Le Correcteur typographe (Brossard)/volume 2/32/01

Imprimerie de Chatelaudren (2p. 868-886).


I

CHIMIE


« L’écriture ou notation chimique, dit Larousse[1], est à la nomenclature ce que la numération écrite est à la numération parlée. Comme moyen d’expression, elle laisse la nomenclature loin derrière elle ; elle a une tout autre importance, une tout autre fécondité d’application. Munis de cette langue idéographique, qui rendait d’une manière si claire, si exacte, toutes les idées, les chimistes ont cessé de se préoccuper de leur langue alphabétique, dont il était inutile dès lors de corriger les imperfections. »

Les anciens alchimistes, pour désigner les corps inanimés, se servaient de signes dont certains manuels typographiques font encore mention ; ils avaient été établis à une époque inconnue, mais en rapport avec l’influence que les corps célestes exerçaient, prétendait-on, sur les corps animés ou inanimés. Ainsi l’or, qui était regardé autrefois comme un métal solaire parfait, était représenté par un cercle ; le cuivre, le fer, l’antimoine, métaux solaires imparfaits, étaient figurés par un cercle surmonté ou accompagné d’une croix ou d’un dard ; l’argent, métal lunaire demi-parfait, était indiqué par un demi-cercle ; l’étain et le plomb, métaux lunaires imparfaits, étaient symbolisés, eux aussi, par un demi-cercle, mais celui-ci avait comme complément la croix ou le dard ; enfin, le mercure, métal imparfait, tout à la fois lunaire et solaire, était désigné par un cercle surmonté d’un demi-cercle et accompagné d’une croix.
xxxx Ce système, des plus compliqués, on en conviendra aisément, fut repris et transformé en partie, vers 1787, par Hassenfratz et Adet. À cette date, les substances simples et indécomposées étaient rangées en six classes, que les auteurs reprirent à leur compte et à chacune desquelles ils attribuèrent un signe particulier, imaginé d’après les usages des alchimistes : 1° substances qui paraissent entrer dans la composition du plus grand nombre des corps : représentées par une ligne droite, qui pouvait être soit horizontale, soit verticale, soit inclinée à droite, soit enfin inclinée à gauche ; 2° substances alcalines et terreuses : figurées par un triangle, en position normale ou renversée ; 3° substances inflammables : désignées par un demi-cercle, ouvert en haut ou en bas, à droite ou à gauche ; 4° substances métalliques : symbolisées par un cercle ; 5° substances acidifiables qu’on soupçonne formées de plusieurs principes et dont la décomposition peut se prévoir : un carré ; 6° substances composées dont on ne connaît pas encore les composants : un carré dont une pointe était tournée vers le haut. Le triangle, le demi-cercle, le cercle et les carrés ne donnant qu’un nombre restreint de combinaisons ou de positions différentes, insuffisant dès lors eu égard à la quantité des corps à représenter, Hassenfratz et Adet imaginèrent d’inscrire en ces figures la première lettre du nom latin de la substance. Ainsi la potasse, appartenant à la deuxième catégorie, était figurée par un triangle la pointe en haut, portant en son milieu la lettre P ; la chaux, par un triangle la pointe en bas, avec en son centre un C. Ces auteurs, dans le cas de noms possédant les mêmes initiales, accolaient à cette initiale, lors de la constitution du symbole, la consonne qui offrait le plus de différence entre les deux noms. L’argent, qui commence par un A, comme l’arsenic, était représenté par un cercle (quatrième catégorie) au milieu duquel était un A, tandis que le signe de l’arsenic était un cercle renfermant un A et un S-liés ensemble.

Ce système comportait, on le voit, deux espèces différentes de symboles : les symboles génériques (ligne droite, cercle, triangle, carré, demi-cercle) et les symboles spécifiques (lettres initiales). Les premiers, dont la complication était évidente, parurent rapidement inutiles et furent abandonnés. Avec Berzélius, la notation se simplifia et de la théorie d’Hassenfratz et Adet ne conserva que les symboles spécifiques, mode d’expression simple, clair, qui a su s’assimiler à tous les progrès et répondre à tous les besoins de la chimie moderne.

