Charles Rozez (p. 115-120).

XIII. — Coutumes diverses.

La maison et le foyer.

1525. Avant d’entrer dans une maison neuve, on la fait bénir du curé (Laroche).

1526. Lorsque quelqu’un est mort dans une maison neuve, ne fût-ce qu’un chat, on peut aller y habiter sans danger. Elle est sègnèy « signée ». Jadis à Liége, avant d’entrer dans une maison neuve, on y enfermait un chat qu’on laissait crever de faim.

1527. Quand on entre dans une nouvelle maison, un nouvel appartement ou une maison neuve, on doit d’abord y transporter un crucifis, de l’eau bénite et une branche de buis bénit.

1528. On doit aussi répandre du sel dans les quatre coins d’une chambre, surtout si l’on croit la maison hantée (Liége).

1529. L’installation dans une maison est célébrée par un repas ; cela s’appèle pint’ li krama « pendre la crémaillère ».

1538. On ne donne pas volontiers du feu, bien qu’il soit d’usage qu’une femme en retard aille chercher une pelletée de feu chez une voisine plus matinale (Laroche).

1540. Un miroir cassé annonce sept ans de malheur.

Aliments et repas.

1544. Fabrication du pain. — À Laroche : 1o on fait avec la main le signe de la crois sur la maie, quand on y a versé la farine : on sign’ li mê « on signe la maie » ; 2o on signe le levain en le mettant dans la maie ; 3o le lendemain, on pétrit et quand la pâte est faite, on y imprime en creus avec la main la forme d’une crois et on la signe. À Herve, on verse de l’eau bénite dans la pâte.

1548. Les heures habituelles et les noms des repas sont : 6 heures : didjuné « déjeuné » ; 10 heures : fé dî-h eûr « faire dis heures » (Liége), hyolé (Vecmont près Laroche) ; 12 heures : dîné, marèdé (lat. merendare) [Vecmont], fé l’ nô-n (Herve) : 4 heures : beûr li kafè « boire le café » ou fé kwatr eûr « faire quatre heures » (Liége), riciné (lat. recenare) [Vecmont] ; 7 heures : sopé « souper ».

1550. Avant d’entamer le pain qui est de forme ronde et aplatie, on fait une crois avec le couteau sur la face inférieure.

1551. On ne doit jamais mettre le pain à l’envers. Quand le pain est renversé sur la table, on dit à Nivelles : mèté l’ pin kom i fó ; èl dyâl è din l’ mêzo « mettez le pain comme il faut ; le diable est dans la maison » ; à Liége : « le diable danse dessus ».

1552. Enfoncer la pointe d’un couteau dans le pain, c’est faire pleurer la Vierge (Herve).

1553. On ne doit pas marcher sur un grain de sel.

1554. On dit que la viande de cheval donne des clous (Liége).

1557. On ne doit pas manger de pain le jour de la Saint-Hubert, ni de viande le jour de Pâques, pour se préserver des maus de dents (Rossignol, prov. de Luxembourg).

1558. Celui qui mange des pommes la veille de Noël, le mercredi des cendres, le Jeudi-Saint ou le Vendredi-Saint, aura des clous l’année suivante.

Mets traditionnels.

1560. Le mardi-gras, — autrefois aussi les jours de pleine lune, — on mange à Liége les pan doré « pains dorés », biscottes qui ont mijoté dans un lait de poule et que l’on a frites à la poêle avec du beurre.

1561. On appèle boûkèt’, dans la province de Liége, une crêpe faite de pâte très délayée de farine de boukêt’ « sarrazin » et frite à la poêle avec du beurre ou de l’huile. On ajoute souvent à la pâte des « corinthes » ou des ronds de pomme. On mange les « bouquettes » chaudes, saupoudrées de sucre, ou froides, garnies de sirôp’ « confiture de pommes ». C’est le mets consacré du réveillon. On les mange alors, d’ordinaire, en buvant du vin chaud.

Le ménage et la famille.

1563. À la campagne, le chef de famille et sa femme sont appelés nos’ més’ « notre maître » et nos’ dam « notre dame » par leurs domestiques et les étrangers qui entrent dans la maison, soit qu’ils leur parlent, soit qu’ils en parlent. Les épous se donnent également ces titres entre eus.

1564. La paysanne, parlant à ou de son mari, quand elle ne dit pas simplement nos’ mês’ ou nost’ om, l’appèle par son nom de famille, jamais par son prénom.

1571. Les garçons sont appelés valè, litt. valets ; les filles, bâsèl [ancien français baissele et (sous l’influence de bachelier) bachele].

1572. Les enfants ne tutoient pas leurs parents.

Les domestiques.

1576. La bonne qui entre le lundi brise tout ; celle qui entre le dimanche ne reste pas (Liége).

1580. Les domestiques à la campagne se louent pour un an. L’année de service commence généralement à la Saint-Martin (11 nov.) dans la province de Liége, à la Toussaint dans la province de Namur.

1581. En engageant une servante, on lui donne un dnî-Dyè « denier à Dieu » ou ègadjmin « engagement » . Qu’elle soit engagée au mois ou à l’année, elle le conserve, si elle reste, plus de sis mois en Ardenne, plus d’un an à Liége, ou si ses maîtres lui donnent congé avant ces délais.

