Charles Rozez (p. 121-135).

XIV. — Le Calendrier[1]

Le 1er Janvier.

1652. À Liége, dès la première heure jusqu’à la nuit, les enfants du peuple parcourent les rues en bandes, sonnant à toutes les portes et assaillant les passants pour leur offrir des nûl en souhaitant i-n bo-n an-néy, i-n parfèt’ santé è tôt’ sór di boneûr « une bonne année, une parfaite santé et toutes sortes de bonheurs » . Les nûl, — le mot vient du latin nebula —, sont des hosties un peu plus grandes qu’une pièce de cinq francs en argent et portant l’image d’un crucifis en un léger relief. Elles sont ordinairement blanches, mais il en est de couleur. Le nûl vert est un heureus présage. On donne presque toujours à ces enfants quelque menue monnaie et beaucoup acceptent leur nûl pour le coller, à titre de chasse-malheur, au-dessus et sur le côté intérieur de la porte de la maison ou de la chambre qu’ils habitent.

1653. Une jeune fille doit demander son prénom au premier petit garçon qui lui souhaite le nouvel an. Son futur mari portera le même.

1654. À Vaux-sous-Chèvremont, on dit en allumant le premier feu : Dji v’ sohêt’ i-n bo-n an-nèy, a l’ wâd’ di Dyu « Je vous souhaite une bonne année, à la garde de Dieu ». En tirant le premier seau d’eau, on jète une poignée de sel dans le puits et l’on fait le même souhait. On répète ce même souhait en allant ensuite dans les prairies enrouler autour des arbres fruitiers des torchettes de paille (Hock 102).

Veille des Rois.

1657. La veille des Rois, dans les villages de l’est de la province de Liége, les enfants et les jeunes gens vont « quêter aus portes » en chantant de petits couplets consacrés à cet usage, ce qui s’appèle hèyî [ou hélî] â-z oûh. Ils font un petit régal avec ce qu’on leur donne. Voici deus exemples de leurs chants de quête ; le premier sert pour la demande ; le second, satirique, est entonné par les enfants quittant une maison peu généreuse.

1660.

Bo-n nut, wèzèn, è bo-n santé,
No vnan tchanté po v’ rèkrèyé.'
On no-z a ko komœnmin
Ki l’ konchiyins’ ni v’ pwètreu nin
Di no lèyî tchanté po rin.
Sèyî no braf
Fé no lè waf
È lè galè
Po mèt’ è nos’ pakè !

« Bonne nuit, voisine, et bonn santé,
Nous venons chanter pou vous récréer.
On nous a dit généralement
Que vous étiez de si braves gens
Que la conscience ne vous porterait pas.
De nous laisser chanter pour rien.
Soyez bon pour nous,
Faites-nous les gauffres
Et les galettes
Pour mettre dans notre paquet ! »

(prov. de Liége).

1661. Variante :

S’è-st oûy lè hél ;
I n’a pu dèl mizér.
S’è to hèlyeu,
I n’a pu dè bribeu.
Sèyî no braf, etc.

« C’est aujourd’hui les hél ;
Il n’y a plus de misère.
Ce sont tous hélyeu,
Il n’y a plus de mendiants.
Soyez, etc. »

(Id.)
1662.

Dju vin hélî
A l’ôliyèt’
Ku l’fam du si
N’a pu de tèt’.
On lî a kópé
Avou ’n’sizèt’.
On l’-z a rostî
È-n o-n pêlèt’.

« Je viens hélî
À l’œillette[2]
Que la femme d’ici
N’a plus de mamelles.
On les lui a coupées
Avec des ciseaus.
On les a rôties
Dans un poëlon. »

1658. Jadis, à Herve, la ville était de plus parcourue par trois jeunes garçons, plus ou moins déguisés, qui représentaient les rois mages allant à Bethléem et chantaient aus portes la chanson des trois rois (no 1010). L’un d’eus portait une hotte, un autre avait le visage noirci pour figurer l’ neûr rwè « le roi noir » et agitait une sonnette fixée au bout d’un bâton.