La notation s’applique à l’expression des composés et traduit les rapports numériques des éléments qui entrent dans les combinaisons. L’écriture chimique se limite donc à deux choses : des symboles pour exprimer l’espèce des éléments, des chiffres pour désigner le nombre des éléments combinés.

Chaque symbole éveille à la fois l’idée d’un corps simple et celle de l’équivalent de ce corps simple. Ainsi le symbole O n’exprime pas seulement l’oxygène, mais aussi 8 parties en poids d’oxygène ; le symbole H, 1 partie en poids d’hydrogène ; le symbole S, 16 parties en poids de soufre.

Plusieurs symboles juxtaposés avec ou sans chiffres constituent une formule, et tout corps composé est représenté par une formule.

Un petit chiffre placé à la droite de la lettre ne multiplie, dans la formule, que l’équivalent marqué par le symbole dont il est précédé.

Dans la formule 2 CO, le chiffre 2 multiplie chacun des équivalents du composé, CO et présente à l’esprit l’idée de 2 équivalents d’oxyde de carbone.

Dans la formule CO2, le chiffre 2 ne multiplie que l’équivalent de l’oxygène et présente à l’esprit l’idée des 2 équivalents d’oxygène qui entrent dans 1 équivalent d’acide carbonique.

Dans le tableau ci-dessous, où les corps sont divisés en métaux et en métalloïdes, sont donnés le nom, le symbole et le poids atomique des divers éléments connus avec certitude.

MÉTALLOÏDES
Arsenic 
  
As 075    
Iode 
  
Io 126,86
Azote 
  
Az 014,05
Oxygène 
  
O 015,96
Bore 
  
B 011
Phosphore 
  
P 030,95
Brome 
  
Br 079,95
Sélénium 
  
Se 079
Carbone 
  
C 012,005
Silicium 
  
Si 028
Chlore 
  
Cl 035,45
Soufre 
  
S 032,00
Fluor 
  
Fl 019
Tellure 
  
Te 125
Hydrogène 
  
H 001
MÉTAUX
Aluminium 
  
Al 027,08    
Molybdène 
  
Mo 096,0
Antimoine 
  
Sb 120
Nickel 
  
Ni 058,8
Argent 
  
Ag 107,93
Niobium 
  
Nb 094
Baryum 
  
Ba 137,1
Or 
  
Au 196,7
Bismuth 
  
Bi 208
Osmium 
  
Os 195
Cadmium 
  
Cd 112,1
Palladium 
  
Pd 106,5
Calcium 
  
Ca 040
Platine 
  
Pt 194,9
Cérium 
  
Ce 141,5
Plomb 
  
Pb 206,9
Chrome 
  
Cr 052,3
Potassium 
  
K 039,14
Cobalt 
  
Co 060,0
Rhodium 
  
Rh 104
Cæsium 
  
Cs 132,8
Rubidium 
  
Rb 085,4
Cuivre 
  
Cu 063,3
Ruthénium 
  
Ru 104
Didyme 
  
Di 145
Sodium 
  
Na 023,05
Erbium 
  
Er 166
Strontium 
  
Sr 087,5
Étain 
  
Sn 118,1
Tantale 
  
Ta 182,8
Fer 
  
Fe 056,0
Thallium 
  
Th 204,2
Gallium 
  
Ga 070
Thorium 
  
Th 233
Germanium 
  
Ge 072,3
Titane 
  
Ti 048,1
Glucinium 
  
Gl 009,1
Tungstène 
  
Tu 184
Indium 
  
In 113,7
Uranium 
  
Ur 240
Iridium 
  
Ir 193,0
Vanadium 
  
Va 051,3
Lanthane 
  
La 138
Ytterbium 
  
Yb 173
Lithium 
  
Li 007,02
Yttrium 
  
Yt 089,5
Magnésium 
  
Mg 024,4
Zinc 
  
Zn 065,3
Manganèse 
  
Mn 055,0
Zirconium 
  
Zr 090,5
Mercure 
  
Hg 200,1

Berzélius avait donné le nom d’atomes doubles aux équivalents de certains corps, tels l’hydrogène, l’azote, le fluor, le chlore, le brome, l’iode, le phosphore. Dans ses formules, ces atomes doubles étaient représentés par des symboles barrés :

H, Az, Fl, Cl, Br, I, P.

