Le Correcteur typographe (Brossard)/volume 2/28

Imprimerie de Chatelaudren (2p. 778-790).


CHAPITRE XXVIII

PARENTHÈSES



Au sens propre du mot, on appela d’abord parenthèse une « phrase formant un sens distinct, séparé, de Celui de la période dans laquelle elle est insérée : Les longues parenthèses obscurcissent le discours. » (Vaugelas.)
xxxx Plus tard, on donna abusivement ce nom aux signes eux-mêmes « dont on enfermait les mots d’une parenthèse ».
xxxx L’abus s’est conservé de nos jours, et le terme parenthèse désigne aussi bien les signes que le texte qu’ils contiennent : soit « réflexion accessoire de la phrase principale, soit renseignement ou observation connexes à cette phrase, soit renvoi à une source » ; les signes de notes eux-mêmes sont fréquemment mis entre parenthèses et même certains signes orthographiques, tels que le point d’exclamation, le point d’interrogation et, plus rarement, les points de suspension.
xxxx Dans l’écriture comme en typographie, le signe de la parenthèse est figuré par un quart approximatif de cercle, plus ou moins renflé en son milieu et généralement effilé à ses extrémités.

1. On dit : Ouvrir la parenthèse, Ouvrez la parenthèse, La parenthèse est ouverte, lorsque l’on veut employer le premier des signes (parenthèse initiale) destinés à enserrer le mot, le membre de phrase ou la phrase parenthèse ; par suite, pour la parenthèse finale, c’est-à-dire pour le signe terminant le texte, on dira : Fermer la parenthèse, La parenthèse est fermée, Fermez la parenthèse.

2. La parenthèse initiale a ses pointes tournées vers la droite du lecteur.( ; ce signe est fondu de telle sorte que, pour obtenir la parenthèse finale, il suffit de le retourner cran dessus : il fait alors face à la parenthèse initiale et a ses extrémités tournées vers la gauche du lecteur ).

3. D’une manière générale, sauf exceptions très rares, la parenthèse initiale est collée au mot, au signe ou au chiffre commençant le texte parenthèse.
xxxx La parenthèse finale se colle à la lettre terminant ce même texte.

Les auteurs diffèrent d’opinion sur cette question.

De l’examen des exemples cités par Tassis, par Desormes, par Dumont et par E. Leclerc, il faut conclure que ces auteurs appliquent cette règle, bien qu’ils n’en disent mot.

Autrefois la parenthèse initiale était suivie, et la parenthèse finale était précédée d’une espace de 1 point, ou, au plus, 1 point et demi, comme la virgule et le point.
xxxx Bon nombre d’auteurs donnent d’ailleurs cet espacement comme une règle typographique.

J. Claye[1] accentue cette idée en prescrivant un blanc encore plus important : « Devant et derrière la parenthèse, on doit mettre une espace moyenne, et l’on ne se dispense de ce soin qu’à moins d’impossibilité. »

D’après Chollet[2], « on sépare toujours par une espace fine les parenthèses, excepté lorsqu’elles entourent un appel de note,… des mots qu’elles embrassent… Cependant, dans les justifications courtes, on supprimera l’espacement. »

Muller[3] exprime la même opinion : « La parenthèse et le crochet prennent intérieurement l’espace d’un point… »

« La parenthèse et le crochet, dit Th. Lefevre[4], prennent extérieurement, la même espace que les mots ; mais, intérieurement, ils prennent une espace de moindre force, parce qu’ils jouent en sens inverse le rôle de la virgule. — La parenthèse du renvoi de note ne reçoit aucune espace intérieurement. »

4. L’une des questions les plus importantes soulevées par l’emploi des parenthèses est la place que la ponctuation de la phrase ou, le cas échéant, de la parenthèse elle-même doit occuper par rapport aux signes.