Jour des Rois (6 janvier).

1665. Celui qui mange le morceau du milieu du gâteau des rois (li mirou dè wastê) n’aura pas de coliques pendant l’année (prov. de Liége).

1666. Jadis, dans plusieurs villages de la province de Liége, après que la fève avait désigné le Roi, on le portait assis sur une chaise dans la prairie derrière la maison. La Reine qu’il s’était choisie venait s’asseoir à côté de lui. On brûlait devant eus une gerbe de paille et l’on faisait une ronde.

1668. Dimanche après les Rois s’appèle a Liége le « dimanche du roi noir ».

1669. Le Lundi après les Rois (12 janv.) s’appèle lundi perdu dans le Brabant, lundi parjuré dans le Hainaut.

1672. St-Maur (15 janv.) — Les arbres qu’on replante le jour de St-Maur ne repoussent pas (Mons).

1674. St-Antoine (17 janv.) — Dans plusieurs villages de la province de Liége, notamment à Pepinster, on va faire bénir des petits pains ou des gauffres (waf) que l’on fait manger aus gens et aus bêtes, surtout aus porcs —, afin de les préserver du « feu Saint-Antoine », inflammation des intestins.

Mardi gras (12 février).

1693. En Hesbayc, les enfants vont de porte en porte de grand matin en disant des chants de quête semblables à ceus des nos 1660-1662. On leur donne des pommes, des nois, mais surtout des morceaus de lard qu’ils embrochent dans de longues baguettes de saule.

1694. On allume sur les routes devant chaque porte un petit feu appelé hiràt’, afin de préserver gens et bêtes des coliques (Condroz). Cp. nos1712 et 1782.

1695. Il faut manger du chou vert le mardi-gras pour que l’été suivant les chous ne soient pas attaqués par les petites mouches (mohèt’, plokou) (prov. de Liége).

Mercredi des Cendres (17 fév.).

1698. La crois faite sur le front à la messe du mercredi ne doit pas être effacée. Il faut la garder le plus longtemps possible. On dit aus enfants que s’ils pouvaient la conserver jusqu’à Pâques, — la Laetare en Hesbaye —, le curé leur donnerait un costume neuf.

1700. Dimanche des grands feus (djoû de fouwâ, djoû dè gran feu) [premier dimanche du Carême].

1701. Les enfants vont dîner chez leurs parents : on rvin magnî l’ pan di s’ pér « on revient manger le pain de son père » (Liége) ; èl djoû du gran feu, ó va, sèt eûr lon, sèt’ eûr lârtch, pou mindjî du pin d’leu parin « le jour du grand feu, on va, sept heures long, sept heures large, pour manger du pain de ses parents » (Baulers) ; « on va manger le pain de ses parents pour les faire vivre vieus » (Nivelles).

1702. Le premier dimanche de Carême, dans beaucoup de villages, on fait de grands feus (fouwâ). L’usage n’a disparu dans les villes qu’au milieu de ce siècle.

1703. Ces grands feus sont allumés sur les hauteurs.

1704. Les jeunes gens, ou plutôt aujourd’hui les enfants, vont quêter de porte en porte le combustible nécessaire. On ne peut, en effet, utiliser que du combustible donné po l’amour di Dyu « pour l’amour de Dieu ». Cp. 615.

1706. Celui qui a refusé du combustible est poursuivi le lendemain par les enfants qui cherchent a lui noircir le visage avec les charbons du foyer éteint (Grand-Halleux).

1707. On met, pour servir de centre au bûcher, une perche que l’on nomme makral « sorcière » à Grand-Halleux.

1708. C’est le dernier marié du village qui met le feu (Grand-Halleux).

1711. Les jeunes gens font des rondes autour du feu.

1718. À Laroche, on attachait un vieus balai au sommet de la perche qui servait de centre au bûcher. La personne, dans la direction de laquelle le balai tombait pendant la flambée, serait, croyait-on, le première à se marier de toute la jeunesse présente.