Ainsi pour désigner l’eau, au lieu d’écrire H20, Berzélius écrivait :

HO ou .

On rencontre encore quelques souvenirs de cette notation dans les anciens traités de typographie[2].
xxxx Berzélius avait coutume d’abréger les formules chimiques en figurant les équivalents d’oxygène par des points superposés horizontalement aux symboles des corps auxquels l’oxygène était associé.
xxxx La formule de l’acide sulfurique SO3 devenait, dès lors, suivant l’abréviation de Berzélius :

 ;

KO, formule de la potasse, était remplacé par :

 ;

le sulfate de potasse, KO,SO3, s’écrivait :

.

Un certain nombre de chimistes furent longtemps partisans de ce système.
xxxx  Une commission, composée de Guyton de Morveau, Lavoisier, Berthollet et Fourcroy, établit en 1787 les bases d’une nomenclature systématique, permettant de nommer facilement les combinaisons formées par tous les corps, le carbone excepté.

Les corps simples ont reçu des noms plus ou moins quelconques, rappelant le plus souvent une de leurs propriétés : le chlore {verdâtre), le brome (mauvaise odeur), l’azote (impropre à la vie) ; ou quelque circonstance particulière de leur découverte : gallium (trouvé en France), fluor (qui s’échappe, insaisissable). — D’autres, connus depuis longtemps, ont conservé le nom ancien.

1. Les corps sont divisés en corps simples et en corps composés.

2. Les corps simples, ou éléments, sont ceux qui n’ont pu être décomposés avec les procédés dont on dispose actuellement.

3. Chaque corps simple est représenté par une abréviation, ou symbole, formée le plus souvent par la lettre initiale du nom de ce corps :

  Hydrogène H,   Oxygène O,  
Carbone C, Soufre S ;
on la compose en grande capitale, et elle n’est habituellement séparée du nom qu’elle représente que par une espace forte, à l’exclusion de toute ponctuation.

4. Pour éviter une confusion possible entre deux corps simples commençant par la même lettre et devant dès lors être représentés par un symbole semblable, on a utilisé, pour l’un de ces corps, un symbole différent comprenant deux lettres, généralement la première et la deuxième du nom du corps :

  Silicium Si,   Sélénium Se,  
Osmium Os, Strontium St,
Calcium Ca, Cobalt Co.

5. Cette règle supporte cependant maintes exceptions :
xxxx Ainsi pour le strontium nombre d’auteurs emploient plus volontiers le symbole Sr (au lieu du symbole régulier St) ; pour le chlore, Cl ; pour le magnésium, Mg.

6. Lorsque plusieurs noms possèdent deux premières lettres analogues, on prend, pour l’un d’eux, la première et, indifféremment, l’une des lettres qui se trouvent dans le corps du mot :

  Rubidium Rb,   Cæsium Cs,  
Cadmium Cd, Arsenic As.

7. Enfin, bon nombre des symboles chimiques sont simplement les lettres initiales du nom latin du corps simple, ou l’initiale du nom étranger sous lequel ce corps simple fut désigné par les anciens alchimistes :

Le symbole de l’étain comprend les deux lettres St, initiales du mot latin stannum ; celui de l’or, les lettres Au, de aurum ; celui du sodium, Na, du latin natrium ; celui du potassium, la lettre K, du mot arabe kalium.

8. Pour les symboles tirés du nom latin, on a utilisé également la lettre initiale et une lettre prise dans le corps du mot :

Pour désigner le mercure, dont le nom latin est hydrargyrum, on a créé le symbole Hg ; pour l’antimoine, appelé stibium, on possède le symbole Sb.

9. La lettre initiale est toujours une grande capitale ; la lettre qui suit, une lettre bas de casse ; elles sont groupées sans espace.
xxxx Les symboles chimiques, grandes capitales et bas de casse, se composent en romain.

S’ils figurent dans un texte italique ou gras, ils sont composés en italique ou, le cas échéant, en caractère gras[3].

10. Les corps composés sont représentés par des abréviations que l’on appelle des formules.
xxxx Pour obtenir la formule d’un corps composé, on écrit à la suite les uns des autres les symboles des corps simples qui le forment :

Le sel ordinaire formé par l’union du sodium Na et du chlore Cl s’écrira :

NaCl

11. Pour chaque symbole on suit le mode de composition — romain capitale ou bas de casse — indiqué précédemment ; les symboles sont réunis et groupés sans espace.