D’après Daupeley-Gouverneur[5], la parenthèse, c’est-à-dire le texte enfermé entre les deux signes, peut être dépendante (c’est-à-dire « avoir un rapport intime et direct avec la phrase ou partie de phrase qui précède) ou indépendante (et, dès lors, « n’avoir avec cette même phrase qu’un rapport très secondaire ou éloigné »).

a) La parenthèse dépendante ne tolère entre elle et le mot qui précède aucune ponctuation ; le mot par lequel elle débute ne peut prendre une grande capitale, à moins qu’il ne soit un nom propre ; enfin, la parenthèse elle-même, à moins d’être exclamative, interrogative ou suspensive, n’est pas suivie d’une ponctuation avant le dernier signe :

On fit venir Dicon (c’est le nom indien du chef de guerre). Lorsqu’on lui eut expliqué ce dont il s’agissait…
xxxx Le poumon, qui avait présenté quelques tubercules, allait mieux (dans une autre consultation la somnambule en avait parlé) ; la malade sortait, et la guérison fut bientôt complète.

b) Avec une parenthèse indépendante, la ponctuation se place immédiatement après le texte auquel elle appartient, et avant le signe de la parenthèse ; le premier mot de la parenthèse prend toujours une grande capitale ; et une ponctuation finale termine la phrase enserrée entre les deux signes :

Elle a pu indiquer les remèdes qui convenaient, et tout ce qu’elle a pu dire a été confirmé par la malade elle-même lorsqu’elle est arrivée au somnambulisme. (S’il s’agit d’elles-mêmes, les somnambules sont toujours d’une clairvoyance parfaite.) Faut-il déduire de là, comme de toutes les expériences…

Par ponctuation finale, il faut entendre, dans ce cas, le point, le point d’interrogation, le point d’exclamation, les points de suspension.

c) Comme le reconnaît Daupeley-Gouverneur, « on rencontre assurément des cas où il est assez difficile de résoudre la question de savoir si la parenthèse est dépendante ou indépendante, parce qu’elle participe également des deux états ». « Le seul point essentiel est d’adopter une des deux manières d’être et de traiter la parenthèse en conséquence. »
xxxx Ainsi certaines phrases à sens complet, suivies de parenthèses à sens complet également, pourront être indifféremment suivies ou non de la ponctuation finale avant l’ouverture de la parenthèse, celle-ci ayant ou non, suivant les circonstances, sa ponctuation propre avant le dernier signe.

On pourrait donc ponctuer :

… Ses yeux se fermèrent, et ses mains devinrent froides. La dame qui causait avec elle, et qui lui tenait la main, la lâcha en la sentant glacée et humide à l’intérieur. (La sensation est semblable à celle qu’on éprouve en touchant à un reptile.) S’apercevant que la jaune fille était endormie, elle fut tellement émotionnée…


ou :

… Ses yeux se fermèrent, et ses mains devinrent froides. La dame qui causait avec elle, et qui lui tenait la main, la lâcha en la sentant glacée et humide à l’intérieur (la sensation est semblable à celle qu’on éprouve en touchant à un reptile). S’apercevant, que la jeune fille…

5. Après une citation formant phrase complète, lorsqu’une réflexion, une explication du texte cité sont placées entre parenthèses et se composent d’une ou de plusieurs phrases, la ponctuation finale de la citation se place avant la parenthèse initiale et est, suivant le cas, précédée ou suivie de son guillemet final ; la phrase entre parenthèses est alors évidemment indépendante ; elle prend, avant sa parenthèse finale, la ponctuation qui lui convient :

Il y pose la loi qui porte toujours son nom, laquelle loi se trouve ainsi formulée : « La condensation de l’air se fait selon la proportion des poids dont il est chargé. » (C’est plus tard, avec les progrès de la physique et de la chimie, que la loi de Mariotte a pris une forme plus générale : La température restant la même, le volume d’une masse donnée d’un corps quelconque est en raison inverse de la pression qu’elle supporte. Mais ne s’est-on pas un peu trop pressé d’appliquer à tous les gaz ou vapeurs la loi que Mariotte avait seulement établie pour l’air ?… On a beau jeu vraiment à venir dire que la loi de Mariotte n’est pas exacte !… Elle n’est qu’approchée, et tous les gaz s’en éloignent plus ou moins…)

6. Mais si la réflexion, si l’explication entre parenthèses, composées de plusieurs phrases complètes ayant ponctuation finale du point, se trouvent dans le corps même de la citation ou du discours, au milieu de la phrase, on ne peut mettre une ponctuation avant la parenthèse initiale de la réflexion ; et le lecteur peut être choqué de cette bizarrerie. On cherche alors à tourner la difficulté en remplaçant par un point et virgule le point final de chacune des phrases de l’explication contenue dans la parenthèse.
xxxx L’exemple suivant est typique à cet égard ; la ponctuation donnée par l’auteur était la suivante :

