trouble, entrevoit, comme en rêve, toutes sortes de choses étranges. Il se sent d’abord reposer sur quelque chose de moelleux, puis il voit deux formes près de lui : l’une grande et forte, l’autre svelte et délicate, qui remuent beaucoup et se penchent souvent au-dessus de lui. Il sent qu’une douce chaleur envahit tout son corps. Cette chaleur l’engourdit d’abord, puis, cherche à lui fermer les yeux pour longtemps. Il a tout-à-coup la sensation qu’il s’endort pesamment et il ne fait aucun effort pour échapper à ce sommeil où il se plonge avec volupté. Mais il continue de voir encore bien des choses, et fort étranges, et si différentes cette fois, des premières, mon Dieu !… D’abord, ce fut une petite église avec des bancs de bois, puis des troupeaux de chèvres qui paissaient entre des tas de troncs d’arbres coupés et des rocailles ; puis une route grise qui dévalait en pente douce dans une vallée… puis, une diligence d’où il entendait des claquements de fouet… Ensuite, il voit un vieux mendiant qui se tient sur le perron de la petite église et qui tend la main à ceux qui passent ; il voit encore une petite maison avec un toit de briquettes et une échelle qui est posée dehors et qui grimpe sous le toit ; la maisonnette a des vitres fendillées. Ensuite, il voit… Que sais-je ? Il voit une femme au visage très doux et un homme qui a l’air grave et soucieux… La vision change encore. Le malade se sent au carrefour d’un bois de châtaigniers, et il porte sur ses épaules un petit sac dans lequel il y a du linge frais, du pain et des fromageons de chèvre avec quelques oignons doux. Il se détourne et aperçoit à côté de la maison au toit de briquettes et aux vitres fendillées, trois silhouettes : deux petites filles qui agitent leur mouchoir et une vieille femme qui pleure… Puis, il ne voit plus rien et c’est comme un grand trou d’ombre…

Mais un peu plus tard, il sent qu’il ouvre les yeux, cette fois, à la réalité. Il est lourd ; il a mal à la tête et la poitrine lui pèse. Il voit à son chevet penchée sur lui une grande jeune fille qui lui présente un bol qui fume et, au pied du lit, un homme qui le regarde attentivement. Puis, le souvenir lui vient, peu à peu, péniblement, comme d’un rêve, au sortir d’un sommeil troublé… C’est une histoire que, dans quelques jours, quand il renaîtra complètement à la vie, il racontera à Marguerite et à Jean-Baptiste Morel, ses sauveurs…

Il s’appelle Léon Lambert et c’est d’un petit village des âpres Cévennes françaises, aux pieds des Garrigues, qu’il est parti, il lui semble qu’il y a bien longtemps. Un jour, après la guerre pendant laquelle il s’était battu à peu près sur tous les fronts, son père lui avait dit : « Fils, nous sommes pauvres et il n’y a pas grand’chose à faire pour toi, ici ; mes bras suffisent pour cultiver notre petit champ et tes sœurettes peuvent garder la cabra. Il vaut mieux t’en aller dans les villes pour faire ta vie ; il y a bien la vendange à faire au pays bas, mais ça dure peu. Vaut mieux aller plus loin ; dans l’Amérique des Américains, à l’autre bout de la mer, on dit que personne n’est de trop et qu’on y ramasse de l’or par terre ni plus ni moins que des châtaignes en nos châtaigneraies… »

Il aurait bien voulu ne pas partir. Cela remue toujours si cruellement le cœur de quitter les siens et de s’en aller de la maison qu’on aime et de la terre qu’on a travaillée… Il y avait aussi, à part le père, la mère et les deux sœurettes, Louise, qui, depuis le retour de la guerre faisait chanter son cœur plus qu’il ne l’eut voulu dire. Mais il partit quand même. La mère avait beaucoup pleuré et les petites sœurs aussi. Au moment de prendre la route qui descendait dans la vallée, il avait vu disparaître la maison derrière le four communal.