1582. Si, un mois avant la fin du temps de service, le maître n’a pas réengagé (ridmandé) le domestique engagé à l’année, celui-ci est considéré comme renvoyé.

1583. Un domestique loué au mois est réengagé tacitement, si on ne lui donne pas congé quinze jours à l’avance.

1584. En Ardenne, vers le milieu du siècle, on donnait comme gages annuels à un domestique de ferme sî pès’ « sis pièces » (de cinq francs) et une paire de souliers à Noël.

Métiers et occupations.

1585. Les maréchaus remplissent souvent l’office de médecins, de dentistes et de vétérinaires. Beaucoup rentrent dans la classe des sègneu (nos 616 et ss.)

1589. Le cabaret à la campagne se distingue des autres maisons par deus petits disques de cuivre collés à la fenêtre (prov. de Liége) ou un rameau de genévrier au-dessus de la porte (rive droite de la Meuse),

1596. En Ardenne, le pâtre public, vacher, porcher ou chevrier, est rémunéré de ses services de la manière suivante : chacun des particuliers lui donne une somme modique et de plus le nourrit et le loge autant de jours qu’il lui a confié de têtes de bétail.

Ventes.

1599. À Liége, une marchande tient à recevoir le lundi comme première cliente une personne « ayant une bonne main ». Beaucoup de femmes font même leurs emplettes le lundi matin pour porter bonheur pour la semaine à leurs fournisseuses ; cela s’appèle lè strimé « les étrenner ». La marchande exige d’ordinaire dans ce cas un petit acompte et fait un signe de crois en tenant à la main la première pièce de monnaie.

1600. Le sou remis par l’acheteur en confirmation d’un marché doit être donné par le vendeur au premier mendiant.

Donations enfantines.

1601. Pour rendre irrévocable une donation qui vient de lui être faite par un petit camarade, un enfant de Liège touche ou baise un objet en fer en disant :

Krâ boyê,
Matî L’ohê,
Vo n’èl râré pu jamé ;
Dj’a bâhî dè fyèr.

« Boyau gras,
Mathieu L’os,
Vous ne le raurez plus jamais ;
J’ai baisé du fer. »

(Var. Dj’a toutchî… « j’ai touché… » Defrecheux Enfantines no  22.) 1602. À celui qui reprent une chose donnée, l’enfant dit, à Liége et à Verviers, en français :

C’est l’enfant
Du serpent,
Qui le donne et qui l’reprent !

à Laroche, on dit à un garçon :

Târazin,,
Ki rprin,
Ki rdèn !

« Sarrasin (?),
Qui reprent,
Qui redonne ! »

à une fille :

Târazèn, etc.

« Sarrasine (?), etc. »

Trouvailles.

1603. Lorsqu’un enfant trouve un objet appartenant à l’un de ses camarades, il s’empresse de le cacher et il chante trois fois en français :

Qui a perdu ?
Moi, j’ai trouvé,
Dans la rue des cavaliers.
Celui qui ne répont pas
Ne le raura pas.

Aussitôt ses camarades s’empressent de se fouiller et si aucun ne peut désigner la nature de l’objet perdu, il reste la propriété de celui qui l’a trouvé (Liége).

Serments d’enfants.

1604. À Herve, l’enfant met la main sur le cœur en disant : min so l’ koûr « main sur le cœur », puis se tire la peau du larynx avec le pouce et l’index de la main droite en disant : Picèt’ dè bon Dyu « pincette du bon Dieu ».

1605. À Liége, la forme la plus solennelle du serment pour un enfant consiste à rètchî s’pètchî « cracher son péché ». Pour affirmer la véracité de ce qu’il vient de dire, il décrit au-dessus de sa tête un cercle avec l’index de la main droite dirigé vers les cheveus, puis se tirant la peau du larynx avec l’index et le pouce de la main droite, il crache à terre un peu de salive et dit : Vola m’ pètchi « voilà mon péché ».

1606. À Ensival, l’enfant se mouille l’index de salive et se fait une crois sur le front en disant : Vola mè kreu « voilà mes crois » ; « Fais serment ! » se dit fêt’ kreu.

Formules d’obsécration.

1607. Ki dj’ tom reu mwêr vola so l’ plès’ ! « Que je tombe raide mort ici sur la place ! « (Liége).

1608. Ki dj’ seùy kû è l’ôl ! « Que je sois cuit dans l’huile ! » (Liége).

1609. Ki dj’ koûr arèdji a Sin-Houbèr ! « Que je courre enragé à Saint-Hubert ! » (Verviers).

1610. Ki dj’ vây è wahê de dyâl ! « Que j’aille dans le cercueil du diable ! » (Liége).

1611. Ké l’bon Dyeu m’ fas’ aveûl dé mè deu-z î ! que le bon Dieu me fasse aveugle de mes deus yeus ! » (Nivelles).

Querelles.

1612. Lorsque deus enfants se querèlent, il arrive souvent qu’un tiers intervient, saisit l’un par les cheveus en disant à l’autre : Riprindé vo tchvè « Reprenez vos cheveus » (Grivegnée).