Voici un extrait du Journal de la Vienne, du 13 juin 1846. (Il est question d’une sourde-muette de vingt-huit ans, mariée et ayant un enfant. Nul être dans ce monde n’éprouvera la joie que cette femme ressentit lorsque, après quelques séances, elle entendit la voix de son enfant. Un médecin de Poitiers continue cette cure, qui est très avancée et qui sera bientôt complète) : « Nous avons assisté hier soir à la seconde séance de magnétisme, donnée par M. Ch. Lafontaine, et, hâtons-nous de le dire, nos espérances ont été pleinement justifiées… »

La ponctuation de la phrase principale est fautive : un point final devant la parenthèse initiale, alors que la présence de la citation annoncée oblige, après la parenthèse finale, à l’emploi d’un deux-points ; en outre, la troisième phrase de la parenthèse ne comporte pas, bien que complète, le point final pourtant obligatoire. L’auteur et, après lui, le compositeur et le correcteur ont peut-être compris la singularité de cette ponctuation ; mais ni l’un ni l’autre n’ont sans doute cherché à résoudre de manière convenable la difficulté.
xxxx Cependant, sans nuire en rien à la clarté du texte, il semble qu’il eût été possible de tolérer une ponctuation différente :

Voici un extrait du Journal de la Vienne, du 13 juin 1846 (il est question d’une sourde-muette de vingt-huit ans, mariée et ayant un enfant ; nul être dans ce monde n’éprouvera la joie que cette femme ressentit lorsque, après quelques séances, elle entendit la voix de son enfant ; un médecin de Poitiers continue cette cure, qui est très avancée et qui sera bientôt complète) : « Nous avons assisté hier soir… »

7. Dans les pièces de théâtre, en prose ou en vers, les apartés ou jeux de scène, généralement entre parenthèses, sont des intercalations qui peuvent être classées comme parenthèses dépendantes ou parenthèses indépendantes.

a) Les règles qui régissent l’emploi de la ponctuation dans le cas des parenthèses indépendantes ne souffrent aucune exception pour le cas où les apartés et jeux de scène sont rangés dans cette catégorie :

michu

Je suis en train d’apprendre à l’école du soir. Un beau matin, je me suis dit : « Bourrique ! Voilà que ça chauffe encore pour la République, et tu n’es pas plus avancé qu’au temps de l’Empire !… (Baudouin biffe le titre qu’il vient de tracer.) Alors, c’est épatant ce qui m’arrive…

baudouin, biffant, encore un titre

Il ne viendra pas ! (Se levant et allant à Michu.) Comment dirais-tu ça, Michu : …

b) Mais il est nécessaire de remarquer que, si l’aparté est considéré comme parenthèse dépendante, c’est généralement du texte qui suit (et non de celui qui précède) que le jeu de scène dépend ; pour ce motif, présente toujours la parenthèse est précédée de la ponctuation (virgule, deux-points, point et virgule ou autre) demandée par la phrase ; le premier mot de la parenthèse ne prend pas la grande capitale, à moins qu’il ne soit nom propre ; enfin, la parenthèse elle-même a souvent une ponctuation propre (deux-points) placée avant son dernier signe.

c) Il faut reconnaître cependant que ces indications, malgré tout ce qu’elles peuvent avoir de rationnel, sont loin d’être règles typographiques.
xxxx Bon nombre d’imprimeries, désireuses, pour faciliter le travail de leurs compositeurs, d’établir une marche invariable, ne font aucune distinction entre apartés ou jeux de scène dépendants et indépendants ; dans toutes circonstances la parenthèse prend la capitale et possède sa ponctuation propre :

michu

Maintenant que je commence à connaît’ mes lettres… les mots font du bruit sur le papier comme quand on parle… Il me semble que je les lis par les oreilles… et, quand je ramasse un journal, tenez.. ? (Il en ramasse un pour faire sa démonstration.) c’est comme qui dirait une foule qui gueule !

baudouin

Ça ne fait rien, c’est ta signature !… (Dictant.) « Maî… tre… d’é… » Allons, populo, c’est tout dé même Marianne qui t’a décrassé !