Et après ?… Après, oh ! que de choses et comme le monde est grand, mon Dieu ! Les souvenirs se brouillaient un peu dans sa tête malade. Il avait d’abord, longtemps, traîné de ville en ville, cherchant du travail et n’en trouvant que rarement. Dans ces villes où il y avait si peu de choses qui ressemblaient à ses montagnes, il avait été effrayé et il avait mis du temps à se remettre de son émotion. Ce n’était pas tout. Il avait traversé la mer qui lui avait fait grand’peur pour venir en Amérique où on lui avait dit qu’on trouvait de l’or par terre. Là encore, il traîna d’une ville à l’autre pendant longtemps. Une grande crise traversait le pays et partout chômaient les ouvriers. Puis il vint au Canada et arriva, un jour, à Montréal. Là on lui avait dit ; « Il y a vers le nord, des mines d’argent : c’est loin, à Cobalt, près du Témiscamingue… » Il voulut y aller, chercher de l’argent et peut-être aussi de l’or. À Cobalt, on le découragea ; les mines ne donnaient plus. On désertait la ville, on renvoyait les ouvriers et toute la région se dépeuplait des chercheurs d’or qui étaient venus, naguère, s’y implanter… « Que ne te fais-tu colon ? » lui dit, un jour, un employeur charitable à qui il demandait du travail ; « là, de l’autre côté du lac Témiscamingue, il y a un pays riche en culture et où les gens parlent ta langue. » Il résolut de s’y rendre.

C’était l’hiver ; le temps était beau, la glace du lac solide et le chemin bien balisé. Léon Lambert, un matin, partit seul, à pieds, en sifflotant un air du pays cévenole qui lui revint soudain et qui lui fit longuement penser, pendant qu’il marchait, guilleret, sur le chemin de glace, à la maisonnette au toit de briquettes et aux vitres fendillées, à la mère ridée et aux petites sœurs. Il marcha longtemps, pensant et sifflant, dans l’air pur et sain de l’espace immensément libre du lac. Mais il commençait à faire froid. Il toucha son paletot et vit qu’il était gelé. Il s’aperçut aussi que l’obscurité venait par grandes foulades à travers le lac. Quand le soir fut arrivé tout à fait, le vent se mit à souffler, poussant une neige fine et serrée comme il n’en avait jamais vu dans les Cévennes, ni ailleurs. Oh ! alors, ce fut raide et l’émigré n’eut plus envie de siffloter. D’abord, ses jambes faiblissaient. Depuis tant d’heures qu’il marchait ! Ses pieds étaient gelés. Il hasardait plusieurs enjambées, s’arrêtait une minute, s’orientait, puis, faisait encore quelques pas, très vite, tantôt ci tantôt là, aveuglé par la neige. À tout moment ses pieds butaient contre des glaçons saillants. La neige dure et piquante lui coupait la figure et il lui semblait qu’il sortait du sang de ses joues. Il leva, un moment, la tête et, tout à coup, son regard rencontra, à travers le rideau mouvant de la poudrerie, la ligne sombre d’un bois. C’était la Pointe-au-Vin. Il ne connaissait pas ce nom-là, pour l’instant, mais peu lui importait. Et le vent et la neige, glacés toujours, lui brûlaient les yeux, lui tiraient les lèvres, lui déchiraient les joues, lui brisaient l’énergie. La tête prise, la cervelle lourde, machinalement, il marcha vers la pointe. Les arbres avaient l’air de l’appeler ; il entra sous les arbres. Il y fait moins froid et le vent ne lui fouette plus le visage. Il l’entend seulement hurler, miauler, grincer, se lamenter au-dessus de la tête, dans les branches gémissantes. Mais dans le bois, il fait noir comme au fond d’un puits. Alors, il se mit à avoir peur. S’il venait des loups qu’il n’entendrait pas à cause du vent !… Tout autour de lui était affreusement noir et il lui semblait que le vent hurlait des malédictions. Ces arbres étaient quand même hospitaliers et il lui faut, coûte que coûte, passer la nuit sous leur protection. Il s’assit sur un tronc pour se reposer une minute ; mais il se releva vite ; c’était dangereux de s’asseoir ; son corps pouvait s’engourdir et rester là. Il marcha se cognant contre les arbres. Il rencontra un gros sapin aux branches épaisses et feutrées. Il s’y abrita et, lourd de fatigue, s’assoupit. Quand, plus tard, il se réveilla soudain, sous les élancements du froid, les lueurs pâles du jour filtraient à travers les arbres. Il eut toutes les peines du monde à se remettre sur ses pieds et à faire les premiers pas. Ses jambes étaient engourdies et paralysées. Il tomba, un pied pris dans une racine à fleur de neige ; il se releva, marcha encore et atteignit l’autre versant de la pointe. De loin, il entrevit vaguement le village de Ville-Marie et cela ranima son courage. Pendant plus de deux heures il ne put avancer que de quelques arpents, tellement ses jambes étaient faibles et gelées. Non, jamais, il n’arrivera à traverser la baie et à gagner le village !… C’était fini, il allait mourir, gelé, ici !… Pour comble, le vent qui avait cessé, le matin, se remit à souffler, poussant la neige avec furie, l’amoncelant en tas énormes, devant lui. Il voulut faire un effort suprême pour retourner sous les arbres de la pointe où pour mourir il serait mieux que sur cette plaine glacée de la baie… Un sursaut plus fort, un glaçon plus saillant que les autres et le petit Cévenole roula lourdement, les bras en avant, la tête dans la neige, tout son corps étendu en travers du chemin de glace de la Baie-des-Pères…