1712. Tous sautent au-dessus du feu pour être préservé des coliques pendant l’année.

1714. On jète dans le grand feu un mannequin de piaille (environs de Morlanwelz).

1719. On dit aus enfants qu’ils auront autant d’œufs à Pâques qu’ils ont vu de feus le jour des grands feus (Ensival).

St-Grégoire (12 mars).

1725. Saint-Grégoire est appelé dans tout le pays wallon le patron des écoliers.

1726. En Hesbaye, les enfants enferment l’instituteur dans son école et chantent :

Sin Grîgorî,
Patron dè skolî,
Diné no on djoû d’ kondjî.

« Saint Grégoire,
Patron des écoliers,
Donnez-nous un jour de congé. »

1727. À Laroche, les enfants vont se promener avec l’instituteur et manger une sorte de bouillie appelée matrou et faite avec des œufs, du lait et de la farine.

1728. On sème les oignons, même s’il y a encore de la neige.

Rameaus [Florèy-è Pâk] (3 avril).

1737. On va planter de petits rameaus de buis bénit à tous les coins des champs de blé et de plus, dans quelques villages au nord de Liége, sur les tombes.

Jeudi-Saint (7 avril).

1740. On doit visiter sept églises dans l’après midi du Jeudi-Saint (Liége et Verviers).

1741. À Verviers, on mange des gâteaus en forme de croissant qu’on appèle « lunettes ».

Vendredi-Saint (8 avril)

1743. Le Vendredi-Saint, il est bon de cuire le pain et il est mauvais de laver le linge. La croyance est expliquée à Laroche par la légende qui suit :

1744. Jésus, ayant soif, passa près d’une femme qui faisait la lessive et lui demanda à boire. Elle lui donna une tasse d’eau de lessive ; il la but sans rien dire. Plus loin, il passa près d’une maison où l’on cuisait le pain et demanda de quoi manger. La femme lui donna un petit pain. Jésus s’en alla en disant :

Maudite soit la femme qui bue (= fait la lessive, bouwèy)
Et bénie soit la femme qui cuit.

1746. On doit semer les jardins le Vendredi-Saint.

1747. On dit aus enfants que s’ils peuvent jeûner le Vendredi-Saint toute la journée, ils trouveront un petit couteau (Hesbaye).

Samedi-Saint (9 avril).

1749. À Liége, on disait aus enfants, qu’à midi, arrivait so l’Bat « sur la Batte » (nom d’un quai) un bateau d’osier, li batê d’wêzîr, tout rempli d’œufs de Pâques, kokogn’, qui étaient distribués gratuitement aus parents pour leurs enfants.

1750. Partout ailleurs, et même à Liége, on leur dit que ce sont les cloches qui sèment des œufs dans les jardins en revenant de Rome et le lendemain matin, les petits vont y découvrir les œufs que les parents y ont cachés.

Pâques (10 avril).

1752. I fâ strimé de noû solé ou lè-z aguès’ vi hitron so l’ tyès’ « Il faut étrenner des souliers neufs ; sinon, les pies vous chieront sur la tête » (Liége).

1754. On teint les œufs de Pâques, ordinairement en brun, en mettant des pelures d’oignons dans l’eau qui sert à les cuire.

1755. Les enfants s’amusent à jeter en l’air, dans les prairies, les œufs durs qu’on leur donne (Sinsin, prov. de Namur).

1756. On joue à heurter les œufs, kaké lè-z oû. L’un de joueurs tient son œuf serré dans le poing, le bout pointu (bètch « bec ») dépassant seul. L’autre heurte l’œuf de son adversaire avec le « bec » du sien. Celui dont l’œuf est entamé le retourne et le serre dans la main de façon à ne laisser accessible que le bout arrondi (kou « cul »). Celui qui a réussi « bec » contre « bec » joue alors « bec » contre « cul ». S’il réussit, il gagne l’œuf. Si son « bec » se brise, c’est à lui à retourner son œuf et à l’autre à jouer « cul » contre « cul ».