Cette règle est suivie actuellement par tous les auteurs. Il n’en était pas de même autrefois. En effet, dans le Nouveau Manuel complet de Typographie, A. Frey et E. Bouchez, dans les symboles des corps composés, séparaient par une espace fine les divers constituants de ces corps. Ainsi ils composaient :

  Cb2O3
Sesquioxyde de colbalt
  Fe2O3
Peroxyde de fer
  Mn3O4
Oxyde rouge de manganèse
  (SO3)3Al2O3
Sulfate d’alumine
  PhO3CaO
Phosphate de chaux
 

12. La formule d’un corps composé peut présenter plusieurs accidents de composition typographique.
xxxx L’auteur veut exprimer le nombre d’atomes[4] et de molécules[5] du corps dont il s’occupe : à cet effet il écrit, à droite du symbole, un chiffre appelé exposant (indiquant le nombre des atomes entrant dans la molécule).
xxxx Quand il n’entre qu’un seul atome d’un corps, l’exposant 1 n’est jamais exprimé : autrement dit, un symbole sans exposant représente 1 atome :

NaCl


veut dire que 1 molécule de sel ordinaire est formée par
l’union de 1 atome de sodium Na et de 1 atome de chlore Cl.

13. L’exposant se compose en supérieure :

H2O


veut dire : 1 molécule d’eau est formée par l’union de 2 atomes d’hydrogène H et de 1 atome d’oxygène O ;

SO4H2


signifie : 1 molécule d’acide sulfurique est formée par la combinaison de 1 atome de soufre S (l’exposant 1 n’est jamais exprimé), de 4 atomes d’oxygène O et de 2 atomes d’hydrogène H.

En France, l’indice atomique est placé, comme on le voit dans les formules ci-dessus, en haut et à droite des symboles :

SO4Na2
sulfate de sodium

À l’étranger, l’indice atomique est plus fréquemment placé en bas et à droite du symbole :


sulfate de sodium

Les chimistes, d’ailleurs, s’accordent fort peu en ce qui concerne l’adoption d’un système universel de groupement des symboles.
xxxx Si, par exemple, on examine la manière de placer les divers symboles constitutifs d’un groupement, on remarque qu’en Suisse on écrit :

Ba(NO3)2 ;
nitrate de baryum


en France, on aura :

(NO3)2Ba,


et dans la plupart des autres pays :

.

Parfois, certains auteurs écrivent indifféremment de l’une ou l’autre manière (à l’exception de la disposition suisse) la notation. Par exemple, l’Agenda allemand du chimiste, Chemiker Kalender, donne des formules dont les atomes sont indiqués en chiffres supérieurs. En France, l’Institut de Chimie de Nancy enseignait à ses élèves l’emploi de la notation étrangère à l’exclusion de la notation française[6].

Si l’on ajoute à cela les divergences d’expression rencontrées même chez les chimistes français, divergences qui sont en dehors des questions étudiées ici, on voit à quelles difficultés se heurte, pour son travail, le correcteur consciencieux.
xxxx Pour ajouter un simple exemple, on peut rappeler que le mode de désignation de la position des groupements substitués dans le noyau aromatique est soumis à des variations nombreuses :

Ainsi la pyrocatéchine est écrite :
xxxx Par Weil :

,


par Carré :

,


par Moureu :

 
(1)
 
(2)

On trouve encore souvent les indices placés en dehors des groupements, alignés sans parenthèse et avec un point de rapport entre eux :


acide naphtolsulfonique

Enfin, les groupements sont parfois répétés en dehors de la formule[7] :

14. Les chiffres supérieurs et les chiffres inférieurs se collent sans espace aux lettres qu’ils accompagnent.

15. Les lettres minuscules et les lettres supérieures représentant des quantités déterminées ou inconnues se composent en italique :

Pour obtenir un excès de chlore susceptible de se dégager, il faut qu’il y ait plus d’atomes d’oxygène que d’atomes de manganèse, et que, par suite, on ait . On a alors la formule :

Pour que cette formule ait une signification, il faut :

, c’est-à-dire .

