Le Divorce (Gagneur)/Appendice/Loi du 20 septembre 1792

Librairie de la bibliothèque démocratique (p. 141-148).


LOI DU 20 SEPTEMBRE 1792


Le divorce, dans le Code Napoléon, était la dissolution du mariage prononcée en justice sur la demande des époux, ou de l’un contre l’autre.

« Le divorce doit être la constatation publique de la dissolution du mariage par la volonté des époux ou de l’un d’eux.

« L’ancienne loi française n’admettait pas le divorce.

« Législation de servitude, profondément pénétrée des idées monarchiques et catholiques, — dit M. Émile Acollas, dans son Manuel de droit civil, — elle ne soupçonnait même pas que l’homme eût un droit ; elle n’admettait pas qu’il existât pour les sociétés un autre ordre que celui du droit divin et de l’oppression.

« Cependant l’ancien droit français fut lui-même obligé de faire sa part à une nécessité qu’il méconnaissait ; il admit le système bâtard et contradictoire de la séparation de corps. »

La loi du 20 septembre 1792 introduisit le divorce en France.



LOI DU 20 SEPTEMBRE 1792
SUR LE DIVORCE


« L’Assemblée nationale, considérant combien il importe de faire jouir les Français de la faculté du divorce, qui résulte de la liberté individuelle dont un engagement indissoluble serait la perte ; considérant que déjà plusieurs époux n’ont pas attendu, pour jouir des avantages de la disposition constitutionnelle suivant laquelle le mariage n’est qu’un contrat civil, que la loi eût réglé le mode et les effets du divorce, décrète ce qui suit :

ARTICLE PREMIER.

« Le mariage se dissout par le divorce.

ARTICLE 2.

« Le divorce a lieu par le consentement mutuel des époux.

ARTICLE 3.

« L’un des époux peut faire prononcer le divorce, sur la simple allégation d’incompatibilité d’humeur ou de caractère.

ARTICLE 4.

« Chacun des époux peut également faire prononcer le divorce sur des motifs déterminés ; savoir : 1° Sur la démence, la folie ou la fureur de l’un des époux ; 2 ° sur la condamnation de l’un d’eux à des peines afflictives ou infamantes ; 3° sur les crimes, sévices ou injures graves de l’un envers l’autre ; 4° sur le déréglement de mœurs notoire ; 5° sur l’abandon de la femme par le mari, ou du mari par la femme, pendant deux ans au moins ; 6° sur l’absence de l’un d’eux, sans nouvelles au moins pendant cinq ans ; 7° sur l’émigration dans les cas prévus par les lois, notamment par le décret du 8 avril 1792.

ARTICLE 5.

« Les époux maintenant séparés de corps par jugement exécuté, ou en dernier ressort, auront mutuellement la faculté de faire prononcer leur divorce.

ARTICLE 6.

« Toute demande en séparation de corps non jugée, est éteinte et abolie : chacune des parties paye ses frais. Les jugements de séparation non exécutés, ou attaqués par appel ou par voie de la cassation, demeurent comme non avenus ; le tout sauf aux époux à recourir à la voie du divorce, aux termes de la présente loi.

ARTICLE 7.

« À l’avenir, aucune séparation de corps ne pourra être prononcée ; les époux ne pourront être désunis que par le divorce. »


« On a accusé cette loi d’avoir violenté la conscience en supprimant la séparation de corps, — ajoute M. Émile Acollas ; — reproche injuste, à coup sûr, et qu’explique seul l’esprit d’aveugle réaction, qui depuis l’immense effort de la grande révolution, s’est emparé d’une partie de la société française.

« La loi du 20 septembre abolit dans la séparation de corps une institution injuste, immorale et inefficace.

« Le catholicisme, conséquent ou même clairvoyant, eût dû repousser non-seulement la dissolution, mais le simple relâchement du lien conjugal ; il n’osa aller jusque-là, et c’est de cette façon que le prétendu palliatif de la séparation de corps s’introduisit dans les législations catholiques.

« Nous avons vu que le Code de la Convention admettait le divorce par la volonté de l’un des époux.

« Les rédacteurs du Code Napoléon se rapprochèrent sur ce point plus que sur aucun autre des idées de la Révolution ; il fut question de laisser au passé le legs funeste de la séparation de corps. Cependant, une transaction eut lieu ; la séparation de corps reparut dans la loi, à côté du divorce, et à titre de divorce des catholiques.

« On sait que, lors de la discussion de ce titre, Bonaparte se prononça avec une grande énergie en faveur du divorce. Pourquoi les interprètes, si enclins à faire argument de ses plus insignifiantes ou même de ses plus absurdes paroles, ne le citent-ils pas en matière de divorce ?

« Le divorce lui-même ne fut, d’ailleurs, maintenu qu’avec des modifications importantes.

« La Restauration fit mieux ; assurée du concours aveugle de la fameuse chambre introuvable, elle l’abolit par la loi du 8 mai 1816, et en revint simplement au régime catholique.

« Depuis cette époque, le rétablissement du divorce a été constamment demandé. Le jour où la France reprendra la tradition de 1789, et où elle inscrira en tête de ses lois la liberté et la responsabilité, ce retour à la loi du 20 septembre 1792 sera un des premiers progrès qu’elle accomplira. »