pratt

Ledit Roquin prétend que les Révérendistes de la rue de Varenne ont fait des démarches au Ministère de l’Intérieur et offert une somme de un million (Rires, protestations, bruit ; on répète ironiquement : « Un million ! ») pour être épargnés dans la proscription des établissements congréganistes…

d) C’est particulièrement dans les pièces de théâtre en vers que s’est établi l’usage de considérer comme parenthèse indépendante tout jeu de scène quel qu’il soit.
xxxx Alors que Tassis, à propos de l’emplacement de la ponctuation, donnait l’exemple suivant :

Qu’ils soient libres tous deux ; et que Pallas demeure ;
Que vous me permettiez de vous voir à toute heure ;

(apercevant Burrhus dans le fond du théâtre)

Que ce même Burrhus, qui nous vient écouter,
À votre porte enfin n’use plus m’arrêter…


on préfère, à l’heure actuelle, composer :

elle

… Je sais très bien
Que vous n’aimez que les lumières un peu sombres,
Et j’ai fait diminuer les lampes, afin
De vous plaire. Parlez-moi dans cette pénombre…

(Un temps. Puis, souriante, tentée.)

D’elle !

lui

Non !… Plus… plus cela, je vous prie, assez !…

Sans faire allusion à cette coutume, Leclerc l’accepte tacitement dans une citation qu’il ponctue ainsi :

Que vois-je là dans l’ombre ? Oh ! rien, souvent

(Il se dirige vers Job dans les ténèbres.)

La nuit nous trompe…

(Il pose sa main sur la tête de Job.)

C’est un être vivant !

8. Les phrases exclamatives, interrogatives ou suspensives, placées à titre de parenthèses dépendantes au milieu d’une autre phrase, exigent à l’intérieur des parenthèses la ponctuation qui leur est propre :

C’est de vous, Mesdames (le savez-vous, et y avez-vous jamais bien songé devant Dieu ?), c’est de vous que dépendent la sainteté et la réformation du catholicisme.

9. Mais, si une phrase exclamative, interrogative ou suspensive, ayant un sens complet, est suivie d’une parenthèse exclamative, interrogative ou suspensive également à sens complet, obligatoirement, chacune de ces phrases doit être accompagnée immédiatement de la ponctuation qui lui est propre :

Je puis citer ici les noms de ceux de nos collègues auxquels vous prétendez infliger cette honte. Le voulez-vous ? (De nombreux cris s’élèvent : : « Lisez ! Lisez ! ») Eh bien ! votre attente sera vaine…

10. Une citation en langue étrangère, interrogative, exclamative où accompagnée de points de suspension et suivie, entre parenthèses, de sa traduction française, est toujours accompagnée immédiatement du signe de ponctuation qui lui est nécessaire. Le texte français possède également, et placée avant, la parenthèse finale, sa ponctuation propre :

Dans le couloir, la fille chuchota avec révérence :
xxxx — Er ist schneidig ! (Il est coupant !)
xxxx — C’est des hommes importants, fit la vieille…

11. Lorsque le point est la ponctuation nécessitée par la citation en langue étrangère, accompagnée de sa traduction française entre parenthèses, on peut facultativement : 1° placer ce point avant la parenthèse initiale : la traduction française prend alors la grande capitale et le point final avant le dernier signe de parenthèse ; 2° ou le rejeter après la parenthèse, le texte français ne possédant alors aucune ponctuation :

Partout où Il passe, Il peut dire : Venite ad me omnes et ego reficiam vos (« Venez à moi, et je vous soulagerai. ») Car Il a vraiment un remède pour tous les maux…


ou :

Partout où Il passe, Il peut dire : Vénite ad me omnes et ego reficiam vos (« venez à moi, et je vous soulagerai »). Car Il a vraiment…

Il paraît préférable à tous égards de suivre la règle appliquée dans le premier exemple de ce paragraphe.

12. Lorsqu’après une citation, dans un texte courant ou dans une note, sont intercalées entre parenthèses des indications de sources, le point final de la citation, précédé ou suivi, le cas échéant, du guillemet, se place avant la parenthèse ; celle-ci, considérée comme indépendante, prend alors avant le dernier signe la ponctuation qui lui est particulière :

Voici la loi que Jésus-Christ lui-même a donnée à ses apôtres : « Que celui qui parmi vous est désigné comme le premier sache qu’il est votre serviteur. » (Matth., xx, 26.)