16. Le nombre de molécules attribué à un corps s’indique par un chiffre appelé coefficient, placé devant la formule :

indique : 2 molécules d’acide chlorhydrique.

Le chiffre employé est un chiffre de la casse : suivant les imprimeries, on le colle à la lettre qui le suit :


ou on le sépare de celle-ci par une espace de 1 point ou de 1 point 1/2 au plus, comme on l’a vu à l’exemple précédent.
xxxx Cette deuxième manière est plus convenable : dans le cas où la formule commence par l’oxygène (dont le symbole est O), elle évite une confusion possible du lecteur croyant voir un 0 (zéro) là où il faut lire O :

.

17. La valeur, la puissance de combinaison d’un élément s’appelle valence ou encore, mais plus rarement, liaison.
xxxx La valence d’un élément se détermine par le nombre d’atomes univalents qu’il peut fixer ou remplacer.

18. La valence de 1 atome s’indique en ajoutant à son symbole autant de traits que cette valence compte d’unités.
xxxx Les éléments monovalents sont figurés ainsi :


ou :

.

Les éléments bivalents sont représentés de la manière suivante :

= ou  ;


l’azote, trivalent :

ou  ;


le carbone, tétravalent :

ou .

La disposition relative de ces traits, de ces liaisons, n’a d’ailleurs aucune signification : ainsi les éléments bivalents peuvent être disposés :

ou  ;


l’azote, trivalent :

ou  ;


le carbone, tétravalent :

  ou  .

19. Le blanc entre les traits doit être rigoureusement semblable :

ou  ;


et non pas :

Az  et  C ,


c’est-à-dire que les signes employés doivent être fondus d’une seule pièce.

20. Les valences disposées au-dessus ou au-dessous des symboles sont composées couchées ; elles sont justifiées dans une ligne de demi-cadratins du corps également couchés ; les valences devant être collées aux symboles, la composition est compacte.

21. Suivant les imprimeries les traits employés sont fondus sur demi-cadratin, ce qui, dans certaines circonstances, facilite le travail ; ou sur cadratin, ce qui permet d’utiliser les tirets et les égalités.
xxxx Lorsque les tirets sont utilisés comme valences, le correcteur se souviendra qu’ils ne doivent pas être confondus avec le signe moins, et, conséquemment, qu’ils ne comportent espacement ni avant ni après eux.

22. Au lieu de traits, on emploie parfois le point dans les formules générales, surtout lorsqu’on étudie les corps au point de vue de leurs fonctions chimiques, par exemple dans les fonctions acides et anhydrides :

Les anhydrides sont définis : au point de vue expérimental, en ce qu’ils dérivent des acides par perte d’eau, et au point de vue des formules, par le schéma :

ou  .

Dans ces formules, est un radical bivalent comme le sulfuryle SO2 ; et  , deux radicaux monovalents, identiques ou non. 1 molécule d’anhydride dérive de 2 molécules d’acide monobasique avec perte de 1 molécule d’eau :

.

Les sels ainsi formés ont pour formules, respectivement :

  ou  .

23. Le point, en raison de l’approche qu’il porte de chaque côté de l’œil, est collé aux lettres qui le précèdent et le suivent, comme les valences représentées par des traits ; par contre, le deux-points doit comporter avant et après lui une espace de 1 point.

24. Dans les formules générales où l’on représente un métal de fonction base par la lettre quelconque , et de fonction acide par la lettre , on ajoute à ces lettres un nombre d’accents en rapport avec la valence que l’on suppose au métal considéré : représente 1 atome de métal monovalent ; , 1 atome de métal bivalent ; , 1 atome de métal trivalent ; , 1 atome monovalent de métalloïde ; , 1 atome bivalent de métalloïde.
xxxx On a :

 
monovalent,

bivalent,

trivalent,

tétravalent,
 
 
pentavalent,

hexavalent.
 

Il est indispensable, au point de vue du bon aspect typographique, d’utiliser des signes et fondus d’une seule pièce ; au cas où ceux-ci sont insuffisants, il est préférable d’employer des signes isolés accolés, tels et , plutôt que de combiner un signe et un signe pour obtenir le signe .
xxxx Le correcteur ne confondra jamais le signe avec un accent aigu, lorsque ce signe se rencontrera avec une lettre e par exemple : aucune lettre accentuée n’est en effet utilisée dans les symboles de chimie.
xxxx L’emploi de l’apostrophe (’), pour représenter le signe , n’est pas admis.