L’on a vu comment, quelques heures après, il fut retrouvé par Jean-Baptiste Morel qui retournait au village avec sa charge de bois…


Léon Lambert fut longtemps malade et l’on pensa plusieurs fois qu’il allait mourir. Mais les soins maternels de Marguerite et les attentions de Jean-Baptiste Morel, et aussi sa forte et jeune constitution, eurent raison des coups de la maladie. Vers la fin d’avril, le médecin du village qui était venu souvent voir le jeune émigré, déclara qu’il était sauvé. Le printemps qui arriva très doux et plein de soleil acheva l’œuvre de résurrection.

Un matin de mai, Léon Lambert annonça à son bienfaiteur qu’il se sentait assez bien pour travailler et il lui demanda la permission de le quitter pour aller gagner de l’argent, quelque part sur une ferme, afin de s’acquitter envers lui, d’abord, et ensuite, se faire colon dans le pays, lui disant qu’il était venu pour cela, au prix de quelles souffrances, au Témiscamingue.

« Ah ! comme ça, tu veux cultiver la terre ? » lui demanda Jean-Baptiste Morel avec cette rondeur particulière aux habitants bas-canadiens à l’égard de tout étranger, « tu veux cultiver… De fait, tu m’parais bien pris, capable, c’est tout ce qu’il faut !… Mais tu t’plais donc pas chez nous ?… »

— Ah ! Monsieur Morel, « fit avec émotion le jeune Français », vous me faites injure. J’ai goûté chez vous un peu du ciel et le ciel complet serait d’y rester. Mais je n’ai pas d’argent et ne puis vous payer vos bons soins. Laissez-moi aller m’en gagner et dites-moi seulement où je puis avoir du travail en cultivant comme j’ai toujours fait dans mon pays avant que j’aie fait la guerre…

« Ah !… ah !… ah !… mais, comme ça s’adonne, jeune homme ! » s’exclama, joyeux, Jean-Baptiste Morel, « comme ça s’adonne ; tu sais cultiver la terre et t’as été à la guerre !… Ce serait curieux qu’t’aies connu mon garçon, là-bas, hein ?… Il s’appelait le sergent Joseph Morel. C’était mon seul garçon et c’est à lui que revenait ma terre, moi mort… » Et le fermier ajouta, subitement triste : « C’est lui qui m’a laissé le premier et me voilà sur ma terre avec ma fille. Tu comprends que je commence à faiblir à la faulx et à la charrue et il m’faut de l’aide. Mais les engagés sont rares, c’est effrayant. Ça fait que si ça continue, j’m’verrai obligé d’vendre ma terre qu’a été défrichée par défunt mon pauv’père et qu’il m’a laissée en m’disant d’y prendre bien garde, de l’améliorer, de l’agrandir, si c’était possible… Vois-tu, jeune homme, mon père est mort, ici, dans cette chambre…  »

Jean-Baptiste Morel allait instinctivement recommencer toute la litanie de ses éternelles doléances… Il s’en aperçut et revint à Léon Lambert : « Pour lors donc, si t’aime à cultiver la terre et si tu te déplais pas, ici, en not’ compagnie, t’as qu’à rester, je n’demande pas mieux et j’crois qu’on va s’accorder. Tu m’aideras en attendant mon gendre…

L’émigré réfréna sa joie et ne crut que simplement répondre : « En nos rudes campagnes cévenoles, la terre est tour à tour argileuse et empierrée, mais toujours résistante et forte ; elle veut des hommes de fer que la nature arme solidement pour le combat terrible de la culture… Et me voilà M. Morel… »