13. Cependant bon nombre d’imprimeries, afin d’obtenir, pour leurs travaux, une « marche » absolument régulière, composent toujours, en considérant la parenthèse comme dépendante :

« Je vous ai donné un exemple, dit Jésus-Christ à ses apôtres, après leur avoir lavé les pieds, afin que ce que je vous ai fait vous le fassiez aussi » (. Joan., xiii, 15).

Il faut, d’ailleurs, faire remarquer que cette méthode n’est pas à recommander, encore moins à suivre. La plupart des auteurs typographiques conseillent en effet de considérer, dans les cas analogues à celui de l’exemple cité ici, l’intercalation entre parenthèses comme entièrement indépendante.
xxxx Desormes, entre autres, dit catégoriquement : « Dans un passage guillemeté, l’indication de l’origine, de la source…, se met entre parenthèses après le guillemet, lequel appartient à la citation[6] » :

« Le tombeau de Byrsa ne devait pas être, à l’origine, entièrement « caché sous le sol. » (A.-L. Delattre, Antiquités africaines, t. III, p. 246.)

Et plus loin[7] : « … Si l’intercalation ou l’indication est placée après une phrase complète,… alors deux signes de ponctuation sont nécessaires, un à la fin de la phrase, et l’autre après l’indication, avant la dernière parenthèse :

D’après les renseignements fournis par M. Malaper, la mosaïque avait 3m,50 de long. (Voir la Revue archéologique, t. XXII, chap. ix, pl. II, p. 41.)

14. Si la référence ou l’indication de source se trouve au milieu de la phrase, on la considère comme texte explicatif et parenthèse dépendante (sauf dans le cas du paragraphe 16, exemple 4) : la ponctuation, lorsqu’elle existe, doit alors être rejetée après le signe final[8] :

Plus tard, parlant aux Juifs (Jean, viii, 28), Jésus fit une allusion aussi manifeste à son crucifiement.

15. D’après Dumont[9], « la ponctuation se place toujours après le signe de note » enfermé entre parenthèses :

Comme le démontrait éloquemment M. Glasson dans un discours prononcé à la Société d’Économie sociale, les notions élémentaires de justice et de morale sont obscurcies, mises en doute ou complètement ignorées (1).

(1) Réforme sociale, 1er juillet 1893, p. 5.

Cependant Th. Lefevre[10] met la ponctuation « avant le renvoi de note exprimé par un chiffre arabe entre parenthèses, si la phrase qui précède le renvoi se termine par un point d’exclamation ou d’interrogation ; mais, si le renvoi de note est exprimé par un simple chiffre supérieur ou une astérisque, elle se met après ».

Voici les exemples appliqués aux deux cas envisagés par Th. Lefevre :

1o L’aphorisme de Rousseau : « L’homme essentiellement bon n’a qu’à suivre les tendances de la nature », cet aphorisme deviendrait-il la base d’une nouvelle morale ?[11]
xxxx 2o En vain le bourgeois opposera « les lois universelles imposées à l’humanité, la morale, le bon sens, la nécessité de la résignation, la patrie, etc. » Que pèsent ces mots pour qui ne croit plus qu’aux besoins de son ventre et aux joies de sa haine[11] ?

Il faut convenir que les raisons déterminantes de cette double règle sont plutôt difficiles à expliquer.

16. Lorsque, dans un texte cité, un auteur intercale un mot, une fraction de phrase ou même une phrase entière n’existant pas dans le texte original, il est utile parfois d’appeler sur ce fait l’attention du lecteur ; à cet effet, on place entre crochets le mot ou le passage ainsi interpolé. Mais, abusivement, quelques écrivains, au lieu des crochets, exigent l’emploi des parenthèses. Pour l’emploi de la ponctuation, on suit, dans ce cas, les règles ordinaires, sans tenir compte de la présence des parenthèses ou des crochets :

Le texte grec dit seulement : se présentant comme dans les peintures, [c’est-à-dire] voulant parler, sous-entendez : et ne le pouvant pas
xxxx Nous n’avons pas, [Messieurs, de la Société d’Encouragement], à vous proposer de voter les remerciements que la Société est dans l’usage d’adresser à ceux…
xxxx Berger dénature le sens du mot quand il dit (ouvrage cité, p. 166-167) : « D’après un passage de Suétone, (Livius Andronicus) lisait d’abord à ses élèves les vers qu’il avait composés, avant de les soumettre à l’appréciation du public. »
xxxx M. Ch. Longchamps a composé : … 6o l’Ivrogne corrigé, comédie en un acte et en prose ; (en société avec M. Jouy) 7o Comment faire ? vaudeville [11].