25. Voici un tableau des principaux métaux rangés par ordre de valence :

Monovalents Bivalents Trivalents
Lithium Magnésium Or
Sodium Calcium Thallium
Potassium Zinc
Argent Cuivre
Mercure
Tétravalents Pentavalents Hexavalents
Étain Antimoine Molybdène
Aluminium Bismuth Tungstène
Fer Iridium
Chrome
Plomb
Platine

26. Dans les formules les auteurs ont cherché à représenter non seulement la composition chimique, mais aussi le poids moléculaire[8] des corps.
xxxx On a donné à ces formules le nom de formules brutes.
xxxx Les formules brutes sont celles où les symboles des corps simples sont mis les uns à la suite des autres et accompagnés, lorsqu’il y a plus de 1 atome d’un certain corps, par un chiffre indiquant pour chaque corps simple le nombre d’atomes qui entrent dans la composition de la molécule :

Ainsi la formule brute du sulfate double de fer et de potassium serait :

.

Les formules de constitution sont celles où les symboles sont groupés de façon à rappeler les conditions de formation du corps, ou de façon à mettre en évidence certains groupes d’éléments jouant un rôle important dans les réactions du corps :

Ainsi la formule du sulfate double de fer précédente serait :

.

elle met en évidence le sulfate ferreux, le sulfate de potassium et l’eau.

Chaque groupe de formules représentant un composé est séparé du suivant par une virgule ; le tout est groupé sans espace, puisque c’est une formule générale, autre que l’espace entre 6 et H.
xxxx Pour établir les formules de constitution, ou formules développées, on a recours à la valence des éléments.

27. Dans les formules développées les chimistes écrivent les symboles des corps avec les liaisons caractéristiques de ces symboles, de façon qu’un symbole se trouve à chaque extrémité d’un trait, ce que l’on exprime en disant : de façon que chaque valence soit satisfaite.
xxxx Voici quelques formules développées :

Eau :

  ou    ;

Ammoniac :

   ou  

azote trivalent ;

Méthane :

   ou  


carbone tétravalent ;

Acide azotique :

   ou  
azote pentavalent.

Cependant une liaison peut rester libre, le groupe fonctionne alors comme un groupe monovalent :

   ou aussi   ,

Parfois cependant les auteurs n’emploient pas les formules entièrement développées ; ils se bornent à mettre en évidence simplement le ou les corps dont ils parlent ou qui les intéressent. Ainsi, par exemple, ils écrivent l’acide azotique de la manière suivante :

,


une seule liaison étant explicitement figurée, bien que la formule développée du groupe soit réellement :

 
.

28. Dans les cas où il existe plus de composés ayant même formule qu’il n’existe de schémas possibles satisfaisant à toutes les valences, on fait intervenir, pour les représenter, une notion nouvelle : au lieu de former, avec les symboles des corps simples et les liaisons correspondantes, des figures planes, on forme des figures dans l’espace, ce qui donne lieu à des arrangements plus nombreux : ces formules sont dites formules stéréo-chimiques :

La pyridine dérive du benzène par la substitution de 1 atome trivalent d’azote à un groupe trivalent CH. La formule développée est :

La quinoléine dérive du naphtalène comme la pyridine du benzène. La formule développée est :

La chimie organique possède dans la formule structurale développée un moyen élégant de mettre en évidence la composition, les caractères chimiques et souvent aussi physiques de la substance en question :

Des raisons typographiques obligent parfois à abréger, et on a :


puis :


et enfin, commodité d’écriture, économie de composition typographique :

.

29. Pour exprimer la composition centésimale, le poids moléculaire et se rendre compte des réactions et décompositions d’un corps, on se sert des équations génératrices :

.