Lundi de Pâques (11 avril).

1758. Jadis, à Herve, pendant toute la journée du lundi, les habitants se rendaient à cinq minutes de la ville dans un terrain en pente, appelé so l’Hoûgn et situé au bord d’un chemin, dans la direction de Bolland. Des marchands y vendaient de la bière et des couques brunes très friables, appelées miloût’. Chacun avait apporté des œufs durs dans un panier et l’on se provoquait à les heurter les uns contre les autres (kaké lè-z oû). Les œufs gagnés se mangeaient avec des miloût’. Il y a environ cinquante ans, le chemin élargi, où avait lieu la fête, a été resserré au profit des riverains et depuis lors, c’est dans la rue où se trouvent actuellement les écoles communales que l’ancienne fête revit, mais très altérée, dans une petite foire avec quelques échoppes de marchands de couques et des joueurs d’œufs, munis de leurs damiers et de leurs bourses à numéros. Cette foire s’appèle lu Hoûgn, du nom du lieu où elle se tenait autrefois.

Quasimodo (17 avril).

1760. Le premier dimanche après Pâques s’appèle Klôz-è Pâk « Pâques clôses » ou dimègn dè moûnî « dimanche des meuniers », parce que l’on dit que ceus-ci, — le peuple les considère volontiers comme un peu voleurs —, attendent toujours le dernier moment pour faire leurs pâques.

1er MAI.

1763. La nuit du 1er mai, les jeunes gens vont attacher sur les toits ou planter devant les portes des maisons où il y a des jeunes filles, des branches d’arbres (may), dont la valeur est symbolique. Un mai de buis enrubané (may di pâkî), est une déclaration d’amour. Un mai de cerisier ou de noyer indiquera la demeure d’une jeune fille qui fait trop parler d’elle. La coutume des mais est reportée à la nuit de l’Ascension dans les environs de Verviers.

1767. « À Fosses, le 1er mai, pour fêter sainte Brigitte, on distribue des milliers de baguettes de noisetier ; à la grand’messe, au moment où le prêtre donne la bénédiction, chacun lève sa baguette en l’air ; les milliers de branches de noisetier s’agitent et s’entrechoquent toutes ensemble ». (Hock 118) Cp. 1772.

invention de la croix (3 mai).

1769. S’il pleut le 3 mai, il n’y aura pas de nois (Nivelles).

1770. À Amay, le 1er dimanche de mai, les paysans arrivent en masse des environs à la messe en l’honneur de Ste-Brigitte. « Ils vont à l’offrande, puis emportent de la terre préparée et bénie placée dans un grand plat en cuivre jaune, à grosses ciselures sur les bords ; ces ciselures représentent des vaches, des cochons, etc. Chaque paysanne a bien soin de caresser de la main ces ciselures au protit de ses bestiaus. Les petits paniers et les mouchoirs se remplissent de cette bonne terre, qu’on mêle à la nourriture du bétail ». (Hock 119). À Huy, à l’église St-Remy, à la fête de Ste-Brigitte, la sainte est exposée avec sa petite vache noire et la foule se presse pour caresser la vache. Ceus qui ne peuvent l’atteindre avec la main, la touchent du bout de leur bâton.

Saint-Servais (13 mai).

1772. Saint Servais est le grand saint agricole du Brabant et du Hainaut. À Stambruges, près de Tournai, le dimanche qui suit sa fête, on l’honore de la manière suivante : Les paysans qui accourent en foule coupent en route des baguettes flexibles et les écorcent de façon à y former une spirale. Ils peuvent, d’ailleurs, en acheter sur les lieus de toutes préparées au pris de cinq centimes. À l’église, ils vont invoquer le saint en touchant sa statue de leurs baguettes sur la poitrine, les deus côtés et dans le dos. Ils se dirigent ensuite vers les fonts baptismaus où ils sont admis à toucher une main de saint Servais, puis achètent une image représentant le saint, image qu’au retour, ils suspendent dans l’étable à côté de la baguette qui a frôlé la statue et dont l’attouchement servira désormais à guérir les bêtes malades. Le saint de Stambruges est représenté couché sur une paire de cornes démesurées et doit être repeint chaque année, tant les coups de baguette sont nombreus. (Communication de M. A. Harou.) Cp. no 1767, 1770 fin et 1775.