L’interpolation peut d’ailleurs occuper n’importe quelle place dans la phrase et se trouver même au début d’un alinéa[12].

17. Le point et virgule, le deux-points, la virgule ne se placent jamais avant une parenthèse dépendante, sauf dans les cas bien déterminés aux paragraphes 16 et suivante.
xxxx La ponctuation de la phrase suivante est donc mauvaise :

Il est assez piquant de rapprocher de ce passage un curieux fragment, (cité par Clément d’Alexandrie, Stromates, v, 718), dans lequel Eschyle identifie, au contraire, Zeus avec l’Ether, la Terre, le Ciel et le Tout : …

18. Les parenthèses employées dans la composition des formules chimiques n’empêchent point avant elles l’emploi de la ponctuation régulière, nécessitée par la rédaction de la phrase :

On connaît également un tungstate acide de sodium, pour lequel ou a donné la formule, d’une part, (Na2 O)3, 7 WO3 (Lotz et Schleiber) et, d’autre part, (Na2 O)5, 12 WO3 (Laurent et Marignac), que l’on prépare comme le sel…

19. Lorsque la première ou la dernière partie d’une intercalation entre parenthèses est en italique et le reste en romain, les parenthèses doivent être prises dans ce dernier caractère.
xxxx « Par contre, si les mots sont en italique, elles obéiront à cette exigence[13]. »

Cependant Daupeley-Gouverneur écrit : « À l’égard des parenthèses romaines ou italiques, s’il est facultatif d’employer les unes ou les autres pour renfermer des mots en italique ayant pour voisins des mots en romain, il est indispensable de les mettre italiques dans un texte italique :

Lyon pouvait être cité comme un des marchés les plus célèbres de l’Europe (celeberrimum totius Europæ emporium). Beaucoup de marchands étrangers venaient s’y fixer.

« Nous conseillons, pour le premier cas, d’adopter toujours les parenthèses romaines, comme nous l’avons fait dans notre exemple, parce qu’on évitera ainsi d’être forcé, quelquefois, de mettre en regard deux parenthèses différentes, ce qui, on peut le voir, produit un fâcheux effet[14] :

L’auteur a signalé des extraits de ce livre (Romania, V, 245). »

Dès lors, le bon goût et l’esthétique demandent que les signes de ponctuation, virgule, point-virgule, deux-points, points d’exclamation et d’interrogation, qui suivent immédiatement la parenthèse finale italique, soient également en italique, même s’ils appartiennent à une phrase composée en romain.

20. Dans son Traité pratique de Ponctuation, Tassis donne un exemple typique d’intercalation déguisée, parfois employée de nos jours dans certaines publications d’un genre tout spécial :


Croyez-moi, prince, préparez-vous à
la mort : aussi bien vous sied-il mal de
vous défendre. Qui veut vous perdre est
ami de l’État. On ne peut rien voir de
plus coupable que vous. Ceux qui,
par un véritable zèle pour le roi,
vous ont rendu si criminel, étaient
honnêtes gens, et incapables d’être
subornés. Je prends trop d’intérêt à
tous les maux que vous avez faits en
votre vie pour vouloir vous taire
que l’arrêt de votre mort n’est plus
un si grand secret. Les scélérats
(car c’est ainsi que vous nommez ceux
qui ont osé vous accuser) méritaient
aussi justement récompense que vous
la mort qu’on vous prépare ; votre seul
entêtement vous persuade que votre seul
mérite vous a fait des ennemis,
et que ce ne sont pas vos crimes
qui causent votre disgrâce. Niez,
avec votre effronterie accoutumée,
que vous ayez eu aucune part à
tous les criminels projets de
la conjuration d’Amboise. Il n’est pas,
comme vous vous l’êtes imaginé, im-
possible de vous en convaincre ; à
tout hasard, recommandez-vous à
Dieu[15].