30. Les réactions qui se passent entre plusieurs corps sont également représentées par une égalité on équation.
xxxx Dans le premier membre de l’égalité on écrit les symboles des corps simples ou les formules des corps composés qui réagissent les uns sur les autres ; dans le second membre on écrit les symboles ou les formules des corps qui prennent naissance dans la réaction :

Dans la formation de l’eau, 2 volumes d’hydrogène, en s’unissant à 1 volume d’oxygène, donnent 2 volumes de vapeur d’eau ; on exprime ce résultat en écrivant que 2 molécules d’hydrogène 2 H2, en s’unissant avec 1 molécule d’oxygène O2, produisent 2 molécules de vapeur d’eau 2 H2O :

.

31. Chaque symbole dans son groupe est composé, suivant les indications précédentes, sans espace entre les lettres ; les coefficients sont collés aux lettres qu’ils précèdent ou, mieux, séparés d’elles par une espace de 1 point ou de 1 point 1/2 au plus ; les exposants (en supérieures) son collés aux symboles ou aux groupes de symboles qu’ils accompagnent. Comme dans l’algèbre, les signes —, +, =, etc., indiquant une opération à effectuer doivent être séparés des termes qui les précèdent et qui le suivent par un blanc exactement semblable à celui placé entre chacun de mots de la ligne où ils se rencontrent :

.

L’hydrogène réagit sur l’oxyde de cuivre (ou plutôt réduit l’oxyde de cuivre) en produisant de l’eau et dégageant le métal.

32. Si, sous les symboles, on indique les poids que ces symboles représentent et les volumes que possèdent les corps :

Formule chimique :
,
en poids :
,
en volumes :
,


les signes algébriques des trois formules doivent se trouver sur le même alignement vertical ; la formule la plus longue seule prend l’espace forte régulière ; les chiffres et les symboles des lignes les plus courtes sont, à

la composition, alignés sur le milieu des chiffres ou des symboles de la ligne la plus étendue : c’est donc cette dernière par laquelle le typographe doit commencer la composition.

33. Dans les corps composés, la parenthèse enfermant une fraction du composé est séparée des parties qui la suivent et la précèdent par une espace de 1 point :

On obtient, tout d’abord, un précipité de protoxyde :

,
.

On fait arriver dans la liqueur, maintenue à 55°, un courant d’air qui peroxyde ce composé en donnant un manganite .

L’indice atomique en chiffres supérieurs qui suit la parenthèse n’est jamais séparé de cette dernière par une espace.

34. Les indications de réactions chimiques qui ne peuvent être composées en une seule ligne se coupent avant l’un des signes + et = :

Avec l’acide sulfurique concentré il donne de l’oxyde de carbone :


xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx ;


l’excédent de composition se reporte vers la droite de la justification, alors que le début de la formule est placé vers la gauche ; toutefois, il est recommandé, qu’à moins d’impossibilité absolue chaque ligne soit — pour la première au début de la justification, et pour la deuxième à la fin — renfoncée d’un certain nombre de cadratins.
xxxx Quelques auteurs exigent l’emploi du signe algébrique, dans la première ligne, à la fin de la coupure, et au début de la deuxième :


xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx.

Cette disposition ne semble pas acceptée par tous les auteurs. Un bon nombre de ceux-ci, en effet, à la suite des prescriptions de Th. Lefevre en ce qui concerne la composition de l’algèbre[9], recommandent de « mettre au milieu de la ligne l’excédent de composition ».
xxxx On peut penser qu’une opération ainsi disposée peut parfois causer chez le lecteur une certaine hésitation : la composition en deux lignes justifiées au milieu laissant supposer qu’il s’agit de deux opérations distinctes. Cette erreur ne saurait se produire dans le cas d’une justification d’opération en « lignes décalées » ou en escalier.
xxxx Aucune règle typographique n’exige d’ailleurs formellement, dans la composition des réactions chimiques, que la première ligne soit plus longue que la deuxième, et, inversement, la deuxième plus courte que la première. L’essentiel est de couper la formule d’une manière rationnelle et de la disposer de façon à aider à l’attention du lecteur.

35. La coupure ne devra jamais avoir lieu soit avant, soit après une valence, lorsqu’il en existe dans l’indication de la réaction, ni avant ou après une parenthèse enfermant des symboles faisant partie d’un corps.

