Charles Rozez (p. 32-41).

VI. — Mœurs et Coutumes.

Les amoureus.

642. Si une jeune fille fait craquer les articulations de ses doigts, elle a autant d’amoureus que le craquement se répète de fois.

646. Se mariera dans l’année, la personne qui reçoit le fond de la cafetière ou de la bouteille (À Nivelles, quand cette personne est déjà mariée, on dit : « Le fond, c’est pour un garçon ») ; celle qui voit trois lampes allumées réunies sans intention dans la même chambre ; celle qui le jour des 652. grands feus, aperçoit sept feus d’un seul coup d’œil ; la jeune fille qui réussit à enlever sans la briser la pelure entière d’une poire (Nivelles).

647. Est délaissée par son amoureus, la jeune fille qui pert sa jarretière ou son tablier.

648. A un amoureus ou doit épouser un veuf, celle dont la robe traîne une ronce ou une branche.

649. Épousera un veuf (ou une veuve), celle (ou celui) qui par hasard boit dans une tasse ébréchée (prov. de Liège) ; celle qui met son bonnet de travers.

650. Épousera un ivrogne, la jeune fille qui, en lessivant ou en lavant la maison, mouille outre mesure son tablier.

651. Restera sept ans sans se marier, la personne qui à dîner trouve dans son assiette la feuille de laurier que l’on a pu mettre dans le consommé (Liège) ; celle qui accepte le pied de la table (Nivelles) ; celle qui entame une livre de beurre ; la jeune fille qui doit faire un détour pour éviter une brosse ou un balai placé sur son chemin (Nivelles) ; celle qui remet sur le feu et laisse recuire l’eau dans laquelle on a lavé la vaisselle ; cependant, si cette eau ne bout pas, il n’en résulte aucun inconvénient.

653. La perte d’une épingle à cheveus indique que l’on pense à vous, en bien (Liège).

654. Quand une épingle à cheveus dépasse le chignon, on pense à vous de ce côté.

678. À Herve, la jeune fille qui désire se marier va prier à la chapelle St-Joseph qui se trouve près de la gare. Elle doit mordre dans un treillis de fer qui clôt une niche creusée dans une masse de pierre conique, renfermant la statuette du saint.

656. Pour voir en rêve celui qu’elle doit épouser, la jeune fille doit manger un hareng cru et non nettoyé (Verviers).

657. À Liège, la jeune fille qui désire voir en rêve son futur mari, doit, le jour de la Saint-André, 30 novembre, à minuit, s’asseoir sur son lit, enlever ses bas et les jeter, sans se retourner, derrière le chef du lit, en même temps qu’elle achève de se coucher et qu’elle dit en wallon ou en français la formulette :


Sin-t’Andri, Saint André,
Bon batli, Bon batelier,
Fè m’vèyî è m’dwèrman Faites-moi voir en mon dormant
L’si k’dj’ârè-st è m’vikan[1]. Celui que j’aurai en mon vivant.
Qu’il tienne dans sa main
L’outil de quoi gagner son pain.

Le lendemain, au saut du lit, elle va examiner ses bas qui doivent, étant à terre, former la lettre initiale du nom de son futur mari.

658. À Liége, la jeune fille, chaque soir, pendant sept jours, compte sept étoiles dans le ciel et recommence patiemment, si un jour les nuages s’interposent. Ayant enfin réussi, elle croit que le premier jeune homme qui lui tendra la main sera son futur mari ; à Nivelles, elle compte neuf étoiles pendant neuf jours.

659. À Nivelles, dans les réunions de jeunes filles, l’une fait tourner un couteau en disant : « Qui de nous épousera un pharmacien ?… un notaire ?… etc. ? » La direction de la lame indique la jeune fille.

661. À Liége, quand une jeune fille est courtisée, elle choisit une étoile dont le scintillement plus ou moins vif sera un présage bon ou mauvais.

662. La jeune fille, pour savoir si elle est réellement aimée, étire entre les ongles du pouce et de l’index, un cheveu de son amoureus. Si le cheveu se recroqueville, l’amoureus est fidèle. Elle peut aussi faire l’expérience avec un de ses propres cheveus.

663. Si la personne que vous aimez a les mains froides, lorsque vous les lui prenez, elle vous aime ardemment freût-è min, tchôt-è-z amoûr « mains froides, chaudes amours ».