21. Dans les développements ou les restitutions d’inscriptions anciennes donnés à la suite de la reproduction du texte, plus ou moins tronqué, de l’inscription, on place entre parenthèses les mots omis à dessein par le graveur ou par l’auteur de l’inscription[16].

22. Les lettres bas de casse, italique ou romain, les grandes capitales romain ou italique, les chiffres romains ou arabes, indiquant les divisions d’alinéas, de paragraphes, d’articles, etc., et figurant soit au début, soit à l’intérieur du texte, ou précédant un titre isolé en vedette, peuvent être accompagnés d’une parenthèse : celle-ci est toujours la parenthèse finale et est collée à la lettre ou au chiffre qu’elle suit :

Si la souscription a eu lieu dans un bureau de poste ou aux guichets d’une caisse d’épargne ordinaire : a) à la caisse du receveur des finances de l’arrondissement (trésorier général ou receveur des finances) lorsque la résidence du receveur des postes ou le siège de la caisse d’épargne est chef-lieu d’arrondissement ; b) à la caisse du percepteur de la commune où est située la recette des postes ou la caisse d’épargne dans le cas contraire.

A) Sa méthode de composition

a) Quels sont, en somme, les procédés d’invention du fabuliste ?

a) Directeurs et Commis d’agence

La circulaire ministérielle du 25 janvier 1915 a réglé définitivement les conditions du programme…

Bon nombre d’auteurs et, après eux, de compositeurs et de correcteurs commettent une erreur en faisant précéder d’une parenthèse initiale la lettre indicative de divisions.

23. La parenthèse finale exclut, en outre : a) après les chiffres romains ou arabes (1°, 2°, I°, II°), l’emploi de la lettre supérieure ° ; b) après elle, le point abréviatif de division ; c) et aussi le tiret ou moins.

24. Quelques auteurs emploient parfois les parenthèses pour désigner divers passages de leurs ouvrages dont la lecture est inabordable ou inutile pour certains lecteurs.
xxxx D’autres écrivains utilisent de préférence, pour ce même objet, les crochets ou encore un astérisque.

25. Certains auteurs, au lieu de parenthèses, se servent assez fréquemment de tirets ou moins[17].



  1. Manuel de l’Apprenti Compositeur, p. 126.
  2. Petit Manuel de Composition, p. 22.
  3. Nouveau Manuel de Typographie, p. 57.
  4. Guide pratique du Compositeur et de l’Imprimeur typographes, p. 20.
  5. Le Compositeur et le Correcteur typographes, p. 111.
  6. Notions de Typographie, p. 279. — Il faut observer que, dans l’exemple rapporté, comme dans celui qu’il donne à la page 280, Desormes place, en contradiction avec son opinion, le point terminant le texte de l’intercalation après la parenthèse finale, fauté Évidente (corrigée ici).
  7. p. 280.
  8. Daupeley-Gouverneur, le Compositeur et le Correcteur typographes, p. 114.
  9. Vade-Mecum du Typographe, p. 98.
  10. Guide pratique du Compositeur et de l’Imprimeur typographes, p. 40.
  11. a, b et c D’après Frey, Nouveau Manuel complet de Typographie, revu par E. Bouchez, p ; 324.
  12. Cette question de l’emploi de la ponctuation, soit avant, soit après les parenthèses, comme aussi après la phrase dépendante ou indépendante, est fort complexe. Les quelques exemples donnés ici, ainsi que les règles formulées, ne sont que des points de repère pouvant servir de guide au correcteur et l’aider à résoudre au mieux les nombreuses difficultés qu’il lui sera donné de rencontrer au cours de sa lecture.
  13. Desormes, Notions de Typographie, p. 279.
  14. Le Compositeur et le Correcteur typographes, p. 115.
  15. Cette lettre de Mme de Saint-André, lue tout d’une suite, devait tromper la surveillance des geôliers sur les relations du prince de Condé ; mais, si on la lisait en passant les lignes paires 2, 4, 6, 8, etc., jusqu’au bout, le billet devenait celui d’un complice et d’une amie. (Traité pratique de Ponctuation, p. 120.)
  16. Les exemples de ces restitutions ont été donnés au paragraphe 44 du chapitre xxvii, Tirets, et au paragraphe 3 du chapitre xxix, Crochets.
  17. Voir le chapitre XXVII, Tirets.