36. Il serait désirable que les éditeurs exigent de leurs imprimeurs l’emploi de signes typographiques permettant de différencier très facilement un signe égalité d’une double liaison et de faciliter ainsi le travail de l’œil :

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Un profane est incapable de faire une distinction, dans cette formule des Notions fondamentales de Chimie, de Moureu, entre les signes moins et égalité et les valences. Pour obvier à cet inconvénient, certains auteurs emploient des valences fondues sur demi-cadratin et le signe égalité en gras .
xxxx D’autres, tels ceux du journal Chemisches Zentralblatt, emploient à la place du signe égalité un simple trait gras.

37. En France, il n’y a pas de signe spécial pour désigner les réactions réversibles.
xxxx Souvent on emploie deux flèches simples, ; afin de pouvoir rapprocher ces signes le plus possible l’un de l’autre. On rencontre également une flèche pour les réactions s’écoulant dans une direction seulement, et deux flèches contraires pour les réactions réversibles :

.

Dans les publications allemandes, un signe de réversibilité en forme de Z très aplati et aux branches allongées est en usage.

38. Lorsque sous les symboles est exprimée la désignation du corps, on utilise pour la composition de cette désignation un corps inférieur d’au moins 2 points à celui employé pour la composition de la formule. Cette désignation, si elle est d’étendue plus courte que les symboles, se justifie au milieu de l’étendue de ces derniers ; inversement, si les symboles occupent une place moins importante que la désignation, ils se justifient sur le milieu du texte de cette dernière :



Type eau trois fois condensée
 


Glycérine

39. Dans une indication de réactions de certaine étendue, la désignation des corps, composée en petits caractères, peut être établie sur deux lignes, afin d’éviter entre chaque composé un blanc exagéré :


BioxydeChlorureAcide sulfurique
de manganèsede sodium

.

40. Pour indiquer certaines possibilités de combinaisons plus ou moins importantes d’un corps déterminé avec un autre afin de constituer un corps composé, les chimistes utilisent les préfixes per, prot, bi, tri, penta, tétra, sesqui, hypo. Ces expressions s’unissent sans division avec le radical du nom du corps combiné :

  anhydride persulfurique,   protoxyde de fer,  
sesguioxyde de fer, pentachlorure de mercure.

41. Il est particulièrement difficile de donner des règles précises pour l’emploi, le cas échéant, du trait d’union dans les corps composés. Suivant les auteurs, une même désignation d’un corps composé sera écrite tantôt en un seul mot, tantôt séparée, suivant ses constituants les plus importants, en un ou deux termes réunis par un trait d’union.

42. Les lettres grecques sont d’un usage fréquent dans les formules chimiques. Mais là encore l’incertitude règne sur le mode de leur liaison avec l’expression du composé, soit par un trait d’union, soit par une réunion pure et simple à l’expression elle-même. Dans ces différents cas, le correcteur agira sagement en se conformant à l’orthographe de l’auteur, à condition, bien entendu, que cette orthographe suive une marche absolument régulière.

  1. Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, t. IV, p. 114 (1869).
  2. Voir notamment : Nouveau Manuel complet de Typographie, par A. Frey, revu et complété par E. Bouchez (1857), p. 5 ; — Guide pratique du Compositeur et de l’Imprimeur typographes, par Th. Lefevre (1883), p. 116.
  3. À la différence des lettres algébriques qui sont composées en italique dans un texte romain, et parfois, suivant les imprimeries, en romain dans un texte italique, ou en italique dans un texte gras.
  4. Atome d’un corps simple : la plus petite partie de ce corps qui puisse entrer dans un corps composé comme masse indivisible par les forces chimiques.
  5. Molécule d’un corps, simple ou composé : la plus petite partie de ce corps qui puisse exister en liberté, intervenir dans une réaction ou en résulter.
  6. D’après la troisième Conférence de l’Union de Chimie pure et appliquée tenue, à Lyon, du 27 juin au 1er juillet 1922.
  7. Traité de Bernthsen, 1900, p. 369.
  8. On appelle poids moléculaire d’un corps, simple ou composé, le produit de sa densité à l’état gazeux par 28,88.
    xxxx On appelle poids atomique d’un corps simple le plus grand commun diviseur des poids de ce corps qui entrent dans les poids moléculaires de tous les composés qu’il forme.
  9. Guide du Compositeur et de l’Imprimeur typographes, chap. iv, De l’Algèbre, p. 161.