664. La jeune fille qui veut que son amoureus lui reste fidèle, doit lui donner une pâtisserie quelconque qu’elle a gardée sous l’aisselle assez longtemps pour l’imprégner de sa sueur. (À Huy, le pain d’épice ou le macaron est parfois remplacé par un cigare.) À Nivelles, le même moyen est employé par le jeune homme qui veut que sa femme lui soit toujours fidèle.

669. Une jeune fille ne doit jamais accepter un mouchoir de poche de son amoureus.

670. Les amoureus ne doivent pas se donner des épingles ni des aiguilles, qui piquent l’amitié, non plus que des couteaus et des canifs, qui la coupent, sans exiger en retour une pièce de monnaie ou un objet piquant ou coupant.

677. Deus amoureus ne doivent jamais monter ensemble la montagne de Chèvremont (lieu de pèlerinage près de Liége).

Mariage.

683. Les meilleurs jours pour la célébration d’un mariage sont le mardi, le jeudi et le samedi. Le lundi est toujours mauvais. Certains mois sont considérés comme néfastes : mai à Liége, avril à Herve.

684. À Laroche, s’il pleut le jour des noces, on dit malignement des épous : i-l on mougné l’ djot’ o po « ils ont mangé le chou au pot ».

685. Quand deus frères épousent deus sœurs le même jour, l’une des deus unions doit être brisée pour que l’autre prospère (Verviers).

686. On va faire un charivari (pêltèdj) aus personnes âgées dont le mariage est désapprouvé, notamment pour disproportion d’âge.

690. Des chevaus blancs attelés à la voiture de la mariée présagent une heureuse union.

692. À Aubin-Neufchâteau, les pauvres gens allument sur le passage du cortège des bottes de paille, garnies de petits drapeaus en papier. Les fiancés et les autres personnes du cortège leur jètent de l’argent.

693. L’usage se pratique encore quelquefois dans les villages situés au nord de Liége, mais seulement pour les mariages de gens riches. Ce sont surtout les cabaretiers qui, dans un but de réclame, « allument la gerbe » (broûlè l’ djâb). Les gens de la noce font cercle autour de la paille qui flambe et lorsqu’elle est brûlée, la mariée prent un peu de cendre et l’enferme dans son porte monnaie.

695. On tire des pronostics de la couleur du costume de la mariée ; ainsi à Stavelot : blanche = la mariée est pure ; jaune = coquette ; rose = colérique ; bleue = présage d’union heureuse.

699. À Stavelot, on place sous le seuil de la maison de la mariée, quand celle-ci sort pour la cérémonie, une pièce d’argent qu’on donne le lundi suivant à un mendiant.

701. À Stavelot, c’est un présage de malheur, si la mariée pleure pendant la cérémonie.

704. Pour avoir la main haute dans son ménage, la mariée pendant le banquet de noces doit se laisser servir comme une étrangère (Stavelot).

705. Pour se faire aimer de son mari, elle doit manger la moitié d’un morceau de tarte dont elle lui offre l’autre (Stavelot).

706. Le garçon d’honneur s’empare par ruse ou par force de la jarretière de la mariée et la coupe en morceaus, qu’il distribue à tous les jeunes gens de la noce. Ceus-ci s’attachent ces morceaus à la boutonnière.

709. À Stavelot, lorsque la jeune mariée entre pour la première fois dans la maison conjugale, elle ne doit pas se retourner vers la porte ni se regarder dans un miroir.

710. Le lit nuptial est apprêté par le mari ou sa mère.

712. Celui qui entre le premier au lit mourra le premier.

716. On envoie un petit pain couvert de moutarde ou entouré d’un crêpe noir au jeune homme dédaigné par une jeune fille, lorsque celle-ci se marie (Herve).

717. On dit du jeune homme dédaigné : on li a ravoyî sè mitch « on lui a renvoyé ses petits pains » (Liége) ; vo-z îré kî vo mitch « vous irez rechercher vos miches » (Laroche).

718. On dit d’une jeune fille qui se marie avant sa sœur aînée : èl fé dansé s’syeûr su l’ku du foûr (Nivelles), « Elle fait danser sa sœur sur le cul du four » ; i-l va fé dansé s’soûr so l’kou do for « elle va faire, etc. » (Laroche).

La femme et l’enfant.

722. Si deus épous ayant une fille désirent un fils, on leur conseille de changer de place dans le lit.

723. Si une femme enceinte veut que son enfant ait une petite tête, elle ne doit pas manger de pommes de terre, surtout au repas du soir.

