Le Foyer et les Champs/L’ange envolé

Le Foyer et les ChampsSociété centrale de librairie catholique (p. 56-58).

L’Ange Envolé.

.  .  .  Faut-il croire ce que disaient nos pères
Que lorsqu’on meurt si Jeune on est aimé des dieux !
Musset.


Oh ! laissez-moi vous la narrer
Cette simple et touchante histoire,
Qui m’a fait bien souvent pleurer
En s’éveillant dans ma mémoire !

C’était à ce beau mois de mai,
Paré de fleurs, plein de murmure,
À ce mois tendre et parfumé
Où se réveille la nature.

On conduisait un jeune enfant
À l’église, entouré de langes,
Pour le rendre, en le baptisant,
Aussi pur que les petits anges.


Près de l’autel illuminé
Voici qu’arrive le cortège ;
Et sur le front du nouveau-né,
Blanc comme les flocons de neige,

Un prêtre vient mettre le sel
De sa main vieillie et tremblante ;
Puis il épanche l’eau du ciel
Comme la rosée à la plante.

Chacun sent son cœur attendri
Et des larmes à sa paupière ;
Pour le petit être chéri
Chacun fait monter sa prière…

Soudain, comme un oiseau blessé,
L’enfant pousse un murmure étrange…
On s’empresse… il était glacé…
Il était mort, le nouvel ange !…

Venu rose de la maison,
Il alla blême au cimetière ;
Et tous ont oublié son nom,
Hormis la pauvre croix de pierre !…

Hélas ! l’hiver touche au printemps,
Et la mort touche à la naissance ;
La pauvre mère, en peu d’instants,
Va de la joie à la souffrance.


L’aube a son sourire et ses pleurs,
L’air, ses vautours et ses colombes ;
Sous la verdure et sous les fleurs.
Naissent les berceaux et les tombes !

On fait souvent un linceul froid
D’un voile de fête splendide :
On construit un cercueil étroit
Avec le bois d’un berceau vide !…