Rogations (15, 16, 17 mai).

1774. Elles sont appelées lè kreu « les crois », à cause des crois de la procession qui parcourt les champs pendant ces trois jours.

1775. Dans le pays de Herve et de Verviers, les enfants suivaient jadis ces processions, en portant ce qu’ils appelaient des djoli pikrê « bâtons bariolés ». Le pikrê était une longue baguette dont ils avaient enlevé l’écorce, de manière à former une spirale. Il était parfois garni de rubans. Ils y attachaient ou y enfilaient les friandises qu’ils quêtaient pendant ces trois jours et qu’ils mangeaient pendant les processions. À Herve, ils chantaient en suivant les « crois », au lieu du latin des litanies :

Sant Mitch è mi-y oû
È m’ djoli pikrê avou.

« Sainte Miche et mon œuf
Et mon bâton bariolé avec. »

Saint-Jean-Baptiste (24 juin).

1782. Huit jours avant la St-Jean, on brûle des bottes de paille sur les routes, afin que les chevaus qui y passeront n’aient pas de coliques pendant l’année (Sinsin). Cp. 1694.

1783. La nuit de la St-Jean, on fait de grands feus analogues à ceus du premier dimanche de Carême.

1786. On saute au-dessus de ces grands feus pour se préserver des coliques (Sinsin).

1787. Les charbons du feu de la St-Jean sont conservés. On croit qu’ils préservent de l’incendie.

1788. On croit que, s’il pleut la nuit de la Saint-Jean, toutes les noisettes seront trouées.

1790. À Ougrée, on plongeait autrefois, à midi, la statue de saint Jean dans la Meuse pour en bénir l’eau. (Hock 96).

1791. Sur les bords de la Vesdre, de l’Ourthe et de la Meuse, on envoie les enfants se plonger dans l’eau, à midi sonnant.

1792. Jadis les grandes personnes se lavaient avec de l’eau puisée à la rivière à la même heure.

1793. Dicton : Sin Dj’han ènn’è va nin sin s’ pèhon « St-Jean ne s’en va pas sans son poisson ».

St-Loup (31 juillet).

1798. À Strée (Condroz), il y a «ne chapelle de saint Loup où vont prier ceus qui se trouvent doués d’un trop grand appétit. Ils lui offrent de petits gâteaus (tortè) en guise d’exvotos.

Assomption (15 août).

1801. À Ensival, les petits garçons allaient jadis faire bénir à la première messe des bouquets composés principalement de fleurs de menthe sauvage et de tanaisie (tènhèy). Ces bouquets bénis (bèni bwèrê) étaient conservés pour être jetés dans le feu pendant les orages.

1802. La grande lessive doit se faire entre lé deu Notru Dam « les deus Notre-Dame » (Assomption, 15 août, et Nativité, 8 septembre) ; sinon, le linge jaunit (prov. de Liége).

St-Lambert (17 septembre).

1809. C’est à la Saint-Lambert qu’on doit semer le seigle dans la province de Liége.

St-Denis (9 octobre).

1813. Pendant la nuit de la St-Denis, on allume une bougie en plein vent sur une hauteur. Si elle s’éteint, le froment baissera ; si elle continue à brûler, il haussera (Moha).

Toussaint (1er novembre).

1816. On sonne les cloches à toutes les heures depuis le jour de la Toussaint à midi jusqu’au lendemain à la même heure.

Jour des Âmes (2 nov.).

1819. On recommande aus enfants de ne pas jeter des pierres dans les haies et de ne pas y couper de baguettes, en leur disant que les âmes y sont perchées (environs de Verviers).