724. Si un enfant a dans sa chevelure une mèche de couleur différente, on l’attribue à la frayeur que la mère a eue d’un animal quelconque pendant sa grossesse.

726. On croit que le dessin de l’objet désiré par une femme enceinte se reproduit à un endroit du corps de l’enfant correspondant à celui où la mère se touche au moment du désir. Comme préservatif, la mère doit porter la main à une place de son corps, où le dessin ne serait pas visible.

727. Une femme enceinte ne doit pas baiser un enfant sur la bouche, parce que son haleine empoisonne (Stavelot).

734. On offre à l’accouchée des anis et du sucre.

735. La femme en couches ne doit ni se peigner, ni changer de vêtements.

Relevailles.

742. Quand l’accouchée va faire ses relevailles (ramèssî, alé s’fé ramèssî), si la première personne qu’elle rencontre est une femme, elle accouchera la fois suivante d’une fille. Si c’est un homme, elle accouchera d’un garçon (Laroche).

741. À la cérémonie des relevailles, la mère, entrant dans l’église, ne peut prendre elle-même de l’eau bénite ; elle doit la recevoir de la main de la sage-femme.

Naissance.

745. On explique la naissance des enfants aus petits enfants en leur disant que la sage-femme les déterre avec une houe dans le jardin (Louveigné), qu’on les trouve sous les chous (on précise à Stavelot : les chous du curé).

746. On allume un cierge bénit au moment de la naissance.

747. On jète l’eau du premier bain de l’enfant dans le feu pour éviter les maléfices.

748. Le mari doit recevoir le premier l’enfant dans ses bras. S’il ne donne pas immédiatement un pourboire à la sage-femme, on dit que l’enfant ne lui appartient pas (Stavelot).

750. Il y a une trentaine d’années, à la naissance d’un enfant, les bourgeois de Liége plantaient un arbre dans leur jardin.

751. On dit de l’enfant nouveau-né qui tient les poings fermés, qu’il sera un avare.

752. L’enfant né coiffé (né avou l’hamlèt’) doit être baptisé entre deus messes. C’est un « enfant de bonheur » et il est doué de pouvoirs surnaturels ; il peut « signer », retrouver les noyés, jeter la baguette (djèté l’ vètch). etc. (Cp. 617.)

753. La coiffe (hamlèt’ Liége, houvurèt’ Cornesse, « toilette » pays de Charleroi, « voile de la Vierge » Hainaut et Luxembourg), lorsqu’elle tombe desséchée, est collée sur une feuille de papier. C’est un talisman, que l’on ne manque pas de coudre à son insu dans la doublure du vêtement du jeune homme qui va prendre part au tirage au sort de la milice, afin de lui assurer un « haut numéro ».

Baptême.

757. Quand un enfant pleure pendant qu’on le baptise, on croit qu’il sera d’un mauvais caractère (Liége), un grand chanteur (Stavelot).

758. L’enfant qui remue la langue, quand on y met le sel, sera intelligent et entrera dans le clergé. Si c’est une fille, elle sera religieuse (Stavelot).

760. Être parrain se dit lèvé i-n èfan « lever un enfant ».

763. On ajoute souvent à la liste de prénoms d’un enfant le nom que portait un de ses frères ou sœurs morts ; mais on ne le lui donne jamais comme nom principal.

764. On ne fait pas connaître le prénom de l’enfant avant le baptême.

766. En se rendant à l’église pour le baptême, la personne qui porte l’enfant précède le parrain et la marraine. Au retour, elle doit les suivre.

770. En revenant du baptême, les parrain et marraine jètent des sans’, — pièces de 2 centimes, — et en donnent aus invités. Ces sous sont souvent perforés et munis d’un ruban. À Verviers et environs, les gamins crient à ceus qui ne donnent rien : trawé sètchê « sachet troué ».

772. Une femme enceinte ne peut être marraine.

774. On croit que le caractère du filleul ressemble à celui de son parrain.

775. C’est de mauvais augure pour le parrain ou la marraine si leur filleul meurt (Ensival).

Les petits enfants.

784. Si l’on rogne les ongles avec des ciseaus à un nouveau-né, il bègaiera (Laroche), s’affaiblira (Liége) ; il faut les lui mordre (Laroche) ou les lui enlever avec les doigts (Liége).

800. Pour dessécher son lait, la mère peut employer trois moyens : diriger un jet de lait sur une brique, porter un collier de bouchon, se mettre du cerfeuille contusé sous les bras (Liége).

803. Il ne faut passer ni la main ni la jambe au-dessus de la tête des enfants ; il ne faut ni les mesurer, ni les faire passer par dessous la table : tout cela les empêche de grandir.

804. Il ne faut ni les peser, ni faire leur portrait.

Jeunesse.

806. À Vottem, lorsqu’un jeune garçon allait entrer en apprentissage, il montait au plus haut d’un sureau et là, mordant à belles dents dans un petit gâteau, il criait de toutes ses forces : adyè, bon tin ! adyè, bon tin ! « adieu, bon temps ! ». Cet usage a disparu depuis une trentaine d’années, mais on dit encore aus gamins intraitables : vochal li lin ki v’ montré so l’sawou « voici (= bientôt sera) le temps que (= où) vous monterez sur le sureau ».

Mort.

810. On tient dans les mains de l’agonissant un cierge bénit allumé.

811. Quand il y a un décès dans une maison, il faut faire porter le deuil par les animaus ayant appartenu au mort : crêpe au cou du chat (Hainaut) ; houppes noires aus chevaus (Liége) : crêpe à la cage du serin ou du pinson ; sinon, l’oiseau périrait dans l’année ou deviendrait muet ; crêpe à la ruche ; sinon, elle serait abandonnée des abeilles (environs de Verviers).

813. On arrête les horloges et on recouvre d’un voile les glaces et, par analogie, tout ce qui est vitré, par exemple les gravures, portraits encadrés, etc.

814. À Stavelot, il faut, lors d’un décès dans la maison, jeter toute l’eau que contiennent les vases, casseroles, etc., et avoir soin de ne pas s’en servir pour le café ; car, dit-on, l’âme a traversé tous les vases pour se purifier, avant de quitter la maison.

816 Lorsqu’on va voir un mort, on doit lui toucher les pieds, si l’on veut ne pas en rêver (Liége).

817. On ensevelit le mort avec ses meilleurs vêtements.

818. Quand on ne peut fermer les yeus du mort, on dit qu’il appèle un de ses parents, ou qu’il avait encore quelque chose à dire.

Les funérailles.

819-820. Le mort doit être porté hors de la maison les pieds en avant : ènn’ alé lè pî dvan « s’en aller les pieds en avant » = mourir. Toutefois, si plusieurs personnes meurent à peu d’intervalle dans la même famille, ce que l’on ne manque pas d’attribuer à un sortilège, on fait sortir la tête en avant la dernière personne morte, afin d’épargner celles qui restent.

821. On croit que les chevaus qui conduisent un mort transpirent toujours.

822. Les parents font cadeau d’une paire de gants en fil blanc ou d’un mouchoir aus porteurs.

824. À Bas-Oha, la veuve du mort garde un mouchoir sur la tête jusqu’au moment où le mort quitte la maison.

826. À Flémalle, on laisse la maison illuminée deus ou trois jours après l’enterrement.

827. Les hommes qui assistaient aus funérailles étaient jadis affublés de grands manteaus noirs. L’usage subsiste encore dans les environs de Stavelot pour tous et à Huy pour les porteurs.

828. Proverbe : s’è-st on sètch doû, î gn’ ârè ko on frèch aprè « c’est un sec deuil, il y en aura encore un humide après » = quand on enterre une personne qui n’est pas aimée, on fera peu après l’enterrement d’une personne plus regrettée (Laroche).

829. Le cadavre est enterré au cimetière les pieds vers l’allée qui dessert la tombe.

831. On brûle une partie de la literie, paillasse, flocons, etc.

833. En Ardenne, au repas des funérailles, on mange des gâteaus (wastê).

834. Quand un enterrement a lieu le dimanche, il y aura un autre décès dans la même localité pendant la semaine (Louveigné, Laroche), dans les sis semaines (prov. de Namur).

835. Si l’on enterre un mort un vendredi, il meurt une autre personne de la famille dans l’année (Court-St-Etienne).

837. Le deuil pour un père ou une mère est d’un an et sis semaines.




  1. Le wallon est ici la traduction du français, ce que prouve notamment l’absence des deus derniers vers, rejetés parce qu’ils n’auraient pas donné de rime (minpan).