1820. On doit fermer toutes les portes avec précaution pour ne pas faire de mal aus âmes (ibidem).

1821. Les enfants se promènent en balançant en guise d’encensoirs des pots à fleurs remplis de braises allumées et en mendiant avec le cri : on san po lè pôv-è-z âm ! « un cent (pièce de 2 centimes) pour les pauvres âmes » ou on san po l’âté de gozî « un cent pour l’autel du gosier » (Verviers).

1822. Jusqu’en 1798, — époque où l’usage fut interdit, — le soir du 2 novembre, veille de la St-Hubert, les enfants de Liége, munis de petits maillets en bois, — les tourneurs en vendaient ce jour-là par mannes —, allaient tambouriner[3] sur les portes en criant :

Houbiè è rivnou
Avou dè mayè a s’kou.

« Hubert est revenu
Avec des maillets à son cul. »

OU

Sin Houbèr k’è rivnou
Avou s’mayè a s’kou

« Saint Hubert qui est revenu
Avec son maillets à son cul. »

Ajoutant parfois :

Sin Houbèr m’a-t ôrdone
Dè bouhî è dè klawé.

« Saint Hubert m’a ordonné
De frapper et de clouer. »

(Cp. Defrecheux Enfantines 25-28.)

Saint-Hubert (3 nov.).

1824. Saint Hubert est invoqué à Liége contre la foudre et la rage dans une formulette que l’on dit en temps d’orage ou lorsque l’on passe près d’un chien.

Sin Houbèr, k’è-st è s’ tchapèl,
Ki no houk, ki no-z apèl.
K’î no prézèrv dèl tonîr
È d’ l’aloumîr,
Dèl got’ è dè din,
Dè mâva sèrpin,
Dèl siteûl k’è â sîr
È d’ to mâleûr, s’i lî plê.

« Saint Hubert, qui est dans sa chapelle,
Qui nous hèle, qui nous appèle,
Qu’il nous préserve de la foudre,
Et de l’éclair,
De la goute et des (maus de) dents,
Du mauvais serpent,
De l’étoile qui est au ciel
Et de tout malheur, s’il lui plaît. »

1825. Dans le Hainaut, lorsque les enfants voient un chien errant, ils disent une variante française du même texte :

Grand saint Hubert,
Qui est dans sa chapelle,
Qui nous voit, qui nous appèle,
Grand chien,
Petit chien,
Passe ton chemin,
Je ne te fais rien.

1826. On croyait, il y a peu d’années encore, que le jour de Saint-Hubert, on pouvait chasser partout sans autorisation de propriétaires ou permis de port d’armes (Louveigné).

1827. On dit de saint Hubert dans le Gondroz : S’i-l aveu volou, i-l âreu stu l’ bon Dyu ; i n’a nin volou « S’il avait voulu, il aurait été le bon Dieu ; il n’a pas voulu ».

Saint-Martin (11 nov.).

1831. Dans le sud-est de la province de Liége, les paysans vont promener dans les prairies en tournant autour des arbres fruitiers avec des bâtons entourés de foin ou de paille en feu. Les petits garçons chantent en courant dans les vergers avec ces brandons :

Bon Sin Mârtin !
Avoyî dè pom è dè peûr
È nos’ djârdin.

« Bon saint Martin
Envoyez de pommes et des poires
Dans notre jardin. »

Ste-Catherine (25 nov.).

1833. Sainte Catherine est la patronne des métiers où l’on fait tourner des roues, parce que sainte Catherine a été rouée. Les meuniers, les charrons et les charretiers chôment sa fête.

1834. Il arrive malheur à celui qui fait tourner une roue le 25 novembre. Dans quelques villages, on a même soin de moudre le café la veille, la superstition relative au moulin à blé s’étant étendue par analogie au moulin à café.

243. 244. St-Éloi (1er décembre). — On met des rubans et de petits drapeaus de papier aus colliers des chevaus. — Dans plusieurs villages de la province de Namur, les cultivateurs font dire une messe et le maréchal leur donne ou leur paie à dîner.

1839. St-Nicolas (6 déc). — Les enfants adressent à Theux cette prière à saint Nicolas :

Sin Nikolè,
Hapé l’Bâbou ;
Ka i m’ fê s’ hègn’
Ki m’ fê pa-ou.
Hapé lî tot’ sè djèy,
Mèté lè è vos’ banstê.
Kópé lî lè-z orèy,
Mèté lè è vos’ sètché.
Sin Nikolè,
Hapé l’ Bâbou ;
Ka ’l è si lé
K’i m’ fê pa-ou.

« Saint Nicolas,
Arrêtez le Bâbou[4] ;
Car il me fait sa grimace
Qui me fait peur.
Prenez-lui toutes ses nois,
Mettez-les dans votre panier.
Coupez-lui les oreilles,
Mettez-les dans votre sac.
Saint Nicolas,
Arrêtez le Bâbou ;
Car il est si laid qu’il me fait peur. »

St-Thomas (21 déc).

1841. Les enfants enferment leurs parents ou leur instituteur et avant de les délivrer, se font promettre quelque chose, friandise, jour de congé, etc. (Nivelles). Cp. 1726.

Noël.

1843. On croit que pendant la nuit de Noël, les jeunes roitelets de l’année reviennent tous au nid où ils ont été élevés (Lincé-Sprimont).

1844. Quand les douze heures sonnent, toutes les bêtes à cornes se mettent à genous dans les étables. Celui qui chercherait à les voir ainsi prosternées deviendrait aveugle. Toutefois, elles pourraient être vues sans danger de celui qui irait dans une étable à minuit sans se douter de ce qui va se passer.

1846. Un rameau de pommier, i-n koh di mèlèy, coupé à minuit et mis dans un vase d’eau, fleurira à la Chandeleur (Liége).

1847. On dépose à l’extérieur de la maison, presque partout, un morceau de pain et une pinte d’eau sur l’appui de la fenêtre ; dans quelques villages, de l’avoine et du fourrage devant la porte de l’étable. Au coup de minuit, pain, eau, avoine et fourrage sont bénits.

L’eau ne se corront ni ne s’évapore jamais.

Le pain est distribué le lendemain aus gens et aus bêtes.

La poule qui mange l’avoine bénite est assurée contre le renard et tous les petits carnassiers.

Les vaches qui mangent le fourrage bénit peuvent paître impunément l’été dans les trèfles mouillés.

1848. On tue le porc et l’on porte aus parents, aus amis et au propriétaire de la ferme, la charcuterie suivante : des pieds et des oreilles de porc, du boudin et une ou plusieurs aunes de saucisse. L’ensemble de ces victuailles, réunies sur un même plat pour être mangées froides au premier déjeuner de Noël et des jours suivants, s’appèle i-n drèssèy « une [assiette] dressée (= garnie) ».

1849. On donne aus enfants le matin de Noël un petit gâteau qui, à Herve, Laroche, Charleroi et Nivelles, est appelé kougnou.

1853. On ne doit pas faire la lessive entre Noël et le Nouvel an (Polleur).

1858. Innocents (28 déc.). — À Laroche, les petits garçons, armés de baguettes, vont de maison en maison et y feignent de battre les jeunes filles, — ou la femme à défaut de filles —, et celles-ci leur donnent des noisettes.


  1. Je donne aus fêtes mobiles la date qu’elles ont dans de Reinsberg-Düringsfeld, Traditions et légendes de la Belgique. Bruxelles, Claessen, 1870.
  2. Huile d’œillette dont on se sert dans les campagnes pour faire la salade.
  3. Nous employons à dessein ce verbe. Les textes qui nous font connaître l’usage lui donnent chacun un nom différent : roubiner, houbiner, 'ribouner, bouriner. Ces expressions qui n’ont pas de sens en wallon paraissent toutes des déformations du français tambouriner.
  4. Bâbou (barbu), Banbou, nom du Croquemitaine wallon.